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ARTICLE ORIGINAL

L’éthique musulmane face à la dissection des cadavres humains pour l’enseignement et la recherche en anatomie

The Muslim ethic in relation to the dissection of human cadavers for teaching and research in anatomy

M.D. Elamrani

a,∗,b

, M.M. El Fakiri

c

, M.A. Benhima

d

, M.K. Choulli

e

aLaboratoired’anatomiedelafacultédemédecinedeMarrakech,universitéCadiAyyad, Marrakech,Maroc

bServicedechirurgieplastique,CHUMohammedVI,Marrakech,Maroc

cFacultédemédecined’Agadir,universitéIbnZohr,Agadir,Maroc

dServicedetraumatologieorthopédie,CHUMohammedVI,Marrakech,Maroc

eDépartementdessciencesprécliniquesdelafacultédemédecinedeMarrakech,université CadiAyyad,Marrakech,Maroc

MOTSCLÉS Anatomie; Dissection; Cadavre; Islam

Résumé La dissection de cadavres humains présente, depuis toujours, un intérêt irréfu- table pourl’enseignementetla rechercheenanatomie,etce malgrél’avènementdel’ère numérique. Pourtant,plusieurs laboratoires d’anatomiedes facultés de médecine des pays arabo-musulmans ont abandonné cette pratique depuis plusieurs années. Invoquer l’Islam devantcettesituationestinjusteetmérited’apporterdesclarificationsenrappelantd’abord lesréférencesenIslam,larelationdel’Islamaveclamédecinepuislesprincipesdebasede l’Islamdanslabioéthiqueavantd’abordersonpointdevueausujetdeladissectiondescadavres humainspourl’enseignementetlarecherche.L’Islam,n’estenfaitpaslacaused’abandondes dissections,maispeutaucontraire,constituerlasolutionpourlareprisedecettepratiqueen seréférantàcesgrandsprincipesquiincitentàlaquêtedusavoir,lapréservationdelavieetla solidarité.Ladissectionanatomiqueétantl’exemplemêmeoùsecroisentcestroisprincipes.

Aumondearabo-musulman,leproblèmeestenréalité,culturel,sociétaletlégislatifetnon religieux.

©2015ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

Auteurcorrespondant.21,lotStoukia,Targa,Marrakech,Maroc.

Adressee-mail:mdelamrani@gmail.com(M.D.Elamrani).

http://dx.doi.org/10.1016/j.etiqe.2015.04.003

1765-4629/©2015ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

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KEYWORDS Anatomy;

Dissection;

Cadaver;

Islam

Summary Dissectionsofhumancorpsestakesagreatinterestforteachingandresearchin anatomy,evenintheeraofcomputers.Butseverallaboratoriesofanatomyinmedicalschool ofMuslimscountrieshaveleftthispractice.InvokeIslamtothissituationisunjustandneedsto provideclarificationsbyfirstremindingthereferencesinIslam,therelationshipofIslamwith medicineandthebasicprinciplesofIslaminbioethicsbeforediscusshispointofviewonthe dissectionofhumancadaversforteachingandresearch.Islamisnotthecauseofabandonment ofdissections,butmaybethesolutionfor theresumptionthispracticebyreferringtothese principlesthatencouragethequestforknowledge,thepreservationoflifeandsolidarity.Ana- tomicaldissectionistheperfectexamplewherecrossthesethreeprinciples.TheArab-Muslim world,theproblemisactually,cultural,societalandlegislativeandnotreligious.

©2015ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.

Introduction

L’anatomieoccupeune place primordialedans les forma- tions médicales pré-graduée, post-graduée, et continue.

Elleconstitueaussiune disciplineoùlarecherche scienti- fiquetrouveunchampinépuisable.

Lesujet anatomique(cadavre) estla basedelaviede toutlaboratoired’anatomie;toutel’organisationdufonc- tionnement de ses structures est basée sur la dissection anatomique.

