• Aucun résultat trouvé

Vitamine D et insuffisance rénale chronique : regain d’intérêt pour une vitamine oubliée

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Vitamine D et insuffisance rénale chronique : regain d’intérêt pour une vitamine oubliée"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

T. Ernandez C. Stoermann- Chopard

introduction

Les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC) pré­

sentent une mortalité qui dépasse largement le taux prédit par les facteurs de risque cardiovasculaire «classiques». La mortalité des patients dialysés est ainsi de l’ordre de 10% par année dans notre service. La cause de cet excès de mortalité est un sujet de recherche actif. Le déséquilibre de l’homéo­

stasie phosphocalcique, conséquence inévitable de la perte de fonction rénale, est un candidat désigné. Plusieurs études ont notamment démontré une association indépendante et forte entre hyper­

phosphatémie et mortalité chez les patients en IRC.1 De nombreuses études ob­

servationnelles ont également rapporté un lien indépendant entre déficit en vita­

mine D et mortalité dans l’IRC.2,3 Dans une récente méta­analyse, le risque rela­

tif de mortalité était de 0,86 par augmentation de 25 nmol/l de 25­hydroxy­vitamine D3 (25(OH)D3).4 De plus, une amélioration de la survie a été observée chez des patients dialysés recevant un traitement de vitamine D active.5,6 Cet effet ne s’ex­

pliquait pas uniquement par l’effet suppressif sur la sécrétion de PTH (hormone parathyroïdienne). La vitamine D est un élément central de l’hémostasie phos­

phocalcique et sa biosynthèse est directement altérée dans l’IRC. La vitamine D pourrait ainsi constituer le chaînon manquant entre IRC, hyperphosphatémie et excès de mortalité.

Le rôle essentiel du rein dans la production de la forme active de la vitamine D, la 1,25­hydroxy­vitamine D3 (1,25(OH)D3), est un concept ancien. La perte d’acti­

vité de la 1­a­hydroxylase rénale dans l’IRC avancée est un élément central de la physiopathologie de l’hyperparathyroïdie secondaire et des désordres métabo­

liques osseux en relation avec l’insuffisance rénale (abrégés ensuite «maladie os­

seuse rénale»). Ces quinze dernières années, de nombreux progrès scientifiques ont cependant profondément changé la compréhension de la physiologie de la vitamine D. Notamment, il est apparu que le récepteur de la vitamine D (VDR) était exprimé de manière beaucoup plus large que les effets osseux «tradition­

nels» de la vitamine D ne le prédisaient. De plus, la coexpression du VDR avec la 1­a­hydroxylase, l’enzyme activateur de la vitamine D, dans de nombreux tissus Vitamin D and chronic kidney disease :

increasing interest for an old vitamin Patients with chronic kidney disease exhibit a high mortality risk that is not fully explained by the classical cardiovascular risk factors.

Vita min D deficiency highly prevalent among CKD patients is independently associated with an increased mortality risk in this popu­

lation. Advances in the understanding of vita­

min D physiology dramatically changed the view on the role of this vitamin in kidney di­

sease. Extra­renal actions on a variety of tis­

sues have been identified. By its cardiovas­

cular effects for instance, correction of vitamin D insufficiency might help to reduce the ex­

cess of mortality among patients with chronic kidney disease. This article summarizes the sum of knowledge on the roles of vitamin D in kidney disease. Recommendations on scree­

ning and substitution with vitamin D in this high­risk population are then proposed.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2140-5

Les patients insuffisants rénaux chroniques présentent une mortalité qui dépasse largement le taux prédit par les facteurs de risque cardiovasculaire classiques. Un déficit en vitamine D, hautement prévalent dans cette population, est également as­

socié de manière indépendante à la mortalité. Une meilleure compréhension de la physiologie de la vitamine D a permis de mettre en évidence les fonctions dites «extraréna les» de cette vitamine. Par ses effets cardiovasculaires par exemple, la subs­

titution en vitamine D pourrait fonctionnellement participer à la réduction de la mortalité dans l’insuffisance rénale. Cet ar­

ticle fait la synthèse des connaissances sur la vitamine D dans l’insuffisance rénale chronique et propose des recommanda­

tions sur le dépistage et la substitution en vita mine D dans cette population à risque.

