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Analysis of activity and systemic approach to delegation driving situation : contribution to the understanding of the autonomous driving activity

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Texte original*.

Analyse de l'activité et approche systémique de situations de délégation de conduite : apport pour

la compréhension de l'activité de conduite automobile autonome

Céline POISSON

1, 2, 4

, Stéphane SAFIN

1

, Sabine LANGLOIS

2,3

, Anne BATIONO- TILLON

1

, Françoise DECORTIS

1

1 Université Paris 8, Laboratoire Paragraphe/équipe C3U-2 rue de la Liberté 93200 Saint Denis, France. 2 Institut de Recherche Technologique System X – 8 Avenue de la Vauve, 91120 Palaiseau, France. 3 Renault, Direction

de la Recherche, 1 Avenue du Golf, 78084 Guyancourt, France. 4 VeDeCoM – 77 Rue des Chantiers, 78000 Versailles, France

Résumé. Notre étude vise, à travers l’analyse de situations de référence, à contribuer à l’anticipation de l’activité du conducteur engagé dans une situation de conduite autonome, qui n’est pas encore possible sur route ouverte (pour les niveaux 3 et 4 selon la NHTSA), et d’identifier des éléments clés de cette activité qui devront être impérativement pris en compte lors de la conception. Nous avons analysé et modélisé l’activité de pilotes de ligne, de conducteurs de métro et celle de conducteurs d’automobiles sur autoroute embouteillée. Après une comparaison des différents modèles, nous créons un nouveau modèle de l’activité future anticipée, que nous confrontons à l’observation de conducteurs de véhicule autonome en situation artificielle (sur piste). Ce modèle de l’activité future permet d’identifier des besoins particuliers et des classes de situation nouvelles qui doivent être prises en compte lors de la conception, et permettra par la suite de guider les évaluations des prototypes opérationnels.

Mots-clés : Situation de référence, délégation de conduite, véhicule autonome, modélisation de l’activité, système dynamique.

Analysis of activity and systemic approach to delegation driving situation : contribution to the understanding of the autonomous driving activity

Abstract. Our study aims, through the analysis of reference situation, to contribute to the anticipation of driver activity engaged in autonomous driving situations, which is not yet possible on the open road (for levels 3 and 4 according to NHTSA) and to identify the key elements of this activity that must imperatively be taken into account in the design. We have analyzed and modeled the Airline Pilots activity, subway conductors and that of car drivers on congested highways. After a confrontation of different models, we put forward a new model that we put in perspective with observation of autonomous vehicle drivers in an artificial situation (track). This model of future activity helps to identify special needs classes and new situation that must be taken into account in the design, and will subsequently guide the evaluations of operational prototypes.

Key words: Reference situation, delegation of conduct, autonomous vehicle, modeling activity, dynamic system.

*Ce texte original a été produit dans le cadre du congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française qui s’est tenu à Paris du 23 au 25 septembre 2015 . Il est permis d’en faire une copie papier ou digitale pour un usage pédagogique ou universitaire, en citant la source exacte du document, qui est la suivante :

Poisson, C., Safin, S., Langlois, S., Bationo-Tillon, A. & Decortis, F. (2015). Analyse de l’activité et approche systémique de situations de conduite et de délégation : apport pour la compréhension de l’activité de conduite autonome.

50 ème

congrès international.

Société d’Ergonomie de Langue Française .

Archivé électroniquement et disponible en ligne sur :

www.ergonomie-self.org www.informaworld.com/ergo-abs

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SELF 2015 2

Aucun usage commercial ne peut en être fait sans l’accord des éditeurs ou archiveurs électroniques. Permission to make digital or hard copies of all or part of this work for personal or classroom use is granted without fee provided that copies are not made or distributed for profit or commercial advantage and that copies bear this notice and the full citation on the first page.

INTRODUCTION

La conception de véhicules autonomes représente un tournant mondial dans le domaine de l’automobile. Le principe du véhicule autonome est de déléguer, tout ou partie de la tâche de conduite, traditionnellement prise en charge par le conducteur, vers le véhicule.

