• Aucun résultat trouvé

Dernières lumières sur les candidoses invasives

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Dernières lumières sur les candidoses invasives"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

140 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 18 janvier 2012

actualité, info

Dernières lumières sur les candidoses invasives

Le sujet n’est en rien anecdotique. Dans les pays industrialisés, l’émergence des infec- tions fongiques invasives (IFI) est un fait marquant de l’infectiologie de ces trois der- nières décennies.1 Ce phénomène résulte pour l’essentiel de l’amélioration des straté- gies de soins permettant la prise en charge de patients de plus en plus fragilisés. Con tre- partie : le développement d’IFI fréquentes, sévères, et présentant une diversité micro- biologique croissante. Aux Etats-Unis, la fré- quence de ces pathologies a ainsi augmenté de 207% entre 1979 et 2000. Dans ce contexte, les candidoses sont les plus fréquentes des IFI. Elles sont dues à des levures commen- sales des muqueuses et/ou de la peau ; le- vures dont la persistance chez les sujets bien portants résulte de l’équilibre qu’elles par- viennent à établir avec la flore bactérienne et les mécanismes de défense de leur hôte.

Chez les personnes immunologiquement fragilisées, la rupture de cet équilibre con- duit à la translocation à travers la muqueu se, à la dissémination hématogène, et à l’inva- sion tissulaire. Les principaux facteurs de

risque de ces formes hématogènes et inva- sives sont : la colonisation préalable par Can­

dida spp. ; la pratique de l’hémodialyse ; l’usage d’antibiotiques antibactériens à large spectre ; une neutropénie ; la nutrition parentérale ; les cathéters veineux centraux. Outre ces candi- doses d’origine endogène, une transmission manuportée ou liée à l’environnement est possible en milieu hospitalier. La mortalité attribuée à l’épisode candidémique est esti- mée à 24-49%. Et elle reste stable depuis vingt ans en dépit de l’apparition de nou- veaux antifongiques.

Quelles lumières peuvent, sur un tel phé- nomène, nous fournir des approches cellu- laires et moléculaires ? Tel était l’objet de la communication que vient de faire devant l’Académie nationale française de médecine le Pr Alain Bonnin (laboratoire de parasito- logie-mycologie, CHU de Dijon). Deux ques- tions concrètes peuvent d’emblée être sou- levées.

1. Certaines sous-populations génotypi ques de C. albicans présentent-elles un pouvoir

pathogène déterminé ?

Les études de génétique des populations ont montré que C. albicans présente une re- production essentiellement clonale, modèle dans lequel le génome est transmis de façon inchangée d’une génération à l’autre. Cette reproduction clonale se distingue de la re- production sexuée, qui génère de nouvelles combinaisons génotypiques, et donc poten- tiellement de nouvelles propriétés biologi- ques, à chaque génération. «Si C. albicans se reproduit sur un mode "quasi clonal", il im- porte de déterminer si certaines sous-popu- lations génotypiques présentent une capacité accentuée à coloniser les muqueuses ou à envahir les tissus chez les sujets fragilisés»

souligne le Pr Bonnin.

Pour aborder cette question, il a comparé quarante-huit isolats de C. albicans, isolés d’hémocultures, avec autant d’isolats con- trôles obtenus à partir de prélèvements pé- riphériques chez des patients distincts, ap- pariés, ne présentant pas d’hémocultures positives, et traités dans des unités de soins différentes. «Dans un second temps, nous avons étudié la flore commensale de la cavité buccale chez des sujets sains consultant en cabinet dentaire ou en médecine du travail»

explique-t-il. Le prélèvement de sept cents personnes a permis l’isolement de quatre- vingt-cinq isolats de C. albicans chez quatre- vingt-cinq sujets distincts. La comparaison avancée thérapeutique

58_61.indd 3 16.01.12 09:32

(2)

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 18 janvier 2012 141 des fréquences alléliques dans ce grou-

pe avec celles des deux populations précédemment isolées de sujets mala- des n’a pas révélé de différence signi- ficati ve. Cette première série de travaux tend à indiquer que les différentes sous-populations génotypiques de C.

albicans ont la même capacité à coloni- ser et disséminer par voie hématogène chez des malades.

Il a été montré plus récemment que de rares échanges génétiques survien- nent chez C. albicans. Cette possibilité de recombinaisons explique que la struc- ture populationnelle de C. albicans n’est pas strictement clonale. Le «déséqui- libre de liaison» de C. albicans n’est donc pas absolu, et la capacité à pré- dire un génotype multilocus à partir d’un marqueur unique peut être prise en défaut. «Nous avons donc complété l’étude du lien génotype-pouvoir pa- thogène en caractérisant les trois séries de souches au niveau de dix autres loci micro- satellites polymorphes (Multi-locus micro- satellite typing, MLMT). Ces résultats obte- nus dans notre laboratoire par MLMT sont à rapprocher de ceux obtenus par Multi-lo- cus sequence typing (MLST), une méthode basée sur le séquençage de régions d’ADN polymorphes. Les deux métho des, MLMT et MLST, convergent donc pour indiquer

qu’aucune population génotypi que de C. al­

bicans ne présente de capacité déterminée à disséminer par voie hématogène.»

