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La musique dans le dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire de Ferdinand Buisson : une discipline scolaire pour moraliser et éduquer le peuple

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La musique dans le dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire de Ferdinand Buisson : une discipline scolaire pour moraliser

et éduquer le peuple

GRIVET BONZON, Catherine

GRIVET BONZON, Catherine. La musique dans le dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire de Ferdinand Buisson : une discipline scolaire pour moraliser et éduquer le peuple.

Sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle , 2013, vol. 46, no. 3, p. 89-111

DOI : 10.3917/lsdle.463.0089

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:128479

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LA MUSIQUE DANS LE DICTIONNAIRE DE PÉDAGOGIE ET

D'INSTRUCTION PRIMAIRE DE FERDINAND BUISSON : UNE DISCIPLINE SCOLAIRE POUR MORALISER ET ÉDUQUER LE PEUPLE

Catherine Grivet Bonzon

ADRESE/CIRNEF | « Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle » 2013/3 Vol. 46 | pages 89 à 111

ISSN 0755-9593 ISBN 9782952802529

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-

nouvelle-2013-3-page-89.htm

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Mots-clés : Musique. Dictionnaire de pédagogie. Socialisation. Acculturation.

École. Discipline scolaire.

Résumé : Texte majeur et fondateur, le Dictionnaire de Pédagogie et d’ins- truction primaire de Ferdinand Buisson (deux éditions : 1887 et 1911) est une œuvre dont nous proposons une lecture des articles liés au chant et à la musique comme objets d’enseignement. Nous tenterons de comprendre à travers les articles consacrés à l’édification d’une disci- pline scolaire singulière, quelques-unes des enjeux, des luttes et des rappro- chements inhérents aux changements

et aux bouillonnements de la fin d’un siècle, celui de l’invention de l’École Républicaine. Au-delà des dissen- sions et dans leur volonté d’insérer la musique dans la nouvelle culture scolaire primaire tant pour socialiser que pour émanciper le futur citoyen, les différents auteurs ouvrent la voie déjà pressentie par Schiller de la contribution essentielle des pratiques artistiques dans la construction du sujet, dans son épanouissement autant que dans ses rapports sociaux.

de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson : une discipline scolaire pour moraliser et éduquer le peuple

Catherine Grivet Bonzon**

* Docteur en Sciences de l’Éducation, Chargée d’enseignement en didactique de la musique, Faculté de Psychologie et des sciences de l’éducation - Université de Genève.

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Introduction

Texte majeur et fondateur, le Dictionnaire de Pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, en réalité composé de deux éditions – 1887 1 et 1911 2 – est une œuvre dont nous proposons une lecture des articles liés à l’art et principalement au chant et à la musique comme objets d’enseignement. Nous tenterons ainsi de mieux comprendre à travers les articles consacrés à l’édification d’une discipline scolaire singulière, quelques-uns des enjeux, des luttes et des rapprochements inhérents aux changements et aux bouillonnements de la fin d’un siècle, celui de l’invention de l’École Républicaine. Ces articles balisent autant l’histoire de cette discipline que sa philosophie. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’édition de 1887, divisée elle-même en deux sous-parties : la première constitue

« une encyclopédie de notions théoriques relatives aux finalités de l’école, à l’organisation institutionnelle de l’enseignement qui y est donné et aux procédés propres à le dispenser » 3 tandis que la seconde, plus pratique, se propose d’être un dictionnaire de leçons, où les enseignants pourront à la fois puiser les bases de leur formation et une légitimité culturelle, et s’adresse à l’instituteur qui prépare sa leçon et veut étendre et fortifier son savoir. Le regard que nous porterons sur la première édition du Dictionnaire sera celui de la mise en tension des conceptions de la manière d’insérer la musique dans la nouvelle culture scolaire tant pour socialiser que pour émanciper le futur citoyen, conceptions propres aux auteurs des articles : Ferdinand Buisson 4 bien sûr, Félix Ravaisson, philosophe membre de l’institut, pour « Art » 5, Albert Dupaigne, inspecteur primaire à Paris pour

« Chant » 6, Félix Pécaut 7, inspecteur de l’Instruction publique ainsi qu’Adolphe Danhauser 8, inspecteur principal du chant dans les écoles de musique de la ville de Paris pour « Musique ». C’est à partir des articles ayant pour entrée la musique et le chant que nous investiguerons le territoire lié à la discipline, en n’hésitant

1. Buisson F. Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Paris : Hachette, 1882-1887.

2. Buisson F. Nouveau dictionnaire de pédagogie. Paris : Hachette, 1911.

3. Denis D. & Kahn P. (Dir.). L’école républicaine et la question des savoirs. Paris : CNRS Édi- tions, 2003, p. 1.

4. Philosophe, directeur de l’enseignement primaire.

5. Ravaisson F. Art. In : Buisson F. Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Partie I, Tome 1. Paris : Hachette, 1882-1887, Op. cit., p. 122.

6. Dupaigne A. In : Ibid., pp. 355-363.

7. Ibid., Partie I, Tome 2.

8. Ibid., Partie 2, Tome 2.

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pas à prospecter dans d’autres articles (« Art », « Arts d’agrément » 9, « Dessin » 10).

La complexité du projet et les réseaux qui composent cette œuvre monumentale nous y enjoignent.

Chant et musique, au sens classique du terme, dans le Dictionnaire, se complètent autant qu’ils appartiennent à deux mondes : la raison pour l’un, le monde sensible pour l’autre. Dans l’article « Chant » comme dans l’article

« Musique » 11 c’est de chant choral, de « musique vocale » 12 dont il est question.

Le chant et lui seul est considéré comme la « manifestation la plus impor- tante de la musique classique », comme un « moyen d’éducation générale », un élément d’attrait « aux progrès des éducations disciplinaires, intellectuelles et morales ». Il développerait « l’instinct de solidarité, de communion et d’harmonie collective » 13. Discipline aux vertus éminemment socialisatrices, il inculquerait des valeurs morales et le sens de l’ordre alors que la « musique », dont les défini- tions restent multiples mais dont la seule tolérée dans le Dictionnaire appartient au domaine classique, est parée de vertus esthétiques et sensibles, initiatrices du goût et de la beauté. Elle fait atteindre les « inutiles splendeurs de l’idéal » : « à coup sûr cette influence salutaire n’a rien de précis, de déterminé. La musique n’est pas l’excitatrice de telle ou telle catégorie de vertus, elle agit plutôt en remuant des moyens qui n’appartiennent qu’à elle, le fond commun à toutes les vertus, l’énergie spontanée de l’être, la force vive de l’âme. ». 14 Si la musique et le chant font parfois l’objet de distinctions très nettes à travers les articles, ils se confondent souvent pour réconcilier l’esprit et les sens dans l’acception Schille- rienne.