Vitamine D et insuffisance

rénale chronique : regain d’intérêt pour une vitamine oubliée

synthèse

Drs Thomas Ernandez et Catherine Stoermann-Chopard Service de néphrologie

Département des spécialités de médecine

HUG, 1211 Genève 14 Thomas.Ernandez@hcuge.ch Catherine.Stoermann@hcuge.ch

(2)

périphériques, a fait émerger un nouveau concept : la for­

me active de la vitamine D, la 1,25(OH)D3, peut être syn­

thétisée dans des sites extrarénaux et générer des effets locaux autocrines.7 La vitamine D joue ainsi un rôle physio­

logique dans de nombreux tissus tels que le myocarde, les muscles, le pancréas, l’endothélium, le cerveau ou encore les cellules immunitaires.8,9

La vitamine D est ainsi devenue un sujet incontournable déjà discuté dans deux excellentes revues publiées dans ce journal.10,11 Cet article de synthèse tente de décrire plus spécifiquement l’état des connaissances sur les rôles de la vitamine D dans l’IRC, tant en rapport avec le métabolisme phosphocalcique que de ses effets extra­osseux. Une pre­

mière partie décrit la biosynthèse de la vitamine D et re­

voit brièvement son rôle dans la physiopathologie du mé­

tabolisme phosphocalcique dans l’IRC. Une seconde partie s’intéresse aux fonctions extra­osseuses de la vitamine D impliquées dans la maladie rénale. Enfin, une dernière par­

tie pratique propose des recommandations sur le dépistage et la substitution d’un déficit en vitamine D native chez les patients présentant une maladie rénale.

Les termes «vitamine D native», vitamine D ou cholécal­

ciférol seront utilisés de manière synonyme et se référe­

ront au cholécalciférol. Le terme «vitamine D active» se ré­

férera au calcitriol (1,25(OH)D3). Le calcidiol ou calcifédiol est la forme intermédiaire de la vitamine D après la 25­hy­

droxylation hépatique (25(OH)D3).

rôledela vitamineddans

laphysiopathologie del

insuffisance rénale

Biosynthèse de la vitamine D

L’appellation «vitamine D» n’est pas correcte car il s’agit d’une hormone. En effet, contrairement aux autres vitami­

nes, la vitamine D peut être synthétisée par l’organisme au niveau de la peau. L’origine de la vitamine D circulante est double : exogène, alimentaire (ergocalciférol, cholécalciférol, présents par exemple dans certains végétaux ou les pois­

sons gras) et endogène (par synthèse cutanée). La vitamine D d’origine alimen taire représente 10 à 20% de la forme cir­

culante, la majorité provenant de la synthèse cutanée. Lors de l’exposition solaire de la peau, le 7­déhydrocholestérol est transformé par les rayons UVB en prévitamine D3 puis isomérisé en vitamine D3 dite «native» (cholécalciférol) (fi­

gure 1).12 Une pre mière hydroxylation se fait au niveau hé­

patique (25­hydroxy­vitamine D3, 25(OH)D3, calcidiol ou calcifédiol) et une seconde a lieu dans le rein (1,25­hy­

droxy­vitamine D3, 1,25(OH)D3, vitamine D «active» ou cal­

citriol). L’enzyme res ponsable de cette deuxième hydroxy­

lation (1­alpha­hydroxy lase) s’ex prime principalement au niveau des cellules tubulaires rénales proximales qui constituent la source principale de la fraction circulante de 1,25(OH)D3. Cet enzyme est également exprimé dans un grand nombre d’autres tissus périphériques (voir paragra­

phe effets «extra­osseux» de la vitamine D). La 25(OH)D3 a une longue demi­vie (deux à trois semaines) et repré­

sente la forme circulante principale de la vitamine D. Son dosage est ainsi le meilleur reflet du stock vitaminique de l’organisme.13 La 1,25(OH)D3 est la forme activée de la

vita mine D3, responsable des effets biologiques de la vita­

mine. Elle a en revanche une demi­vie plus courte de qua tre à six heures.

