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Perception et action : étude comparative entre un patient avec lésions bilatérales du cortex visuel primaire et un groupe contrôle

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Master

Reference

Perception et action : étude comparative entre un patient avec lésions bilatérales du cortex visuel primaire et un groupe contrôle

STORELLI, Irina

Abstract

Dans la littérature, plusieurs auteurs se sont intéressés à la dissociation entre perception et action. En effet, des nombreuses évidences neuropsychologiques ont permis de montrer que, suite à dans l'aire visuelle primaire, l'action dirigée vers un objet est possible même si l'objet n'est pas perçu consciemment. Ce phénomène est appelé "action-blindsight". TN, un patient qui a perdu complétement la vision après ses dysfonctionnements cérébraux, a démontré une dissociation dans la discrimination de stimuli entre deux modalités de réponses : une condition de pointage et une condition de réponse symbolique gauche/droite, en étant nettement meilleur dans la condition de pointage. Le but de l'étude est de tester cette dissociation dans un groupe contrôle en utilisant une tâche ne faisant pas appel à la conscience perceptive. Les résultats n'ont pas permis de montrer cette dissociation dans le groupe contrôle, cela est très probablement dû à des limites méthodologiques de la tâche experimentale utilisée.

STORELLI, Irina. Perception et action : étude comparative entre un patient avec lésions bilatérales du cortex visuel primaire et un groupe contrôle. Master : Univ.

Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23418

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Perception et action :

étude comparative entre un patient avec lésions bilatérales du cortex visuel primaire et un groupe contrôle

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS :

COGNITIVE ET CLINIQUE

Par Irina Storelli

DIRECTEUR DU MEMOIRE Professeur Dirk Kerzel

JURY

Professeur Alan J. Pegna

Nicolas Burra, assistant et doctorant

Genève, août 2012

Université de Genève

Faculté de Psychologie et Sciences de l’éducation Section Psychologie

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RESUME

Dans la littérature, plusieurs auteurs se sont intéressés à la dissociation entre

perception et action. En effet, des nombreuses évidences neuropsychologiques ont permis de montrer que, suite à dans l'aire visuelle primaire, l'action dirigée vers un objet est possible même si l'objet n'est pas perçu consciemment. Ce phénomène est appelé "action-blindsight".

TN, un patient qui a perdu complétement la vision après ses dysfonctionnements cérébraux, a démontré une dissociation dans la discrimination de stimuli entre deux modalités de réponses : une condition de pointage et une condition de réponse symbolique gauche/droite, en étant nettement meilleur dans la condition de pointage. Le but de l'étude est de tester cette dissociation dans un groupe contrôle en utilisant une tâche ne faisant pas appel à la conscience perceptive. Les résultats n'ont pas permis de montrer cette dissociation dans le groupe contrôle, cela est très probablement dû à des limites méthodologiques de la tâche experimentale utilisée.

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REMERCIEMENTS

En premier lieu, j’aimerais remercier mon superviseur Nicolas Burra qui m’a soutenue et aidée durant tout mon travail de maîtrise. Son aide, ses conseils, sa disponibilité et le temps qu’il m’a consacré ont été éssentiels dans la réussite de ce travail.

Un grand merci également au Professeur Dirk Kerzel pour sa disponibilité et pour tout ce qu’il est parvenu à me transmettre.

Un merci particulier au Professeur Alan J. Pegna qui a accepté de faire partie de mon jury.

J’aimerais remercier encore toute l’équipe du laboratoire de Cognition Visuelle : vous êtes formidables et je vous remercie surtout de m’avoir fait passer de beaux moments en me faisant toujours sentir à l’aise.

Un grand merci à ma famille :

Alla mia mamma e al mio papà che mi hanno sempre sostenuto e che erano sempre presenti nel momento del bisogno. Non potrò mai ringraziarvi abbastanza per tutto quello che fate per me.

Alla mia sorella Elisa che nonostante la distanza è sempre pronta ad ascoltarmi e a consigliarmi.

Al mio ragazzo Daniel che mi è sempre stato vicino e che mi ha motivato nei momenti di sconforto.

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TABLE DES MATIERES

Introduction ... 5

1. Introduction générale sur les voies visuelles ... 6

2. La conscience perceptive ... 7

2.1. Définition ... 7

2.2. La conscience perceptive au niveau cérébral ... 8

3. Le patient : TN ... 10

3.1. L’histoire ... 10

3.2. Capacités résiduelles de TN ... 12

4. Le « blindsight » et la vision grâce à l’action ... 14

4.1. Le « blindsight » ... 14

4.2. La vision grâce à l’action ... 16

4.2.1 Dissociation entre perception et action chez des sujets contrôles. ... 17

5. Objectifs et hypothèse de recherche ... 19

5.1. Objectifs ... 19

5.2. Hypothèse de recherche ... 20

Méthode ... 21

1. Participants ... 21

2. L’instrumentation et les stimuli ... 21

3. La procédure et le design expérimental ... 22

4. Analyses statistiques ... 24

Résultats ... 25

1. Expérience 1 ... 25

2. Expérience 2 ... 26

Discussion ... 27

1. Discussion des résultats ... 27

1.1. Les résultats de la population contrôle ... 27

1.2. Les résultats de TN ... 28

1.3. Hypothèses pour expliquer le manque de résultats ... 30

2. Limites et perspectives ... 33

Bibliographie ... 36

Annexes ... 40

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Introduction

L’idée à la base de mon mémoire part de l’observation d’une dissociation étudiée chez un patient (TN) souffrant d’une lésion cérébrale couvrant les deux aires visuelles primaires.

Cependant, malgré l’absence de ces aires cérébrales et donc d’une perte du traitement visuel primaire, certaines capacités semblent subsister. En effet, TN est capable de détecter au-delà de la chance l’apparition de certains types de stimuli visuels : on appelle ce phénomène

« vision aveugle » ou « blindsight ». Plus précisément, ce patient a montré une capacité à discriminer la position d’une cible selon la modalité de réponse utilisée. Dans la tâche expérimentale, le patient devait discriminer un cercle latéralisé (d’angle visuel de 4°), soit avec une réponse motrice symbolique (appuyer à gauche ou à droite), soit en le pointant du doigt. Les résultats ont mis en évidence que la discrimination gauche/droite ne semble pas possible alors que la capacité de pointer une cible semble persister. En d’autres termes, étant donné que les deux conditions sont des réponses motrices, ce qui lui permet de pouvoir discriminer ces cercles visuels c’est le fait d’agir sur l’environnement, c’est-à-dire

d’entreprendre une action dirigée vers un but. Suite à cette observation, la question que nous nous sommes posée a été de savoir si nous pouvions aussi trouver cette dissociation chez des personnes sans lésion cérébrale. Nous avons donc imaginé une tâche ne faisant pas appel à la conscience perceptive, comme dans le cas du « blindsight », et nous avons maintenu les deux modalités de réponse utilisées dans la tâche originale.

Dans la première partie, nous ferons d’abord une introduction générale sur les voies visuelles au niveau cérébral pour ensuite nous arrêter sur les questions suivantes : qu’est-ce que la conscience perceptive ? Les aires visuelles primaires sont-elles nécessaires pour avoir une vision consciente ? Ensuite, nous vous présenterons le patient et ses capacités visuelles résiduelles. Enfin, nous parlerons du phénomène « blindsight » et du traitement visuel préférentiel utilisé lors d’une action dirigée vers un but. Ces derniers seront expérimentés chez deux types de sujets différents : chez des patients souffrant d’un dysfonctionnement cérébral dans l’aire visuelle primaire, comme TN, et chez des sujets tout-venants. Cette partie se terminera avec les objectifs et l’hypothèse de recherche. La suite du travail consistera à, d’une part, expliquer la méthode utilisée pour la tâche expérimentale, les analyses statistiques faites et les résultats obtenus par la population contrôle et, d’autre part, à expliquer ces

résultats au regard des résultats obtenus par TN.