Toutefois, cette activité fort importante sur le plan pédagogique et scientifique, est quasi-inexistante dans la majorité des facultés de médecine du monde arabo- musulman.

Devantcette situation,plusieurs interrogationssesont poséestelquelaplacedesdissectionsanatomiquescomme moyenpédagogique à l’ère dunumérique; la positionde l’éthiqueislamiquesurlesdissectionsanatomiques;lesrai- sons d’absence de dissections anatomiques dans les pays musulmansetleséventuellesentravesàleurreprise.

Afin de débattre du sujet, une table ronde intitulée

«cadavreshumains,entreutilitéscientifique,aspectjuri- dique et dimension religieuse» a été organisée en mars 2014au sein de la faculté de médecine et de pharmacie deMarrakechenprésenced’illustresorateursdanslesdif- férentsdomainesliésà laquestion:théologiens,juristes, anatomistesduMarocetdel’Algérie,médecinsetscienti- fiques.Lesconclusionsdecettemanifestation scientifique ontsuscitéetguidélarédactiondecetarticle,danslebut depréciserlapositiondel’Islamsurlaquestionetmettre l’accentsur lesentravesréelles auxquelles ilfautremé- dierpourlareprisedecettepratiquefortintéressantepour l’enseignementetlarecherchescientifique.

Intérêts scientifiques et pédagogiques des dissections anatomiques

Ladissectionsurcadavreshumainsprésenteplusieursinté- rêtsaussibienpourlaformationinitialedesétudiantsque pourlaformationcontinueetpourlarecherchescientifique.

Pour la formation initiale des étudiants en médecine, ellepermetdedévelopper chezl’étudiant troisdomaines cruciaux: le domaine cognitif, en permettant une bien meilleure mémorisation, le domaine psychomoteur, en

développant l’habilité et la représentation tridimension- nelle du corps humain et le domaine psychoaffectif, en aidant l’étudiant à se comporter devant les sujets ana- tomiques avec respect, sans émotivité excessive et à se familiariseraveclamortpourle prépareràconfronterau coursdesonparcoursprofessionnel,laréalitéphysiqued’un cadavre[1,2].

La dissection anatomique représente ainsi, une tech- nique d’apprentissageirremplac¸ableettrèsappréciéepar lamajoritédesétudiants[3]etcelaqu’ils’agissededissec- tionsréaliséesparl’étudiantlui-mêmeoudeprospectionqui consisteenladémonstrationdepiècesanatomiquepréala- blementdisséquéesparl’enseignant.

Ladissectionanatomiqueaaussiunegrandevaleurpéda- gogiquepour la formationà lachirurgieainsique pour la formationauxgestestechniquesdesspécialitésmédicales.

Elle permet un apprentissage des techniques chirur- gicales dans des conditions idéales sans s’exposer aux contraintesmédicolégalesquis’appliquentactuellementsur leschirurgiensauxblocsopératoires[1].

Aussi, dans la plupart des spécialités médicales, de nombreux gestes techniques méritent un apprentis- sage préalable au laboratoire d’anatomie: anesthésie locorégionale, cathétérismes, infiltrations articulaires en rhumatologie,etc.

D’autre part, le champ de recherche est inépuisable en anatomie, car elle répond à la demande des progrès de la médecine. Par la pratique de dissection cadavé- rique,larecherchescientifiquemoderneenanatomiepeut porter,surplusieursdomaines:lamorphométrie,lamicro- vascularisationdesorganesettissus,l’étudedesvariations anatomiques, l’étude de l’anatomie de développement, l’élaboration et l’évaluation de techniques chirurgicales nouvelles,etc.[1,2].

Ainsi,ladissectionducorpshumainoctroie,àl’étudiant et au jeune médecin, une connaissance approfondie des régions dont l’importance est fondamentale. Elle est d’autantplusutilepourlejeunechirurgien,àquiellerap- pelle,àtoutinstant,l’immuablevérité:qu’enchirurgieil fautsavoirreproduirelesgestes,maisaussilesinterpréter anatomiquement.

