T. Ernandez C. Stoermann- Chopard
introduction
Les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC) pré
sentent une mortalité qui dépasse largement le taux prédit par les facteurs de risque cardiovasculaire «classiques». La mortalité des patients dialysés est ainsi de l’ordre de 10% par année dans notre service. La cause de cet excès de mortalité est un sujet de recherche actif. Le déséquilibre de l’homéo
stasie phosphocalcique, conséquence inévitable de la perte de fonction rénale, est un candidat désigné. Plusieurs études ont notamment démontré une association indépendante et forte entre hyper
phosphatémie et mortalité chez les patients en IRC.1 De nombreuses études ob
servationnelles ont également rapporté un lien indépendant entre déficit en vita
mine D et mortalité dans l’IRC.2,3 Dans une récente métaanalyse, le risque rela
tif de mortalité était de 0,86 par augmentation de 25 nmol/l de 25hydroxyvitamine D3 (25(OH)D3).4 De plus, une amélioration de la survie a été observée chez des patients dialysés recevant un traitement de vitamine D active.5,6 Cet effet ne s’ex
pliquait pas uniquement par l’effet suppressif sur la sécrétion de PTH (hormone parathyroïdienne). La vitamine D est un élément central de l’hémostasie phos
phocalcique et sa biosynthèse est directement altérée dans l’IRC. La vitamine D pourrait ainsi constituer le chaînon manquant entre IRC, hyperphosphatémie et excès de mortalité.
Le rôle essentiel du rein dans la production de la forme active de la vitamine D, la 1,25hydroxyvitamine D3 (1,25(OH)D3), est un concept ancien. La perte d’acti
vité de la 1ahydroxylase rénale dans l’IRC avancée est un élément central de la physiopathologie de l’hyperparathyroïdie secondaire et des désordres métabo
liques osseux en relation avec l’insuffisance rénale (abrégés ensuite «maladie os
seuse rénale»). Ces quinze dernières années, de nombreux progrès scientifiques ont cependant profondément changé la compréhension de la physiologie de la vitamine D. Notamment, il est apparu que le récepteur de la vitamine D (VDR) était exprimé de manière beaucoup plus large que les effets osseux «tradition
nels» de la vitamine D ne le prédisaient. De plus, la coexpression du VDR avec la 1ahydroxylase, l’enzyme activateur de la vitamine D, dans de nombreux tissus Vitamin D and chronic kidney disease :
increasing interest for an old vitamin Patients with chronic kidney disease exhibit a high mortality risk that is not fully explained by the classical cardiovascular risk factors.
Vita min D deficiency highly prevalent among CKD patients is independently associated with an increased mortality risk in this popu
lation. Advances in the understanding of vita
min D physiology dramatically changed the view on the role of this vitamin in kidney di
sease. Extrarenal actions on a variety of tis
sues have been identified. By its cardiovas
cular effects for instance, correction of vitamin D insufficiency might help to reduce the ex
cess of mortality among patients with chronic kidney disease. This article summarizes the sum of knowledge on the roles of vitamin D in kidney disease. Recommendations on scree
ning and substitution with vitamin D in this highrisk population are then proposed.
Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2140-5
Les patients insuffisants rénaux chroniques présentent une mortalité qui dépasse largement le taux prédit par les facteurs de risque cardiovasculaire classiques. Un déficit en vitamine D, hautement prévalent dans cette population, est également as
socié de manière indépendante à la mortalité. Une meilleure compréhension de la physiologie de la vitamine D a permis de mettre en évidence les fonctions dites «extraréna les» de cette vitamine. Par ses effets cardiovasculaires par exemple, la subs
titution en vitamine D pourrait fonctionnellement participer à la réduction de la mortalité dans l’insuffisance rénale. Cet ar
ticle fait la synthèse des connaissances sur la vitamine D dans l’insuffisance rénale chronique et propose des recommanda
tions sur le dépistage et la substitution en vita mine D dans cette population à risque.
