problématique
Le mélanome est le quatrième cancer le plus fréquent en Suisse, et son incidence ne fait qu’augmenter (doublement de l’inci
dence tous les quinze ans).1 Le comporte
ment individuel face à l’exposition au soleil est un facteur de risque important. 2 La publi
cité omniprésente pour les crèmes solaires laisse croire à leur efficacité, alors qu’il a été démontré qu’elles ne protégeaient pas du mélanome. Ce message estil passé ?
objectifs
S’informer de la prévention actuelle ; con
naître le niveau et les sources d’information de la population s’exposant au soleil ; démon
trer les stratégies de protection adoptées ; discuter ces résultats avec les profession
nels concernés.
méthodologie
Nous avons, dans un premier temps, créé un questionnaire visant à apprécier les con
naissances et les stratégies de prévention de la population jeune lausannoise. Puis, nous avons discuté de ces résultats avec cinq médecins généralistes et trois derma
tologues, un représentant de la Ligue vau
doise contre le cancer (LVC), un expert en santé publique et une journaliste d’un ma
gazine féminin.
résultats
Nous avons interrogé 87 étudiants, âgés de 18 à 30 ans. Plus de la moitié (49/87 ; 56,3%) a remarqué une prévention contre les dangers du soleil (affiches, spots TV, presse) mais elle n’a eu d’influence que sur 20% des étudiants. Nous pensons que ceux
ci ont préalablement été sensibilisés par leur entourage (figure 1).
La majorité d’entre eux est consciente des effets néfastes du soleil : les cancers de la peau, le vieillissement cutané et les brûlures solaires ont été évoqués par 70% des étu
diants. Nonobstant ces quelques connais
sances, les étudiants interrogés se protègent de manière inadéquate : 77% utilisent de la crème solaire et, parmi eux, 65,5% pensent que les produits solaires sont un moyen efficace de protection contre le mélanome (figure 2).
Les recommandations principales de la
LVC sont de limiter l’exposition et de porter des vêtements, la crème solaire étant une mesure additionnelle.3
Les médecins généralistes interrogés mé
connaissent l’inefficacité des produits so
laires dans la prévention contre le mélanome.
Pourtant, ces derniers ont un rôle central dans la sensibilisation de la population aux méfaits du soleil. Clarifier l’usage et les indi
cations des produits solaires devrait faire partie des sujets abordés lors de leurs con
sultations.
Les dermatologues interrogés appliquent adéquatement les principes de prévention.
Toutefois, leur population cible est limitée à leur clientèle et les personnes sensibilisées par la maladie (principalement les person
nes ayant une peau à risques, celles ayant eu un mélanome ou celles dont un membre de la famille a souffert de la maladie).
Quant à la LVC, elle manque de ressour
ces (humaines et financières) pour faire passer ses messages de prévention alors que le marché des produits solaires dispose d’importants moyens publicitaires, ce qui perpétue l’association erronée entre crème solaire et protection contre le mélanome.
Outre le rôle des médecins, des derma
tologues et de la LVC dans la prévention du mélanome, il faut garder à l’esprit que la res
ponsabilité individuelle (comportement res
ponsable face au soleil) est un pilier central dans la prévention de ce cancer.4 Selon le Dr Guggisberg, dermatologue installé à Neu
châtel, «les personnes les plus réceptives à la prévention sont celles concernées par la maladie (les personnes ayant une peau à risques, celles ayant eu un mélanome ou celles dont un membre de la famille a souf
fert de la maladie). Il faudra attendre encore quinze à vingt ans pour que les comporte
ments prennent un autre tournant, les habi
tudes de vie face à l’exposition solaire étant difficiles à modifier.»
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 septembre 2014 1627
Bibliographie
1 Gloor E, Meystre-Augustoni G, Ansermet-Pagot A, et al. Travailleuses du sexe : un accès aux soins limité ? Rev Med Suisse 2011;7:1429-33.
2 Meystre-Augustoni G, Voellinger R, Balthasar H,
Dubois- Arber F. Comportements par rapport au VIH/
sida et autres infections sexuellement transmissibles dans l’univers de la prostitution féminine. Lausanne : Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 2008
(Raison de santé, 139).
3 Lerion H, Zesson G, Hubert M. The Europeans and their sexual partners. Sexual Behaviour and HIV/AIDS in Europe. London: 1998
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Mélanome : un cancer qui bronze
Simone Ackermann, Claudia Rebell, Sébastien Vedani, Anne Vuadens, Adrian Wolfensberger, étudiants en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne
Figure 1. Prévention contre les dangers du soleil : connaissances et impact sur le comportement
N’a pas remarqué de prévention
A remarqué une prévention
Pas d’impact sur
le comportement Impact sur le comportement 0 20 40 60
Nombre de personnes
Figure 2. Avis de notre échantillon au sujet de l’efficacité de la crème solaire contre le mélanome
Utile 66%
Inutile 23%
Ne sait pas 11%
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conclusion
Au terme de ce travail, nous avons constaté que les messages de prévention n’ont que peu d’impact sur la population jeune. Une plus grande implication de la part de tous
les acteurs de cette problématique semble essentielle : la responsabilité individuelle, les messages de prévention de la LVC, les con
seils des médecins de premier recours et un soutien des autorités sanitaires.