La dissection constitue la démonstration des données théoriques dispensées au cours de l’enseignement magis- tral. C’est un moyend’acquisition pratique, vivant et de confrontationaveclaréalité.

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Les travaux pratiques de dissection demeurent irremplac¸ables pour la formation du médecin de tous lestemps.Eneffet,l’illustrationlaplusparfaitedumanuel le plus complet du point de vue didactique, ne peut remplacerl’expériencetridimensionnelledirecte etréelle delamainquiexplore.

Pourl’étudiantetl’apprentimédecin,«iln’existequ’un muséeanatomiquepleindechef-d’œuvres,qu’unatlasana- tomiqueparfait etqu’untexte d’uneclartéadmirable:à savoirlecorpshumain».

Certes, l’imagerie et les outils informatiques dispo- niblesactuellement,sonttrèsintéressantsmaisnepeuvent constituerqu’uncomplémentetnepeuventenaucuncas, remplacer l’analyse anatomique visuelle etles sensations tactilesqueprocurentlesdissectionsdecorpshumains[4].

La position de l’Islam sur les dissections anatomiques

Malgré tous les atouts scientifiques etpédagogiques irré- futablesdeladissectionanatomique,onconstatetoujours l’absencedecadavresdans leslaboratoiresd’anatomiede la plus part des facultés de médecine du monde arabo- musulman.

Avancer que l’Islam est responsable de cette situation mérite des clarifications, d’abord en rappelant les réfé- rencesenIslam,puislarelationdel’Islamaveclamédecine etlabioéthiqueavantderapporterlepointdevuedel’Islam surlaquestion deladissectiondescadavreshumainspour l’enseignementetlarecherchescientifique.

Les références en Islam

Lessourcesdoctrinalesoriginellesdel’Islamsontreprésen- téesparleCoranetlaSunna.

Le Coran,révélation divine,transmiseparDieuauPro- phète Mahomet, contient les principes de théologie et aborde des thèmes variés comme les lois canoniques, la jurisprudence,l’histoire,laphilosophie,l’éthique,lessys- tèmessociauxetbiend’autressujets.

LaSunnaestl’ensemble desrèglesdeviereligieuse et moraleédictéesparleprophète,tellesqu’ellesressortent desesexemplesoudesonenseignement.

SebasantsurcesdeuxréférencesquesontleCoranetla Sunnaqui sont les sourceslégales originelles, les juristes musulmans ont énoncé deux autres sources légales déri- véesdes deuxpremièresetcomplémentairesdecelles-ci: l’IdjmaaetleQiyas,l’IdjmaapassantavantleQiyas.

L’Idjmaaouconsensusdesdocteursdelaloi,traduitune décisionunanimedelacommunautédessavantsmusulmans.

Ils’agitd’unaccordgénéralsurunavisouunedécisiondes savantsmusulmans.

LeQiyasestunraisonnementparanalogie.Ilcompareun casposéàuncasmodèleantérieurauquelilluiestassimilé.

L’événementantérieurestfondésuruntextecoranique,sur lasunnaoul’Idjmaa.

D’autres méthodesontétéégalementénoncéesetuti- lisées et consistent à porter son choix sur la solution la meilleureoucellequipréservel’intérêtcommun:AlMas- lahaetl’Ijtihad.

La notion d’intérêt (Al Maslaha) a été utilisée comme based’argumentationjuridiqueenl’absencedetexteprécis dansleCoranoulaSunna.

L’Ijtihadsignifie littéralementeffortderéflexion,ilen résulte unjugement basé sur une solide connaissancede l’Islam ainsi que du domaine étudié. Il est fait par des savants connus pour leur science et leur probité morale [5,6].

LesFatwassont des consultationsjuridiques sollicitées auprèsde jurisconsultes afin de connaître le statutde la religionvis-à-visd’actescontemporainsensebasantsurles différentesréférenceslégalesdel’Islam.