Nous tenterons de débusquer les thèses auxquelles renvoient les discours, les modèles pédagogiques et les contenus des articles abordés, consciente que les praticiens de terrain se révèlent, par leurs limites, par le manque de directives quant aux supports ou aux méthodes ainsi que par leur engagement pédagogique, être de véritables arbitres des instructions ministérielles. Ainsi nous garde- rons-nous de voir dans le Dictionnaire un reflet stricto sensu de l’enseignement de la musique tel qu’il fut mais nous tenterons, à travers les indices entrevus dans les

9. Buisson F. Op. cit., Partie I, Tome 1, p. 124.

10. Guillaume E. & Ravaisson F. Dessin. In : Buisson F. Ibid., pp. 669-697.

11. Buisson F. Musique. In : Op. cit., Partie I, Tome 2, pp. 1993-1996.

12. Ibid., p. 1994.

13. Idem.

14. Idem.

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articles, une lecture herméneutique permettant de souligner, au-delà des dissen- sions incarnées par les différents auteurs, la volonté politique de rupture avec un enseignement de cet art jusqu’alors exclusivement réservé aux nantis et aux élites.

La musique, comme les autres disciplines scolaires de la loi relative à l’obli- gation de l’enseignement primaire du 28 mars 1882, n’est que le témoin de la complexité de la réflexion, de la force de l’utopie, des contradictions, des ambiva- lences et des luttes d’influences qui se dégagent des articles qui lui sont consacrés.

Elle concourt cependant, à l’instar de l’ensemble du projet républicain de la fin du xixe siècle, à favoriser à travers la culture scolaire l’humanisation d’un citoyen respectueux et garant des valeurs à transmettre dans une fin de siècle mouve- mentée.

1. Une problématique empreinte d’ambigüités

Le Dictionnaire de 1887, à travers les articles consacrés à l’art et à la musique, incarne la problématique et les contradictions d’une situation politique et philo- sophique inédite. Si l’accès à une forme de culture « classique » par le plus grand nombre et en particulier par le peuple dans un souci de justice et d’élévation devient un des objectifs des auteurs du Dictionnaire, la problématique de la démocratisation et de l’émancipation par les arts n’est pas encore d’actualité.

En effet, les visées restent avant tout, nous le verrons, moralisatrices, spiritua- listes. Ainsi, le législateur tend à élever le niveau de la culture populaire plus qu’il n’ambitionne d’émanciper les classes populaires elles-mêmes dans des temps où il s’agit de contrôler l’effervescence du siècle. À l’heure où l’École revendique une neutralité laïque, la posture spiritualiste prévaut sur les doctrines confessionnelles dont l’influence reste encore cependant perceptible parmi les exemples d’inspiration religieuse qui émaillent certains articles. La morale quant à elle, pilier manifeste et tentaculaire de l’ensemble du Dictionnaire, investit le champ de l’éducation musicale comme pour en justifier l’intérêt. Alors que, pour certains auteurs, l’apprentissage de la musique se renforce du pouvoir de conviction des chants patriotiques dont on espère les effets fédérateurs, d’autres préfèrent emmener les classes qui en étaient privées jusqu’alors, sur les chemins de la beauté. Les ambigüités, les contradictions parfois, traduisent les tensions inhérentes aux différentes sensibilités – philosophiques comme politiques – à l’œuvre dans la construction des directives, des champs de savoirs et des corpus.

Entre pratique sociale – tant sous la forme de musique de concert, musique populaire, d’agrément ou religieuse – et discipline scolaire circonscrite par le

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chant et le solfège comme matière au programme, la musique prend une place nouvelle dans une éducation pour tous, témoin des enjeux liés à son ensei- gnement désormais généralisé à l’ensemble des enfants de France.

2. Le contexte historique

Si déjà en 1819-1820, l’enseignement du chant est organisé dans les écoles de la ville de Paris, il faut attendre la loi Guizot pour le voir apparaître dans l’article 1er de la loi du 28 juin 1833 15. Son enseignement n’est alors réservé qu’aux écoles primaires supérieures et non aux écoles primaires élémentaires où il n’est nullement prévu :

« […] l’enseignement primaire supérieur comprend nécessairement, en outre les éléments de la géométrie, et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l’arpentage ; des notions de sciences physiques et naturelles applicables aux usages de la vie, le chant les éléments de l’histoire et la géographie de la France ».

Le brevet de capacité élémentaire (arrêté du 28 juin1836) requiert des seules institutrices des compétences dans le domaine du chant. Si l’article 16 du brevet de capacité supérieur pour les instituteurs exige « des connaissances théoriques et pratiques et le plain-chant [et] se donne trois ans pour que cette partie de l’examen devînt obligatoire », c’est le 15 mai 1838 que, par une décision du Conseil de l’Instruction publique, les « candidats qui manqueraient de voix se voient autorisés à y suppléer au moyen de la musique instrumentale, sans préjudice de l’examen sur la matière ». Le projet de loi du 31 mai 1847 prévoit, dans son article 13, un enseignement du chant obligatoire aussi bien dans les écoles élémentaires que dans les écoles primaires supérieures mais ce dernier est rendu caduc par la révolution de février. La loi Falloux du 15 mars 1850 rend la pratique du chant facultative et subordonnée à l’autorisation locale du conseil académique. Il est mis au dernier rang des connaissances que « peut comprendre en outre » l’enseignement primaire et ne figure plus dans aucune épreuve du brevet élémentaire. Il faut attendre quinze ans, avec un arrêté du 30 janvier 1865, pour rendre l’enseignement du chant obligatoire dans toutes les écoles normales à raison de cinq heures par semaine comprenant « le plain-chant pour

15. Sous la Monarchie de Juillet, 1830-1848.

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les catholiques, et le chant religieux pour les autres communions » 16. Un arrêté du 8 février 1867 promeut l’enseignement du chant dans toutes les écoles de l’Empire ainsi que le développement des orphéons « dirigés par les instituteurs ».