Vitamine D et insuffisance
rénale chronique : regain d’intérêt pour une vitamine oubliée
synthèse
Drs Thomas Ernandez et Catherine Stoermann-Chopard Service de néphrologie
Département des spécialités de médecine
HUG, 1211 Genève 14 Thomas.Ernandez@hcuge.ch Catherine.Stoermann@hcuge.ch
périphériques, a fait émerger un nouveau concept : la for
me active de la vitamine D, la 1,25(OH)D3, peut être syn
thétisée dans des sites extrarénaux et générer des effets locaux autocrines.7 La vitamine D joue ainsi un rôle physio
logique dans de nombreux tissus tels que le myocarde, les muscles, le pancréas, l’endothélium, le cerveau ou encore les cellules immunitaires.8,9
La vitamine D est ainsi devenue un sujet incontournable déjà discuté dans deux excellentes revues publiées dans ce journal.10,11 Cet article de synthèse tente de décrire plus spécifiquement l’état des connaissances sur les rôles de la vitamine D dans l’IRC, tant en rapport avec le métabolisme phosphocalcique que de ses effets extraosseux. Une pre
mière partie décrit la biosynthèse de la vitamine D et re
voit brièvement son rôle dans la physiopathologie du mé
tabolisme phosphocalcique dans l’IRC. Une seconde partie s’intéresse aux fonctions extraosseuses de la vitamine D impliquées dans la maladie rénale. Enfin, une dernière par
tie pratique propose des recommandations sur le dépistage et la substitution d’un déficit en vitamine D native chez les patients présentant une maladie rénale.
Les termes «vitamine D native», vitamine D ou cholécal
ciférol seront utilisés de manière synonyme et se référe
ront au cholécalciférol. Le terme «vitamine D active» se ré
férera au calcitriol (1,25(OH)D3). Le calcidiol ou calcifédiol est la forme intermédiaire de la vitamine D après la 25hy
droxylation hépatique (25(OH)D3).
rôledela vitamineddans
laphysiopathologie del
’
insuffisance rénaleBiosynthèse de la vitamine D
L’appellation «vitamine D» n’est pas correcte car il s’agit d’une hormone. En effet, contrairement aux autres vitami
nes, la vitamine D peut être synthétisée par l’organisme au niveau de la peau. L’origine de la vitamine D circulante est double : exogène, alimentaire (ergocalciférol, cholécalciférol, présents par exemple dans certains végétaux ou les pois
sons gras) et endogène (par synthèse cutanée). La vitamine D d’origine alimen taire représente 10 à 20% de la forme cir
culante, la majorité provenant de la synthèse cutanée. Lors de l’exposition solaire de la peau, le 7déhydrocholestérol est transformé par les rayons UVB en prévitamine D3 puis isomérisé en vitamine D3 dite «native» (cholécalciférol) (fi
gure 1).12 Une pre mière hydroxylation se fait au niveau hé
patique (25hydroxyvitamine D3, 25(OH)D3, calcidiol ou calcifédiol) et une seconde a lieu dans le rein (1,25hy
droxyvitamine D3, 1,25(OH)D3, vitamine D «active» ou cal
citriol). L’enzyme res ponsable de cette deuxième hydroxy
lation (1alphahydroxy lase) s’ex prime principalement au niveau des cellules tubulaires rénales proximales qui constituent la source principale de la fraction circulante de 1,25(OH)D3. Cet enzyme est également exprimé dans un grand nombre d’autres tissus périphériques (voir paragra
phe effets «extraosseux» de la vitamine D). La 25(OH)D3 a une longue demivie (deux à trois semaines) et repré
sente la forme circulante principale de la vitamine D. Son dosage est ainsi le meilleur reflet du stock vitaminique de l’organisme.13 La 1,25(OH)D3 est la forme activée de la
vita mine D3, responsable des effets biologiques de la vita
mine. Elle a en revanche une demivie plus courte de qua tre à six heures.
Vitamine D et métabolisme phosphocalcique dans l’insuffisance rénale chronique
La vitamine D3 est connue de longue date pour ses ef
fets osseux et son rôle dans la maladie osseuse rénale est clairement établi. La vitamine D active agit directement sur l’augmentation de l’absorption intestinale et la réabsorp
tion tubulaire rénale de calcium, augmente la résorption osseuse et inhibe la sécrétion de PTH. Un déficit prolongé en vitamine D est la cause du rachitisme chez l’enfant et de l’ostéomalacie chez l’adulte. Dans l’IRC, la perte de masse néphronique est associée à une diminution de l’activité réna le de la 1ahydroxylase et donc du taux circulant de 1,25(OH)D3. Il en résulte une balance calcique négative et une élévation secondaire de la PTH (hyperparathyroïdie secondaire), responsables de la maladie osseuse rénale.