L’automatisation des véhicules est un objectif ambitieux inscrit comme l’un des 34 plans de la nouvelle industrialisation du gouvernement français, la Nouvelle France Industrielle (NFI) (Ministère des finances et des comptes publics (2014)). Ce nouveau type de véhicule va bouleverser les habitudes de conduite qui sont les nôtres ; il est donc important de s’intéresser à cette nouvelle pratique et aux conséquences sur l’expérience de conduite vécue par le conducteur.

Il existe plusieurs degrés d’automatisation possibles, de l’assistance partielle (ex. ABS) à la délégation complète. L’Institut de Recherche Technologique System X, dans le projet Localisation et Réalité Augmentée, s’intéresse au véhicule autonome de niveau 3 (classification de la NHTSA ; Trimble et al, 2014), qui permet au conducteur de se libérer, pour un temps donné, de la conduite afin de s’investir dans d’autres tâches de vie à bord (lecture, vidéo, détente, etc). Dans un premier temps, l’objectif est de concevoir un système de conduite autonome qui permette la délégation de la conduite sur des tronçons d’autoroute en situation d’embouteillage.

À l’heure actuelle, ce type de véhicule n’est pas encore autorisé à rouler sur les routes françaises. Il est dès lors impossible d’observer les usages de ce type de dispositif en situation, ni de comprendre l'activité réelle de conduite autonome, étant donné que cette dernière n’existe pas encore. C’est ce que l’on appelle le « paradoxe de la conception » (Theureau et Pinsky, 1984). « Il s’agit de produire quelque chose qu’on ne connait pas encore : au début on sait peu de chose sur la situation future » (Béguin, 2004). À mesure que le projet avance, les équipes la connaissent de mieux en mieux, mais disposent de moins en moins de marges de manœuvre pour influencer la conception (Midler, 1996). Il est nécessaire dès lors, et c’est un des rôles dont l’ergonome doit se saisir, de pouvoir anticiper au plus tôt les usages et l’activité des futurs utilisateurs d’un produit en cours de conception. Deux outils sont à disposition de l’ergonome pour ce faire : la simulation et l’analyse de situations de référence (Béguin, 2004).

Cette étude vise à contribuer à l’anticipation de l’activité du conducteur engagé dans une situation de conduite autonome, d’identifier des éléments clés de cette activité qui devront être impérativement pris en compte lors de la conception, à travers l’analyse de situations de référence (nous développons en parallèle d’autres études portant sur l’activité de conduite

autonome sur simulateur, voir Poisson et al., in press).

Nous avons analysé l’activité de pilotes de ligne, de conducteurs de métro et celle de conducteurs d’automobiles sur autoroute embouteillée. Notre approche est basée sur la production de modèles d’activités. Nous modélisons les différentes situations et confrontons les modèles les uns aux autres afin d’anticiper l’activité future. Un nouveau modèle d’activité future est ensuite créé à partir des situations de référence, qui peut être confronté à l’observation de conducteurs de véhicule autonome en situation artificielle (sur piste). Ce modèle de l’activité future permet d’identifier des besoins particuliers et des classes de situation nouvelles qui doivent être prises en compte lors de la conception, et permettra par la suite de guider les évaluations des prototypes opérationnels de la solution proposée (Safin et al.

2007). Il s’agit donc, par l’analyse de situations de référence et une approche par modèles, de constituer une grille de lecture de l’activité future, d’identifier des « situations d’actions caractéristiques futures probables » (Daniellou, 2004) permettant d’orienter les observations, les réflexions théoriques et les recommandations pour la conception.

Nous concluons par la mise en perspective de notre modèle avec des données empiriques et des éléments issus de la littérature sur la conduite autonome, ainsi que par la critique de la pertinence de la démarche.

ANALYSE DE L’ACTIVITE - METHODOLOGIE

Pour construire notre modèle de l’activité anticipée, nous avons analysé différentes activités.

- Les activités de pilotes de ligne et de conducteurs de métro. La particularité de ces situations de référence est que l’activité de pilotage est déléguée à un système, leur conférant un caractère dynamique. C’est-à-dire que ces situations seront modifiées indépendamment des actions propres à l’opérateur ; la situation n’est donc que partiellement sous son contrôle (Hoc 2004). Ces situations de référence sont proches de la philosophie qui prévaut à la construction du véhicule autonome

- L’activité de conducteurs d’automobiles sur autoroute embouteillée. Cela constitue la situation réelle actuelle dans laquelle la conduite autonome prendra place : en effet, le véhicule autonome sur lequel nous travaillons aura comme première fonctionnalité de permettre la délégation de conduite lors des embouteillages sur autoroute.

