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Academic year: 2022

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Études sur la mort Une éternité numérique ?

Enjeux et perspectives entourant la mort numérique

Dossier thématique dirigé par Jacques Cherblanc et Fiorenza Gamba

Depuis vingt-cinq ans, le numérique est un environnement dans lequel un espace s'est ouvert non seulement pour le discours sur la mort, mais aussi pour sa commémoration et même son expérience.

Depuis l'apparition sur Internet en avril 1995 du World Wide Cemetery, le premier site de commémoration en ligne, la mort a transcendé les frontières de l'analyse scientifique spécialisée (à la fois biomédicale humaine et sociale), du droit (les notions d’identité et de propriétés post mortem des données notamment) de la gestion administrative et bureaucratique (concernant les maisons funéraires et les services funéraires publics), de sa préoccupation religieuse (que les différentes confessions de foi affrontent dans une perspective eschatologique), de sa transfiguration artistique (comme la littérature, la poésie, le cinéma, les arts plastiques l'ont montré au cours des siècles et le montrent encore aujourd'hui), de sa thématisation obsessionnelle (nécrophilie, profanation, etc.).

L'initiative de l'ingénieur canadien Michael Kebbee (rapidement suivie par d'autres similaires) en partant d'un contexte strictement personnel - sa propre maladie - a ouvert un espace concentré sur deux aspects qui se sont révélés par la suite fondamentaux : d'une part, la possibilité pour toutes les personnes concernées, d'exprimer les émotions liées à la mort selon leurs propres expériences et besoins personnels, grâce à une technologie relativement simple et accessible ; d'autre part, à travers cette même technologie, la possibilité de communiquer et de partager leurs propres chagrins et de faire leur propre deuil avec une communauté de personnes dans la même condition.

Depuis lors, beaucoup des choses ont changé. Tout d’abord, la technologie numérique. Si nous devions retracer une brève histoire de la mort numérique, nous inclurions dans cette expression les différentes formes sous lesquelles l'attention à la mort pourrait se manifester par le biais du numérique. Depuis les premiers cimetières virtuels, très proches des rubriques nécrologiques classiques aux plus modernes, plus proches des jeux vidéo ; et depuis les premières pages Web dédiées ad hoc aux commémorations avec un système de pages personnelles gérées par les administrateurs des sites, on est passés à des plateformes telles que YouTube, Facebook, Twitter, où l'initiative des usagers est devenue plus marquée, parfois même problématique (Gamba 2016).

Plus récemment ce sont les coffres-fortes numériques qui proposent des paquets de services, où la gestion de ses données numériques devient une opportunité pour les individus eux-mêmes de concevoir leur propre Digital Afterlife (Graham, Gibbs et al. 2013). Le caractère numérique de la mort s’exprime également dans les jeux vidéo, parfois même de façon très réaliste avec l’utilisation scientifique de ceux-ci pour mieux comprendre par exemple les expériences de mort-imminente (NDE) et ses effets (Barberia, Oliva et al. 2018). Actuellement, cependant, c'est l'intelligence artificielle qui représente la nouvelle frontière de la mort numérique, les deadbots, les avatars, les hologrammes réalisés avec les données personnelles et animés par des algorithmes spécifiques élargissent le champ de la mort numérique qui passe ainsi de la commémoration à une possible immortalité dont l'individu décédé peut devenir le protagoniste. Cette nouvelle dimension rituelle qui remet en cause la séparation des morts et des vivants (Thomas, 1975) n’est cependant pas tout- à-fait nouvelle (Cherblanc, 2011).

Ensuite, c’est l'accent mis sur la mort dans l'espace public qui a changé : des thèmes tels que l'euthanasie, la fin de vie, la crémation, le don d'organes et bien sûr la mort numérique font désormais partie du débat de la société civile et de l’agenda politique et juridique, ce qui répertorie le discours sur la mort parmi les signes de civilisation. Cela n'implique pas automatiquement que la mort ait cessé d’être un tabou, mais l’élève à thème complexe au sein de sociétés complexes.