L’Islam et la médecine

L’Islam a fait du développement de l’humanité dans tous ses aspects, l’un de ses objectifs principaux.

L’approfondissement des connaissances dans tous les domainesdusavoir,entreautre,enmédecine,estuneobli- gationenIslam«Allahélèveraendegrésceuxd’entrevous quiaurontcruetceuxquiaurontrec¸ulesavoir(Saintcoran.

Sourate58,Verset11)»,pourquel’hommeendéduiseque l’existencen’estpasle fruitduhasardmaislavolontéde Dieu[6].

Seréférantauxprincipalessourcesdelaloiislamique,le Coranetlasunna,lamédecinearabo-musulmaneestpassée enfait,parplusieursphaseshistoriques.

Le VIIe siècle (1er siècle de l’hégire) et le VIIIe siècle étaientcaractérisésparlafièvredelatraductiondesœuvres grecques,la soif d’apprendre, de compiler les écrits des anciens,delescommenteretdelesassimiler.

DuIXe auXIIe siècle,onaassistéàunrayonnementde la médecine arabo-musulmane avec apparition de figures quiontrévolutionnéles sciencesmédicales ainsiqueleur enseignement.

Laphasesuivanteétaitcelledelatraductiondelaméde- cinearabo-musulmane puis de sadiffusion vers le monde occidentale.

Lesmusulmansont,eneffet,étéàl’origined’unerévo- lution dans la médecine entre les XIIIe siècle etle XVIIIe siècle.Ils ont réalisé plusieurs découvertes et répondu à plusieurs questionsdans différents domainesde la méde- cine.Plusieursdeleurslivres,traduitsetenseignésdansles universitéseuropéennesentémoignent.L’undesexemples représentéparlelivredeAlzahrawiintitulé«Tasrif»,était l’unedesprincipalesréférences médicales desuniversités européennes[7—9].

L’Islam et bioéthique

Enmatièredebioéthique,lapenséeislamiquesebasesur lesgrandsprincipesderespectdela dignitédel’homme, lapréservationdelasantéetdelasécuritéducorpsetle maintiendelavie.Toutcequiest licite,doittendre vers cesbuts.

Lecaractèresacrédelapersonnehumaine,lerespectde sonintégritéphysiqueetpsychiquepartentduprincipeque lavieestundondeDieuetlecorpsaétéaussiconfiépar Dieuàl’hommequiestchargédel’entreteniretdenepas luiporteratteinte.

Cecaractèred’inviolabilitépersistemêmeaprèslamort [9].Àcesujet,leprophèteréprimandaunhommequiavait

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cassélesosd’uncadavretrouvédansuncimetière,enlui disant:«Casserlesosd’un mortestunpéchéaussigrave queceluidecasserlesosd’unvivant.»[10].

Le respect que l’on doit au cadavre, est bien codifié.

Ainsi, ilest fait obligation aprèsla mort, deprocéder au lavageducorpsdudéfunt,deluirapprocherlesmembres le longdu corps,de lui fermer labouche etles yeux,de lecouvrird’unlinceulblancetpropre,d’exécuterlaprière desmortssurluipuisdel’enterrerleplustôtpossible.Le seuldélaiautoriséétantletempsallouéauxablutionsetà lapréparationdel’enterrement[11].

L’enterrementpratiquérapidementestconsidérécomme uneformederespectvis-à-visdumortquel’onamèneplus prèsdesonCréateur,etaussivis-à-visducorpshumainque l’onempêchedesedétérioreretdeperdreainsisadignité.

Lacrémationn’estpasautoriséeenIslam.LesOulémasse basantsurunversetquiditquel’hommeaétécrééàpartir delaterreetqu’ilyretourneraaprèssamort,estimentque lecorpsdoitêtreenterréetnoncrématisé[12,13].