- L’activité de conducteurs d’un prototype de véhicule autonome sur piste, afin de compléter et valider notre modèle de l’activité anticipée.

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La présente étude a été menée auprès de trois pilotes de ligne (naviguant sur des Airbus A330 ou A340), cinq conducteurs de métro (disposant d’un pilotage manuel et automatique), quatre conducteurs d’automobiles sur autoroute embouteillée et six conducteurs du prototype de véhicule autonome.

L’activité des pilotes de ligne, ne pouvant être analysée sur le terrain, elle a été renseignée via des entretiens semi-directifs auprès de pilotes, qui se sont déroulés en dehors du cadre habituel de travail. Les trois autres situations de référence ont pu être analysées en situation. Nous avons pris des notes papier crayon et nous demandions aux conducteurs de verbaliser leur activité lorsque cela était possible pour eux. Nous avons mené des entretiens semi-directifs avec deux conducteurs de métro, deux automobilistes sur autoroute embouteillée et quatre conducteurs du prototype de véhicule autonome afin de revenir sur des éléments précis de leur activité que nous n’avions pas pu aborder au moment des observations pour ne pas interrompre leur activité. Les entretiens ont été enregistrés avec l’accord des sujets puis retranscrits.

Concernant l’activité de conduite du prototype de véhicule autonome, nous avons pu suivre deux jours d’essai de ce prototype. Ces passations ont été réalisées sur piste. Deux autres véhicules étaient présents sur la piste pour simuler une situation de route embouteillée et créer des situations d’insertion, de déboîtement et d’arrêt du véhicule.

Pour la construction des modèles, nous nous sommes basés sur l’identification de familles d’activités, elles-mêmes décomposées en classes de situations (Daniellou et Beguin, 2004.) L’idée est d’identifier quelles sont les actions et conduites récurrentes, et de comprendre si elles sont spécifiques à des modes de conduite autonome et manuelle. Nous pouvons ensuite comparer ces modèles, afin d’en extraire les invariants, pour constituer le modèle de l’activité anticipée.

RESULTATS

Analyse de l’activité de pilotes de ligne

L’activité de pilotage, ici d’un Airbus A330, ne concerne pas un mais deux pilotes (le « pilot flying » et le « pilot monitoring ») qui se partagent les tâches de pilotage. Cependant, bien que la co-activité entre les deux pilotes soit un élément important, nous avons représenté leur activité (schéma 1) sans distinction de pilote (ils activent le pilotage automatique cinq secondes après le décollage, ce qui leur permet de rapidement mettre en commun leur activité). Sur le schéma, les activités en non gras sont celles qui se déroulent durant le pilotage manuel et celles en gras sont celles qui se déroulent durant le pilotage automatique. Avant le décollage, les pilotes ont une phase de préparation du vol. C’est à ce moment qu’ils programment le vol et testent les commandes afin de vérifier la sécurité de l’appareil.

Durant le vol, nous pouvons distinguer trois familles d’activités au sein de la conduite. Durant la croisière, les pilotes sont déchargés du pilotage à proprement parler (commande de direction et gaz par exemple).

Néanmoins, ils ont toujours à leur charge la surveillance des moniteurs afin de contrôler que le pilotage automatique fonctionne correctement. Cette surveillance est réalisée de façon collaborative et ponctuelle avec la tour de contrôle.

Le décollage et l’atterrissage se font en pilotage manuel, parfois même en automatique pour l’atterrissage. Une fois le pilotage automatique activé, les principales activités des pilotes sont la surveillance du système et des interactions avec le pilotage automatique (PA).

« en fait ce qu’on fait en croisière ou même en approche à part l’atterrissage quand on peut et le décollage qu’on fait avec le manche, tout le reste quand on doit faire des virages, des descentes, des montées etc, on le fait sous PA, mais c’est nous qui contrôlons le PA, on lui demande de faire ces choses, avec ce panneau là en fait » Extrait d’entretien avec un pilote de ligne. Durant la croisière, les pilotes interrompent leur activité de surveillance en réalisant des activités parallèles à celle-ci, telles que la lecture d’article de journaux ou des discussions avec leurs collègues de vol. Cela leur permet de garder un certain niveau de vigilance durant les moments de surveillance.

