• Aucun résultat trouvé

L AFFAIRE TOUSSAINT. Groupe Eyrolles

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L AFFAIRE TOUSSAINT. Groupe Eyrolles"

Copied!
7
0
0

Texte intégral

(1)

© Groupe Eyrolles

Vous voilà engagé(e) à votre insu dans un jeu de go univer- sel. Imaginez la scène : ma femme, ma fille et moi, nous sommes en vacances dans un hôtel du Jura. Le premier matin, à la première heure, je descends prendre un bain à la piscine, où une dizaine de baigneurs chahutent déjà gaie- ment. Je cherche une place pour déposer mon peignoir de bain et m’aperçois avec surprise que le pourtour du bas- sin est jonché d’objets divers appartenant aux baigneurs.

Bien entendu, aucune chaise longue n’est disponible. Mais

(2)

© Groupe Eyrolles

alors, où m’installer? Faisant fi de ma bonne éducation, je pousse du pied une paire de sandalettes et un canard en caoutchouc et m’étends sans pudeur. Au bout de trois quarts d’heure, je finis par comprendre que tous les bai- gneurs appartiennent à la même famille. Il s’agit de la famille Toussaint, qui a fait de cette piscine un espace de vie privée, en occupant la plus grande surface possible avec un minimum d’objets.

Dans cet hôtel, la famille Toussaint occupe également l’espace des conversations. L’automobile est le sujet favori de monsieur Toussaint et toutes les discussions finissent par s’y rapporter. L’espace du restaurant est également tenu par les Toussaint, qui sont installés à une table servie avant tou- tes les autres et d’où la vue sur les montagnes est sans égale. Après le dîner, les enfants Toussaint se précipitent dans le salon de télévision et se vautrent dans les fauteuils de velours : l’espace télévision leur appartient aussi. Ayant terminé leur repas une demi-heure plus tard, faute de mieux, les autres estivants se contentent de petites chaises en bois.

Un matin, à la piscine, j’observe madame Toussaint sur le point de prendre possession de son transat – le « trône Toussaint» – signalé nuit et jour par un superbe foulard rouge. Elle discute avec le cuisinier venu lui souhaiter une bonne journée. Que croyez-vous qu’il arriva? Le lendemain, tout l’hôtel mangeait du lapin à la moutarde, parce que madame Toussaint apprécie le lapin à la moutarde…

Est-ce trop dire que la famille Toussaint nous pompe l’air? Pourtant, à aucun moment je ne pense que cette stratégie d’occupation de l’espace relève d’une intention vindicative.

Monsieur Toussaint est un homme jovial qui ne cherche à nuire à personne.

(3)

© Groupe Eyrolles

Au contraire. À l’occasion d’une petite soirée qu’il a cou- tume d’organiser, il me demande de faire une courte confé- rence professionnelle. Mais quel talent : à la fin, c’est lui qu’on remercie…! Un matin, au petit-déjeuner, monsieur Toussaint se lève et interpelle l’ensemble des estivants :

«Nous partons cet après-midi faire un tour en montagne, et il nous reste quelques places dans nos voitures. N’hésitez pas à vous joindre à nous. Nous avons tout prévu : les cartes d’état-major et les goûters. Nous partons après la sieste, à 15 h. Bonne fin de repas!» Bien entendu, à l’heure dite, les Toussaint se retrouvent à la tête d’une véritable caravane.

Tous ceux qui n’ont pas de projet pour leur après-midi sont trop contents de se joindre à celui proposé avec sourire et détermination par monsieur Toussaint. Et comment résister à une fille Toussaint qui offre aux jeunes enfants en vacan- ces à l’hôtel de leur lire tous les jours des bandes dessinées, à 15 h, après la sieste ?

Face à cette invasion, quelle stratégie puis-je adopter ? Cer- tes, je pourrais manifester publiquement ma mauvaise humeur, mais je comprends vite que les Toussaint bénéfi- cient auprès du personnel et des estivants d’un préjugé si favorable que le mal pourrait empirer du simple fait de mon attitude hostile.