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Enfin, les aspirations identitaires – tant collectives qu’individuelles – qui dans nos sociétés post mortelles (Lafontaine 2008, Jacobsen 2017), visent à une prolongation à l'infini de la vie vers une condition d'a-mortalité, qui met en jeu le sens de la limite et la différence entre la vie, la mort et l'immortalité.

L'interaction de ces conditions et l'expression de besoins qui leur sont liés a révélé une grande complexité concernant la mort, la mémoire, le deuil, l'immortalité et la commémoration. D'une part, la mort numérique, la mort au numérique, soulève de nombreuses questions complexes au sujet de l'éthique, de la vie privée, de l'autodétermination de chaque être humain, ou encore de son dépassement vers le posthumain (Gamba 2020) . D'autre part, elle joue un rôle important dans les situations de crise comme la pandémie de Coronavirus qui s'est récemment imposée et continue de s'imposer. Ainsi, elle contribue à transformer les rituels physiques en ritualisations numériques dans le but affiché de pallier aux restrictions imposées par la COVID-19. C’est ce que montrent bien des sites tels que InMemori, qui propose des services de commémorations bien diversifiés dans le souci de protéger la dimension privée et fragile des endeuillés, ou le mémorial Ogni vita è una storia (chaque vie est une histoire) ouvert en toute vitesse par le quotidien l’Eco di Bergamo le printemps dernier afin de donner la possibilité aux proches, au conjoint.e.s, aux familles, de commémorer les morts de COVID-19. La question demeure toutefois de savoir dans quelle mesure ces innovations rituelles protègent contre d’éventuelles complications du deuil (Maltais et Cherblanc, 2020).

La revue Études sur la mort, lance un appel à contribution pour le numéro thématique157 : Une éternité numérique ? Enjeux et perspectives entourant la mort numérique dans le but d’accueillir dans ses pages des réflexions non seulement sur la situation actuelle de l'utilisation de la technologie numérique en relation avec la mort et les enjeux qui l’accompagnent, mais aussi à identifier de façon critique les perspectives, les développements possibles et l’imaginaire qui animent la relation de la mort au numérique. S'il est indéniable que cette relation est désormais un sujet à la mode (il suffit de consulter n'importe quel moteur de recherche pour le confirmer), c'est aussi un signe tangible de l'intérêt et de l'importance que le sujet a acquis (Bourdeloie 2015), non seulement dans les limites étroites des disciplines classiquement assignées à son traitement, mais aussi dans une perspective plus largement interdisciplinaire, selon les souhaits formulés à cet égard par le fondateur de la Thanatologie, Louis-Vincent Thomas, il y a presque cinquante ans (Thomas 1975).

C'est pourquoi l'appel à contribution est délibérément général en ce qui concerne les compétences convoquées, étant bienvenues toute contribution provenant des différentes disciplines et perspectives, s’exprimant tant dans des essais théoriques, que des résultats de recherches empiriques, ou encore d'expériences artistiques. De même, l’appel sollicite un examen ponctuel des questions les plus actuelles et des perspectives émergentes dans ce domaine.

Thématiques

À titre indicatif, les contributions pourraient notamment aborder les thèmes suivants : Mort, numérique et enjeux éthiques

Frontières de l'IA ou frontières de la mort ? Mort, algorithmes et immortalité...

Deuil, mémoire et oubli Identité et Digital Afterlife

Rituels numériques : personnalisation et hybridation Funérailles en ligne et situations de crise

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Soumettre un article

Les propositions d’articles (entre 500 et 1000 mots) en français ou en anglais doivent être adressées à

Jacques Cherblanc Jacques_Cherblanc@uqac.ca et

Fiorenza Gamba Fiorenza.Gamba@unige.ch

Elles doivent aussi comprendre les informations suivantes : - Nom, affiliation et coordonnées de l’auteur.e ;

- Mots-clés (3 à 5) ;

- Indication du titre de l’appel « Une éternité numérique ? Enjeux et perspectives entourant la mort numérique» dans l’objet du message mail.