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1. Introduction générale sur les voies visuelles

Le fait de se promener dans un parc et de voir un oiseau ne nous semble aucunement complexe. Pourtant, entre la lumière projetée sur notre rétine et la reconnaissance consciente de la présence d’un oiseau, l’information doit être traitée à différents niveaux. La perception consciente de la scène visuelle est, en effet, donnée par un ensemble d’informations visuelles qui proviennent de différentes structures ainsi que de feedback rétroactifs (Silvanto, 2008). Il n’y a donc pas que les aires visuelles primaires qui sont nécessaires pour une vision

consciente (Tong, 2003).

La scène visuelle est tout d’abord projetée sur la rétine qui, grâce aux photorécepteurs, aux cellules bipolaires et aux cellules ganglionnaires, passe l’information aux régions

cérébrales. Une fois que cette information rétinienne passe dans les régions cérébrales, elle suit principalement deux voies : la voie visuelle primaire et la voie rétino-tectale (Tong, 2003).

La voie visuelle primaire, également appelée voie rétino-géniculo-striée, constitue la majorité des fibres du nerf optique et est responsable de la majeure partie de la perception visuelle consciente. Les axones des cellules ganglionnaires prennent la voie du nerf optique jusqu’au chiasma optique (à la base du diencéphale). A ce moment, environ 60% des fibres croisent le chiasma tandis que les 40% restants restent du même côté. Ensuite, ces axones forment le tractus optique qui contient l’information de l’hémichamp visuel provenant de chaque œil. Ensuite, les axones des cellules ganglionnaires poursuivent leur route vers le corps genouillé latéral du thalamus qui, grâce aux radiations optiques, envoie ces axones dans le cortex visuel primaire (ou cortex strié) (Purves et al., 2007).

Toutefois, lorsque l’information visuelle arrive dans le tractus optique, le corps genouillé latéral n’est pas l’unique cible : d’autres voies forment les voies secondaires de la vision, dont une d’entre elles est la voie rétino-tectale. Cette voie a pour cible le colliculus supérieur qui coordonne les mouvements de la tête et des yeux vers des cibles visuelles. En effet, environ 10% des fibres de la rétine aboutissent à cette structure qui est particulièrement importante pour le ciblage spécifique des saccades oculaires. Pour finir, les neurones

poursuivent leur tracé vers une autre structure, le pulvinar, qui se trouve dans la région postérieure du thalamus. (Purves et al., 2007).

Le traitement visuel primaire se propage ensuite dans les aires visuelles secondaires.

De l’aire visuelle primaire (V1), l’information passe vers l’aire visuelle secondaire (V2) et se

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répand ensuite dans le reste du cortex en suivant deux grandes voies : la voie dorsale et la voie ventrale.

La voie ventrale se propage des lobes occipitaux aux régions temporales via les aires extra-striées V4 pour ensuite connecter les autres structures temporales et frontales. Cette voie est responsable de la vision détaillée des formes et de la reconnaissance des objets ainsi que des couleurs (Purves et al., 2007). Elle entre aussi en jeu dans d’autres processus comme la mémoire épisodique, la mémoire de travail et la prise de décision. (Brogaard, 2011).

La voie dorsale, qui passe par les aires V5 et se termine dans les régions pariétales, prend en charge les aspects de la vision tels que l’analyse du mouvement ou la reconnaissance des relations de position entre les objets de la scène visuelle (Purves et al., 2007). Cette voie est principalement dédiée à la conduite rapide et correcte des mouvements, capacité soutenue par les lobes pariétaux, impliqués dans le contrôle automatique des actions guidées par la vision (Brogaard, 2011 ; Danckert & Rossetti, 2005).

Toutes ces voies visuelles donnent, comme nous l’avons dit au début, une perception consciente de la scène visuelle. Nous allons la détailler dans le chapitre suivant.

2. La conscience perceptive

2.1. Définition

Dans la littérature, la conscience perceptive a été souvent déterminée en trouvant une dissociation entre deux mesures de la perception : une mesure subjective et une mesure objective. Avec la mesure objective, la discrimination entre deux stimuli marquerait la

conscience perceptive, même si implicite, et l’absence de discrimination marquerait l’absence de conscience. Avec la mesure subjective nous pouvons au contraire mesurer la conscience totale du stimulus (rapporté par les participants) et un traitement implicite, où les participants font une discrimination sans pouvoir consciemment percevoir les stimuli (Merikle, Smilek, &

Eastwood, 2001). Ces deux mesures provoqueraient des états différents de conscience : le premier serait une absence totale de conscience perceptive, avec une absence de traitement à cause des stimuli trop dégradés ; le deuxième donnerait lieu à un état de conscience

perceptive implicite où le participant peut faire des discriminations entre des stimuli sans en avoir vraiment conscience ; et le dernier serait la conscience perceptive, où le stimulus est discriminé consciemment et où le sujet peut donc le décrire verbalement ou le mémoriser (Merikle et al., 2001).

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Cette définition est néanmoins incomplète, car elle ne tient pas compte de l’attention que le sujet peut apporter à la tâche. Daheane et al., (2006) ont donc proposé une nouvelle taxonomie. Selon ces auteurs, il y aurait trois manières de traiter l’information : le traitement subliminal, le traitement préconscient et le traitement conscient. Pour avoir un traitement conscient, trois facteurs doivent être présents : l’état de vigilance, la force d’activation du stimulus (processus bottum-up) et l’attention du sujet (processus top-down) qui est un état nécessaire mais pas suffisant. Dans ce type de traitement, le sujet est capable de rapporter explicitement ce qu’il a vu et de le mémoriser. Le traitement subliminal (ou non conscient) est défini comme un traitement en-dessous du seuil de conscience, où la force d’activation du stimulus (le processus bottom-up) est insuffisante pour qu’une prise de conscience puisse avoir lieu. Dans ce traitement, les processus d’attention peuvent être présents ou pas. En effet, l’attention dans ce cas peut amplifier le traitement du stimulus, mais il reste néanmoins au niveau subliminal car l’activation de ce dernier est faible. Enfin, il y a un traitement

préconscient, c’est-à-dire un traitement où la force d’activation du stimulus est forte, mais à cause d’un manque d’attention du sujet, ce traitement ne peut pas être entièrement conscient.

2.2. La conscience perceptive au niveau cérébral

Au niveau cérébral, beaucoup de chercheurs soutiennent actuellement que V1 joue un rôle essentiel dans la perception consciente de la scène visuelle, mais le rôle de cette région dans la conscience perceptive est encore largement débattu (Tong, 2003).

Les études sur les lésions cérébrales dans l’aire visuelle primaire semblent indiquer que V1 est nécessaire pour une vision normale et pour une conscience perceptive. En effet, une petite lésion dans cette région provoque une perte du champ visuel. Pour rendre compte de cette évidence, la littérature propose différents modèles : selon le modèle hiérarchique, seules les aires extra-striées sont directement impliquées dans la conscience visuelle, et une lésion dans V1 interrompt le flux d’information vers ces aires. Par conséquent, selon ce modèle, l’input visuel est analysé à des niveaux croissants de complexité et spécificité et devient ainsi de plus en plus accessible à la conscience. Dès lors, les aires comme V4 et MT représentent les informations conscientes sur les couleurs et le mouvement, tandis que V1 fournit juste les informations nécessaires pour ce traitement sans avoir une fonction directe dans l’information visuelle consciente. En conclusion, ce modèle prédit que la conscience perceptive est fortement corrélée avec les aires extra-striées et que l’interruption de l’activité en V1 n’affecterait pas la conscience perceptive si les régions extra-striées restaient intactes (Tong, 2003).