Mais l’un des fils Toussaint se prend d’affection pour mon adolescente de fille – ou le contraire, allez savoir! Cette fois, l’affaire est claire : les Toussaint n’occupent pas seulement des espaces communs à tout l’hôtel, ils étendent leur emprise sur mon propre espace privé ! Toussaint ou Fauvet?

Voilà la question. Je prends alors une décision dont je ne suis pas fier sur le moment : nous avons changé d’hôtel. En apprenant plus tard à jouer au go, j’ai compris que mon choix relevait du grand art. Mao Tsé-toung nous dit en effet :

«Lorsqu’un adversaire vous enveloppe, ne faites pas front…

Jouez ailleurs.» Nous verrons que jouer au go revient à se

(4)

© Groupe Eyrolles

ménager un maximum d’espace de liberté. Pour nous, il s’agissait de passer de bonnes vacances tranquilles.

Cette histoire illustre parfaitement la stratégie d’extension du jeu de go. En d’autres circonstances, vous avez vécu cette même stratégie d’extension tous azimuts. N’accablons pas les Toussaint, car d’une certaine manière la vie de cha- cun de nous, qu’elle soit privée ou professionnelle, consiste à déployer ses propres talents sur une sélection large ou étroite d’espaces de liberté. Le jeu ou dessein de monsieur Toussaint peut s’exprimer ainsi : «jouer au souverain bienveillant», mais ce projet n’épuise pas la logique du go, loin s’en faut. Monsieur Toussaint peut comprendre en effet – mais à demi – que ces principes d’action s’appliquent aussi à l’entreprise pour impliquer activement tous les sala- riés dans l’organisation.

«L’affaire Toussaint» met en évidence une autre dimension du jeu de go. On entend dire trop souvent en effet : «Ah, oui, le jeu de go, je connais, c’est un jeu d’encerclement !»

Cette remarque n’est que partiellement exacte. Le jeu de go est bien davantage un exercice d’extension par enveloppement.

Les exemples ne manquent pas. Autrefois, en famille, les hommes enveloppaient femmes et enfants; aujourd’hui, avouez que vos enfants et adolescents prennent toute la place, sans parler de celle tenue par votre adorable caniche.

Votre vie d’immeuble ou de quartier témoigne de l’attitude enveloppante de voisins encombrants ou de nouveaux com- merçants en quête de clientèle.

Une troisième retombée de l’affaire Toussaint met en évi- dence la nécessité de travailler en réseau. Le jeu de go s’ingénie à connecter des initiatives, des événements, des acteurs, des idées, des attitudes, des actions… pour consti- tuer ce qu’il est convenu d’appeler des « territoires». Au sein de l’hôtel, le réseau Toussaint est incontournable : les fem-

(5)

© Groupe Eyrolles

mes de chambre, les serveurs, les cuisiniers, le jardinier, les patrons et la plupart des estivants sont parties prenantes de ce réseau, sans intention toujours explicite, mais souvent de bon cœur… Le réseau est tenu plus ou moins serré sur lui- même grâce à la participation de chaque acteur à des événe- ments communs déclencheurs d’intérêt, de plaisir, de con- fiance, d’amitié mais aussi d’habitude ou de facilité.

Nous aurons l’occasion de montrer ici tout ce que le jeu de go peut apporter aux dirigeants pour lire la complexité de leur entreprise, tirer parti des forces en présence et conqué- rir de nouveaux espaces professionnels, facteurs de richesse et d’influence. De plus, les cadres et les managers eux- mêmes trouveront matière à développer leur propre jeu per- sonnel et professionnel.

Bonne lecture!