La loi du 10 avril 1867 quant à elle, ne dit mot sur la musique. C’est sous la Troisième République, à l’heure où les débats sur l’enseignement battent leur plein, qu’Albert Dupaigne dans un long article consacré au chant 17, caresse l’espoir de rendre la musique obligatoire à l’examen d’entrée des Écoles normales, seule condition, selon lui, d’un développement fructueux dans un pays où « les artistes ne sont pas assez instituteurs, les instituteurs pas assez artistes » 18. Ce n’est qu’avec la loi Ferry du 28 mars 1882 qu’elle est, avec le chant, déclarée obliga- toire pour tous les élèves de l’école primaire publique en tant que douzième et dernière discipline des instructions officielles. Les programmes en sont arrêtés le 23 juillet 1883. La destinée, les avancées et parfois les reculs de la musique comme discipline scolaire, sa timide percée mais la constance avec laquelle ses partisans tenteront de l’imposer tout au long du xixe siècle pour finir par la rendre obligatoire témoignent à la fois des intuitions des pouvoirs politiques successifs face à une discipline souvent décriée par le positivisme du siècle et des contingences liées aux événements politiques, reléguant souvent au dernier rang cette discipline envisagée comme un « supplément d’âme ».

Lorsque les législateurs décident de donner à tous les enfants de France l’accès à des connaissances musicales par la fréquentation scolaire, ils manifestent, d’une part, le désir démocratique que l’art ne soit plus réservé à une élite et, d’autre part, une volonté d’acculturation du peuple où chacun se verra la possibilité d’explorer les différents champs de la culture humaine :

« … s’il convient d’introduire ou plutôt de rétablir l’art dans l’école, ce n’est pas seulement pour procurer le meilleur et le plus complet développement des facultés de l’esprit et pour préparer le mieux possible à l’exercice des professions manuelles auxquelles serviront pendant toute la vie ces facultés, dans le cours des heures de travail ; c’est encore pour préparer au meilleur emploi des heures du loisir.

On se plaint que les heures de loisir soient trop souvent remplies par des distractions et des joies d’un ordre tout matériel, où les mœurs se

16. Buisson F. Partie I, Tome1. Paris : Hachette, 1882-1887. Op. Cit., p. 357.

17. Ibid., pp. 355-363.

18. Ibid., p. 358.

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corrompent et l’esprit s’avilit. En serait-il de même si les classes popu- laires étaient mises en état de goûter les préoccupations d’ordre supé- rieur que procurent les belles choses, si elles étaient instruites, fusse même dans une faible mesure, à se plaire dans cette sorte de divine et salutaire ivresse que procurent, par l’ouïe et par la vue, les proportions et les harmonies ?… 19 ».

L’accroissement du nombre des disciplines inscrites au programme et dont bénéficiera la musique est un indice de la volonté politique de faire de chacun, à travers l’école, un citoyen mieux éduqué par une élévation du niveau de la culture scolaire primaire. Si l’introduction d’une culture musicale primaire ne représente pas pour le peuple un accès à l’art, elle vise cependant une élévation morale des membres des classes laborieuses par le contact avec la beauté et les œuvres ; « elle les rend alors plus réceptifs aux principes d’une morale humaine et sociale orientée vers le devoir et favorise ainsi l’intégration à la communauté civique nouvelle fondée sur la Nation que veut promouvoir la république » 20. La formation du goût du peuple pour la culture légitime comme son acculturation par des formes scolaires d’apprentissages musicaux dès l’école primaire, restent un enjeu essentiel dans la volonté de communion esthétique garantissant un ordre social, d’autant qu’elle reste pour la plupart des enfants, la seule qu’ils fréquenteront jamais. Cette réalité est néanmoins tempérée par la mise en pratique incertaine d’instructions ambitieuses par des enseignants peu formés.

3. Ouvrir au peuple « les avenues de la vérité et de la beauté »

Sous la Troisième République, l’existence d’un clivage entre les classes cultivées auxquelles on réserve une éducation classique ayant pour objectif d’« initier ceux qui la reçoivent à la connaissance des beautés de la poésie et […] par conséquent de [les] familiariser avec l’art des anciens et de [leur] former ainsi le goût » 21 et les classes laborieuses cantonnées à une éducation aussi courte que pragmatique, justifie pour le philosophe Félix Ravaisson, dans son article « Art », la propo-

19. Buisson F. Partie I, Tome1. Paris : Hachette, 1882-1887. Op. Cit., p. 124.

20. Alten M. L’enseignement de la musique de Jules Ferry à nos jours. Issy les Moulineaux : EAP, 1995, p. 9.

21. Buisson F. Partie I, Tome 1. Paris : Op. cit., p. 122.

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sition d’une autre voie propre à rétablir un équilibre. Il propose d’élever par une éducation artistique les pensées des classes populaires jusqu’alors cantonnées dans une éducation « constituée presque tout entière d’un point de vue matériel » 22. En soulignant le rôle indispensable de l’art pour tous, il se réfère au sens et à l’idéal, à « la fonction civilisatrice et éducative de l’instruction » 23, source d’élévation.

Héritée de la pensée de Schiller, pour qui seuls le plaisir esthétique et l’art sont aptes à éduquer pleinement et à engendrer ainsi une société harmonieuse « … car c’est par la beauté que l’on s’achemine à la liberté » 24, cette ouverture opérée par F. Ravaisson dans le Dictionnaire de Pédagogie et reprise par la direction du même Dictionnaire dans l’article « Musique » 25 s’oppose aux convictions utilitaristes d’un pouvoir politique qui, « par l’inexpérience du parti libéral aux choses de l’éducation et l’ascendant de l’esprit matérialiste », a maintenu tout ce qui touche

« les inutiles splendeurs de l’idéal » éloigné des classes populaires, leur réservant les notions pratiques et positives utiles au quotidien et à la survie. Si la musique jaillit spontanément des profondeurs de l’âme humaine, il s’agira d’arriver

« jusque dans cette région obscure » afin d’éviter « que les grands principes de la vie morale, le beau, le bien, le devoir, l’humanité, la patrie, la famille… » 26ne se révèlent plus uniquement aux enfants des classes populaires que sous la forme appauvrie de catégories logiques. Ces inspirations spiritualistes critiques, fortement marquées chez les différents auteurs du Dictionnaire, et que Ravaisson lui-même rapproche des aspirations religieuses 27, offrent une place particu- lière à l’imagination qui, chez les enfants, « chez ceux du peuple surtout, […]

devance la raison » 28et contribue à « élever à ce que l’intellect a de plus sublime » 29. Conception classique, on le voit, laquelle, si elle reconnaît puiser ses sources dans la pensée pédagogique de Jean-Jacques Rousseau, de Johann Heinrich Pestalozzi ou de Friedrich Fröbel, se veut dénoncer le manque d’humilité résultant des méthodes modernes qui favoriseraient « la vanité et l’égoïsme » au détriment de

« l’esprit de désintéressement et au besoin de dévouement » 30. F. Ravaisson récuse

22. Buisson F. Partie I, Tome 1. Paris : Op. cit., p. 122.

23. Denis D. & Kahn P. (Dir.). Op. cit., p. 239.

24. Schiller F. Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme. Paris : Aubier, 1992, p. 91.

25. Buisson F. Partie I, Tome 2. Paris : Hachette, 1882-1887, Op. cit, p. 1994.

26. Ibid., p. 1995.

27. Ibid., Partie I, Tome 1, p. 122.

28. Idem., p. 122.

29. Idem., p. 122.

30. Ibid., p. 123.

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ici une pédagogie empirique, fidèle en cela à une vision kantienne de l’enfance.