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Un autre modèle, le modèle interactif, propose que V1 participe directement dans la conscience visuelle perceptive, en formant un circuit dynamique avec les aires extra-striées L’aire striée semble donc envoyer et recevoir une quantité importante d’informations avec les autres aires visuelles, notamment avec les aires extra-striées (Tong, 2003). Les études utilisant la stimulation magnétique transcraniale (TMS) ont permis de mettre en évidence que lorsque le signal entre les régions extra-striées et l’aire visuelle primaire est interrompu, le traitement conscient des stimuli devient moins bon, voire impossible (Corthout, Uttl, Walsh, Hallett, &

Cowey, 1999). Les feedback des aires extra-striées sur V1 semblent donc être une étape nécessaire pour avoir une perception consciente de la scène visuelle, ce qui est incompatible avec le modèle hiérarchique (Silvanto, 2008). En conclusion, ce modèle prédit qu’une interruption de l’activité de V1 pourrait toujours affecter la conscience perceptive, même si les aires extra-striées sont intactes (Tong, 2003).

Les études sur des personnes ayant des dysfonctionnements cérébraux nous permettent d’éclaircir certains points. Nous allons nous intéresser plus particulièrement à des personnes qui ont eu des lésions dans les aires visuelles primaires et qui présentent parfois le phénomène

« blindsight » : la capacité de pouvoir discriminer des stimuli, avec un paradigme à choix forcé, sans pourtant avoir conscience de ces stimuli. Ce phénomène nous amène à penser qu’il y a une dissociation entre le traitement de l’information et la conscience perceptive (Tong, 2003). Néanmoins, pour présenter ce type de phénomène, il semble essentiel d’avoir des aires extra-striées intactes. En effet, des études d’imagerie cérébrale ont montré qu’il existait une activité cérébrale dans les aires extra-striées (MT/V3 pour les mouvements et V4/V8 pour les couleurs) pendant une stimulation du champ aveugle, alors qu’en V1, il n’y avait pas

d’activation (Goebel, Muckli, Zanella, Singer, & Stoerig, 2001). Ceci semble démontrer qu’une certaine sélectivité du stimulus reste présente dans les aires extra-striées mais ceci est insuffisant pour supporter la conscience perceptive sans V1. En d’autres termes, le signal est trop dégradé pour être entièrement reconnu, mais est suffisant pour supporter une

discrimination à choix forcé. De l’autre côté, des lésions focales dans les aires extra-striées peuvent produire des déficits assez spécifiques. Par exemple, une lésion dans l’aire de V4 produira un déficit dans la perception des couleurs (Tong, 2003).

Finalement, toutes ces constatations et les études de neuro-imagerie ont permis de conclure qu’une seule aire cérébrale n’était pas suffisante pour nous donner une perception consciente de la scène visuelle. Plus spécifiquement, pour ce qui concerne V1, cette aire semble jouer un rôle fondamental dans la conscience visuelle et elle est nécessaire, mais elle n’est pas non plus suffisante (Tong, 2003). En effet, s’il y a beaucoup d’autres aires qui

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entrent en jeu pour un traitement visuel conscient, comme les aires extra-striées ou les régions pariétales, ce qui semble fondamental, ce sont les boucles de rétroactions que les aires

supérieures envoient vers l’aire visuelle primaire (Silvanto, 2008).

La perte de la conscience visuelle peut surgir à la suite de différents

dysfonctionnements cérébraux. Nous nous intéresserons principalement au manque de

conscience du à la perte d’une portion du champ visuel. Pour cela, il faut garder à l’esprit que l’image visuelle qui se forme sur la rétine est inversée dans plusieurs sens : de haut en bas mais aussi de droite à gauche. Ainsi, par exemple, les informations qui proviennent de la moitié gauche du champ visuelle seront représentées dans l’hémisphère droit et vice-versa, et ces relations spatiales sont préservées dans les structures visuelles centrales (Purves et al., 2007).

Le premier déficit visuel que nous pouvons relever à la suite d’un dysfonctionnement cérébral au niveau de la voie visuelle primaire est une hémianopsie : la perte de la vision dans un hémichamp visuel. Elle peut être bitemporale si la lésion se situe dans le chiasma optique ou homonyme si la lésion survient dans un des deux tractus optiques ou dans un des deux cortex striés. Si la lésion touche seulement une partie d’un des deux cortex striés, elle provoque ce qu’on appelle une quadranopsie, c’est-à-dire une perte de la vision dans une quart du champ visuel. Dans de très rares cas, elle provoque ce qu’on appelle la cécité corticale : l’abolition de la vision dans tout le champ visuel en lien avec une destruction du cortex visuel primaire (cortex strié) dans les deux hémisphères (Purves et al., 2007).

3. Le patient : TN

Comme nous le verrons dans le sous-chapitre suivant, le patient TN est un cas très rare car il présente une cécité corticale. Par conséquent, grâce à ce patient, il est possible d’étudier ce qui survient lorsqu’il y a un manque total de conscience perceptive visuelle.

3.1. L’histoire

TN est un homme de 56 ans, médecin, qui a souffert de deux AVC consécutifs à 36 jours d’intervalle. Le premier accident vasculaire cérébral a touché les aires pariéto- temporo-occipitales gauches. Cette lésion a endommagé la majeure partie du lobe occipital, en laissant intacte la partie ventro-médiane du gyrus occipital inférieur et la partie antérieure du gyrus lingual. Antérieurement, la lésion s’étendait jusqu’à la partie médiane du gyrus fusiforme laissant intacte la majeure partie du gyrus parahippocampique. La lésion touchait latéralement le gyrus temporal inférieur et dorsalement le lobule pariétal supérieur en

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épargnant la partie ventrale du précuneus (Figure 1) (De Gelder et al., 2008). Ce premier AVC lui a causé une hémiplégie droite et une aphasie transcorticale sensorielle qui a rapidement régressé. De plus, cet accident vasculaire cérébral lui a causé une persistante hémianopsie homonyme droite.

La deuxième hémorragie s’est produite dans le lobe occipital, causant la perte de la vision dans l’hémichamp gauche restant. Cette lésion est plus petite que la première, mais elle inclut la majeure partie du lobe occipital droit, laissant intacte la partie médiane du gyrus lingual postérieur et la partie médiane du précuneus. Antérieurement, la lésion s’étirait jusqu’à la moitié du gyrus fusiforme et incluait la partie postérieure du gyrus temporal inférieur, mais avait laissé intact le gyrus parahippocampique (Figure 1) (De Gelder et al., 2008).

Figure 1 : Image par résonnance magnétique (IRM) anatomique (T1) en coupe axial de TN illustrant les lésions subies au niveau des cortex occipitaux

En conclusion, aucune activité cérébrale dans les aires visuelles primaires n’a pu être détectée en réponse à une série de stimuli, y compris un test rétinotopique et une présentation d’images « checkerboard », un échiquier avec des carrés noirs et blancs qui change à des intervalles réguliers. Malheureusement, lors de ces tests, il était impossible de contrôler la fixation du patient à cause du handicap visuel du patient. De ce fait, De Gelder et al. (2008) n’ont pu conclure que tout le cortex visuel était endommagé. Néanmoins, ils ont indiqué qu’il s’agissait d’une supposition raisonnable car tous les tests avaient donné des résultats négatifs et que, au niveau comportemental, TN se comportait comme un aveugle (par exemple, il utilise une canne pour marcher ou il n’a aucune conscience des stimuli qui lui sont présentés).

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Au final, les auteurs ont affirmé qu’à la suite des dysfonctionnements cérébraux décrits auparavant, TN avait totalement perdu la vue.

3.2. Capacités résiduelles de TN

Le cas de TN, qui présente donc une cécité corticale, est très rare. Il a ainsi naturellement suscité l’intérêt de beaucoup de chercheurs qui se sont interrogés sur les possibles capacités visuelles restées intactes après la perte des deux aires visuelles primaires et donc, sur les traitements non-conscients de l’information visuelle qui sont encore possibles.

