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Diarrhée congénitale : un diagnostic de dysplasie épithéliale intestinale

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Texte intégral

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Médecine

& enfance

C A S C L IN IQ U E S

avril 2016 page 99

◗ Allergie alimentaire et retard psychomoteur chez un nourrisson

◗ Diarrhée congénitale : un diagnostic de dysplasie épithéliale intestinale

P. Matarazzo, service de pédiatrie, Centre hospitalier de la Côte basque, Bayonne

L a mise en place chez l’enfant d’un régime d’éviction alimentaire, dans le cadre d’une allergie, peut conduire à un déséquilibre des apports, soit lorsque les parents proposent un ré- gime inapproprié, voire déviant [1] , soit en raison de la mauvaise acceptation du régime par l’enfant. Nous rapportons l’observation d’un nourrisson ayant des troubles du comportement alimentaire qui vont s’aggraver lors de la mise en place d’un régime d’éviction et entraî- ner une carence en vitamine B12 res- ponsable de troubles neurologiques.

OBSERVATION

Un garçon âgé de quatorze mois est adressé en consultation de gastroenté- rologie pédiatrique pour allergie ali- mentaire, mauvaise croissance pondé- rale et retard psychomoteur.

Il est le premier enfant d’une femme âgée de trente-huit ans ayant des anté- cédents d’asthme allergique. La mère était séronégative pour la toxoplasmo- se. L’enfant est né à terme par césarien- ne. Des biberons de lait 1

er

âge stan- dard lui ont été donnés dans les pre- mières vingt-quatre heures de vie, avant que la mère puisse lui donner le sein. Il a bénéficié ensuite d’un allaitement ma- ternel exclusif, et dès l’âge de trois mois a présenté un eczéma étendu. Devant une insuffisance de lactation, la diversi- fication a été débutée à l’âge de cinq

mois, sans majoration de l’eczéma. Cependant, l’enfant a pris surtout le sein, et une stagnation pondérale est apparue (voir

courbe) . A l’âge de sept mois, la prise d’un premier biberon de lait infantile standard déclenche une urticaire aiguë.

Un régime sans protéines du lait de vache (PLV) est alors proposé, mais l’enfant refuse les différents hydrolysats extensifs de protéines ainsi qu’une for- mule à base de soja. A l’âge de huit mois, l’enfant présente une nouvelle ur- ticaire après la prise d’un boudoir. Des tests cutanés sont alors réalisés et se ré- vèlent très positifs, confirmant une al- lergie à l’œuf. Par la suite, les troubles du comportement alimentaire vont per- sister et s’aggraver, avec un refus des substituts des PLV et de toute viande même mixée. Le retard pondéral se ma- jore progressivement et un retard des acquisitions motrices apparaît, avec no- tamment une tenue assise acquise à douze mois.

L’examen clinique, réalisé à quatorze mois, révèle une hypotrophie, une hy- potonie musculaire globale, avec un en- fant ralenti, peu souriant et irritable. Le poids est de 7 940 g (– 2 DS), la taille de 75 cm (– 0,5 DS) ; l’enfant ne tient pas debout avec appui et ne se déplace pas.

Un bilan biologique met en évidence une anémie modérée, non régénérative, mégaloblastique (Hb : 10,4 g/dl ; VGM :

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Allergie alimentaire et retard

psychomoteur chez un nourrisson

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110 µ

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; réticulocytes : 33 000/mm

3

).

Le bilan est alors complété par un dosa- ge de la vitamine B12 plasmatique, qui se révèle modérément abaissée à 199 pg/ml (N : 239-931), la folatémie restant normale. Un bilan effectué chez la mère montre une NFS et un dosage de la B12 normaux, et des anticorps an- ti-facteur intrinsèque négatifs.

Une vitaminothérapie par voie injec- table est prescrite. Dans les quarante- huit heures qui suivent la première in- jection de 200 µ g de B12, on constate

une transformation sur le plan moteur.

Puis une modification du comporte- ment apparaît progressivement, ainsi qu’une meilleure acceptation des ali- ments. Un bilan biologique réalisé après quinze jours de traitement montre une régression de l’anémie et une normali- sation du taux de B12.