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Analyse de l’activité de conducteurs de métro

L’activité des conducteurs de métro se découpe en trois grandes familles d’activités : l’entretien de la rame (passage dans des rouleaux de lavage, vérification du bon fonctionnement des différents dispositifs de la rame, passage dans les wagons pour vérifier qu’il n’y a aucun problème), le service voyageur/sécurité (veiller à la sécurité des voyageurs et à l’intégrité du pilotage automatique) et la conduite de la rame pour laquelle nous accorderons une description plus détaillée. Le code présent sur le schéma 2 est le même que pour l’activité des pilotes de ligne (non gras : pilotage manuel ; gras : pilotage automatique). On remarque que de nombreuses activités sont similaires en pilotage manuel et en pilotage automatique : contact radio PCC (poste de commande centralisé), ouverture/fermeture des portes, surveillance des voyageurs sur les quais, surveillance de personnes sur les voies ou encore surveillance des voyageurs lors de la fermeture des portes. À la RATP, la sécurité des voyageurs est une des principales préoccupations. Pour veiller à cette sécurité, de nombreuses règles sont à respecter (respect des limitations de vitesse, respect des signaux, « veiller » régulièrement pour prévenir le PCC de la conscience du conducteur et éviter le déclenchement du système d’urgence) et des sanctions sont prévues lorsqu’elles ne le sont pas.

Les conducteurs nous ont fait part de leur soulagement (fatigue et stress) lorsqu’ils conduisent en pilotage automatique, d’autant plus qu’ils ne sont pas considérés comme responsables si le pilotage automatique transgresse des règles pour cause de dysfonctionnement. Cependant, ils doivent veiller au bon fonctionnement du système (vitesse et franchissement de signaux) et repasser en pilotage

manuel s’ils constatent un dysfonctionnement. « Il faut vérifier que le PA ne roule pas trop vite ou bien qu’il ne franchisse pas un signal car c’est déjà arrivé.

Si on constate un problème, on doit reprendre la main ». Extrait d’entretien avec un conducteur de métro. Les conducteurs sont, malgré tout, toujours responsables de la sécurité des voyageurs. Cette responsabilité leur a fait développer certaines stratégies. Par exemple, pour être prêts à effectuer un freinage d’urgence en pilotage automatique, les conducteurs laissent la commande de vitesse sur le dernier cran de freinage, celui juste avant le freinage d’urgence. Etant en pilotage automatique, la rame ne freine pas (elle ne « répond » qu’au freinage d’urgence) et les conducteurs nous ont rapporté s’assurer pouvoir freiner le plus rapidement possible :

« là tu vois, je laisse la manette au max du frein, ça ne freine pas parce les vitesses ne marchent pas en PA, juste après c’est le freinage d’urgence, comme ça j’ai juste à faire un petit appui et le train s’arrête ».

Extrait d’entretien. Durant cette activité de surveillance du système et des voyageurs, les conducteurs réalisent également des activités parallèles à celles-ci. On peut remarquer qu’ils en réalisent plus lorsque les quais sont équipés de portes palières car ils ont moins à surveiller les usagers qui se trouvent sur les quais. Le pilotage automatique permet donc la délégation de certaines activités, en

conserve certaines et en crée de nouvelles.

Comparaison des deux situations

Pour anticiper les problématiques liées à la délégation de conduite, nous comparons les deux modèles, dans l’aviation et dans la conduite de métro.

Cela a pour but d’identifier des classes de situation qui sont propres à chaque domaine, spécifiques à la Schéma 2 : Modèle de l’activité des conducteurs de métro

PA : pilotage automatique

PCC : Poste de commande centralisé FU : frein d’urgence

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conduite autonome, et présentes dans les deux activités, ce qui nous amène aux observations suivantes :

- Certaines classes de situation sont exclusivement liées à la conduite autonome, et sont présentes dans les deux activités : les activités de vie à bord et le repos ; la surveillance du système, et la surveillance de l’environnement extérieur.