Échéances

- Date limite de soumission d’une proposition d’article 30.03.2021 ;

- Notification aux auteur.e.s de l’acceptation ou du refus de leur proposition 30.04.2021 ;

- Remise de l’article en format Word (25.000 à 30.000 signes espaces et bibliographie comprises) en suivant les Recommandations aux auteur.e.s (cf. document en annexe) 10.06.2021 ;

- Expertise des articles et recommandations aux auteur.e.s (acceptation, refus, révision) 10.09.2021 - Version définitive de l’article 15.10.2021 ;

- Publication 15.11.2021.

Références bibliographiques

Barberia, I., R. Oliva, P. Bourdin and M. Slater (2018). "Virtual mortality and near-death experience after a prolonged exposure in a shared virtual reality may lead to positive life- attitude changes." PLOS ONE 13(11): e0203358.

Bourdeloie, H. (2015). "Usages des dispositifs socionumériques et communication avec les morts. D’une reconfiguration des rites funéraires." Questions de communication(28): 101-125.

Cherblanc, J. (Dir.) (2011) Rites et symboles contemporains. Théories et pratiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, 206 p.

Gamba, F. (2016). Mémoire et immortalité aux temps du numérique. Paris, L'Harmattan.

Gamba, F. (2020). "The Right to be Forgotten and Paradoxical Visibility. Privacy, Post-privacy and Post-mortem Privacy in the Digital Era." Problemi dell'informazione 45(2): 201-220.

Graham, C., M. Gibbs and L. Aceti (2013). "Death, Afterlife and Immortality of Bodies and Data." The Information Society 29(3): 133-141.

Jacobsen, M. H. (2017). Postmortal society: Towards a sociology of immortality, Taylor &

Francis.

Lafontaine, C. (2008). La société postmortelle. Paris, Editions du Seuil.

Maltais, D. et J. Cherblanc (Dir.). (2020) Quand le deuil se complique. Variété des manifestations et modes de gestion des complications du deuil. Québec, Presses de l’Université du Québec, 256 p.

Thomas, L.-V. (1975). Anthropologie de la mort. Paris, Payot.

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A digital eternity?

Issues and perspectives surrounding digital death

Special Issue edited by Jacques Cherblanc and Fiorenza Gamba

For twenty-five years now, digital technology has been an environment in which a room has opened up not only for the discourse on death but also for its commemoration and experience.

Since the appearance on the Internet in April 1995 of the World Wide Cemetery, the first online memorial site, death has overcome the frontiers of specialized scientific analysis (both human biomedical and social), law (the notions of identity and the post-mortem properties of data in particular), administrative and bureaucratic management (concerning funeral homes and public funeral services), of its religious preoccupation (which the different faiths confront in an eschatological perspective), of its artistic transfiguration (as literature, poetry, cinema, plastic arts have shown over the centuries and still show today), of its obsessive thematization (necrophilia, profanation, etc.).

The initiative of Canadian engineer Michael Kebbee (quickly followed by others similar) starting from a strictly personal context - his own illness - opened up a space focused on two aspects which later proved to be fundamental: on the one hand, the possibility for all

concerned to express the emotions related to death according to their own personal

experiences and needs, thanks to a relatively simple and accessible technology; on the other hand, through this same technology, the possibility to communicate and share their own grief and mourning with a community of people in the same condition. Much has changed since then. First of all, digital technology. If we were to retrace a brief history of digital death, we would include in this expression the different forms in which attention to death could manifest itself through digital technology.

From the first virtual cemeteries, very similar to classic obituaries, to the most modern, closer to video games; and from the first web pages dedicated ad hoc to commemorations with a system of personal pages managed by site administrators, we have moved on to platforms such as YouTube, Facebook, Twitter, where user initiative has become more marked,

sometimes even problematic (Gamba 2016). More recently, it is the digital legacy that offers service packages, where the management of one's digital data becomes an opportunity for individuals to design their own Digital Afterlife (Graham, Gibbs & al. 2013).