(6)

© Groupe Eyrolles

Ceux qui ne connaissent pas le jeu de go pourront se reporter à l’annexe qui en indique les règles. Nous en rappelons ici simple- ment les principes fondamentaux :

• Le go est un jeu dans lequel deux joueurs s’affrontent en posant alternativement leurs pions (noirs ou blancs, appelés « pierres ») sur un vaste damier initialement vide. Le but du jeu est de contrôler le plus d’espaces possibles en bâtissant des réseaux de pierres entourant des zones vides.

• Une pierre posée ne se déplace plus, mais peut être capturée : une pierre (ou un groupe de pierres) privée de toute liberté par des pierres adverses ne « vit » plus : elle est retirée du damier.

• L’opposition des projets ou desseins respectifs des deux adversaires conduit à un enchevêtrement de plus en plus serré et touffu de pierres s’enveloppant mutuellement et dessinant des zones d’influence qui se transformeront si possible en « territoires », buts du jeu.

LES PRINCIPES DU JEU DE GO

(7)

© Groupe Eyrolles

COMPARAISON ENTRE JEU DE GO ET JEU D'ÉCHECS

les pièces

le damier

le jeu

l’existence

l’issue

le gain

le handicap

Jeu féodal,

fondé sur la symbolique de la hiérarchie sociale.

Chaque pièce a une valeur intrinsèque fixée par son statut.

Un champ clos où s’affrontent deux forces dans un duel à mort.

Au début, les pièces sont disposées en rangs sur l’échiquier. Elles manœu- vrent et sont tuées, dispa- raissant ainsi du jeu.

Jeu du « un » :

seul le Roi fonde l’existence du joueur.

Extermination de l’adversaire, par capture de son Roi.

Il n’y a que trois issues possibles : la victoire, le nul ou la défaite.

Le joueur le plus fort bat inexorablement

le plus faible.

les échecs

Jeu égalitaire : toutes les pierres se valent, aucune ne possède une grande valeur intrinsèque.

La valeur d’une pierre naît de son interaction avec les autres.

Un champ immense où il s’agit d’exister plus et mieux que l’autre.

Au début, le damier est vide. Les pierres s’y posent pour contrôler des terri- toires, en relation avec les autres pierres.

Jeu du multiple :

c’est l’espace maîtrisé par les pierres qui fonde l’existence.

Coexistence des deux partenaires qui conviennent de la répartition de l’espace.

Une palette d’issues possibles : on gagne (ou on perd) de 1, 10, 100…

points.

L’équilibre des chances est rétabli par l’octroi de 1 à 9 pierres de handicap.

le go

Références

Documents relatifs

Article R211-12 : Dans le cas prévu à l’article L.211-15, lorsque, avant le départ de l’acheteur, le vendeur annule le voyage ou le séjour, il doit informer l’acheteur par

Nous demandons donc à chaque famille de lire attentivement ce document, de s’engager à respecter les consignes ci-dessous et d’en discuter avec votre enfant afin que

Nous nous proposons de préciser ce schéma pour y faire apparaître la dimension interactive mais également itérative du processus ainsi que pour introduire les différents

Elles couchèrent une fois dans un café dont le patron leur demanda le prix de trois chambres (il dit qu’il ne compterait pas l’enfant), les deux femmes étendues sur des banquettes

les enfants décident du début de l'histoire (l'adulte aide à choisir parmi toutes les propositions ; pour l'instant il s'agit toujours d'animaux ayant un pouvoir un

Ils apprécient les prouesses des dessinateurs, tant dans les bandes réalistes (Rahan, Blueberry) que dans les bandAs humoristiques (Gaston Lagaffe, Rubrique à

S’il s’agit de la quatrième biographie de Toussaint Louverture publiée depuis 2014, celle de Hazareesingh se veut un dépassement des clivages historiographiques existants. 1

Vendredi 1 er novembre, à 18h30, un concert gratuit de musique de chambre, interprété par des étudiant-e-s de la Haute Ecole de Musique de Genève, a lieu à la chapelle