- Dans le même ordre d’idées, toutes les classes de situation concernant les opérations de conduite (gestion de la vitesse, de la direction, des moteurs) ne sont présentes que lors des phases manuelles, l’objectif du pilotage automatique étant précisément de déléguer ces aspects au système.

- Les transitions entre pilotage manuel et automatique constituent des classes de situation à part entière, nécessitant la mise en place de stratégies spécifiques.

- On retrouve des familles d’activités avant et après l’activité de conduite autonome (entretien, atterrissage, décollage, etc.).

Analyse de l’activité de conducteurs sur autoroute embouteillée

Dans le schéma 3, nous pouvons voir les activités

des conducteurs développées dans les différentes familles d’activités de leur conduite. Sur quatre conducteurs, trois avaient préparé leur trajet en regardant l’état du trafic sur leur téléphone avant de partir. Leur objectif est d’estimer le temps qu’ils vont mettre pour rentrer chez eux et/ou de choisir

l’itinéraire le plus rapide en fonction des embouteillages.

Nous avons également pu remarquer, à partir des verbalisations des conducteurs, que tous regardaient les panneaux indiquant le temps de trafic d’un point A à un point B. Pour l’un des conducteurs, cette activité lui permet de planifier son itinéraire, de choisir l’itinéraire parmi les deux possibles pour rentrer chez lui. Par ailleurs, on peut voir que dans des situations de routes embouteillées, les automobilistes créent de nouvelles règles de conduite qui surpassent certaines du code de la route ; la règle du « un sur deux » par exemple, qui consiste à laisser s’insérer sur une route prioritaire les véhicules qui arrivent par la bretelle d’insertion. Cette règle est un élément essentiel dans ce type de situation qui peut amener le conducteur à

« coller » le véhicule qui se trouve devant lui.

On a également pu observer que les conducteurs changeaient régulièrement de voie afin de rejoindre celle qui roule le mieux. Les activités telles que les passages de vitesse, les accélérations/freinages et l’utilisation de la pédale d’embrayage étaient, bien évidemment, également présentes durant les moments de conduite que nous avons pu observer. D’autres actions spécifiques à la conduite embouteillée ont été

relevées ; notamment le fait de rouler au point mort et d’avancer ainsi grâce à la vitesse du véhicule lancé.

Par ailleurs, à partir des verbalisations de leur activité, nous avons relevé que les conducteurs effectuaient des actions de compréhension de leur Schéma 3 : Modèle de l’activité de conducteurs d’un véhicule traditionnel (sans système autonome) sur autoroute embouteillée. Les pointillés correspondent à des activités moins fréquentes

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SELF 2015 6 environnement notamment par le biais de fréquents regards dans les rétroviseurs. Ils nous ont expliqué effectuer ces contrôles lors de leur moment de conduite en situation chargée ou embouteillée afin d’être sûr de bien voir les motos qui circulent entre deux files « là par exemple cette moto je l’avais vue depuis longtemps dans mon rétro, ça évite de se faire surprendre ». Extrait d’entretien.

Notons par ailleurs que les conducteurs ont réalisé peu d’activités parallèles à leur activité de conduite.

Tous ont mis de la musique et ont changé de station via le poste de radio ou bien de musique via leur multimédia (téléphone relié, clé USB branchée). Seul le conducteur qui avait relié son téléphone à son véhicule l’a sorti plusieurs fois durant sa conduite afin de se renseigner sur le nom du chanteur de la chanson qu’il était en train d’écouter. Ce même conducteur s’est également servi de son téléphone pour regarder le trafic sur son application après avoir vu le panneau d’indication du trafic afin de confirmer son choix d’itinéraire.

Modèle de l’activité anticipée

Le schéma 4 présente le modèle de l’activité anticipée, c’est-à-dire un modèle hypothétique basé sur l’intégration des éléments relatifs à la délégation de conduite, à ceux présents dans des situations de

conduite sur autoroute embouteillée, et agrémentés d’éléments ponctuels provenant d’études

expérimentales menées dans d’autres situations de conduite autonome.