The digital nature of death is also expressed in video games, sometimes even in a very realistic way with the scientific use of these games to better understand, for example, near- death experiences (NDEs) and their effects (Barberia, Oliva & al. 2018). Currently, however, artificial intelligence represents the new frontier of digital death. Deadbots, avatars,

holograms produced with personal data and animated by specific algorithms broaden the field of digital death, which moves from commemoration to possible immortality in which the deceased individual can become the protagonist. Yet, this new ritual dimension, which questions the separation of the dead and the living (Thomas, 1975), is not entirely new (Cherblanc, 2011). Secondly, the focus on death in the public space has changed: topics such as euthanasia, end of life, cremation, organ donation, and, of course, digital death are now part of the civil society debate and the political and legal agenda, which lists the discourse of death among the signs of civilization. This does not automatically imply that death has ceased to be a taboo, but that it's a complex topic in complex societies.

Finally, the identity aspirations - both collective and individual - which in our post-mortal societies (Lafontaine 2008, Jacobsen 2017) aim to an infinite extension of life towards a condition of a-mortality, which involve the sense of limits and the difference between life, death, and immortality. The interaction of these conditions and the expression of needs related to them has revealed a great complexity concerning death, memory, mourning, immortality,

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and commemoration. On the one hand, digital death, death in the digital world, raises many complex questions about ethics, privacy, self-determination of each human being, or his or her overcoming towards the posthuman (Gamba 2020).

On the other hand, it plays an important role in crises such as the Coronavirus pandemic that has recently become and continues to become established. For example, it contributes to transforming physical rituals into digital ritualizations to alleviate the restrictions imposed by COVID-19. This is shown by sites such as InMemori, which offers a wide range of

commemorative services to protect the private and fragile dimension of the bereaved, or the memorial Ogni vita è una storia (every life is a story), which was opened in full speed by the daily newspaper Eco di Bergamo last spring to give relatives, spouses and families the opportunity to commemorate the dead of COVID-19.

However, the question remains as to what extent these ritual innovations protect against possible complications of mourning (Maltais and Cherblanc, 2020). The journal Etudes sur la mort (Studies on Death) calls for contributions for the thematic issue 157: A digital eternity?

Issues and perspectives surrounding digital death, to welcome in its pages reflections not only on the current situation of the use of digital technology concerning death and the issues that accompany it but also to critically identify the perspectives, possible developments, and the imaginary that animate the relationship of death to the digital. While it is undeniable that this relationship is now a fashionable subject (one need only consult any search engine to confirm this), it is also a tangible sign of interest and importance that the subject has acquired (Bourdeloie 2015), not only within the narrow confines of the disciplines classically assigned to its treatment but also in a more broadly interdisciplinary perspective, following the wishes expressed in this respect by the founder of Thanatology, Louis-Vincent Thomas, almost fifty years ago (Thomas 1975).

This is why the call for papers is deliberately general in terms of the competencies called for, and any contributions from different disciplines and perspectives, whether in theoretical essays, empirical research results, or artistic experiments, are welcome. Likewise, the call calls for a timely examination of the most current issues and emerging perspectives in the field.

Themes

As a guideline, contributions could address, inter alia, the following themes:

Death, digital and ethical issues

Borders of AI or borders of death? Death, algorithms, and immortality?

Mourning, memory, and oblivion Identity and Digital Afterlife

Digital rituals: personalization and hybridization Online funerals and crises

Submit an article

Proposals for papers (between 500 and 1000 words) in French or English should be sent to Jacques Cherblanc Jacques_Cherblanc@uqac.ca

and

Fiorenza Gamba Fiorenza.Gamba@unige.ch

They should also include the following information:

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- Name, affiliation, and contact details of the author;

- Keywords (3 to 5);

- Indication of the title of the call for Paper, "A digital eternity? Issues and perspectives surrounding digital death" in the subject field of the email.

Deadlines

- Deadline for submission of a proposal for Article 30.03.2021 ;

- Notification to the authors of the acceptance or rejection of their proposal 30.04.2021 ; - Submission of the article in Word format (25,000 to 30,000 characters including spaces and bibliography) following the Recommendations to Authors (see attached document)

10.06.2021 ;

- Expertise of the articles and recommendations to the authors (acceptance, refusal, revision) 10.09.2021

- Final version of article 15.10.2021 ; - Publication 15.11.2021.

Références

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