Une première capacité résiduelle de TN a été relevée par Pegna, Khateb, Lazeyras et Seghier (2005) : TN est capable de détecter des visages émotionnels en dehors de la

conscience visuelle. Le patient est capable de choisir en choix forcé si le visage représente par exemple de la joie ou de la peur, cela au-dessus du seuil du hasard. Cette capacité de

discrimination résiduelle chez TN n’a pas pu être mise en évidence avec aucun autre stimulus, ni par le mouvement, ni par les couleurs, ni encore par la présence d’une forte lumière. Ceci est très particulier car le phénomène de vision aveugle a été démontré pour ce genre de

présentation, alors que chez TN, il est uniquement présent pour les visages émotionnels. Cette capacité résiduelle est appelée « affective-blindsight ». De plus, afin de mieux comprendre les sous-bassements cérébraux mis en place lors de cette perception non-consciente, le cerveau de TN a été analysé au moyen de l’imagerie à résonnance magnétique fonctionnelle. Face à différents visages avec plusieurs types d’expressions (peur, joie, effroi ou neutre) les auteurs ont pu démontrer une activité majeure de son amygdale droite pour les expressions

émotionnelles. Les visages émotionnels sont donc traités de manière non-consciente en accédant dans l’amygdale, une zone cérébrale au centre du traitement émotionnel, via une voie sous-corticale, probablement la voie rétino-tectale. (Pegna et al., 2005). Récemment, il a été mis en évidence que l’amygdale droite est activée aussi pour d’autres types de stimuli biologiques pertinents, comme le regard direct (Burra et al., soumis) en soulignant donc que plusieurs traitements non-conscients sont possibles grâce à l’activation de l’amygdale droite.

Cette activation serait soutenue par des voies sous-corticales, comme la voie rétino-tectale.

Suite aux dysfonctionnements cérébraux une autre capacité visuelle résiduelle a été mise en évidence chez TN : la capacité de navigation (De Gelder et al., 2008). Lors d’une expérience, les auteurs ont mis en place un parcours, dans un long couloir jonché d’obstacles : chaises, boîtes, etc. La consigne donnée au patient était de marcher le long de ce couloir, sans l’aide de personne et sans aucun bâton. Le patient a été capable de parcourir tout le couloir sans jamais entrer en collision avec les obstacles. Cette démonstration suggère que les voies

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extra-striées peuvent soutenir des capacités visuo-spatiales et ceci en l’absence de la conscience perceptive.

Lors de cette dernière expérience, une autre capacité visuelle résiduelle a été testée par De Gelder et al., (2008): la capacité de pointage. Les auteurs ont tout d’abord voulu tester si le patient avait encore un reste de vision consciente : les expérimentateurs lui ont présenté des cercles blancs (d’angle visuel de 1°) qui restaient affichés pendant 300 ms sur un écran noir et apparaissaient dans 64 positions différentes (16 stimuli pour chaque quadrant visuel). Deux sons différents signalaient l’apparition du stimulus et sa disparition. Le patient devait

rapporter verbalement quand il apercevait un changement. La même procédure a été utilisée pour d’autres stimuli qui étaient les mêmes mais qui clignotaient à une fréquence de 20 Hz.

Les résultats ont montré que TN était complètement aveugle dans tout son champ visuel pour ces deux types de stimuli. Suite à cela, des tâches de pointage lui ont été proposées : dans la première, les stimuli étaient toujours des cercles blancs qui apparaissaient dans les quatre quadrants visuels et TN devait déterminer la position du stimulus en le pointant avec son index. La même procédure a été utilisée avec des cercles qui clignotaient à une fréquence constante de 20 Hz. Pour ces deux tests, TN a obtenu des performances similaires et les deux fois au-dessous de la chance. Finalement, un dernier test lui a été soumis : la procédure était strictement la même que les deux tests précédents, mais cette fois-ci les stimuli étaient de grands cercles (angle visuel de 3°) qui clignotaient à une fréquence de 20 Hz. Ce test a permis de mettre en évidence les seules faibles capacités résiduelles de pointage, car TN a

correctement pointé un peu plus de la moitié des stimuli présentés.

Cette faible capacité résiduelle a attiré l’attention des expérimentateurs et, quelques années plus tard, le patient a été à nouveau soumis à une série de tests de pointage (Buetti et al., soumis). Les expérimentateurs avaient cette fois simplifié la tâche : les stimuli étaient toujours de grands cercles (angle visuel de 4°) qui pouvaient soit clignoter, soit être statiques mais qui, cette fois, n’apparaissaient qu’à gauche ou à droite de l’écran. TN avait deux

modalités de réponses motrices : une première modalité consistait dans le pointage, donc dans une réponse motrice dirigée vers un but. Pour cette modalité, le patient avait son index sur une croix de fixation au milieu de l’écran et devait pointer à gauche ou à droite selon l’endroit où il pensait que le stimulus était apparu. L’autre modalité de réponse était toujours motrice, mais cette fois-ci elle n’était plus dirigée vers un but car TN avait les deux index sur l’écran et il devait juste lever l’index qui se trouvait du côté de l’apparition du stimulus. Les résultats ont été assez surprenants, TN avait correctement réalisé la tâche au-dessus de la chance quand il pouvait pointer et ceci tant pour les stimuli statiques que pour les stimuli clignotants. En

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revanche, il avait des performances au niveau du critère de la chance dans l’autre modalité de réponse pour les stimuli clignotants, les seuls à être testés (Buetti et al., soumis).

Contrairement à d’autres études où les réponses motrices dirigées vers un but sont comparées à des réponses verbales, dans cette étude, deux réponses motrices sont comparées. Cela a permis aux auteurs de se focaliser sur la manière dont le contrôle visuo-moteur et les actions dirigées vers un but peuvent s’intégrer pour permettre la localisation des stimuli perçus de façon non consciente, mais aussi d’affirmer que c’est le fait de pouvoir faire une action dirigée vers un but qui est à la base de la dissociation dans les performances visuelles non conscientes du patient (Buetti et al., soumis). Le patient présente donc le phénomène appelé

« action-blindsight » que nous allons voir plus en détail dans le chapitre suivant.

4. Le « blindsight » et la vision grâce à l’action

4.1. Le « blindsight »

La perte de la vision dans une portion du champ visuel peut faire surgir un phénomène dit vision aveugle ou « blindsight ». Weiskrantz (1996) le définit comme la capacité d’une personne ayant perdu la vision suite à une lésion cérébrale à localiser et discriminer des stimuli visuels, dans son champ visuel aveugle, sans pour autant en être perceptivement conscient.

Il existe différentes études de cas qui démontrent que des patients, ayant eu des lésions dans l’aire visuelle primaire, possédaient des capacités visuelles résiduelles non-conscientes.

Le phénomène pouvait être mis en évidence selon différentes caractéristiques des stimuli visuels, par exemple la couleur, l’émotion, l’orientation, etc. Weiskrantz (1998, cité par (Cowey, 2010)) propose un deuxième type de « blindsight » : le type 2, où les patients sont conscients qu’un stimulus a été présenté dans leur champ aveugle sans pour autant avoir une véritable expérience visuelle. En effet, à cause de leur lésion, ils ne peuvent pas voir dans leur champ aveugle, ce qui se traduit donc par une certaine conscience du stimulus (Danckert &

Rossetti, 2005).

Récemment, Danckert et Rossetti (2005) ont proposé un autre type de vision aveugle : l’« action-blindsight». Il s’agit en fait de la capacité de localiser et discriminer un stimulus dans le champ aveugle grâce au fait de faire une action dirigée vers un but ou de faire une saccade vers un stimulus. Ce type de vision aveugle se distinguerait de l’« attention- blindsight » qui consiste à localiser et discriminer des stimuli dans le champ aveugle sans devoir pointer ou faire une saccade. Mais les deux types de vision aveugle sont très liés et

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dépendraient de la même voie neuronale, la voie rétino-tectale. La différence entre les deux serait due aux différentes régions extra-striées impliquées dans le traitement visuel après que l’information est passée par le colliculus supérieur (Danckert & Rossetti, 2005).

La voie rétino-tectale semble donc jouer un rôle fondamental dans le « blindsight ».