Vitamine D et métabolisme phosphocalcique dans l’insuffisance rénale chronique

La vitamine D3 est connue de longue date pour ses ef­

fets osseux et son rôle dans la maladie osseuse rénale est clairement établi. La vitamine D active agit directement sur l’augmentation de l’absorption intestinale et la réabsorp­

tion tubulaire rénale de calcium, augmente la résorption osseuse et inhibe la sécrétion de PTH. Un déficit prolongé en vitamine D est la cause du rachitisme chez l’enfant et de l’ostéomalacie chez l’adulte. Dans l’IRC, la perte de masse néphronique est associée à une diminution de l’activité réna le de la 1­a­hydroxylase et donc du taux circulant de 1,25(OH)D3. Il en résulte une balance calcique négative et une élévation secondaire de la PTH (hyperparathyroïdie secondaire), responsables de la maladie osseuse rénale.

Cet effet apparaît tardivement et est classiquement décrit au cours du stade 3 de l’IRC (taux de filtration glomérulaire l 30 ml/min).

La diminution de la fonction rénale est également asso­

ciée à une rétention de phosphate survenant précocement

HO

HO Vitamine D3 ou vitamine D «native»

7,8-déhydrocholestérol

25-hydroxylase Peau

Foie

Reins Sites

extrarénaux

Effets sur le métabolisme phosphocalcique

Effets

«extrarénaux»

1-α-hydroxylase 1-α-hydroxylase 25-hydroxy-vitamine D3 ou calcidiol ou calcifédiol HO

OH

1,25-dihydroxy-vitamine D3 ou cholécalciférol ou vitamine D «active»

HO

OH

OH

UVB

36272_fig1.pdf 1 29.10.12 08:15

Figure 1. Biosynthèse de la vitamine D

(3)

(dès les stades 1­2). Des mécanismes adaptatifs se mettent en place influençant également le métabolisme de la vita­

mine D (figure 2). En particulier, FGF23 et Klotho sont deux protéines dont le rôle phosphaturique central vient d’être récemment décrit dans l’IRC. FGF23 et son corécepteur Klotho augmentent l’excrétion rénale de phosphate en in­

hibant l’expression du cotransporteur du phosphate (NaPi) dans les cellules tubulaires proximales. Dès le stade 1 de l’IRC, une diminution de l’expression de Klotho est obser­

vée et pourrait participer à la rétention de phosphate.14 Paral lèlement, l’expression de FGF23 augmente dès le stade 2 de l’IRC, favorisant l’élimination rénale de phos­

phate. Ce mécanisme adaptatif précoce préserve l’homéo­

stasie phosphocalcique en prévenant l’élévation plasma­

tique de phosphate dans les premiers stades d’IRC. Dans les stades avancés de l’IRC, la concentration très élevée de FGF23 pourrait être délétère agissant comme une toxine urémique.15

Par ailleurs, FGF23 inhibe la 1­a­hydroxylase et la sécré­

tion de PTH.14 Réciproquement, l’élévation de la 1,25(OH) D3 a possiblement un effet inducteur sur l’expression de Klotho.14 Et bouclant la boucle, la 1,25(OH)D3 a un effet in­

hibiteur bien décrit sur la sécrétion de PTH. Enfin, la PTH stimule la production de 1,25(OH)D3 et de FGF23. L’uré­

mie pourrait également inhiber l’hydroxylation hépatique de la vitamine D diminuant la production de 25(OH)D3.16 Klotho, FGF23, la PTH et l’activité de la 1­a­hydroxylase in­

teragissent ainsi de manière complexe pour maintenir une calcémie normale et limiter l’élévation plasmatique de phos­

phate (figure 2). Ils influencent ainsi précocement le méta­

bolisme de la vitamine D dans l’IRC. Lorsque l’insuffisance rénale progresse, ces mécanismes sont néanmoins dépas­

sés et la phosphatémie s’élève (figure 3). L’hyperparathy­

roïdie persistante est responsable des conséquences néga­

tives de l’IRC sur la minéralisation osseuse. Hyperphos­

phatémie et déficit en vitamine D sont deux candidats susceptibles d’expliquer l’excès de mortalité des patients en IRC.1,4