D’autres grands principes en loi islamique dictent les décisionsprisesenmatièredebioéthique:

• lepremierestquel’Islam donnetoujourslaprimautéà l’étatdenécessitésurlesinterdits.«...Alorsqu’ilvousa détaillécequ’ilvousainterdit,àmoinsquevousnesoyez contraintsd’yrecourir.Beaucoupdegenségarent,sans savoir,parleurspassions.(Saintcoran.Sourate6Verset 119)» [6]. Une nécessitéextrême autoriseainsi, ce qui estinterdit.Parexemple,unalimentnonautorisécomme lachaird’une bêtemorteoulachairdeporcpeutêtre consommé en cas d’extrême nécessité afin de préser- ver la vie, si on ne trouve rien d’autre à consommer etsanspourautantseprécipitervolontairementdansle péché.Partantdeceprincipe,lecaractèrenécessaireet irremplac¸ablesurleplanscientifiqueetpédagogiquede ladissection,larendraitdoncliciteauregarddel’Islam;

• le second principe enéthique musulmaneest lorsqu’on est confrontéà deuxmaux, ondoit choisirle moindre.

Quandunavantageetundésavantages’opposent,leplus prépondérant doit prévaloir «Maslaha». Par exemple, procéderàunecésariennesurunefemmeenceintedécé- déeestdictéparlanécessitédepréserverlaviedufœtus malgrélefaitqu’ellepuisseêtreconsidéréecommeune violation d’un cadavre[5,9]. Sebasantsur ceprincipe, les apports scientifiques et pédagogiques de la dissec- tionanatomiqueseraientplusimportantsqued’éviterde porteratteinteauxcadavres;

• le troisième principe est l’altruisme qui consiste à faire passer l’intérêt d’autruiavant le sien et l’intérêt général l’emporte sur l’intérêt privé. De nos jours, le don d’un organe pour sauver un malade ou du corps pour l’enseignement et la recherche scientifique est considéré commeunacte d’altruismedans la pure tra- dition de l’injonction coranique: «Entraidez-vous dans l’accomplissement desbonnesœuvres etdelapiétéet nevousentraidezpasdanslepéchéetlatransgression.

(Saintcoran,Sourate2,verset2.)».

L’Islam et la dissection scientifique de cadavres humains

Au regard de la jurisprudence islamique, plusieurs ques- tionsseposentconcernantlapratiquededissectionsàdes

finsd’enseignementetderecherche.Ladissectionest-elle licite dans la religion musulmane et sous quelles condi- tions pourrait-elleêtreréalisée?Est-t-illicite deretarder un enterrement pour pratiquer unedissection? La dissec- tion nevat-elle pas à l’encontredu respectdû au corps humain?

Enfait,deuxaviss’affrontentchezlesthéologiensmusul- mans«Oulémas».Unnombrelimitépartentduprincipede nécessitéderespectdeladignitéducorpspourserésoudre àinterdireladissectiondescadavrespourl’enseignementet larecherche.D’autresoulémassebasentsurlesdifférents avantages primordiaux qu’apporte ce genre de pratique pour l’enseignement et la recherche pour défendre leur approbationpourladissectiondessujetsanatomiques.

Legrouped’oulémasquirécuseleprincipedepratiquer unedissectionsurlecadavresebasesurcertainesdonnées duCoranetdelaSunnaduProphète. LeCoranproclame, eneffet«Certes,nousavonshonorélesfilsd’Adam.Saint coran.Sourate17,Verset70».Cethonneurestgénéral,il concernel’être humainvivantoumort.Différentshadiths vontdanslemêmesens:lehadithrapportéparMouslimet relatifauxrecommandationsdonnéesparleprophèteàun chefdel’armée,interdisantd’opérertouteformedemuti- lationoudesupplicesurlecadavredesennemis.Unautre hadithrapportéparElBoukhariinterditlamutilationoule supplicedescadavres.UntroisièmehadithcitéparAîchadit quefracturerunosd’uncadavrec’estcommelefracturer surlevivant.Leprophètearecommandédansdeuxhadiths denepass’asseoirsurlestombesparrespectpourlesmorts

«l’un rapportépar Abou Daoud, l’autre citépar Mouslim et Et-Tarmidhi». Partant de ces données, quelques oulé- masontconcluàl’interdictiondeprocéderàuneatteinte del’intégritéducadavrepourtoutmotif:extractiond’un objetdevaleuringéréparlapersonneavantsamort,faire uneautopsiemédicolégaleouunedissectionàdesfinspéda- gogiques[5].