Finalement, la population jeune n’a pas encore retenu le message essentiel : la crème solaire ne suffit pas.
1628 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 3 septembre 2014 Bibliographie
1 Bulliard JL. Epidémiologie et prévention du mélanome cutané en Suisse. Forum Med Suisse 2009;17:314-8.
2 Lund LP, Timmins GS. Melanoma, long wavelenght ultraviolet and sunscreens : Controversies and potential
resolutions. Pharmacol Ther 2007;114:198-207.
3 OFS. Epidémiologie du cancer. Le mélanome de la peau : état des lieux et prévention. Actualités OFS, Neu- châtel, 16.04.2012.
4 Planta MB. Sunscreen and melanoma : Is our prevention message correct ? J Am Board Fam Med 2011; 24:735-9.
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La santé dans le panier de l’industrie alimentaire
Représentations des consommateurs vis-à-vis des allégations de santé et nutritionnelles
Frédéric Bacchetta, Jacques Bijon, Jean Degott, Pieter-Jan Gijs, Mihailo Obrenovic,
étudiants en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne
introduction
Les allégations de santé et nutritionnelles (ASN) sont de plus en plus présentes dans les produits alimentaires. Cette augmenta
tion s’inscrit dans un changement sociétal global entraînant une adaptation aux niveaux politique, économique, scientifique et du système de santé. En effet, dans un con
texte de médicalisation de la société en gé
néral, et de l’alimentation en particulier, de nouvelles normes dans les différents terri
toires du champ social apparaissent, ce qui nous con duit à reconsidérer le rapport entre les aliments et la santé.1 Ces changements amènent donc les consommateurs à deve
nir autonomes visàvis de leur santé via l’alimentation.
Qu’est-ce qu’une allégation de santé ?
Il s’agit de toute mention utilisée sur les étiquettes, lors de campagnes de publicité, selon laquelle la consommation d’un aliment donné ou d’un de ses ingrédients peut avoir des bienfaits pour la santé ;2 par exemple, vitamines et minéraux, fibres et bactéries
«probiotiques».
Qu’est-ce qu’une allégation nutritionnelle ?
Les allégations nutritionnelles affirment ou suggèrent qu’un aliment possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques spé
cifiques. Il s’agit par exemple des mentions
«faible teneur en graisse», «source d’acides gras oméga3» ou «riche en fibres».2
L’objectif de notre projet était d’explorer les représentations, opinions et connais
sances des consommateurs visàvis des ASN présentes dans la publicité de produits alimentaires.
méthodes
Nous avons effectué une revue de littéra
ture et mené des entretiens avec différents spécialistes afin de parcourir l’histoire des ASN, leurs dimensions sociales, politiques, économiques, comportementales et cultu
relles. Nous avons ainsi rencontré les inter
venants suivants : une représentante de la Fédération romande des consommateurs (FRC), le chimiste cantonal vaudois, un mé
decin nutritionniste, une diététicienne, un épidémiologiste, deux anthropologues et un publiciste. Nous avons interrogé 31 consom
mateurs lors d’entretiens qualitatifs semi
structurés, dans deux supermarchés de la région lausannoise.
résultats
Conformément aux observations faites lors de nos différents entretiens, nous re
marquons que peu de produits ASN sem
blent marquer les esprits. La compréhen
sion de l’ASN par les consommateurs se limite souvent au slogan publicitaire et la
grande majorité des personnes interrogées se dit noninfluencée par l’ASN de la publi
cité, bien que certaines seraient tentées d’essayer le produit par curiosité pour la nouveauté. Nous avons relevé que trois groupes de personnes se distinguaient se
lon la confiance accordée aux ASN : celles à confiance absolue, celles qui ont besoin de preuves, et les sceptiques qui n’accordent aucune crédibilité au message. Les consom
mateurs pensant que l’argument santé est surtout du marketing ne paieraient pas plus cher pour un produit ASN, tandis que les consommateurs sensibles à des ASN qui toucheraient un problème de santé person
nel paieraient le produit plus cher.
Cependant, à prix égal, nous constatons que les gens choisissent presque toujours le produit avec un plus santé, celuici étant considéré comme bon à prendre. En som
me, les critères du goût et du plaisir sont principalement ceux qui vont favoriser le maintien de l’achat d’un produit ASN plus onéreux, bien que de nombreux autres fac
teurs entrent en considération (figure 1).
L’opinion des spécialistes interrogés re
joint les tendances générales des consom
mateurs mentionnées cidessus. En effet, les consommateurs attachent plus d’impor
tance à la nonmalfaisance des produits plutôt qu’à leur bienfaisance, et il est diffi
cile d’établir si c’est l’ASN qui va motiver l’achat du produit ou plutôt son attractivité globale.
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