Plus précisément, pour ce qui concerne l’ « action-blindsight », certaines structures jouent un rôle fondamental. La première est le colliculus supérieur. Il est responsable de la coordination main-œil et s’il est endommagé, le mouvement vers la cible peut être perturbé (Danckert &

Rossetti, 2005). Cependant, la voie résiduelle de l’œil au colliculus supérieur ne peut pas rendre compte entièrement des capacités résiduelles comme le pointage, il faut que cette voie puisse passer l’information à des régions plus corticales. Une deuxième structure importante est le cortex pariétal postérieur. Il joue un rôle fondamental dans l’apparition du phénomène « action-blindsight » car une des ses fonctions est le contrôle visuo-moteurs des mouvements et des saccades oculaires (Danckert & Rossetti, 2005). En effet, Dankert et al. (2003) ont mené une étude impliquant deux patients qui présentaient chacun une lésion occipitale gauche mais qui, chez un patient seulement, englobait le cortex pariétal inférieur. Les résultats ont montré que seul le patient qui avait le cortex pariétal intact présentait des capacités résiduelles de pointage. Finalement, les auteurs ont pu conclure que le cortex pariétal est strictement nécessaire pour pouvoir présenter un phénomène du type « action-blindsight ».

Le phénomène « blindsight » n’est pas toujours présent, mais pour le mettre en évidence il faut choisir le bon paradigme. Il existe, normalement, deux types de réponses possibles : la réponse oui / non ou la réponse à choix forcé. La réponse oui / non, que le patient donne après l’apparition d’un certain stimulus et qui répond à la question « est-il apparu quelque chose sur l’écran ? », peut produire une tendance à donner une réponse indépendamment du vrai sentiment et produit ainsi un biais dans les réponses. Pour ce qui concerne les réponses à choix forcé, c’est-à-dire, par exemple, dire si une barre est horizontale ou verticale en appuyant sur un bouton, elles sont normalement moins sujettes à un biais dans la réponse et permettent une meilleure caractérisation du seuil de détection (Cowey, 2010).

Pour ce qui concerne l’ « action-blindsight », le paradigme doit permettre de faire le mouvement en même temps que l’apparition du stimulus ou tout de suite après. De

nombreuses études ont permis de mettre en évidence cette affirmation : premièrement, Danckert et al. (2003) ont montré que laisser passer du temps entre l’apparition du stimulus dans le champ aveugle et le mouvement provoque une chute des performances.

Deuxièmement, il a été démontré que de simples présentations dans le champ aveugle en donnant des réponses verbales ne permettent pas de mettre en évidence le phénomène

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d’ « action-blindsight » mais que pour le mettre en évidence il faut vraiment faire une action dirigée vers un but (Perenin & Rossetti, 1996). Enfin, Pisella et al. (2000) ont démontré que la réponse après l’apparition du stimulus doit être rapide, car le cortex pariétal postérieur agit automatiquement et rapidement en modifiant les mouvements manuels guidés par la vision et souvent même en contradiction avec des ordres conscients. Au contraire, si la réponse est lente le mouvement ne sera plus nécessairement contrôlé par le cortex pariétal postérieur.

4.2. La vision grâce à l’action

La vision humaine est un processus tellement rapide, fiable et peu coûteux, que les êtres humains tendent à penser, erronément, que leur expérience visuelle reflète directement la réalité, comme si un système unique créerait une seule représentation du monde externe (Brogaard, 2010 et Tong, 2003). En réalité, la perception visuelle est un acte interprétatif qui est le résultat de deux composantes principales : l’analyse de l’information et la conscience subjective de la scène visuelle. D’une part, notre cerveau analyse les caractéristiques dites de bas niveau comme la couleur, l’orientation, la position spatiale, etc. et, d’autre part, il nous donne aussi le sens de ce qui nous entoure (Tong, 2003).

Pour ce qui concerne les caractéristiques de bas niveau, elles résultent de l’interaction de deux voies principales : la voie ventrale et la voie dorsale, déjà décrites plus haut. La voie ventrale est censée nous donner des informations sur la perception visuelle, comme la

couleur, tandis que la voie dorsale contrôle les mouvements visuo-moteurs. Cette distinction a amené dans la littérature à séparer les deux types de vision : celle qui dépend de la voie ventrale est la vision de la perception (« vision for perception ») et celle qui dépend de la voie dorsale, la vision de l’action (« vision for action ») (Milner & Goodale, 2003). Selon ce modèle, les actions peuvent se faire en dehors de la conscience perceptive. Cette dissociation est évolutivement bénéfique pour nous car certaines actions doivent être effectuées dans un temps limité, comme les décisions de vie ou de mort, et ceci est fait plus rapidement s’il y a un système moteur sans passer à travers un processus de prise de décision. En d’autres termes, les stimuli visuels n’on pas besoin d’atteindre la conscience visuelle pour guider rapidement les réponses motrices (Brogaard, 2011). Danckert et Rossetti (2005) soulignent aussi le fait que la voie dorsale, et plus particulièrement le cortex pariétal postérieur, est une sorte de pilote automatique qui nous permet de corriger les mouvements on-line rapidement et automatiquement et souvent même en contradiction avec les ordres conscients.

Selon le modèle de Milner et Goodale (2003), les deux voies ont des caractéristiques bien précises et elles sont résumées dans le tableau 1 (Schenk & McIntosh, 2010). En ce qui

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concerne les caractéristiques spatiales, les deux voies les analysent de différentes manières et cela en accord avec leurs buts comportementaux.

Tableau 1 : les caractéristiques principales du modèle perception-action. (Schenk et al., 2010)

Voie ventrale Voie dorsale

Fonctions comportementales « vision for perception » « vision for action » Propriétés spatiales Encodage allocentrique Encodage égocentrique Propriétés temporelles Représentations continues /

distance relative

Représentations passagères / distance absolue

Conscience perceptive visuelle Liée de manière critique à la conscience

Indépendante de la conscience.

4.2.1 Dissociation entre perception et action chez des sujets contrôles.

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la vision non-consciente chez des personnes qui n’ont pas subi de lésions cérébrales. Dans cette partie on s’intéressera principalement aux études faites sur la vision non consciente en lien avec l’action dirigée vers un but. Grâce à différentes méthodologies, toutes ces études ont permis de montrer que même si le stimulus est présenté de manière non consciente, le contrôle du mouvement et le mouvement en soi n’est pas perturbé ; cela, en démontrant qu’il y a une dissociation entre les deux voies et que celles-ci peuvent travailler indépendamment.

Une des méthodes la plus utilisées pour tester la vision non consciente est sûrement la présentation subliminale des stimuli. En 1974, Marcel (cité par Merikle et al., 2001) avait déjà démontré comment des mots-cibles étaient catégorisés plus rapidement si un mot

sémantiquement lié au mot-cible était antérieurement présenté de manière subliminale. Pour ce qui concerne plus spécifiquement l’action, Binsted, Brownell, Vorontsova, Heath et Saucier (2007) ont démontré que des personnes tout-venants sont capables d’exécuter une action dirigée vers un but sans avoir une conscience explicite des propriétés de la cible. Pour ce faire, ils ont créé une tâche où le participant devait pointer une cible quand celle-ci était soit perceptiblement consciente soit non-consciente. Le résultat principal a effectivement montré que le temps de pointage sur la cible est le même indépendamment de la prise de conscience ou non du stimulus.