Il s’agit d’exhorter l’imagination du peuple par une éducation à la beauté qui est le « mot de l’éducation » sans pour autant bannir le désintéressement et le dévouement, qualités requises d’un citoyen épris de la République. Il conviendra donc de prendre garde à ne pas former « cet esprit de personnalité, qui, trop tôt développé, n’est propre […] comme la réclamation perpétuelle du droit, qui procède du même principe, qu’à faire un peuple rogue et mal élevé » 31.

La volonté de F. Ravaisson n’est pas de confiner le peuple dans une vision utilitariste et mécaniste de l’art 32 et ses célèbres prises de position contre le dessin géométrique qui l’opposent à Eugène Guillaume nous le confirment par ailleurs 33. C’est en développant chez le peuple le goût du beau que son âme à son tour éprise de beauté, s’élèvera. Pour autant, l’éducation musicale a une autre finalité : celle d’« un instrument subtil et puissant de culture morale dont il s’agit de munir l’enseignement primaire » 34. L’idéal démocratique ouvrant aux destinées de la liberté rejoint ici les finalités morales et socialisatrices de l’art.

L’enjeu est de taille puisqu’il consiste à délaisser la conception discriminante de l’éducation, réservant jusqu’alors les humanités aux classes supérieures, pour engager un processus nouveau d’acculturation par les arts, en particulier par la musique, comme base politique indispensable à la démocratie, instaurant une

« communauté de sentiments et de pensée, et par conséquent la communauté de culture » 35 propice à l’édification de la Nation.

Comme toute discipline scolaire, la musique est portée par des recommanda- tions et des principes qui posent alors la question du curriculum. Celui proposé par le Dictionnaire reste sous l’influence principale de deux modèles de référence : la culture classique et le modèle religieux dont le chant reste le vecteur essentiel.

31. Idem., p. 123.

32. Ibid., p. 123 et p. 355.

33. Beguery J. Le dessin : vers un problématique enseignement artistique. In : Denis D. &

Kahn P. (Dir.). L’école républicaine et la question des savoirs. Paris : CNRS Éditions, 2003, Ibid., p. 231.

34. Buisson F. Partie I, Tome 2. Op. cit., p. 1994.

35. Idem., p. 1994.

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4. La prégnance du classicisme

Les fonctions moralisatrices et hautement éducatives de la musique sont pour les auteurs du Dictionnaire, incontestables. Pourtant c’est dans l’article « arts d’agré- ments », 36 non signé et dont la rédaction sera donc attribuée comme le précise la préface, à la direction, que l’auteur fustige ces arts qui « n’ont pas leur place dans l’instruction populaire » dans une référence explicite aux réticences platoniciennes pour la musique futile : « L’école primaire doit leur être aussi impitoyablement fermée que la République de Platon l’était aux poètes » 37. Là encore, il s’agit de ne pas faire l’amalgame entre la musique d’agrément et le grand répertoire à vocation éducative, procédant d’une portée intellectuelle, esthétique et morale. A. Dupaigne, dans de longues colonnes dédiées au chant, renforce le propos « en ne laissant pénétrer dans l’école que les œuvres d’un sentiment pur et élevé, en ne craignant pas de s’adresser autant que possible aux grands maîtres » 38. La musique à l’école certes, mais la musique savante d’abord, celle « qui élève les cœurs comme les intelligences, qui ne transige pas avec les passions humaines, avec les mauvais côtés de notre civilisation… » 39. La formation du goût et l’accès de tous à la beauté passent par le modèle des grands maîtres et c’est par la contemplation de la beauté que l’élève apprendra à aimer ce qui lui sera enseigné. Il rappelle à ce propos la richesse du répertoire de la musique populaire classique, adapté aux classes d’âge enfantines, celui de la musique classique élémentaire, dans lequel il convient de puiser les seuls enseignements dignes d’entrer à l’École et souligne à cet effet l’influence indiscutable à ses yeux, des concerts populaires classiques parisiens organisés par les ensembles Pasdeloup dès 1851, puis Lamoureux et Colonne par la suite. Ces concerts très prisés permettent en effet, par des tarifs accessibles aux classes non fortunées, un accès démocratique à l’art musical 40. Les compositeurs les plus prestigieux y sont joués : Mozart, Beethoven, comme d’autres plus récents tels que Berlioz, Schumann, Wagner et Saint-Saëns pour former le goût des « plus intelligents et des plus sympathiques auditeurs » 41. Le succès de ces nouvelles pratiques sociales d’amateurs éclairés concourt à renforcer l’intuition que le législateur a de leurs enjeux lorsqu’il en vante les mérites dans le Dictionnaire.

36. Ibid., Partie I, Tome 1, p. 124.

37. Idem., p. 124.

38. Ibid., p. 356.

39. Idem., p. 356.

40. Idem., p.356.

41. Idem., p. 356.

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Façonner l’âme, modifier les sentiments, former l’esprit, moraliser : autant de tâches confiées à la puissance singulière de la musique dans son acception antique qu’A. Dupaigne promeut en s’érigeant contre l’influence orphéonique et celle du café concert, ruines des mœurs autant que ruines de la musique, sources de décadence.

Dans la promotion de la musique à l’école primaire, un objet d’enseignement réunit les suffrages de tous les auteurs : le chant choral, qui outre sa fonction d’éducation de l’oreille et de la voix, accompagne les rites républicains autant que les étapes de l’enfance, donnant à chacun le sentiment d’appartenance à une communauté dont il est le membre indissociable et fondateur. Si d’aucuns s’accordent à lui reconnaître des vertus essentielles, l’analyse laisse entrevoir des positions philosophiques divergentes dont la portée gagnera les corpus d’ensei- gnement. Deux tendances fortes se dégagent et entrent ainsi en tension : celle de Félix Pécaut, spiritualiste et celle d’Albert Dupaigne qui prône la bonne influence des chants patriotiques.