Dupointdevuereligieux,l’abandondeladissectiondans certainspaysarabo-musulmanss’expliquedonc,parlaposi- tionetlesargumentsdecepremiergroupedeOulemasqui partent du principe islamique d’honorer le corps humain desonvivantetaussiaprèssamortetdenepasyporter atteinte.

Unplus grand nombre d’oulémaset d’institutions reli- gieuses, tenant compte des principes abordés dans la relationdel’Islametlabioéthique,admettentle principe dedissectionsurlecadavre.C’estlecasdelaCommission de l’Iftaa d’ElAzhar (29février1971), la Commission des grands oulémas d’Arabie Saoudite (20août 1396H./1976), le Conseil du Fikh Al Islami de la Mecque (1408H.) et la Commissiondel’IftaaduministèredesAffairesIslamiques duKoweït[5].

Ainsi,des «Fatwas»contemporaines,sebasant surles différentesréférenceslégalesdel’Islam,ontautoriséladis- sectionpourdesfinsd’enseignementetderecherchepour lesmotifssuivants:

• la règle de nécessité de la dissection pour des raisons scientifiques,faitl’objetd’unconsensus.L’explorationdu corpshumain par la pratiquede dissection anatomique étant en fait irremplac¸able pour l’apprentissage et la recherche.Lesnouveauxmoyensmultimédiaetinforma- tiquene pouvantconstituer que descompléments mais jamaisdesalternatives;

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• aunomduprincipedela«maslaha»,ladissectionprati- quéedansunbutscientifique,nepeutpasêtreconsidérée en soi, une infraction ou humiliation ou manque de respectdûaucorpshumaintantqu’elleviseunefinlégi- time.Eneffet,l’améliorationdel’enseignementetdela rechercheparladissectionanatomique,permetdesauver desviesetd’améliorerlasantédetous,cequiestnette- mentplusimportantqued’éviterdeporterpréjudiceaux cadavres[14,15];

• sebasantsurle principede«Qiyas»(raisonnementpar analogie),lesdissectionsdansunbutscientifiquepeuvent êtreautoriséespuisquedesécolesdejurisprudenceisla- mique ont autorisé dans des cas, d’ouvrir le ventre d’un cadavre, en cas d’intérêt supérieur au préjudice causé.Commel’exempledelacésariennechezlafemme enceintedécédéepoursauverlefœtus;

• ensebasantsurlemêmeprincipede«Qiyas»,leretard misàenterrerunmortpeutêtreadmispourlapratique d’une dissectioncommecela est admispour la réalisa- tiond’unexamencliniqueparunmédecinpours’assurer dudécèsdelapersonneévitantdeplacersous terreun malade inconscient maisencore vivant[16].Déjàau 2e siècledel’Islam,l’ImâmChafi’i,lefondateurdel’École chafi’ite,conseillaitd’attendredeuxoutroisjoursavant d’enterrerunepersonnequiavaitéténoyéeoufrappée par la foudre, car elle pourrait être inconsciente mais encorevivante[17].