Maintenant âgé de trois ans, l’enfant pré- sente toujours une allergie alimentaire aux PLV et à l’œuf, mais son évolution neurologique est rassurante, avec des ca- pacités motrices et cognitives normales.

DISCUSSION

Sur le plan de l’allergie, cette observa- tion confirme le caractère délétère des biberons de lait infantile donnés occa- sionnellement en maternité. L’allaite- ment maternel, dans cette observation, n’a pas eu d’effet protecteur sur l’aller- gie. On peut émettre l’hypothèse d’une sensibilisation par le lait maternel, com- me en témoigne l’apparition d’un eczé- ma précoce sous lait maternel et la réac- tion à l’œuf.

Sur le plan du comportement alimentai- re, il est probable que le fait d’imposer un régime restrictif à cet enfant à un moment où il devait diversifier son ali- mentation a favorisé l’apparition d’une hypersélectivité alimentaire.

Enfin, les cas rapportés de carence en B12 chez le nourrisson sont rares. Ils sont retrouvés principalement chez les enfants allaités de manière prolongée par une mère végétarienne ou porteuse d’une maladie de Biermer, ou excep- tionnellement chez les enfants souf- frant d’anémie congénitale ou de troubles métaboliques [2] . Dans notre observation, la mère n’est pas végéta- rienne, mais n’a pas consommé de vian- de rouge pendant la grossesse en raison de la sérologie toxoplasmose négative.

La carence en B12 s’installe lentement chez les végétariens (en cinq à sept ans), et cette maman avait probable- ment juste une baisse des stocks. La B12, ou cobalamine, est une vitamine hydrosoluble, présente dans les ali- ments d’origine animale. La carence en B12 peut entraîner chez le nourrisson une anémie ainsi que des troubles du comportement et des troubles neurolo- giques. Ces troubles neurologiques peuvent régresser rapidement après traitement, comme en témoigne cette observation, mais ils peuvent égale- ment conduire à des séquelles.

L’évolution sous vitaminothérapie laisse supposer que cet enfant avait bien une carence en B12 symptomatique. L’as - sociation de différents facteurs en est probablement la cause : régime d’évic- tion alimentaire, troubles du comporte- ment alimentaire, allaitement maternel Médecine

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avril 2016 page 100 Stagnation pondérale apparue à l’âge de six mois

6 mois

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L a dysplasie épithéliale intestinale, ou « tufting enteropathy » (enté- ropathie en touffes), est une enté- ropathie congénitale [1] . Elle se manifes- te par une diarrhée persistante, de dé- but précoce, sans germes. Il s’agit d’une diarrhée sécrétoire, c’est-à-dire non améliorée par le repos digestif [2] . Elle a pour conséquence une malabsorp tion et une malnutrition nécessitant une nutri- tion parentérale au long cours. La muta- tion du gène EPCAM sur le chromosome 2p21 est l’une des deux mutations dé- crites à l’heure actuelle. Elle empêche l’expression de la molécule d’adhésion EpCAM sur la surface des cellules épi- théliales. Cela se traduit histologique- ment par une désorganisation des enté- rocytes, avec formation d’amas focaux, ou « touffes », à la surface de l’épithé- lium. Nous rapportons un cas de dyspla- sie épithéliale intestinale diagnostiqué à l’âge de quatorze mois chez un nourris- son présentant une diarrhée chronique avec dénutrition majeure.

OBSERVATION

Un bébé de quatorze mois, de sexe mas-

culin, est amené aux urgences pédia- triques pour dénutri- tion sévère. Il est né en Algérie, à 41 SA et 10 jours, avec un poids

de 5 670 g pour une taille de 54 cm. Il n’y a pas eu de pathologie obstétricale, notamment pas d’hydramnios. L’enfant est le cinquième d’une fratrie en bonne santé, de parents non consanguins.

L’examen néonatal était normal.