5. Le chant choral ou « la bonne influence »

5.1. Le chant comme vecteur de l’éducation morale et patriotique

Dans le Dictionnaire de Pédagogie, le chant occupe une place aussi particulière que primordiale et, bien que la longueur des articles ne soit pas l’indicateur d’une ligne éditoriale spécifique, pas moins de dix-sept colonnes lui sont consacrées en 1887 par A. Dupaigne, sans compter l’éloge de ses vertus disséminé au fil de nombreux articles. Si la raison première d’une telle ferveur pour la discipline est sans doute l’apparente facilité d’accès aux pratiques vocales par tous et en particulier par les enfants en bas âge, ceux de la salle d’asile, force est de constater que les arguments idéologiques ne manquent pas quant au développement du chant à l’École.

La place qu’il occupe dans le Dictionnaire de Pédagogie est, à n’en pas douter, à la mesure des vertus que les auteurs lui confèrent sur le plan de l’éducation morale. Le corpus pédagogique et didactique n’est bien sûr pas sans corrélation avec les compétences notionnelles et les savoirs à affirmer à l’école primaire mais c’est bien d’abord dans la lignée d’un enseignement à visée éducative spiritualiste que se situe l’éducation musicale par les chants dont la valeur littéraire et morale

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devient une nécessité 42. En effet, si le chant, introduit au milieu des exercices scolaires, est capable de faire « aimer l’école », « d’élever l’esprit », de donner le goût du beau et « l’amour de l’étude », en représentant le « premier côté esthétique de l’éducation », il se doit pour autant d’alimenter le sentiment d’appartenance à un même peuple à travers les chants patriotiques dont les qualités musicales restent cependant limitées.

À l’heure de la parution du Dictionnaire, la blessure de la défaite face à la Prusse est encore fraîche et si l’instituteur de l’école républicaine de 1887 doit ouvrir sa classe par un chant patriotique 43, c’est bien pour participer de l’unité nationale. Quoi de plus propice au développement du sentiment d’appartenance à une même Nation, à un même drapeau que des chants patriotiques appris dès l’école primaire ? A. Dupaigne regrette à ce propos que la France n’ait pas suivi l’exemple des pays de langue germanique qui, depuis 1813, ont associé leurs plus grands poètes et compositeurs au chant et à la musique scolaire, reconnaissant à l’ennemi, comme à bien d’autres nations, une avance en ce domaine. Le sentiment patriotique, « enrichissant ainsi de chants populaires dignes d’une grande nation, la mémoire de tous les jeunes français », 44 a traversé les différents régimes mais prend sans doute toute son importance à l’heure où la Troisième République décide de scolariser en masse et « où les questions d’instruction et d’éducation du peuple préoccupent à un si haut degré tous les hommes qui ont à cœur le relèvement de la France » 45. L’enthousiasme de l’auteur de l’article est à la mesure de l’intuition qu’il a des possibilités nouvelles ouvertes par l’immense champ d’action offert par le développement de la scolarité. Le talent d’illustres composi- teurs et poètes est ainsi directement mis au service de la Patrie, le sentiment esthétique provoqué par leurs œuvres célébrant « tout ce que la jeunesse doit apprendre à aimer : Dieu, la patrie, la famille, la nature, le devoir, l’héroïsme » 46.

Si le chant s’impose à la fondation de l’École de la République, son instru- mentalisation à des fins politiques, patriotiques ou idéologiques n’est bien sûr pas nouvelle. La nouveauté tient plus dans le fait des auteurs de cette instru- mentalisation : les représentants de l’Institution elle-même. En effet, la chanson du xixe siècle, politique et sociale, accompagne déjà les parcours collectifs et

42. Ibid., p. 362.

43. Idem., p. 362.

44. Idem., p. 362.

45. Idem., p. 362.

46. Ibid., p. 363.

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individuels dans tous les moments de la vie des citoyens. Nous n’en citerons que quelques exemples : la chanson d’amour et la chanson grivoise sont bien sûr prisées sans distinction par tous les milieux tandis que le chant militant reste le vecteur de l’opposition aux pouvoirs en place. Sous la Restauration déjà, les textes de Béranger, chansonnier fort influent et véritable figure nationale, se veulent à cet effet l’expression des sensibilités populaires et ponctuent les banquets politiques 47. Les goguettes, sociétés chantantes populaires où les ouvriers de l’artisanat viennent boire un verre et chanter des refrains parfois subversifs, sont interdites en 1849 par les autorités qu’elles défient, pour laisser place au café-concert et ainsi marquer les débuts de la distinction entre les chanteurs et le public qui ne formaient jusqu’alors qu’un seul corps. Après 1848, la gauche républicaine utilise les chansons de vote pour appeler les hommes aux urnes du tout nouveau suffrage universel masculin 48. Les années 1870-1880 sont, quant à elles, favorables grâce à une nouvelle liberté d’expression au retour des chansons anticléricales et antimilitaristes, telles que peut les composer un autre parolier célèbre, Jean Baptiste Clément. La chanson politique prend son plein essor après la Commune dans les années 1880, en devenant un instrument pour la propa- gande anarchiste 49.

Le chant, on le voit, se révèle être un outil efficace tout au long du siècle, tant pour la définition des classes sociales qui s’y reconnaissent et s’y affrontent à travers des textes qui se veulent être la voix du peuple, que pour la construction des représentations nationales. Il convient en cela, pour le législateur, et suivant l’adage platonicien, de le contrôler pour mieux contrôler le peuple. Ceci peut désormais, par son entrée dans le programme scolaire, être envisagé à l’échelle de la totalité des citoyens, excluant la différenciation par le sexe, la religion et selon la volonté du texte, la classe sociale.

Si les instructions officielles prônent les vertus unificatrices de l’enseignement de chants appropriés à leur objectif, nous retrouvons sur le terrain, relatées par Jacques Ozouf, des traces de ce climat patriotique exalté par sa pratique. En Saône et Loire, une enfant née en 1893, se souvient que « toutes les chansons qu’on

47. Robert V. Le temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération. (1818-1848). Paris : Publications de la Sorbonne, 2010.

48. Darriulat P. La muse du peuple. Chansons politiques et sociales en France. 1815- 1871. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2010.