Pour l’ensemble de ces raisons et en se référant aux grands principes de l’éthique musulmane, la dissec- tion de cadavres ou parties de cadavres humains pour l’enseignement et la recherche est donc religieusement liciteenrespectant,rigoureusement,uncertainnombrede conditions:

• existenced’unenécessitéscientifiquepourréaliserladis- section;

• certitudedudécèsdudéfunt;

• présencedeconsentementdudéfuntavantsamortoude safamilleaprèssamort;

• interdictiondetoutemutilationexcessiveetnonnéces- sairedusujetanatomique;

• dissectionuniquementdelarégionanatomiquecibléepar l’objectifpédagogiqueouderecherchesansdépassement delimite,inutilement;

• couverturedetouteslesrégionsducorpsnonintéressées parladissection;

• respect rigoureux de la dignité du corps en travaillant dans une atmosphère de sérieux, sans aucune forme d’humiliation(nipardesparolesnipardesgestesinap- propriés);

• restitutionaprèsutilisation,del’apparenceinitialenatu- relleducorps,ensuturant touteslesincisionsetenlui réintégranttousleséventuelsorganesprélevés;

• enterrementducorpsàlafindesesutilisations,selonle riteMusulman(lacrémationn’estpasadmise);

• qu’ils’agissedeladissectiond’uncorpsfémininoumas- culin, leprincipe estle même: lerespectrigoureux du corps, la limitation à la dissection de la région anato- miquecibléeparl’étude,lacouverturedesautreszones nonintéresséesparladissection...

Situation actuelle dans certains pays arabo-musulmans

Au Maroc, après une période où la dissection occupait une place importante dans l’activité des laboratoires d’anatomiedes facultés de médecine les plus anciennes, on a assisté depuis des années à la disparition de l’approvisionnementdeslaboratoiresparlescadavres.Ceci peuts’expliquerparl’absencedetextedeloietde«Fatwa» abordant le sujet et autorisant la dissection anatomique [9].

Actuellement,quelquesfacultésont,cependant,gardé uneactivitédeprosectionsurquelquespiècesanatomiques anciennesetembaumées.

Une table ronde organisée en mars 2014à la faculté demédecinedeMarrakech, apermis dedébattredes dif- férentes facettes concernant la dissection anatomique: intérêtscientifique,aspectsreligieux,éthiqueetlégislatif, dimensionssocialeetculturelle.

Lesconclusions decettemanifestation scientifiqueont innocentél’Islamdecettesituationdeblocagedesdissec- tions(pour l’ensemble desraisonssuscitées), enretenant commeresponsables,plutôt,levidejuridiqueetlescondi- tionssociétalesetculturelles.

Un projet pour revenir aux dissections anatomiques commemoyen pédagogique et de recherche scientifique, adoncétéélaborédansl’espoir d’obteniruntextedeloi autorisantlareprisedecettepratique.

En Algérie, le laboratoire d’anatomie d’Alger a connu une période glorieuse dans le passé avec une activité dedissection largement pratiquée [18] maisdepuis la fin desannées 1970cette activité aété interrompue.Devant cette situation, un courrier émanant du ministère des affaires religieuses daté de février 2007est venu appor- ter des clarifications «selon une Fatwa» en faveur de la dissection. Mais ce courrier est resté sans suite et la dissection anatomique n’est toujours pas restituée en Algérie.

EnArabiesaoudite,une«Fatwa»autorisantlesdissec- tionspourl’enseignementestétablie[16,17]etladissection est donc bien réalisée, sous certaines conditions rigou- reuses,dansleslaboratoiresd’anatomiedupays.

Des «Fatwa» autorisant la dissection dans un but d’enseignementexistentdoncdepuisdesannéesdanscer- tains pays musulmans, et le point de vue de l’Islam sur laquestion est clairetest tout à faiten faveurdecette pratique dont l’intérêt pédagogique et scientifique est irréfutable. Pourtant les laboratoires d’anatomie restent dépourvus de cadavres dans la majorité des facultés de médecinedespaysmusulmans.

Parailleurs,danslaplupartdespaysarabo-musulmans, les autopsies médicolégales et scientifiques ne sont pas perc¸ues de la même fac¸on. Les autopsies médicolégales sont en effet licites et bien acceptées, au regard de leursintérêts primordiauxpourconnaître lescauses dela maladieà l’origine du décès; dans le cadre de la méde- cine légale, pour permettre l’application de la justice, ou dans le cadre d’étude épidémiologique pour recher- cherlacausedudécès,encasdemaladiecontagieuseou autre.