2. Les patients immunodéprimés, colonisés par C. albicans, hébergent-ils une ou plu- sieurs sous-populations génotypiques ?

Plusieurs études ont montré une hétéro- généité de la flore oropharyngée à C. albi­

cans chez des patients infectés par le VIH.

Dans un tel modèle d’une flore muqueuse hétérogène, des sous-populations quantitati- vement mineures peuvent ne pas être iden- tifiées. «Afin de préciser ce risque, nous avons suivi pendant deux ans les patients admis pour leucémie aiguë dans notre CHU, précise le Pr Bonnin. La colonisation du nez, de la gorge, des urines et des matières fé- cales a été étudiée deux fois par semaine pendant les phases d’aplasie thérapeutique.

Cette étude montre une forte homogénéité dans le temps et sur différents sites anato- miques de la flore colonisante à C. albicans chez des patients atteints de leucémie aiguë de novo.»

Les travaux du Pr Bonnin et de son équipe se sont également centrés sur la question de savoir si la paroi de C. albicans est impliquée dans l’interaction avec les entérocytes et si l’interaction C. albicans – cellules épithéliales est dépendante du type cellulaire. Au total, il apparaît que ce sont bien le terrain de l’hôte et la modulation des caractères phé- notypiques de C. albicans par son microenvi- ronnement (muqueuses, tissus) qui condi- tionnent la transition commensal-pathogène chez ce microorganisme. «Nos travaux en cours ont pour objectif de comprendre les mécanismes mis en jeu par C. albicans pour

transloquer à travers une muqueuse intesti- nale qui semble lui opposer une résistance plus importante que l’épithélium buccal, explique ce microbiologiste. Différents as- pects sont abordés, notamment la capacité d’adhérence et d’invasion cellulaire, la mort cellulaire par apoptose et nécrose, ainsi que le stress oxydatif induits dans les cellules épithéliales au cours de l’interaction avec C.

albicans. Nous explorons également le rôle des jonctions serrées des entérocytes dans la protection de la muqueuse intestinale. Ces résultats seront interprétés dans le contexte global du transcriptome différentiel des cel- lules buccales et intestinales, que nous avons analysées à la phase précoce de leur interac- tion avec C. albicans.»

L’ensemble des données de ce program- me permettra une première approche du dialogue complexe qui s’établit entre C. albi­

cans et la muqueuse intestinale à la phase précoce des candidoses invasives d’origine endogène. Parce que ce micromycète, com- mensal habituel du tractus digestif chez l’homme sain, est également le plus fréquent des agents responsables d’IFI chez les sujets malades. Il constitue un remarquable orga- nisme modèle pour étudier les bases fonda- mentales de l’adaptation et du pouvoir pa- thogène chez les microorganismes eucaryo- tes.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Pfaller M, Diekema D. Epidemiology of invasive mycoses in North America. Crit Rev Microbiol 2010;36:1-53.

LDD hotblack/morguefile

58_61.indd 4 16.01.12 09:32

Références

Documents relatifs

L’objectif de ce travail de synthèse est de quantifier la proportion des contenus digestifs dans l’animal, leur répartition et leur composition dans les différents compartiments

Une vingtaine de composés à été identifiée dans les huit aliments utilisés (foin, ensilage de maïs, tourteau de soja, coque de soja, paille mélassée, luzerne déshydratée, pulpe

Obligatoire à partir du 1 er janvier 2018 pour les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans et les écoles maternelles et élémentaires, est précédée

Mais très vite il apparaît que c’est une demande pour demander, sans limite, relevant d’une insatisfaction fondamentale. z La souffrance n’est pas dans l’objet de

Par contre, une expérience en libre consommation aurait vraisemblable- ment fait apparaître des différences beaucoup plus importantes entre les vitesses de transit du foin

L’utilisation de ce mode d’expression par sommation après correction pour la dose administrée (fig. 4 et 5 ) permet d’observer chez certains lapins une

2020 Evaluation de l’activité antifongique des extraits totaux de Hugonia platysepala sur les pathogènes responsables de cryptococcoses et de candidoses chez les

Les résultats obtenus ont révélé que les deux extraits aqueux (ETA) et hydro alcoolique (ETOH) ont une activité fongicide sur Cryptococcus neoformans et Candida albicans