49. Leterrier A.-S. Musique populaire et musique savante au xixe siècle. Du « peuple » au

« public ». Revue d’histoire du xixe siècle, 19- 1999, pp. 89-103.

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entendait lors des réjouissances familiales dans nos campagnes comportaient un couplet sur l’Alsace Lorraine ; on chantait en classe les chants de Déroulède, on récitait des textes patriotiques. De même aux distributions de prix » 50.

Nous noterons, par ailleurs, l’influence du poète Paul Déroulède plébiscité par les enseignants, indice que les directives officielles ont eu des répercussions significatives dans des régions de France fort différentes. L’écrivain Colette brosse à son tour le tableau d’une réception officielle en 1899, à l’occasion de la visite du ministre de l’Agriculture dans le bourg où Claudine est sommée de faire chanter les enfants de l’école et où les garçons « viennent braire » un chant patriotique 51. Ailleurs, une jeune vendéenne se souvient de la fanfare que dirigeait son père, instituteur en 1889, pour le 14 juillet « sous l’égide de l’école laïque et de tous ses partisans » 52.

De même, pouvons nous supposer avec Michèle Alten que, possédant une formation musicale professionnelle relativement faible par rapport aux exigences des contenus proposés par le Dictionnaire, les instituteurs de la période 1880-1920, « issus du milieu des petits agriculteurs, des artisans, des employés et des ouvriers, […] sont des acculturés récents. Leur attachement à la République, qui les promeut et les sacralise dans leur rôle d’émancipateurs intellectuels et moraux du peuple, est constitutif de leur parcours et de leur mission. Le chant patriotique ou moralisateur en est une des expressions fortes » 53.

Nous analyserons cette donnée comme un facteur favorable à un recours au chant comme pratique socialisatrice, en nous interrogeant à partir de là sur le succès de l’ambition affichée par les pouvoirs publics à cultiver le goût esthé- tique du peuple auquel l’école aura sans doute plus réussi à inculquer les vertus civiques, l’amour de la Patrie et le respect de l’ordre social qu’une véritable culture musicale et artistique.

Le patriotisme, aspiration républicaine, côtoie cependant à travers le chant et de manière paradoxale dans une France qui se laïcise, le modèle religieux dont il semble bien difficile de se défaire. « Dieu, la famille, la patrie, la nature, le devoir, l’héroïsme » restent, pour A. Dupaigne, au Panthéon des valeurs à transmettre

50. Ozouf J. Nous les maîtres d’école. Paris : Gallimard, 1973, p. 222.

51. Willy et Colette. Claudine à l’école. Paris : Le livre de Poche, 1987, p.187.

52. Ozouf J. Op. cit., p. 179.

53. Alten M. L’enseignement de la musique de Jules Ferry à nos jours. Issy les Moulineaux : EAP, 1995.

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par l’enseignement du chant 54. Nous noterons par ailleurs la place occupée par Dieu dans la hiérarchie de ces valeurs.

5.2. La dimension religieuse de l’enseignement du chant

Si Jules Ferry laïcise l’école et en fait un lieu de neutralité, c’est d’une neutralité plus confessionnelle que religieuse dont il s’agit. À l’épicentre d’une vive polémique autour d’une morale non religieuse et bien que positiviste convaincu, il multiplie les discours rassurants touchant la coloration spiritualiste de la morale délivrée par l’école de la République 55et c’est bien au milieu de cette « singulière conjonction des intérêts », 56 dont le manque de cohérence des articles se fait souvent l’écho dans un siècle témoin de changements incessants, que fut écrit celui concernant le chant. La morale républicaine et citoyenne occupe une place importante dans le Dictionnaire autant par le nombre d’articles qui lui sont consacrés que par son ingérence dans le corpus des disciplines qu’elle transcende, pilier de l’édification de l’identité nationale. À ce titre, elle ne manque pas d’entretenir des liens étroits avec l’éducation musicale. Force est de constater qu’il est souvent bien difficile de les démêler de ceux qui la lient à la morale religieuse.

Dès le premier sous-titre de l’article qui lui est consacré, la « bonne influence de l’enseignement du chant » 57dans l’école est associée à un sentiment religieux dont le pays ne tire pas suffisamment profit aux yeux de l’auteur. Si le chant choral est particulièrement encouragé, c’est pour son pouvoir universel, son caractère inspiré dont les autorités religieuses quelles qu’elles soient auraient depuis longtemps compris la dimension :

« … l’impression extraordinaire produite par la musique sur l’organi- sation humaine, impression dont les cérémonies religieuses tirent une si grande action, peut être utilisée partout où il y a besoin d’élever les cœurs et les esprits, de fixer l’attention et de préparer la volonté » 58.

54. Buisson F. Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Paris : Hachette, 1882-1887, Op. Cit., p. 363.

55. Loeffel L. Instruction civique et éducation morale. In : Denis D. & Kahn P. (Dir.). L’école républicaine et la question des savoirs. Paris : CNRS, 2003, p. 27.

56. Dubois P. Le dictionnaire de Ferdinand Buisson. Aux fondations de l’école républicaine. (1878- 1911). Berne : Peter Lang, 2002, p. 113.

57. Buisson F. Partie I, Tome 1. Op. cit., p. 355.

58. Idem.

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Si la musique réveille ce qu’il y a de meilleur dans l’âme en restant un phénomène d’ordre délicat, mystérieux et profond élevant les esprits par son charme inexpli- cable, « elle peut devenir pour les jeunes gens, le préservatif le plus puissant contre les dangers d’autres plaisirs » 59. C’est non sans admiration qu’A. Dupaigne cite l’exemple de l’école primaire des frères moraves de Bethléem qu’il découvre lors d’un voyage aux États-Unis « où les chants religieux et patriotiques, dits avec âme par les enfants et accompagnés par un grand orgue à tuyaux ont fait partager aux visiteurs l’émotion qu’ils excitaient chez les petits chanteurs » 60. De même, la magnificence des effets du plain-chant des églises catholiques reste pour lui un puissant moyen de canaliser passions et immoralité, inféodant ainsi la pratique musicale au sentiment religieux par les effets éminemment socialisateurs du chant choral et de la musique sacrée. L’orgue, contrairement aux cuivres bannis de l’École pour leur vulgarité, tient une place de choix dans l’accompagnement des petits chanteurs, transportant l’interprète et l’auditeur dans une communion quasi cathartique. La dimension morale du chant choral dont l’auteur trouve l’archétype dans le chant religieux des différents cultes fait écho à la dimension spiritualiste du Dictionnaire incarnée par des philosophes tels que F. Buisson ou F. Pécaut entre autres. Pour autant, représentants du courant protestant libéral et promoteurs d’une véritable religion laïque, d’une religiosité anti confessionnelle,