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Réalité du problème et solutions envisageables

Aumondearabo-musulman,leproblèmeestloind’êtrereli- gieux.Ilestplutôtcultureletsociétalmaisaussietsurtout législatif.

Auregarddestraditionssocioculturellesdumondearabe etmusulman,instaurerunsystèmededondecorpspourles laboratoiresd’anatomieestdifficile.

Toutefois un espoir peut être gardé puisqu’on assiste récemmentàdeplusenplusdecompréhensionetdeparti- cipationpourledond’organedansunbutmédical.Ledonde corpspourlascience,pourl’enseignementetlarecherche, pourrait,suivredanslefutur.

LeMarocaeneffetadopté,enseptembre1999,uneloi surle donet prélèvement d’organesetdetissus humains [19].Elleauraitpermisuneprisedeconsciencedudonpost- mortem.

Lasensibilisationdela sociétésurl’importancededon decorpspourlascienceresteprimordiale.L’Islamneconsti- tueguère,danscesens,uneentrave,maisaucontraire,le conceptdecommunautésolidaire,représentéiciparledon decorps,estl’undesesfondements[6,9].«Quesoitissue devousune communautéquiappelleaubien,ordonne le convenable,etinterditleblâmable.Carceseronteuxqui réussiront.(Saintcoran,Sourate3,verset104)».

D’uneautre part,l’absencedetextesdeloi (videjuri- dique) reste une réalité et constitue un obstacle majeur au lancement de cette pratique dans les laboratoires d’anatomie.

Larésolutiondecetteproblématiqueactuelle,doitdonc d’abordpasserparl’obtentiondanslespaysarabesetmusul- mans, d’une «Fatwa» émanant du ministère des affaires religieuses(dans les paysoù une fatwa sur le sujet n’est pasencoreélaborée)puisd’untextedeloienfaveurdela reprisedesdissections.

Ainsi, l’Islam n’est pas la cause d’abandon des dissec- tions,il peut, au contraire, constituer la solutionpour la reprisedecettepratiqueenseréférantàcesgrandsprin- cipesd’éthiquequiincitentàlasolidarité,lapréservation dela vieetla quêtedu savoir.Ladissection decadavres humainspourl’enseignementetlarechercheestl’exemple mêmeoùsecroisentcestroisprincipes.

Auniveaudumondemusulman,lasolutionseraitfinale- mentdeserapprocherdesprincipesdel’éthiqueislamique pourjustifieretmotiverl’élaborationdetextesdeloiauto- risantlareprisedelapratiquedesdissectionsanatomiques.

Conclusion

La dissection de cadavres humains peut et doit être reprise dans les laboratoires d’anatomie des facultés de médecine des pays arabo-musulmans pour plusieurs rai- sons: l’intérêt scientifique des dissections anatomiques pour l’enseignementetla recherche scientifique est irré- futable.Absenced’alternatives même àl’èredes moyens informatiques,cesderniers nepeuventconstituerquedes complémentsetnepourrontjamaisêtresubstitutifs.L’Islam autoriseparfaitementcegenredepratique,enrespectant cependant,uncertainnombredeconditionsetensebasant

sur un principe fondamental: le maintien de l’équilibre entrelesapportsmajeursdes dissectionsanatomiquessur leplanscientifiqueetlerespectprimordialdeladignitédu corpshumain.

L’Islamn’estpasresponsabledelasituationactuelle.Le videlégislatif etlestraditionssocioculturellesconstituent lesentravesréellesauxquellesilfautremédier.

Ladissectiondecadavreshumainspourl’enseignement etlarecherche nedoitainsiplusêtre interditeaumonde arabo-musulman en invoquant l’Islam. «O gens du Livre, n’exagérezpasdansvotrereligion,etneditesd’Allahque lavérité.(Saintcoran,Sourate4,Verset171)».

Déclaration d’intérêts

Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.

Références

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