Insuffisance rénale chronique et déficit en vitamine D

L’IRC dès ses premiers stades est également un facteur de risque important de déficit en 25(OH)D3. La prévalence d’insuffisance et de déficit en vitamine D est ainsi de l’or­

dre de 75% et 30% respectivement dans l’insuffisance ré­

nale chronique,7 mais peut être largement supérieure dans certaines séries.17 La prévalence d’un déficit en vitamine D augmente avec l’aggravation de la fonction rénale de ma­

nière indépendante de l’âge, du sexe, du poids et de la race.18 La diminution de la 25(OH)D3 corrèle par ailleurs à la baisse de la 1,25(OH)D3 indépendamment du stade de l’insuffisance rénale.19 La baisse de la 25(OH)D3 pourrait participer à la diminution de la 1,25(OH)D3 observée dans les stades avancés de l’insuffisance rénale, non pas en rai­

son de la baisse de l’activité de la 1­a­hydroxylase, mais sim­

plement par une diminution du substrat de cet enzyme.12,19 Les causes évoquées sont une exposition au soleil plus courte d’une population malade, un régime alimentaire appauvri en vitamine D, ou encore une production de vita­

mine D3 par la peau moins efficace à l’instar des personnes âgées de plus de 70 ans.20 Récemment, une étude suggère également une diminution de l’activité de la 25­hydroxy­

lase hépatique liée à l’urémie.16 Le syndrome néphro tique est également une situation à haut risque de déficit en vi­

tamine D3, indépendamment de la perte de fonction ré­

nale. La protéinurie élevée chez ces patients est en effet accompagnée d’une fuite urinaire de 25(OH)D3 liée à la vi­

tamine D binding protein (DBP). Un déficit sévère en vita­

mine D peut alors se développer.21 Ce mécanisme inter­

vient vraisemblablement chez tout patient présentant une

1,25-OH-Vitamine D3 25-OH-Vitamine D3

Vitamine D3

PTH FGF23 Klotho

Toxines urémiques ?

- -

- - + +

+ 1-α-hydroxylase 25-hydroxylase

Figure 2. Régulateurs du métabolisme de la vita- mine D dans l’insuffisance rénale chronique PTH : hormone parathyroïdienne.

Taux plasmatiques

Stades 1-2 3 4 5

Phosphate Klotho PTH 25(OH)D3 1,25(OH)D3 FGF23

36272_fig3.pdf 1 29.10.12 08:23

Figure 3. Evolution des régulateurs du métabolisme phosphocalcique au cours de la progression de l’in- suffisance rénale chronique

PTH : hormone parathyroïdienne.

(4)

protéinurie importante, par exemple secondairement à une néphropathie diabétique.

Les conséquences d’un déficit en 25(OH)D3 ne sont en­

core que partiellement comprises dans la maladie rénale.

Le déficit en 25(OH)D3 pourrait participer aux complica­

tions osseuses de l’IRC. Mais ce sont sans doute ses effets extra­osseux qui sont susceptibles d’expliquer une partie de l’excès de mortalité des patients en IRC.2­4

effets extra

-

osseuxdelavitamine d dans l

insuffisancerénalechronique

L’activation locale de la vitamine D dans une grande va­

riété de tissus périphériques est responsable de ses nom­

breux effets extrarénaux largement rapportés dans la litté­

rature.8,10 Sans vouloir être exhaustif, nous revoyons ici les effets non osseux les plus significatifs dans l’IRC.

Effets cardiovasculaires

Le VDR est exprimé par les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses et les cardiomyocytes.22 La vita­

mine D semble ainsi également jouer un rôle dans la régu­

lation de la pression artérielle et la littérature sur ce sujet a récemment été revue dans ce journal.23 Néanmoins, bien que certains essais cliniques randomisés aient démontré un effet bénéfique encourageant de la substitution en vita­

mine D sur le contrôle tensionnel, d’autres études font état de résultats contradictoires, ne permettant pas de conclu­

sion définitive.23 Un effet bénéfique de la vitamine D sur la fonction cardiaque est également évoqué et un essai cli­

nique a montré une diminution de l’hypertrophie ventricu­

laire gauche chez des patients dialysés après six mois de traitement par le cholécalciférol.24 Par ailleurs, un essai cli­

nique multicentrique randomisé et contrôlé (étude PRIMO) est actuellement en cours pour évaluer les effets du pari­

calcitol (un agoniste du VDR) sur l’hypertrophie ventricu­

laire gauche chez les patients en IRC non dialysés.25 La fonction de l’endothélium semble être aussi directement altérée par un déficit en vitamine D dans l’IRC.22,26