Cet effet apparaît tardivement et est classiquement décrit au cours du stade 3 de l’IRC (taux de filtration glomérulaire l 30 ml/min).
La diminution de la fonction rénale est également asso
ciée à une rétention de phosphate survenant précocement
HO
HO Vitamine D3 ou vitamine D «native»
7,8-déhydrocholestérol
25-hydroxylase Peau
Foie
Reins Sites
extrarénaux
Effets sur le métabolisme phosphocalcique
Effets
«extrarénaux»
1-α-hydroxylase 1-α-hydroxylase 25-hydroxy-vitamine D3 ou calcidiol ou calcifédiol HO
OH
1,25-dihydroxy-vitamine D3 ou cholécalciférol ou vitamine D «active»
HO
OH
OH
UVB
36272_fig1.pdf 1 29.10.12 08:15
Figure 1. Biosynthèse de la vitamine D
(dès les stades 12). Des mécanismes adaptatifs se mettent en place influençant également le métabolisme de la vita
mine D (figure 2). En particulier, FGF23 et Klotho sont deux protéines dont le rôle phosphaturique central vient d’être récemment décrit dans l’IRC. FGF23 et son corécepteur Klotho augmentent l’excrétion rénale de phosphate en in
hibant l’expression du cotransporteur du phosphate (NaPi) dans les cellules tubulaires proximales. Dès le stade 1 de l’IRC, une diminution de l’expression de Klotho est obser
vée et pourrait participer à la rétention de phosphate.14 Paral lèlement, l’expression de FGF23 augmente dès le stade 2 de l’IRC, favorisant l’élimination rénale de phos
phate. Ce mécanisme adaptatif précoce préserve l’homéo
stasie phosphocalcique en prévenant l’élévation plasma
tique de phosphate dans les premiers stades d’IRC. Dans les stades avancés de l’IRC, la concentration très élevée de FGF23 pourrait être délétère agissant comme une toxine urémique.15
Par ailleurs, FGF23 inhibe la 1ahydroxylase et la sécré
tion de PTH.14 Réciproquement, l’élévation de la 1,25(OH) D3 a possiblement un effet inducteur sur l’expression de Klotho.14 Et bouclant la boucle, la 1,25(OH)D3 a un effet in
hibiteur bien décrit sur la sécrétion de PTH. Enfin, la PTH stimule la production de 1,25(OH)D3 et de FGF23. L’uré
mie pourrait également inhiber l’hydroxylation hépatique de la vitamine D diminuant la production de 25(OH)D3.16 Klotho, FGF23, la PTH et l’activité de la 1ahydroxylase in
teragissent ainsi de manière complexe pour maintenir une calcémie normale et limiter l’élévation plasmatique de phos
phate (figure 2). Ils influencent ainsi précocement le méta
bolisme de la vitamine D dans l’IRC. Lorsque l’insuffisance rénale progresse, ces mécanismes sont néanmoins dépas
sés et la phosphatémie s’élève (figure 3). L’hyperparathy
roïdie persistante est responsable des conséquences néga
tives de l’IRC sur la minéralisation osseuse. Hyperphos
phatémie et déficit en vitamine D sont deux candidats susceptibles d’expliquer l’excès de mortalité des patients en IRC.1,4
Insuffisance rénale chronique et déficit en vitamine D
L’IRC dès ses premiers stades est également un facteur de risque important de déficit en 25(OH)D3. La prévalence d’insuffisance et de déficit en vitamine D est ainsi de l’or
dre de 75% et 30% respectivement dans l’insuffisance ré
nale chronique,7 mais peut être largement supérieure dans certaines séries.17 La prévalence d’un déficit en vitamine D augmente avec l’aggravation de la fonction rénale de ma
nière indépendante de l’âge, du sexe, du poids et de la race.18 La diminution de la 25(OH)D3 corrèle par ailleurs à la baisse de la 1,25(OH)D3 indépendamment du stade de l’insuffisance rénale.19 La baisse de la 25(OH)D3 pourrait participer à la diminution de la 1,25(OH)D3 observée dans les stades avancés de l’insuffisance rénale, non pas en rai
son de la baisse de l’activité de la 1ahydroxylase, mais sim
plement par une diminution du substrat de cet enzyme.12,19 Les causes évoquées sont une exposition au soleil plus courte d’une population malade, un régime alimentaire appauvri en vitamine D, ou encore une production de vita
mine D3 par la peau moins efficace à l’instar des personnes âgées de plus de 70 ans.20 Récemment, une étude suggère également une diminution de l’activité de la 25hydroxy
lase hépatique liée à l’urémie.16 Le syndrome néphro tique est également une situation à haut risque de déficit en vi
tamine D3, indépendamment de la perte de fonction ré
nale. La protéinurie élevée chez ces patients est en effet accompagnée d’une fuite urinaire de 25(OH)D3 liée à la vi
tamine D binding protein (DBP). Un déficit sévère en vita
mine D peut alors se développer.21 Ce mécanisme inter
vient vraisemblablement chez tout patient présentant une
1,25-OH-Vitamine D3 25-OH-Vitamine D3
Vitamine D3
PTH FGF23 Klotho
Toxines urémiques ?