Une autre étude qui a permis de montrer la dissociation entre perception et action est celle de Robichaud et Stelmach (2003). Dans cette étude, ils ont utilisé une méthode appelée

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rivalité binoculaire qui consiste à présenter deux images différentes dans chaque œil. Selon les auteurs, cette méthode ne permettrait pas la propagation directe des informations au cortex visuel primaire, mais permettrait la transmission des informations sur la position des stimuli aux aires responsables de la performance visuo-motrice. Les auteurs ont donc imaginé une expérience avec deux conditions expérimentales : la première est une condition où les sujets devaient rapporter oralement où se trouvait la première cible (quatre « gabors patch » avec une orientation différente des autres) et de quel côté se faisait l’ouverture d’une cible au milieu de l’écran. La deuxième condition est une condition où les sujets devaient toujours rapporter oralement de quel coté se faisait l’ouverture de la cible au milieu de l’écran mais devaient pointer dans la direction des quatre « gabors patchs ». Les « gabors patchs » étaient ajustés, pour chaque sujet, au niveau du seuil perceptif de conscience (80% de bonnes réponses). Ensuite, les sujets devaient indiquer leur degré de certitude quant à la position des quatre « gabors patchs » sur un échelle de Likert de 1 à 10. Pour ce qui était de la condition de pointage, les résultats ont demontré qu’il existe une corrélation positive entre la capacité à localiser la cible et la confiance de la réponse. Mais même lorsqu’ils n’étaient pas du tout sûrs de leur réponse (échelle de Likert de 4), les participants arrivaient à pointer correctement la cible dans 80% des cas. Cela démontre donc que, même si la cible n’est pas perçue

totalement, le mouvement vers cette cible est effectué correctement.

Une autre méthode moderne qui a permis de démontrer la dissociation entre perception et action, est la stimulation magnétique transcranienne (TMS). Christensen, Kristiansen, Rowe et Nielsen (2008) se sont spécifiquement intéressés au fait que certaines actions peuvent être accomplies sans la conscience visuelle, comme justement chez certains patients qui présentent le phénomène de « blindsight ». Dans cette expérience, les sujets devaient pointer une lumière qui, dans 60% des cas, s’allumait devant eux et, dans 40% des cas,

s’allumait à gauche ou à droite. Pour induire une cécité transitoire ils appliquaient une pulsion unique sur le cortex visuel primaire. Après chaque essai, le sujet devait dire s’il avait perçu le stimulus visuel sur une échelle de Linkert de 1 (aucune lumière a été perçue) à 5 (la lumière a été clairement perçue). Le résultat principal a montré que même si les sujets ne percevaient pas la deuxième lumière, ils arrivaient quand même à faire le mouvement vers cette cible. Les auteurs ont donc conclu que la capacité de corriger les mouvements peut se faire sans le cortex visuel primaire et que probablement la voie rétino-tectale soutiendrait cette capacité.

Finalement, une dernière méthode qui a permis de démontrer l’existence d’une dissociation entre perception et action est celle des effets optiques : cette étude démontre que les mécanismes visuels sous-jacents à la perception et au contrôle visuo-moteur peuvent

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opérer de manière indépendante. Aglioti, DeSouza et Goodale (1995) ont utilisé le « titchener circles illusion », où ont été présentées aux sujets deux images l’une à côté de l’autre. Les deux images représentaient un cercle entouré soit de cercles plus petits, soit de cercles plus grands. L’illusion consiste dans le fait que nous pouvons modifier le diamètre du cercle central afin qu’il soit perceptuellement similaire ou pas à l’autre. Par conséquent, ils sont soit physiquement identiques, mais perceptuellement différentes (figure 2a), soit physiquement différents mais perceptuellement identiques (figure 2b). Les résultats ont montré que

l’ouverture de l’index et du pouce (mesuré grâce au contact avec le cercle) est la même, peu importe que le sujet juge que les deux cercles sont identiques ou pas.

Figure 2 : Les images utilisées dans le « Titchener circle illusion ».

5. Objectifs et hypothèse recherche

5.1. Objectifs

Comme nous venons de le voir, l’action peut jouer un rôle fondamental dans la

détection des stimuli et peut se faire aussi en dehors de la conscience perceptive, soit chez des patients avec des dysfonctionnements cérébraux, soit chez des sujets tout-venants. Cela démontre que les deux voies peuvent agir indépendamment. Le patient TN, présenté

auparavant, a montré une dissociation dans les deux conditions expérimentales et la question que nous nous sommes posée a été de savoir si cette dissociation est également possible chez des sujets sans lésions cérébrales. Le but donc de la recherche est de tester cette dissociation non-consciente dans des sujets contrôles.

Comme nous l’avons vu dans l’étude de Binsted et al. (2007), cette dissociation est possible en utilisant une méthode subliminale. Pourtant, selon nous, cette méthode comporte des biais méthodologiques : premièrement, la présentation subliminale des stimuli peut attirer l’attention automatiquement. En effet, les effets de capture attentionnelle sont très reconnus et un stimulus, même si présenté de manière subliminale, peut capturer l’attention et donc induire des biais de réponse indépendamment du contenu de l’image (Jonides & Yantis,

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1988). Un deuxième problème induit par cette méthode est que, avec une présentation subliminale rien ne certifie que l’information rejoins vraiment les aires visuelles au niveau cérébrale. Pour remédier à cela, une solution serait de proposer plusieurs seuils de conscience, ce qui permettrait d’être davantage certain que le stimulus est vu par le sujet. En conséquence, nous avons décidé de présenter des grilles sinusoïdales présentant différents niveaux de contraste : le premier contraste serait tellement faible que le sujet ne parviendrait pas à le discriminer du stimulus neutre, ensuite le contraste augmenterait jusqu’à ce que la grille sinusoïdale devienne de plus en plus visible. Au milieu, on aurait ce que l’on appelle le seuil perceptif de la conscience (PSC=Point of Subjective Consciousness) où il y aurait 75% de bonnes réponses, et c’est justement à ce niveau que nous nous attendons à trouver une

dissociation entre les deux modalités de réponses. Les deux modalités de réponses seraient les mêmes que pendant l’expérience de TN, c’est-à-dire le pointage (donc d’une action dirigée vers un but) et une réponse motrice symbolique gauche ou droite. Cette tâche nous permettrait ainsi de créer une sorte de « blindsight » où, grâce aux différents pourcentages de contraste, les sujets seraient capables de les discriminer, sans pour autant en être vraiment conscients.

5.2. Hypothèse de recherche

Notre hypothèse de recherche sera alors de trouver une différence significative au niveau du seuil perceptif, entre la condition de pointage et la condition de réponse motrice symbolique gauche/droite. De plus, vu la dissociation détectée chez le patient et toute la littérature présentée ci-avant, nous nous attendons à trouver que dans la condition de pointage les stimuli seront perçus avec des pourcentages de contrastes plus petits, car le fait de faire l’action permettrait de mieux les détecter.

En résumé, il y aura deux variables dépendantes, la valeur du contraste au niveau du seuil perceptif de conscience et la pente au niveau du seuil perceptif de conscience; et deux variables indépendantes, la modalité de réponse (pointage ou réponse symbolique gauche / droit) et les 7 niveaux de contraste des grilles sinusoïdales.

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Méthode

1. Participants

Expérience 1 : 24 sujets droitiers tout-venants, dont 5 hommes et 19 femmes, ont participé à cette première expérience. Tous avaient entre 34 et 52 ans (M= 41.25, E.T. = ± 4.65). Tous avaient une vision normale ou corrigée à la normale et aucun ne souffrait de problèmes de perception ou de problèmes moteurs. Avant le début de l’expérience, les sujets avaient reçu une explication concernant le type de stimuli utilisés pendant la tâche ainsi qu’une explication concernant la procédure, mais ils n’avaient pas été informés du but et de l’hypothèse de l’expérience.

Expérience 2 : 18 sujets droitiers tout-venants, dont 5 hommes et 13 femmes, ont participé à la deuxième expérience. Ils avaient entre 18 et 24 ans (M= 20.16, ET= ± 1.68).

Tous avaient une vision normale ou corrigée à la normale et aucun ne souffrait de problèmes de perception ou moteurs. Avant le début de l’expérience, les sujets avaient reçu une

explication concernant le type de stimuli utilisés pendant la tâche ainsi qu’une explication concernant la procédure, mais ils n’avaient pas été informés du but et de l’hypothèse de l’expérience.