Effet antiprotéinurique

Parmi les effets non osseux de la vitamine D, l’effet anti­

protéinurique des agonistes de la vitamine D (calcitriol, paricalcitol) a fait récemment couler beaucoup d’encre. Un possible effet néphroprotecteur de la vitamine D3 a suscité un certain enthousiasme. Une étude randomisée et contrô­

lée (VITAL) a suggéré un effet antiprotéinurique addition­

nel du paricalcitol associé à un bloqueur du système RAA (rénine­angiotensine­aldostérone).27 Il faut néanmoins re­

lever qu’aucun bénéfice à l’échelle du patient n’a été éva­

lué, tel que la prévention de la progression de l’IRC ou la diminution de la mortalité. De surcroît, la population ob­

servée présentait un déficit significatif en vitamine D3 na­

tive. Il reste ainsi à définir si l’effet antiprotéinurique ob­

servé est spécifique du paricalcitol ou si une correction du déficit initial en 25(OH)D3 produirait le même effet.

Effet sur le système immunitaire

Le VDR et la 1­a­hydroxylase sont exprimés par la plu­

part des cellules du système immunitaire. L’activation lo­

cale de la vitamine D peut ainsi réguler la fonction immune en amplifiant par exemple la réponse immunitaire innée antimicrobienne.9,28 La vitamine D pourrait également avoir un effet anti­inflammatoire ou immunomodulateur.28 Les patients en IRC présentent un risque élevé d’infections et fréquemment une micro­inflammation chronique. L’asso­

ciation de ces complications avec un déficit en vitamine D et le bénéfice d’une substitution n’est toutefois pas établie.

Effet métabolique

Le VDR est présent dans les cellules b du pancréas et la vitamine D pourrait ainsi participer à la sécrétion d’insu­

line mais également agir sur la sensibilité à l’insuline.9 A l’instar de patients sans IRC,29,30 le taux de 25(OH)D3 cor­

rèle inversement à l’augmentation de la résistance à l’insu­

line observée dans l’IRC.18 Un essai clinique suggère par ailleurs un effet bénéfique de la prescription de vitamine D active sur la résistance à l’insuline chez des patients en IRC non diabétiques.31 Le bénéfice d’une substitution en vitamine D native sur la résistance à l’insuline dans l’IRC reste cependant inconnu.

Autres effets

Les cellules musculaires squelettiques possèdent le VDR et un taux suffisant de vitamine D est nécessaire pour leur fonction optimale. La substitution en vitamine D3 di­

minue ainsi directement l’incidence des chutes.32 Les pa­

tients en IRC sont une population particulièrement à ris­

que de chute et pourraient également bénéficier à cet égard d’une substitution vitaminique. Un essai clinique est ce­

pendant encore nécessaire pour confirmer un tel bénéfice.

La vitamine D pourrait également avoir un effet antitumo­

ral fréquemment décrit mais controversé.9,10 L’IRC est aussi associée à une augmentation du risque de cancer,33 mais aucune donnée ne permet cependant d’établir un lien entre déficit en vitamine D et augmentation de l’incidence de cancer dans cette population.

la vitaminedchezle patientinsuffisant rénal chroniquenon dialysédans

la pratiqueclinique

Définitions

Il n’existe pas de consensus établi définissant le taux optimal de 25(OH)D3. Pour la plupart des experts, une va­

leur de 25(OH)D3 l 50 nmol/l correspond à un déficit et un taux entre 50 et 75 nmol/l à une insuffisance vitaminique (tableau 1).8,10

Recommandations

Les données cliniques actuelles sont insuffisantes pour établir des recommandations formelles pour la substitution de la vitamine D dans l’IRC. Elles sont dès lors principale­

ment basées sur des avis d’experts et restent évasives. Par exemple, les recommandations internationales KDIGO (Kidney disease improving global outcomes) suggèrent de mesurer la 25(OH)D3 dans les IRC de stades 3­5 et de cor­

riger le déficit ou l’insuffisance vitaminique de façon simi­

laire à ce qui est préconisé dans la population générale.34 Le but est de maintenir un taux plasmatique M 75 nmol/l.