Cet enfant a été nourri au sein jusqu’à l’âge d’un mois et demi, puis alimenté par une formule infantile en raison d’une mauvaise prise pondérale. A par- tir de deux mois et demi, il a présenté une diarrhée faite de 4 à 8 selles par jour, liquidiennes, verdâtres, non glai- ro-sanglantes, ainsi que des vomisse- ments intermittents. La courbe pondé- rale montre une cassure : + 2 DS à deux mois et demi, – 3 DS à neuf mois. De nombreux changements de lait ont été tentés lors de sa première année de vie, des hydrolysats de protéines de lait de vache ou de riz jusqu’à l’exclusion totale des produits laitiers, sans amélioration de la diarrhée ni de rattrapage pondé-

ral. Au moment de sa prise en charge, l’alimentation de l’enfant était limitée à des purées de pommes de terre ou de carottes et à des compotes.

EXAMEN CLINIQUE

A l’arrivée aux urgences, l’enfant était âgé de quatorze mois, pesait 5,520 kg (– 5 DS), soit 150 g au-dessous de son poids de naissance, et mesurait 69 cm (– 3,3 DS). Le rapport périmètre bra- chial/périmètre crânien était de 0,19, et l’indice de masse corporel de 10,8. L’en- fant était cachectique avec une amyo- trophie diffuse, une hypotonie, des che- veux fins et cassants, un érythème des points d’appui, un teint cireux et un pli cutané persistant. L’abdomen était mé- téorisé. Il n’existait pas de dysmorphie faciale. Le développement psychomo- teur était compatible avec l’âge.

DIAGNOSTIC

Le bilan initial a révélé une natrémie bas- se (133 mmol/l), une hypoprotidémie (49 g/l) avec hypoalbuminémie (28 g/l), une hypocalcémie (2,18 mmol/l) et hy- pophosphorémie (1,13 mmol/l), une cy- tolyse hépatique (ASAT : 119 U/l, ALAT : 67 U/l), un bilan lipidique perturbé (LDL : 0,33 mmol/l, HDL : 1,85 mmol/l).

Il n’y avait pas de syndrome inflammatoi- re. Les sérologies virales d’hépatites et VIH étaient négatives. Le dosage pondé- ral des immunoglobulines, l’immunophé- notypage lymphocytaire et les sérologies postvaccinales étaient normaux. La re- cherche de stéatorrhée, d’anticorps anti- transglutaminases et d’IgE spécifiques des protéines de lait de vache était néga- tive, de même que celle d’anticorps anti- entérocytes.

Sous nutrition entérale par hydrolysat de protéines de lait de vache, les selles restaient glaireuses et nauséabondes, leur poids variant entre 520 et 930 g/j.

La perte de poids s’est poursuivie jus- qu’au nadir de 4,880 kg. La diarrhée persistait sous nutrition parentérale malgré un repos digestif complet.

Devant ce tableau de diarrhée sécrétoire congénitale avec dépendance totale à la Médecine

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Diarrhée congénitale : un diagnostic de dysplasie épithéliale intestinale

S. Pertuisel

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, A. Arion

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, H. Lemercier

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, V. Ribault

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, N. Bach

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, M. Rabant

2

, N. Brousse

2

, O Goulet

3

, J. Brouard

1

, C. Dupont-Lucas

1

1

Service de pédiatrie, CHU, Caen.

2

Service d’anatomopathologie, hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris.

3

Centre de référence des maladies digestives rares, service de gastroentérologie-hépatologie- nutrition pédiatriques, hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris

prolongé par une mère ayant des stocks abaissés en B12.

CONCLUSION

Il faut rester particulièrement vigilant chez l’enfant allergique lors de la mise en place d’un régime d’éviction alimen- taire et ne pas hésiter à effectuer un bi- lan biologique à visée nutritionnelle. La carence en B12, considérée comme rare chez le nourrisson, est probablement

sous-estimée, ce qui peut être préjudi- ciable étant donné ses conséquences possibles sur le plan neurologique. 첸

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Références

[1] FOURREAU D., PERETTI N., HENGY B. et al. : « Complications carentielles suite à l’utilisation de “laits” végétaux chez des nourrissons de deux mois et demi à quatorze mois (quatre cas) », Presse Méd.,2013 ; 42 :37-43.

[2] MATHEY C., DI MARCO J.N., POUJOL A. et al. : « Stagna- tion pondérale et régression psychomotrice révélant une ca- rence en vitamine B12 chez 3 nourrissons », Arch. Pédiatr., 2007 ; 14 :467-71.