- -
- - + +
+ 1-α-hydroxylase 25-hydroxylase
Figure 2. Régulateurs du métabolisme de la vita- mine D dans l’insuffisance rénale chronique PTH : hormone parathyroïdienne.
Taux plasmatiques
Stades 1-2 3 4 5
Phosphate Klotho PTH 25(OH)D3 1,25(OH)D3 FGF23
36272_fig3.pdf 1 29.10.12 08:23
Figure 3. Evolution des régulateurs du métabolisme phosphocalcique au cours de la progression de l’in- suffisance rénale chronique
PTH : hormone parathyroïdienne.
protéinurie importante, par exemple secondairement à une néphropathie diabétique.
Les conséquences d’un déficit en 25(OH)D3 ne sont en
core que partiellement comprises dans la maladie rénale.
Le déficit en 25(OH)D3 pourrait participer aux complica
tions osseuses de l’IRC. Mais ce sont sans doute ses effets extraosseux qui sont susceptibles d’expliquer une partie de l’excès de mortalité des patients en IRC.24
effets extra
-
osseuxdelavitamine d dans l’
insuffisancerénalechroniqueL’activation locale de la vitamine D dans une grande va
riété de tissus périphériques est responsable de ses nom
breux effets extrarénaux largement rapportés dans la litté
rature.8,10 Sans vouloir être exhaustif, nous revoyons ici les effets non osseux les plus significatifs dans l’IRC.
Effets cardiovasculaires
Le VDR est exprimé par les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses et les cardiomyocytes.22 La vita
mine D semble ainsi également jouer un rôle dans la régu
lation de la pression artérielle et la littérature sur ce sujet a récemment été revue dans ce journal.23 Néanmoins, bien que certains essais cliniques randomisés aient démontré un effet bénéfique encourageant de la substitution en vita
mine D sur le contrôle tensionnel, d’autres études font état de résultats contradictoires, ne permettant pas de conclu
sion définitive.23 Un effet bénéfique de la vitamine D sur la fonction cardiaque est également évoqué et un essai cli
nique a montré une diminution de l’hypertrophie ventricu
laire gauche chez des patients dialysés après six mois de traitement par le cholécalciférol.24 Par ailleurs, un essai cli
nique multicentrique randomisé et contrôlé (étude PRIMO) est actuellement en cours pour évaluer les effets du pari
calcitol (un agoniste du VDR) sur l’hypertrophie ventricu
laire gauche chez les patients en IRC non dialysés.25 La fonction de l’endothélium semble être aussi directement altérée par un déficit en vitamine D dans l’IRC.22,26
Effet antiprotéinurique
Parmi les effets non osseux de la vitamine D, l’effet anti
protéinurique des agonistes de la vitamine D (calcitriol, paricalcitol) a fait récemment couler beaucoup d’encre. Un possible effet néphroprotecteur de la vitamine D3 a suscité un certain enthousiasme. Une étude randomisée et contrô
lée (VITAL) a suggéré un effet antiprotéinurique addition
nel du paricalcitol associé à un bloqueur du système RAA (rénineangiotensinealdostérone).27 Il faut néanmoins re
lever qu’aucun bénéfice à l’échelle du patient n’a été éva
lué, tel que la prévention de la progression de l’IRC ou la diminution de la mortalité. De surcroît, la population ob
servée présentait un déficit significatif en vitamine D3 na
tive. Il reste ainsi à définir si l’effet antiprotéinurique ob
servé est spécifique du paricalcitol ou si une correction du déficit initial en 25(OH)D3 produirait le même effet.