2. L’instrumentation et les stimuli

La tâche était soumise sur un écran tactile LCD avec une résolution de 1280 x 1024 (horizontale x verticale) pixel, dans une chambre sombre. L’écran, fixé dans un cadre, était attaché sur une table avec un angle d’environ 20° entre l’écran et la table. Les sujets étaient assis devant l’ordinateur à une distance d’environ 45 cm, avec la tête sur un support afin de maintenir la même distance le long de la tâche. Les coordonnées du mouvement de la main étaient enregistrées avec un système à ultrason (CMS20S, zebris Medical GmbH, Isny im Allgäu, Germany) qui mesure des ondes sonores à une fréquence de 150 Hz, à l’aide d’un marqueur de position placé sur l’ongle de l’index de la main dominante. Avant chaque bloc, une calibration était effectuée afin que le marqueur de position puisse représenter au mieux le mouvement du doigt. En conclusion, le design expérimental était le même pour les deux expériences.

Les stimuli présentés aux sujets étaient des grilles sinusoïdales, des images qui

contiennent des bandes noires et blanches présentées avec un pattern régulier, avec différents niveaux de contrastes. Un bas niveau de contraste rend la grille sinusoïdale moins visible,

(23)

alors qu’un niveau de contraste élevé rend la grille plus visible. Les stimuli ont été créés à l’aide d’un programme informatisé C++ et leurs caractéristiques sont les suivantes : la fréquence spatiale des grilles a une valeur de 2 cycles par degré (cpd) et elle est fixe pendant toute la tâche, et cela pour les deux expériences.

Pour la première expérience le contraste de Michelson de la grille augmentait de 1.5 % à 4.5% en sept incréments logarithmiques. Un stimulus apparaissait dans chacun des carrés placés à gauche et à droite du point de fixation. Les deux stimuli étaient composés de pixels dont le contraste variait de manière aléatoire entre 0% et 80%. La grille sinusoïdale a été rajoutée à l’un des deux carrés. La stimulation bilatérale était nécessaire car l’apparition isolée et unilatérale des grilles sinusoïdales sur l’écran blanc était trop visible. La présentation du stimulus pour cette expérience était de 30 ms. Il y avait 24 essais par contraste, donc au total 168 essais par condition.

Pour la deuxième expérience, le contraste minimal était de 1.5% et le contraste maximal de 6%. Il y a eu 32 essais par contraste, soit un total de 224 essais par condition. Le contraste maximal du bruit était toujours fixé à 80% mais la présentation du stimulus était cette fois-ci de 50 ms.

3. La procédure et le design expérimental

En premier lieu, à l’arrivée du sujet, celui-ci était invité à signer une feuille de

consentement pour l’utilisation des données à des fins de recherche et il devait aussi remplir un petit questionnaire afin de récolter les données personnelles des participants. Il était important pour cette tâche que les sujets ne présentent pas de problèmes moteurs ou de perception. Ensuite, la tâche était expliquée à l’aide d’une présentation power point où nous indiquions le déroulement d’un essai. Toutes les informations nécessaires étaient donc données oralement.

Chaque essai était composé d’une croix de fixation avec, à côté, deux carrés vides (7x7 cm) à une distance de la croix de 8 cm (par rapport au centre du carré) sur un arrière-fond blanc (figure 3). L’essai commençait lorsque les sujets étaient en position, en fonction du mode de réponse décrit ci-dessous, et un bip sonore annonçait l’apparition des stimuli : d’un côté, il y avait la grille sinusoïdale et de l’autre, il y avait juste du bruit. Le sujet devait dire de quel côté se trouvait la grille sinusoïdale et donner la réponse tout de suite après l’apparition des stimuli à l’aide de l’index de chaque main, et en fonction de la condition qui était

effectuée.

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Figure 3 : séquence caractéristique de chaque essai. L’arrière-fond dans la tâche originale était blanc

Dans la condition réponse motrice de pointage (action dirigée vers un but), le sujet avait l’index de sa main dominante au milieu de l’écran, sur la croix de fixation. Pour donner sa réponse, il devait pointer dans la direction de l’apparition du stimulus (figure 4).

Figure 4 : Condition de pointage

Dans la condition réponse motrice symbolique gauche / droite, le sujet avait l’index de chaque main positionné sous chacun des deux carrés et, pour donner sa réponse, il devait juste soulever le doigt qui se trouvait du côté de l’apparition du stimulus (figure 5).

Figure 5 : Condition réponse motrice symbolique gauche / droite

En ce qui concerne le design expérimental, les sujets étaient d’abord invités à faire des essais afin de s’habituer à la tâche. Ensuite, les deux conditions étaient subdivisées en 2, il y avait donc quatre blocs. Les blocs étaient contre-balancés entre les sujets : les sujets impairs commençaient avec la condition de pointage alors que les sujets pairs commençaient avec la condition de réponse symbolique gauche / droite (figure 6).

(25)

Figure 6 : design expérimental

4. Analyses statistiques

Pour chaque sujet nous avons ajusté les données avec une régression logistique selon la formule suivante :

y = 1 / (1 + exp( - (x – a) / b)

où « x » est le niveau du contraste du stimulus, « a » est le seuil de conscience perceptive et « b » est la pente de la fonction. A ce stade, les participants qui avaient obtenu une courbe trop plate étaient exclus des analyses statistiques. En effet, si les sujets ont une courbe plate, c’est qu’ils ont donné des réponses au niveau du hasard pendant toute la tâche, ce qui annule donc l’effet que nous avons créé avec les différents niveaux de contrastes des grilles sinusoïdales.

Ensuite, les valeurs qui nous intéressaient particulièrement étaient les x%, le contraste, pour lequel le sujet avait 75% de bonnes réponses (le seuil de conscience perceptive), ainsi que la valeur de la pente à ce niveau-là. Cela, nous les avons obtenus grâce à la régression logistique décrite ci-dessus. Après avoir obtenu ces valeurs, nous avons fait des analyses exploratoires afin d’exclure d’éventuelles données extrêmes et de contrôler que les données étaient bonnes pour les statistiques suivantes. Enfin, nous avons fait un t-test à mesures répétées, car les sujets font les deux conditions, et cela entre les deux conditions, la condition de pointage et la condition de réponse symbolique gauche / droite.

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Résultats

1. Expérience 1

Dans cette première expérience, douze sujets ont été écartés des analyses, selon le critère d’exclusion. En effet, ces participants avaient répondu au hasard tout au long de la tâche et ils présentaient donc une courbe trop large. Seulement 12 sujets ont pu être gardés pour les analyses. Après avoir ajusté les données avec la fonction logistique, nous avons extrapolé pour chaque sujet les valeurs de la pente et des contrastes au niveau du seuil

perceptif (PSC). Dans la figure 7, nous pouvons observer la régression logistique pour tous les sujets. Dès lors, au niveau du seuil perceptif de conscience (PSC), nous avons les deux

moyennes obtenues dans les deux conditions.

Figure 7 : les donnés des tous les sujets ajustées avec la régression logistique en fonction des deux conditions et des sept niveaux de contrastes.

En ce qui concerne les analyses préliminaires, nous avons pu constater que les valeurs des deux variables dépendantes ne présentent pas de valeurs extrêmes (Annexe I), mais malheureusement, elles ne sont pas distribuées normalement (Annexe II). Cela est

probablement dû au fait que nous avons très peu d’observations. Nous avons donc décidé de poursuivre avec les analyses.

En ce qui concerne les analyses statistiques, au niveau du seuil perceptif de

conscience (PSC), le t-test n’a pas relevé de différence significative entre les deux conditions,

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de pointage et de réponse symbolique gauche/droite. Ceci tant au niveau des contrastes

(0.482% vs 0.483%), t (22) = - 0.004, p =.997 (annexe III), les deux moyennes étaient en effet très similaires, qu’au niveau de la pente (0.080 vs 0.078), t (22) = 0.19, p =.845 (annexe IV).

2. Expérience 2

Dans cette deuxième expérience, les 18 sujets ont pu être gardés pour les analyses. Ici aussi nous avons ajusté les données avec la fonction logistique et nous avons extrapolé, pour chaque sujet, les valeurs de la pente et des contrastes au niveau du seuil perceptif (PSC). Dans la figure 8, nous pouvons à nouveau observer la régression logistique pour tous les sujets. Au niveau du seuil perceptif de conscience (PSC), nous avons donc les deux moyennes obtenues dans les deux conditions.