(5)

En l’absence d’exposition solaire importante, les besoins journaliers en vitamine D recommandés sont de 800­1000 UI, correspondant à l’administration de 100 000 UI tous les trois mois. Cette posologie ne permet cependant pas de corri­

ger un déficit qui nécessite des doses plus importantes.8,35

Dosage et substitution en vitamine D

Au vu de la prévalence élevée de déficit en vitamine D, nous proposons de dépister annuellement une insuffisance ou un déficit vitaminique chez tous les patients en IRC, des stades 1 à 5. Une substitution de vitamine D native (cholé­

calciférol) (tableau 2) est instaurée en cas d’insuffisance ou de déficit.

Nous proposons le schéma thérapeutique suivant :

déficit sévère (25(OH)D3 l 25 nmol/l) : une ampoule bu­

vable per os de 300 000 UI de Vitamine D3 Streuli, suivie de l’administration de 50 000 UI par semaine, soit par une administration hebdomadaire ou en traitement journalier (par exemple : dix gouttes de Vitamine D3 Wild 1 x/jour).

Après trois mois, un nouveau dosage de la vitamine D doit être effectué. Le schéma de correction sera ensuite adapté en fonction du nouveau taux.

Déficit modéré (25(OH)D3 L25 nmol/l et l 50 nmol/l) : 50 000 UI hebdomadaires ou équivalent en doses journa­

lières fractionnées pendant trois mois.

Insuffisance (25(OH)D3 L 50 nmol/l et l 75 nmol/l) : 1000 UI à 3000 UI par jour, par exemple 10 à 30 gouttes de Vi­De3 (ou équivalent en vitamine D3 Wild) pendant trois mois.

• Une fois le déficit corrigé, la substitution vitaminique doit être diminuée mais rester suffisante pour couvrir les besoins quotidiens en vitamine D de l’ordre de 800­1000 UI par jour.10

Le cas particulier du syndrome néphrotique peut né­

cessiter des doses correctrices deux fois plus importantes (100 000 UI par semaine) et le taux de 25(OH)D3 devrait alors être suivi de manière plus rapprochée (tous les deux mois).8

En suivant l’évolution du taux de vitamine D, le risque d’intoxication (25(OH)D3 L 375 nmol/l) reste faible en ap­

pliquant ces recommandations. Par ailleurs, il n’y a actuel­

lement pas d’indication à l’administration intramusculaire de vitamine D3 dans la correction du déficit vitaminique.

La voie parentérale est réservée à des situations particu­

lières (malabsorption sévère, hypoparathyroïdie postopé­

ratoire aiguë).

conclusion

Le rôle de la vitamine D est clairement établi dans les complications osseuses de l’IRC. La prévalence du déficit en vitamine D est par ailleurs particulièrement élevée dans cette population. Ces dernières années, la compréhension de la physiologie de la vitamine D s’est complexifiée et de nombreuses fonctions extrarénales ont été mises en évi­

dence. L’effet le plus important est sans doute une diminu­

tion de la mortalité dans la population générale mais éga­

lement chez les patients en IRC. Les effets cardiovasculaires pourraient notamment expliquer une partie de cet excès de mortalité. La littérature actuelle manque néanmoins d’es­

sais cliniques de bonne qualité pour instaurer des recom­

mandations formelles de dépistage et de substitution vita­

minique dans l’IRC. Il y a cependant des arguments physio­

pathologiques forts pour recher cher et corriger un déficit en vitamine D dans cette population à risque élevé. Malgré l’absence de consensus sur ce sujet très débattu, nous rejoignons l’avis de nombreux experts12 qui proposent de corriger un déficit en vitamine D précocement dans l’IRC. La prescription de vita­

mine D native est sûre et bon marché. La mesure du taux plasmatique de 25(OH)D3 est fiable et peut être facile­

ment répétée. La réalisation d’essais cliniques de bonne qualité est néanmoins nécessaire pour confirmer le béné­

fice de cette prise en charge dans l’IRC.

1 Hruska K, Mathew S, Lund R, Fang Y, Sugatani T.

Cardiovascular risk factors in chronic kidney disease : Does phosphate qualify ? Kidney Int Suppl 2011;121:S9- 13.

2 Wolf M, Shah A, Gutierrez O, et al. Vitamin D levels and early mortality among incident hemodialysis patients.

Kidney Int 2007;72:1004-13.

3 Pilz S, Tomaschitz A, Friedl C, et al. Vitamin D status and mortality in chronic kidney disease. Nephrol Dial Transplant 2011;26:3603-9.