On y retrouve les différentes familles d’activités et classes de situations identifiées précédemment dans la conduite automobile : planification, entrée et sortie de l’autoroute, prises d’information, actions de conduite et activités de vie à bord (AVB). On retrouve aussi des éléments spécifiques à la délégation de conduite : surveillance du système autonome, transition entre la conduite manuelle et autonome et les activités de vie à bord. Cependant, dans un véhicule autonome de niveau 3, les activités de conduite et de supervision sont censées disparaître, et les AVB s’intensifier par rapport à la conduite manuelle. Il convient de souligner ici l’écart entre les situations des pilotes de ligne et les conducteurs de métro et la situation du conducteur en mode autonome de niveau 3 : pour les premiers, la surveillance du système est prescrite, tandis que pour le second, la non surveillance est autorisée. On peut aussi s’attendre à voir s’établir des stratégies pour reprendre en main rapidement la conduite déléguée ou pour intervenir en cas d’urgence. Cette reprise en main d’urgence (gestion des situations critiques) est potentiellement en interférence avec les AVB Les conducteurs, en conduite automatisée, lors de la réalisation d’AVB, répondent en effet de manière moins sûre à la situation critique (Strand et al, 2014 ; Merat et al ,

2012).

Schéma 4 : Modèle de l’activité en conduite autonome

VA : véhicule autonome AVB : activités de vie à bord

MD : Manual driving : conduite manuelle AD : autonomous driving : conduite autonome Les pointillés correspondent à des activités moins fréquentes

50ème Congrès de la SELF, Page 139

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Dans l’activité de reprise en main, deux éléments sont importants :

-La vérification des conditions de reprise en main est un préalable important et nécessite un temps conséquent lors des transitions. Damböck et al (2012) estime ce temps à 8 secondes. Selon Merat et al (2014), il faut 10-15 secondes au conducteur pour reprendre le contrôle en fonction de l’attention visuelle et 35-40 en fonction de la stabilisation du contrôle latéral.

A noter que ce modèle concerne la conduite autonome de niveau 3 (selon la NHTSA). Il est important de relever que différents niveaux d’automatisation peuvent mener à différents comportements et avoir des incidences différentes sur la charge cognitive, la conscience de la situation et donc le temps de reprise en main. (Strand et al., 2014 ; de Winter et al)

Confrontation empirique du modèle Nous avons confronté ce modèle à l’activité de conducteurs d’un prototype de véhicule autonome, en situation artificielle (sur piste). On retrouve dans ces observations les différentes familles de notre modèle : la préparation du trajet, les transitions (activation et désactivation de la conduite autonome) qui mènent à la conduite manuelle ou à la conduite autonome, les actions de conduite, les activités de supervision du système, et les activités de supervision de l’environnement. Etant sur piste (pas de trajet défini/connu), l’activité de préparation du trajet est peu développée. Il en est de même pour la conduite manuelle : lors du test, il était demandé au conducteur d’activer la conduite autonome dès que possible.

En conduite manuelle nous avons observé que les activités de prises d’information sur l’environnement extérieur (regard dans les rétroviseurs, angle mort) étaient peu nombreuses. Cela peut se justifier par le fait que nous étions sur une piste réservée et qu’aucun véhicule, excepté les deux simulant un bouchon et des insertions, ne pouvait se trouver sur la piste. Durant les phases de conduite manuelle, les conducteurs sont dans l’attente de la proposition du mode autonome ; ils regardent fréquemment le tableau de bord sur lequel le message s’afficherait en cas de proposition.

Ils nous ont dit être prêts à appuyer sur le bouton d’activation. Cela montre que la supervision par le conducteur de l’état du système autonome est aussi présente en conduite manuelle, du moins quand le conducteur pressent un passage à la conduite autonome.

Durant les phases de conduite autonome, peu de regards dans les rétroviseurs (intérieur et extérieurs) ont été effectués et encore moins de contrôle d’angle mort, ce qui ne diffère pas de la conduite manuelle.

Les conducteurs nous ont fait part qu’habituellement, sur autoroute embouteillée, ils en réalisent très

fréquemment, mais que lors du test, ils veillaient surtout à ce que le véhicule fonctionne correctement.