Effet sur le système immunitaire
Le VDR et la 1ahydroxylase sont exprimés par la plu
part des cellules du système immunitaire. L’activation lo
cale de la vitamine D peut ainsi réguler la fonction immune en amplifiant par exemple la réponse immunitaire innée antimicrobienne.9,28 La vitamine D pourrait également avoir un effet antiinflammatoire ou immunomodulateur.28 Les patients en IRC présentent un risque élevé d’infections et fréquemment une microinflammation chronique. L’asso
ciation de ces complications avec un déficit en vitamine D et le bénéfice d’une substitution n’est toutefois pas établie.
Effet métabolique
Le VDR est présent dans les cellules b du pancréas et la vitamine D pourrait ainsi participer à la sécrétion d’insu
line mais également agir sur la sensibilité à l’insuline.9 A l’instar de patients sans IRC,29,30 le taux de 25(OH)D3 cor
rèle inversement à l’augmentation de la résistance à l’insu
line observée dans l’IRC.18 Un essai clinique suggère par ailleurs un effet bénéfique de la prescription de vitamine D active sur la résistance à l’insuline chez des patients en IRC non diabétiques.31 Le bénéfice d’une substitution en vitamine D native sur la résistance à l’insuline dans l’IRC reste cependant inconnu.
Autres effets
Les cellules musculaires squelettiques possèdent le VDR et un taux suffisant de vitamine D est nécessaire pour leur fonction optimale. La substitution en vitamine D3 di
minue ainsi directement l’incidence des chutes.32 Les pa
tients en IRC sont une population particulièrement à ris
que de chute et pourraient également bénéficier à cet égard d’une substitution vitaminique. Un essai clinique est ce
pendant encore nécessaire pour confirmer un tel bénéfice.
La vitamine D pourrait également avoir un effet antitumo
ral fréquemment décrit mais controversé.9,10 L’IRC est aussi associée à une augmentation du risque de cancer,33 mais aucune donnée ne permet cependant d’établir un lien entre déficit en vitamine D et augmentation de l’incidence de cancer dans cette population.
la vitaminedchezle patientinsuffisant rénal chroniquenon dialysédans
la pratiqueclinique
Définitions
Il n’existe pas de consensus établi définissant le taux optimal de 25(OH)D3. Pour la plupart des experts, une va
leur de 25(OH)D3 l 50 nmol/l correspond à un déficit et un taux entre 50 et 75 nmol/l à une insuffisance vitaminique (tableau 1).8,10
Recommandations
Les données cliniques actuelles sont insuffisantes pour établir des recommandations formelles pour la substitution de la vitamine D dans l’IRC. Elles sont dès lors principale
ment basées sur des avis d’experts et restent évasives. Par exemple, les recommandations internationales KDIGO (Kidney disease improving global outcomes) suggèrent de mesurer la 25(OH)D3 dans les IRC de stades 35 et de cor
riger le déficit ou l’insuffisance vitaminique de façon simi
laire à ce qui est préconisé dans la population générale.34 Le but est de maintenir un taux plasmatique M 75 nmol/l.
En l’absence d’exposition solaire importante, les besoins journaliers en vitamine D recommandés sont de 8001000 UI, correspondant à l’administration de 100 000 UI tous les trois mois. Cette posologie ne permet cependant pas de corri
ger un déficit qui nécessite des doses plus importantes.8,35
Dosage et substitution en vitamine D
Au vu de la prévalence élevée de déficit en vitamine D, nous proposons de dépister annuellement une insuffisance ou un déficit vitaminique chez tous les patients en IRC, des stades 1 à 5. Une substitution de vitamine D native (cholé
calciférol) (tableau 2) est instaurée en cas d’insuffisance ou de déficit.