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nutrition parentérale, une première fi- broscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies duodénales a été réalisée. Les biopsies montraient une muqueuse d’as- pect atrophique avec des haustrations un peu crénelées et des villosités peu vi- sibles. On observait des lésions épithé- liales discrètes au niveau du revêtement villositaire, avec, par endroits, une dimi- nution de la mucosécrétion, ainsi qu’un aspect pseudostratifié et moins bien ali- gné des cellules épithéliales. Il n’y avait pas de signe inflammatoire. Sur une biopsie duodénale réalisée deux mois plus tard (figure 1) , l’épithélium de surfa- ce montrait quelques aspects de pseudo-

houppettes avec des noyaux paraissant pluristratifiés. L’immunohistochimie par l’anticorps anti-EpCAM était négative sur les deux prélèvements. L’ensemble lésionnel était compatible avec une dys- plasie épithéliale intestinale liée à une mutation du gène EPCAM. Le PCR-sé- quençage du gène a retrouvé la muta- tion c.249dupA, qui entraîne l’appari- tion d’un codon stop prématuré. Cette mutation n’était jusqu’ici pas rapportée dans les bases de données.

TRAITEMENT

La nutrition parentérale a été poursuivie

avec une bonne tolérance. Secondaire- ment, une réintroduction progressive des aliments a été possible. L’enfant re- çoit actuellement 53 % de ses apports ca- loriques par voie parentérale et 47 % par voie orale. On a pu observer une amélio- ration du transit, évaluée après un mois de nutrition parentérale à 1 à 5 selles par jour. La prise de poids a été rapidement satisfaisante (figure 2) . A vingt-quatre mois, l’enfant pèse 11,380 kg (– 1 DS) pour 80,3 cm (– 2 DS).

CONCLUSION

La malnutrition est une conséquence grave de la diarrhée congénitale. De- vant toute diarrhée congénitale inexpli- quée, la mise au repos digestif avec sup- port nutritionnel parentéral est un élé- ment déterminant de la démarche dia- gnostique (diarrhée sécrétoire ou osmo- tique) et du traitement. La dysplasie épithéliale intestinale entraîne une in- suffisance intestinale avec dépendance à la nutrition parentérale ; elle peut être une indication à une greffe intestinale.

Certaines formes de pronostic favorable ont été rapportées, permettant un se- vrage de la nutrition parentérale dans l’enfance. En particulier, parmi les mu- tations génétiques décrites à ce jour, certaines mutations du gène EPCAM se- raient de meilleur pronostic que les mu- tations du gène SPINT2 et que d’autres mutations non encore identifiées [3] . Le fait que le patient ait une atteinte in- testinale isolée, un intervalle libre entre la naissance et l’apparition de la diar- rhée et qu’il ait pu survivre jusqu’à qua- torze mois sans nutrition parentérale laisse espérer une forme de meilleur pronostic. 첸

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Médecine

& enfance

avril 2016 page 102 Figure 1

Coupe de biopsie duodénale : touffes ou pseudo-houppettes (flèches) avec noyaux paraissant pluristratifiés, diminution de la mucosécrétion.

Figure 2

Courbe de croissance staturopondérale : prise de poids jusqu’à deux mois et demi puis cassure pondérale nette. Reprise pondérale à partir de la mise en place de la nutrition parentérale (flèche).

Références

[1] GOULET O., SALOMON J., RUEMMELE F. et al. : « Intestinal epithelial dysplasia (tufting enteropathy) », Orphanet J. Rar. Dis.,

2007 ; 2 :20.

[2] TERRIN G., TOMAIUOLO R., PASSARIELLO A. et al. :

« Congenital diarrheal disorders : an updated diagnostic ap- proach », Int. J. Mol. Sci.,2012 ; 13 :4168-85.

[3] SALOMON J., GOULET O., CANIONI D. et al. : « Genetic characterization of congenital tufting enteropathy : epcam asso- ciated phenotype and involvement of SPINT2 in the syndromic form », Hum. Genet.,2014 ; 133 :299-310.

Age (années) 1

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Références

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