4 Pilz S, Iodice S, Zittermann A, Grant WB, Gandini S. Vitamin D status and mortality risk in CKD : A meta-

analysis of prospective studies. Am J Kidney Dis 2011;

58:374-82.

5 Teng M, Wolf M, Ofsthun MN, et al. Activated in- jectable vitamin D and hemodialysis survival : A histo- rical cohort study. J Am Soc Nephrol 2005;16:1115- 25.

Bibliographie

Taux plasmatique de 25(OH)D3 Déficit l 50 nmol/l (20 ng/ml) Insuffisance 50-75 nmol/l (20-30 ng/ml) Taux optimal L 75 nmol/l (30 ng/ml)

Tableau 1. Définition du déficit et de l’insuffisance en vitamine D3

Nom Dosage

Vi-De3 1 goutte = 100 UI

Vitamine D3 Streuli gouttes 1 goutte = 100 UI Vitamine D3 Wild 1 goutte = 667 UI Vitamine D3 Streuli 1 ampoule = 300 000 UI solution injectable*

* peut être administré per os.

Remarque importante : la vitamine D est une molécule liposoluble qui ne se dissout pas dans l’eau et aura tendance à se coller aux parois d’un verre. Elle doit être administrée directement (en comptant les gouttes dans une cuillère) ou dans un yogourt par exemple.

Tableau 2. Préparations de vitamine D (cholécalci- férol) disponibles en Suisse

(6)

6 Naves-Diaz M, Alvarez-Hernández D, Passlick- Deetjen J, et al. Oral active vitamin D is associated with improved survival in hemodialysis patients. Kid- ney Int 2008;74:1070-8.

7 ** Cunningham J, Zehnder D. New vitamin D ana- logs and changing therapeutic paradigms. Kidney Int 2011; 79:702-7.

8 Holick MF. Vitamin D deficiency. N Engl J Med 2007;

357:266-81.

9 Thacher TD, Clarke BL. Vitamin D insufficiency.

Mayo Clin Proc 2011;86:50-60.

10 ** Amstutz V, Cornuz J, Krieg MA, Favrat B. Vita- mine D : actualité et recommandations. Rev Med Suisse 2011;7:2332-8.

11 * Bonny O, Burnier M. Place de la vitamine D3, du sevelamer et du cinacalcet dans la prise en charge des patients en insuffisance rénale. Rev Med Suisse 2008;4:

589-95.

12 Jones G. Expanding role for vitamin D in chronic kidney disease : Importance of blood 25-OH-D levels and extra-renal 1alpha-hydroxylase in the classical and nonclassical actions of 1alpha,25-dihydroxyvitamin D(3).

Semin Dial 2007;20:316-24.

13 Holick MF, Binkley NC, Bischoff-Ferrari HA, et al.

Evaluation, treatment, and prevention of vitamin D de- ficiency : An Endocrine society clinical practice guide- line. J Clin Endocrinol Metab 2011;96:1911-30.

14 Kuro OM. Phosphate and klotho. Kidney Int Suppl 2011;121:S20-3.

15 Jüppner H. Phosphate and FGF-23. Kidney Int Suppl 2011;121:S24-7.

16 Michaud J, Naud J, Ouimet D, et al. Reduced hepa- tic synthesis of calcidiol in uremia. J Am Soc Nephrol 2010;21:1488-97.

17 Bouchard J, Ouimet D, Vallée M, et al. Comparison of the prevalence of calcidiol insufficiency in predialysis

and osteoporotic populations. Int Urol Nephrol 2009;

41:983-8.

18 Chonchol M, Scragg R. 25-Hydroxyvitamin D, in- sulin resistance, and kidney function in the Third natio- nal health and nutrition examination survey. Kidney Int 2007;71:134-9.

19 Dusso AS, Tokumoto M. Defective renal mainte- nance of the vitamin D endocrine system impairs vita- min D renoprotection : A downward spiral in kidney disease. Kidney Int 2011;79:715-29.

20 Goldsmith DJ, Cunningham J. Mineral metabolism and vitamin D in chronic kidney disease-more ques- tions than answers. Nat Rev Nephrol 2011;7:341-6.