Figure 8 : les donnés des tous les sujets ajustées avec la régression logistique en fonction des deux conditions et des sept niveaux de contrastes.

Les analyses préliminaires de cette deuxième expérience n’ont pas mis en évidence des valeurs extrêmes dans les deux variables dépendantes (Annexe V). De nouveau, les observations de ces deux variables ne sont pas distribuées normalement (Annexe VI), mais une fois encore on peut attribuer cela au fait que nous avons peu d’observations.

S’agissant des analyses statistiques, au niveau du seuil perceptif de conscience (PSC), le t-test n’a pas relevé de différence entre les deux conditions, de pointage et de réponse symbolique gauche/droite. Cela tant au niveau des contrastes (0.415% vs 0.416%), t (34) = - 0.03, p = .993 (cf. annexe VII), qu’au niveau de la pente (0.076 vs 0.074), t (34) = 0.22, p = .829 (annexe VIII).

(28)

Discussion

Dans cette étude, nous souhaitions tester l’hypothèse selon laquelle il existe une différence significative, au niveau du seuil perceptif, entre la condition de pointage et la condition de réponse motrice symbolique gauche/droite. De plus, nous nous attendions à trouver que, dans la condition de pointage les stimuli seraient perçus avec des pourcentages de contrastes plus petits, car le fait de faire une action dirigée vers un but permettrait de mieux les détecter.

1. Discussion des résultats

1.1. Les résultats de la population contrôle

Le but de la tâche chez la population contrôle était de reproduire les résultats obtenus par TN, c’est-à-dire de faire intervenir principalement la voie dorsale afin de permettre une meilleure détection des stimuli grâce à une action dirigée vers un but. Pour ce faire, nous avons maintenu les deux réponses motrices que TN a utilisées en changeant les

caractéristiques psycho-physiques des stimuli.

Les résultats obtenus n’ont pas permis de valider l’hypothèse. En effet, aucune différence significative au niveau du seuil perceptif de conscience entre les deux conditions n’était perceptible. Ainsi, le fait de réaliser une action dirigée vers un but ne permet pas aux sujets contrôles de percevoir et discriminer les stimuli avec des contrastes plus petits. Qui plus est, les deux courbes psycho-physiques ont strictement la même pente, ce qui démontre une fois de plus que les deux conditions de réponses motrices ne diffèrent pas significativement.

Selon le modèle perception-action (Milner & Goodale, 2003), plusieurs évidences neuropsychologies ont montré que les deux voies - la voie ventrale et la voie dorsale - transforment l’information visuelle dans différents « outputs ». De cette manière, on peut trouver des dissociations entre la perception et l’action, ce qui signifie que les deux voies travaillent indépendamment l’une de l’autre. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, plusieurs études ont démontré ce fait : nous arrivons à faire une action dirigée vers un but même si le stimulus n’est pas perçu consciemment. Selon Milner and Goodale (2003), les études sur les illusions optiques (le « Titchener circles illusion ») l’ont clairement démontré. Il y aura donc une dissociation distincte entre perception et action. Malheureusement, cette dissociation observée chez TN n’a pas été observée chez la population contrôle.

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1.2. Les résultats de TN

Les résultats du patient TN concordaient avec le modèle de perception-action de Milner et Goodale (2003) selon lequel la voie ventrale et la voie dorsale traitent de manière différente divers aspects de l’information visuelle. Dans le cas de TN, les mouvements dirigés vers un but par rapport à une réponse motrice symbolique permettaient de discriminer les stimuli confirmant l’hypothèse selon laquelle il existerait des systèmes neuronaux qui contrôlent les mouvements guidés par la vision en dehors de la conscience (Milner &

Goodale, 2003). Cette capacité serait soutenue par la voie retino-tectale : elle permettrait à l’information visuelle, après un endommagement de la voie visuelle primaire, de rejoindre des aires extrastriées, comme le cortex pariétal, via des structures sous-corticales. Cette voie possèderait différentes structures qui joueraient un rôle fondamental dans le phénomène

« blindsight » : la première est le colliculus supérieur qui est responsable du contrôle des saccades oculaires, mais aussi de la coordination main-œil (Danckert & Rossetti, 2005). De plus, cette structure est essentielle pour envoyer, après une lésion cérébrale, des projections aux aires de la voie dorsale, via le pulvinar (Milner & Goodale, 2003), et de transformer des signaux visuels qui ne peuvent pas être conçus consciemment en réponses motrices. Pour cela, une autre structure qui semble jouer un rôle important dans la dissociation qui se produit chez le patient TN est le cortex pariétal postérieur : si cette structure est intacte, elle permet, comme nous l’avons vu dans l’étude de Danckert et al. (2003), de mettre en évidence les capacités observées dans l’action-blindsight, grâce aux projections qu’elle reçoit des autres aires de la voie dorsale (Danckert & Rossetti, 2005).

Chez TN, nous croyons que ses capacités visuelles résiduelles sont en grande partie supportées par cette voie sous-corticale. En effet, grâce à une DTI , nous avons pu constater qu’il existe des connections entre le pulvinar et le cortex pariétal (figure 9) (communication orale avec Burra le 16 avril 2012). Il y aurait donc des structures sous-corticales qui

enverraient des projections au cortex pariétal et qui pourraient être suffisantes pour permettre un traitement automatique non-conscient et, vu l’engagement de la voie dorsale, ceci serait amélioré grâce à l’action dirigée vers un but. Naturellement, déterminer les structures cérébrales du cerveau de TN est assez difficile car le cerveau est endommagé et nous

n’arrivons pas à le comparer avec les cerveaux qui sont normalement utilisés comme base de comparaison.

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Figure 9 : DTI du cerveau de TN. Connections entre le pulvinar et le cortex pariétal.

Dans la littérature, une autre voie a été présumée soutenir les capacités visuelles résiduelles des patients qui présentent le phénomène : il s’agit de la voie appelée geniculo- extrastriées. Cette voie permettrait à l’information de rejoindre les aires extra-striées via les couches intermédiaires (koniocellulaire) du corps genouillé latéral du thalamus (Danckert &

Rossetti, 2005). Il faudrait donc déterminer si, chez TN, cette voie joue également un rôle.

Une dernière explication du phénomène qui a été avancée dans la littérature

consisterait dans des îles épargnées au niveau du cortex strié après une lésion, mais cela sans que les patients en soient conscients (Wessinger, Fendrich, & Gazzaniga, 1997). Ces îles épargnées permettraient donc de soutenir certains aspects de la vision. Chez TN, le cortex visuel primaire était complètement détruit, bien que certaines données montrent une petite activité sous-seuil du gyrus lingual pour les grands contrastes (cercles blancs sur fond noir qui clignotaient lentement) (Communication avec Burra le 16 avril 2012). Il serait possible que cette petite activité sous-seuil permette de maintenir légèrement ses capacités visuelles résiduelles. Cependant, nous croyons qu’il s’agit plutôt de la voie rétino-tectale qui joue un rôle fondamental dans la détection des stimuli grâce à l’action dirigée vers un but. Cette activité sous-seuil pourrait simplement apporter une aide supplémentaire en attirant peut-être l’attention automatiquement. Cela pourrait être possible grâce à des feedback rétroactifs, fondamentaux pour la conscience visuelle, qui sont envoyés du lobe pariétal vers le gyrus lingual.

Une autre donnée qui appuie l’idée que la voie dorsale chez TN joue un rôle

fondamental, est le fait qu’il démontre des capacités de navigation intactes, c’est-à-dire qu’il a été capable de parcourir un couloir sans jamais entrer en collision avec les obstacles placés tout au long (De Gelder et al., 2008). En effet, Rice et al. (2006) ont montré que la capacité à éviter automatiquement les obstacles serait une fonction entièrement supportée par la voie dorsale.

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