Nous proposons le schéma thérapeutique suivant :
• déficit sévère (25(OH)D3 l 25 nmol/l) : une ampoule bu
vable per os de 300 000 UI de Vitamine D3 Streuli, suivie de l’administration de 50 000 UI par semaine, soit par une administration hebdomadaire ou en traitement journalier (par exemple : dix gouttes de Vitamine D3 Wild 1 x/jour).
Après trois mois, un nouveau dosage de la vitamine D doit être effectué. Le schéma de correction sera ensuite adapté en fonction du nouveau taux.
• Déficit modéré (25(OH)D3 L25 nmol/l et l 50 nmol/l) : 50 000 UI hebdomadaires ou équivalent en doses journa
lières fractionnées pendant trois mois.
• Insuffisance (25(OH)D3 L 50 nmol/l et l 75 nmol/l) : 1000 UI à 3000 UI par jour, par exemple 10 à 30 gouttes de ViDe3 (ou équivalent en vitamine D3 Wild) pendant trois mois.
• Une fois le déficit corrigé, la substitution vitaminique doit être diminuée mais rester suffisante pour couvrir les besoins quotidiens en vitamine D de l’ordre de 8001000 UI par jour.10
Le cas particulier du syndrome néphrotique peut né
cessiter des doses correctrices deux fois plus importantes (100 000 UI par semaine) et le taux de 25(OH)D3 devrait alors être suivi de manière plus rapprochée (tous les deux mois).8
En suivant l’évolution du taux de vitamine D, le risque d’intoxication (25(OH)D3 L 375 nmol/l) reste faible en ap
pliquant ces recommandations. Par ailleurs, il n’y a actuel
lement pas d’indication à l’administration intramusculaire de vitamine D3 dans la correction du déficit vitaminique.
La voie parentérale est réservée à des situations particu
lières (malabsorption sévère, hypoparathyroïdie postopé
ratoire aiguë).
conclusion
Le rôle de la vitamine D est clairement établi dans les complications osseuses de l’IRC. La prévalence du déficit en vitamine D est par ailleurs particulièrement élevée dans cette population. Ces dernières années, la compréhension de la physiologie de la vitamine D s’est complexifiée et de nombreuses fonctions extrarénales ont été mises en évi
dence. L’effet le plus important est sans doute une diminu
tion de la mortalité dans la population générale mais éga
lement chez les patients en IRC. Les effets cardiovasculaires pourraient notamment expliquer une partie de cet excès de mortalité. La littérature actuelle manque néanmoins d’es
sais cliniques de bonne qualité pour instaurer des recom
mandations formelles de dépistage et de substitution vita
minique dans l’IRC. Il y a cependant des arguments physio
pathologiques forts pour recher cher et corriger un déficit en vitamine D dans cette population à risque élevé. Malgré l’absence de consensus sur ce sujet très débattu, nous rejoignons l’avis de nombreux experts12 qui proposent de corriger un déficit en vitamine D précocement dans l’IRC. La prescription de vita
mine D native est sûre et bon marché. La mesure du taux plasmatique de 25(OH)D3 est fiable et peut être facile
ment répétée. La réalisation d’essais cliniques de bonne qualité est néanmoins nécessaire pour confirmer le béné
fice de cette prise en charge dans l’IRC.
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Bibliographie
Taux plasmatique de 25(OH)D3 Déficit l 50 nmol/l (20 ng/ml) Insuffisance 50-75 nmol/l (20-30 ng/ml) Taux optimal L 75 nmol/l (30 ng/ml)
Tableau 1. Définition du déficit et de l’insuffisance en vitamine D3
Nom Dosage
Vi-De3 1 goutte = 100 UI
Vitamine D3 Streuli gouttes 1 goutte = 100 UI Vitamine D3 Wild 1 goutte = 667 UI Vitamine D3 Streuli 1 ampoule = 300 000 UI solution injectable*
* peut être administré per os.
Remarque importante : la vitamine D est une molécule liposoluble qui ne se dissout pas dans l’eau et aura tendance à se coller aux parois d’un verre. Elle doit être administrée directement (en comptant les gouttes dans une cuillère) ou dans un yogourt par exemple.
Tableau 2. Préparations de vitamine D (cholécalci- férol) disponibles en Suisse
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* à lire
** à lire absolument