« sorte d’épure d’un christianisme ramené au sentiment religieux », ils entre- tiennent un vif débat, témoignant ainsi de la guerre d’influences que se livrent les différentes sensibilités dans l’élaboration du Dictionnaire 61. C’est d’ailleurs dans l’article « Musique » que Félix Pécaut, protestant, propose son analyse critique du catholicisme et attribue « la singulière pauvreté de notre patrimoine musical » 62à l’appropriation par « quelques virtuoses » du culte catholique, des « représenta- tions théâtrales » alliées aux cérémonies religieuses. Il reste ainsi conforme à la tradition réformée qui, en faisant exécuter les chants et les psaumes par tous les fidèles, met « à profit l’aptitude de l’art musical à servir à une fin morale » 63. Tirer profit de la ferveur qu’engendre la musique sacrée à travers le partage des émotions tant musicales que religieuses et ce pour socialiser et moraliser les populations semble être un point fondamental pour l’auteur. Son analyse

59. Ibid., p. 356.

60. Ibid., p. 357.

61. Loeffel L. Ibid., p. 25.

62. Buisson F. Partie I, Tome 2. Op. cit., p. 1995.

63. Idem.

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des origines de la pauvreté du patrimoine musical français en termes de chant est sans détour une vive critique adressée à l’encontre de l’Église catholique, dont la conception sacerdotale de la musique « privait l’individu de ressentir […] l’émotion religieuse, de laquelle tous les autres grands enthousiasmes empruntent secrètement leur puissance » 64. Ces mises en perspective des rapports fondamentaux entre le sentiment religieux et la musique sont significatives, à travers les argumentaires passionnés, de l’importance primordiale reconnue au chant choral et aux prières mises en musique en tant que fondateurs d’un lien social et d’une communauté de pensée guidée par une morale intimement mêlée à un sentiment esthétique partagé. Pour que ce sentiment soit partagé par tous et pour « ébranler favorablement l’âme populaire », il faut non seulement, selon F. Pécaut, avoir recours à des sentiments généraux et simples mais encore puiser dans ce qui compose « le fond humain commun ». La musique est en cela un précieux auxiliaire.

L’impact émotionnel des chants entonnés en chœur ne se dément pas dans le processus de laïcisation et c’est au cours des diverses manifestations organisées par l’École de la République durant les manifestations du 14 juillet que le culte de la Patrie s’amplifie au son de La Marseillaise chantée par les enfants dirigés par leur instituteur. La célébration laïque prend ici la place de la célébration religieuse. Le chant remplace la prière, comme le souligne un instituteur d’Eure et Loir dans ses souvenirs d’enfance de 1900 relatés par J. Ozouf : «… puis un beau jour, plus de prière, une leçon de chant, et quand le chant fut su, il remplaça la prière… » 65.

C’est en 1911 qu’une commission réunie à l’instigation de Maurice Faure, ministre de l’Instruction publique, proposera une version officielle du Ministère de l’Instruction publique, de l’hymne national à l’usage des écoles, cherchant ainsi un point de convergence entre les exigences patriotiques et musicales 66.

On le voit, le chant comme discipline scolaire revêt bien ici le double sens, relevé par D. Denis et P. Kahn, 67 que F. Buisson lui prête lui-même. S’il est

« matière à enseigner », « fait d’apprendre » ou « manière d’apprendre », il est aussi moyen de « gouverner les esprits et former les caractères » 68, et, de ce fait, partie intégrante de la « forme scolaire ».

64. Idem.

65. Ozouf J. Op. cit., p. 174.

66. Alten M. Op. cit., p. 62.

67. Denis D. & Kahn P. Op. cit., p. 5.

68. Buisson F. Partie I, Tome 1. Op. cit., pp. 715-716.

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Si les idéologies sont à la base de l’introduction de la discipline musicale dans les programmes scolaires, celle-ci se doit cependant de s’incarner de manière pragmatique dans un corpus d’enseignement.

6. Le corpus d’enseignement, vecteur d’une culture légitime

Une nécessité s’impose afin de favoriser la formation du goût musical : débuter l’enseignement de la musique le plus tôt possible. A. Dupaigne, dans la septième partie de l’article « Chant », ne manque pas de pointer les carences des salles d’asile ainsi que celles de l’école primaire où l’on pratique « une interruption complète de l’exercice du chant, oubli absolu de ce qui aurait été appris… » 69. Il préconise une initiation précoce, propice à un véritable développement des aptitudes musicales, cependant que le Dictionnaire, dans sa partie pratique, ne détaille que les compétences attendues à l’âge de la scolarité obligatoire, celui de l’école primaire.

C’est après avoir distingué les trois difficultés principales de l’enseignement de la musique, à savoir la prise de l’unisson, la justesse du timbre et la formation du goût, qu’A. Dupaigne renvoie à la deuxième partie du Dictionnaire pour consultation des programmes, non sans définir ce que doit être l’objectif d’un enseignement musical digne de ce nom : « Tout enseignement qui n’aboutit pas promptement à cette éducation de l’oreille qui permet l’écriture de la musique sous la dictée, ne mérite pas le nom d’enseignement musical » 70. Nous verrons, dans cette promotion sans appel du modèle scriptural, l’influence du Conserva- toire comme source de référence transposée aux programmes de l’école primaire.

C’est A. Danhauser qui, après avoir longuement détaillé 71les compétences indispensables à l’enseignant afin d’assumer sa tâche, sera chargé de concevoir la programmation des apprentissages, reprenant ainsi le modèle des écoles commu- nales de la ville de Paris dont il est l’inspecteur, écoles dans lesquelles les maîtres de musique sont traditionnellement spécialisés. Il détaille par ailleurs le programme de l’examen pour le certificat d’aptitude à l’enseignement élémentaire du chant

69. Buisson F. Partie I, Tome 1.Op. cit., p. 359.

70. Ibid., p. 361.

71. Buisson F. Partie II, Tome 2. Op. cit., pp. 1368 -1378.

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dans les écoles primaires de la capitale 72. Le propos semble souffrir d’un manque de réalisme certain, qui sera sans doute le frein à un enseignement à la mesure des possibilités de ceux qui en sont chargés. Nous ne manquerons pas de nous interroger sur la capacité des instituteurs à assumer le programme ambitieux qui leur est imposé aussi bien en termes de connaissances qu’en termes d’horaires accordés à cette pratique (une heure par semaine). Les maîtres des écoles de province, dont on exige la polyvalence, ne disposent souvent pas de la culture musicale nécessaire à l’application des instructions officielles et les programmes sont déjà surchargés.