21 Vaziri ND. Endocrinological consequences of the nephrotic syndrome. Am J Nephrol 1993;13:360-4.

22 Chitalia N, Recio-Mayoral A, Kaski JC, Banerjee D.

Vitamin D deficiency and endothelial dysfunction in non- dialysis chronic kidney disease patients. Atherosclerosis 2012;220:265-8.

23 Wuerzner G, Burnier M, Waeber B. Hypertension et vitamine D : retour sur la scène. Rev Med Suisse 2011;

7:121-4.

24 Matias PJ, Jorge C, Ferreira C, et al. Cholecalciferol supplementation in hemodialysis patients : Effects on mineral metabolism, inflammation, and cardiac dimen- sion parameters. Clin J Am Soc Nephrol 2010;5:905-11.

25 Pritchett Y, Jemiai Y, Chang Y, et al. The use of group sequential, information-based sample size re-es- timation in the design of the PRIMO study of chronic kidney disease. Clin Trials 2011;8:165-74.

26 Patange AR, Valentini RP, Du W, Pettersen MD.

Vitamin D deficiency and arterial wall stiffness in child- ren with chronic kidney disease. Pediatr Cardiol 2012;

33:122-8.

27 de Zeeuw D, Agarwal R, Amdahl M, et al. Selective vitamin D receptor activation with paricalcitol for re-

duction of albuminuria in patients with type 2 diabetes (VITAL study) : A randomised controlled trial. Lancet 2010;376:1543-51.

28 Baeke F, Gysemans C, Korf H, Mathieu C. Vitamin D insufficiency : Implications for the immune system.

Pediatr Nephrol 2010;25:1597-606.

29 Chiu KC, Chu A, Go VL, Saad MF. Hypovitamino- sis D is associated with insulin resistance and beta cell dysfunction. Am J Clin Nutr 2004;79:820-5.

30 Nagpal J, Pande JN, Bhartia A. A double-blind, ran- domized, placebo-controlled trial of the short-term ef- fect of vitamin D3 supplementation on insulin sensiti- vity in apparently healthy, middle-aged, centrally obese men. Diabet Med 2009;26:19-27.

31 Friedman DJ, Bhatt N, Hayman NS, et al. Impact of activated vitamin D on insulin resistance in non-diabetic chronic kidney disease patients. Clin Endocrinol 2012;

77:56-61.

32 Murad MH, Elamin KB, Abu Elnour NO, et al. Clini- cal review : The effect of vitamin D on falls : A systematic review and meta-analysis. J Clin Endocrinol Metab 2011;

96:2997-3006.

33 Weng PH, Hung KY, Huang HL, et al. Cancer-spe- cific mortality in chronic kidney disease : Longitudinal follow-up of a large cohort. Clin J Am Soc Nephrol 2011;6:1121-8.

34 KDIGO clinical practice guideline for the diagnosis, evaluation, prevention, and treatment of Chronic kid- ney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD).

Kidney Int Suppl 2009;113:S1-130.

35 * Jean G, Lafage-Proust MH, Massy ZA, Drüeke TB.

Guidelines for vitamin D prescription in dialysis patients.

Nephrol Ther 2009;5:520-32.

* à lire

** à lire absolument

Références

Documents relatifs

L’équation de la MDRD est plus précise pour le diagnostic d’insuffisance rénale modérée et sévère chez les patients

• Ajouter quelques gouttes d’empoi d’amidon ( ou une pointe de spatule d’indicateur d’iode) : la solution prendra une couleur foncée en présence de diiode. • Ajouter

-Dans une étude portons sur 25 patients avec un diabète de type II une supplementation en vitamine E a amélioré le contrôle du glucose, diminuant

Bien que présent naturellement dans certains aliments, l'acide ascorbique peut être synthétisé grâce au procédé Reichstein à partir du D-glucose. C'est une synthèse difficile

Enfin, une association similaire a été observée par d'autres auteurs, avec une incidence plus faible de cancer du sein et de la prostate dans des

L’ensemble de ces données suggère qu’une régulation très précise de l’expression des gènes "médiée" par les est cruciale pour un fonctionnement cérébral

Produced with ScanToPDF

L'idée de fonder l'unité italienne sur l'histoire et la culture a prévalu pour le choix de Rome comme capitale aussi bien que des chefs-lieux.« Sur les 60 plus grandes villes