Deux domaines sont présents dans le cursus d’apprentissage : le solfège et le chant. La faiblesse des instructions réside cependant dans le manque de corrélation entre les deux disciplines, appréhendées par les textes de manière autonome. Peu de recommandations concernent le chant si ce n’est la progression envisagée :

« chants faciles avec paroles à une ou à deux voix » au cours moyen, « chœurs à 2 ou 3 voix selon le degré d’avancement des élèves » au premier trimestre du cours supérieur, « chœurs à 3 voix » au deuxième et troisième trimestre et répétition des morceaux pour la distribution des prix. Une attention particulière est apportée à la respiration, aux nuances, au style et la prononciation 73. L’enseignement du solfège suit quant à lui une progression aboutissant à l’écriture sous la dictée : théorie, lecture de notes, travail sur la portée, gammes, apprentissage des clés, étude des mesures simples et composées, travail d’intonation. Là encore les cultures populaires cèdent le pas au modèle académique centralisé, dans une volonté d’uniformisation des savoirs propice à la fondation d’une unité nationale basée sur l’adhésion à une culture commune.

Conclusion

Le Dictionnaire de Pédagogie de 1887 tient à octroyer à chacun des citoyens les moyens d’un comportement esthétique dans une double exigence : d’une part, donner à tous, dans une visée démocratique et sans distinction de classe, les outils culturels nécessaires à l’épanouissement personnel ; d’autre part, faciliter l’accession du peuple à des idéaux élevés par le biais d’une éducation moins pragmatique et moins ancrée dans des convictions positivistes jugées réductrices

72. Ibid., p. 1379.

73. Idem.

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et génératrices de ségrégation dans le sens où elle lui serait uniquement réservée. Ces convictions ne sont pas sans nous renvoyer aux idéaux éducatifs de Condorcet qui nous disent de l’instruction élémentaire qu’elle se doit de comporter les éléments de tout savoir et de permettre à chacun d’échapper ainsi au joug des tyrannies quelles qu’elles soient, créant ainsi une nouvelle forme de relation politique, la citoyenneté. Elles nous renvoient aussi à la tradition humaniste incarnée par Schiller aux lendemains de la Révolution préfigurant l’ambition éducative de l’art dans la construction de l’individu autant qu’à une définition traditionnelle de l’art dépourvu d’utilité immédiate. D’autre part, si l’idéal d’émancipation et de justice est une des grandes légitimations de l’ensei- gnement artistique pour les auteurs du Dictionnaire, ces derniers ne sont pas sans entrevoir le rôle déterminant des pratiques culturelles dans la garantie d’une paix sociale. La musique concourt à élever les cœurs et les esprits, fixer l’attention, préparer la volonté au bénéfice de l’organisation humaine 74. En proposant les mêmes objets culturels de référence à tous les enfants de France, l’École n’espère- t-elle pas déjà, par le biais de l’éducation musicale, d’une part adapter les dispo- sitions du peuple à un comportement social commun et normé, et d’autre part engendrer l’adhésion des classes populaires aux valeurs des classes aisées et ainsi à la société tout entière ? L’École, en excluant ce qui ne lui paraît pas conforme à ses fins, prescrit ainsi des goûts, des normes et des valeurs réputés comme seuls valides à l’adhésion des membres d’une société qui y puisent leur identité commune au risque de la violence symbolique que peut revêtir l’imposition de la culture dominante face à l’éviction de la culture du peuple. Cette imposition, si elle est à situer dans le contexte d’avancée des lois scolaires du xixe siècle est néanmoins le signe précurseur que la musique a un rôle éminemment sociali- sateur à jouer et qu’elle est pour le projet républicain « une question de haute importance et qui touche même au plus vif du problème pédagogique. Au fond, elle n’est qu’un chapitre – mais sans doute le plus délicat et le principal – de la grande question de l’introduction de l’art dans l’éducation populaire ». 75

74. Buisson F. Partie I, Tome 1.Op. cit., p. 355.

75. Buisson F. Musique. In : Buisson F. Op. cit., p. 1993.

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Bibliographie

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Music in Ferdinand Buisson’s Dictionnaire de Pédagogie et d’instruction primaire: The Use of a School Subject

to Moralize and Educate the People

Abstract: Ferdinand Buisson’s Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire is a major founding text (two editions: 1887 and 1911), of which we propose a reading of the articles relative to songs and music as objects of teaching. By means of the articles relative to the construction of a particular school subject, we will focus on understanding some of the challenges, struggles and reconcilia- tions inherent to the changes taking place in those seething times at the turn of the nineteenth and twentieth centuries, when the French Republican School was being set up. Beyond the dissensions and the will to insert music into the new school culture to socialize as well as emancipate the future citizen, the various authors follow in the footsteps of Schiller as they anticipate the essential contri- bution of artistic practices in the construction of the subject, both in terms of his/her personal fulfillment and social relations.

Keywords: Music. Dictionary of pedagogy. Socialization. Acculturation. School.

School subject.

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La música en el Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson : una enseñanza para moralizar y educar al pueblo

Resumen : El Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire fue una obra capital e innovadora dirigida por Ferdinand Buisson. Tuvo dos ediciones (la primera en el año 1887, la segunda en el 1911). La lectura que proponemos de los artículos que conciernen la enseñanza del canto y de la música (asigna- turas singulares y, además, en fase de construcción) permite desentrañar algunos de los retos, de las luchas y de los enlaces en el contexto de cambio y eferves- cencia que supuso la invención de la escuela republicana en aquel final de siglo.

A pesar de las divergencias, todos los autores querían integrar la música en la nueva cultura escolar para permitir la socialización y la emancipación de los futuros ciudadanos : abrieron un camino que Schiller ya había presentido, el de la contribución de las prácticas artísticas en la construcción del individuo, tanto en su desarrollo personal como en sus relaciones sociales.

Palabras claves : Música. Diccionario de pedagogia. Aculturación. Escuela.

Asignatura escolar.

Catherine Grivet Bonzon. La musique dans le Dictionnaire de péda- gogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson : une discipline scolaire pour moraliser et éduquer le peuple. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, vol. 46, n° 3, 2013, pp. 89-111. ISSN 0755-9593. ISBN 978-2-918337-16-4.

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