On observe par ailleurs de nouvelles formes de surveillance, relatives au contrôle latéral et longitudinal du comportement du véhicule (contrôler si la trajectoire est bien droite), particulièrement lorsqu’ils reprenaient le contrôle du véhicule en effectuant un changement de voie. L’activité de surveillance du système autonome est très présente durant la conduite autonome. Les conducteurs prennent des informations sur l’état du système et sur l’environnement ; ils vérifient que le système réalise bien les actions qu’il doit réaliser (freinage par exemple) et effectuent parfois des actions de correction (freinage, correction de la trajectoire) soit parce que le système ne fait pas exactement ce qu’ils auraient fait eux-mêmes, soit pour tester les possibilités de coopération. Les conducteurs maintiennent donc certaines actions de conduite, même sous conduite automatique

Les activités de vie à bord sont, de manière surprenante, assez limitées : un seul participant a sorti son téléphone et a lu ses mails mais ses verbalisations nous ont prouvé qu’il ne l’aurait pas fait s’il avait su que le véhicule ne pouvait pas être immobilisé en cas de problème : « je me force à ne pas regarder. De toute façon quelqu’un a un bouton rouge pour arrêter le véhicule s’il y a un problème, non ? ». Extrait de verbalisation. Les autres conducteurs ne se sentaient pas prêts à réaliser de telles activités. : « je n’arriverais pas à être sur une activité plus de 2-3 secondes, je serais plus confiant en utilisant mon téléphone en conduisant vraiment car j’ai une main sur le volant et les pieds sur les pédales donc je suis prêt à réagir ». Extrait d’entretien.

Enfin, pour être prêts à reprendre le contrôle à tout moment, les conducteurs avaient leurs mains proches du volant et les pieds proches d’une position permettant une action sur les pédales. Néanmoins, il est important de préciser que nous avons observé, pour les six conducteurs, une première utilisation du dispositif. Les transitions (la délégation de conduite et la reprise du contrôle) constituent un élément particulièrement important : les conditions de délégation et de reprise en main ne correspondent pas toujours aux représentations des conducteurs. Cela, peut alors les mener à une incompréhension du système, et ainsi parfois enclencher le « mode refuge » du véhicule, c’est-à-dire l’arrêt complet de celui-ci. Ici aussi, on constate que les transitions nécessitent une réflexion spécifique en termes d’interaction homme-machine.

DISCUSSION - CONCLUSION

L’exercice auquel nous nous sommes prêtés consiste à documenter des situations de référence afin de construire un modèle théorique de l’activité future

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SELF 2015 8 telle qu’elle pourra probablement se dérouler. Ce modèle comprend par essence certaines limites. D’une part il ne constitue qu’une extrapolation à partir de situations dans des contextes différents. Il n’a pas de pouvoir de généralisation, et ce n’est pas sa fonction première. D’autre part, il fournit des classes de situations décrites à un niveau général. Le degré d’abstraction du modèle invite à l’instancier dans des situations réelles ou simulées (piste ou simulateur, dans ce cas-ci), et à le confronter à des éléments théoriques, car il n’a pas de pouvoir explicatif en l’état. Son intérêt principal est qu’il fournit une grille de lecture cohérente de l’activité future. Cette grille vise à identifier des éléments problématiques, méconnus, à vérifier que ce qui est attendu se produit effectivement, et surtout à comprendre et analyser les écarts entre l’attendu et l’observé. Le modèle peut aussi fournir un objet intermédiaire puissant pour construire un référent commun de la situation avec les acteurs impliqués dans la conception (Jeantet, 1998).

Dans le cas décrit ci-dessus, la confrontation du modèle à l’analyse de l’activité de conducteurs sur piste met en avant que, malgré la présence d’un pilotage automatique ou d’un système autonome, les pilotes ou conducteurs ont été amenés à effectuer des activités de surveillance du système et/ou de leur environnement, que cela soit prescrit ou non.

Nos modèles permettent ainsi d’identifier des

« nœuds » à prendre en compte dans la conception du véhicule autonome : les transitions et les stratégies qui y sont associées ; la balance entre activités de vie à bord et activités de contrôle/supervision. Nous pouvons voir que les conducteurs gardent une activité de supervision. On peut s’attendre, bien que ce ne soit pas dans les objectifs du véhicule autonome de niveau 3, que les conducteurs souhaitent pouvoir contrôler le bon déroulement des processus de conduite autonome, en particulier dans la phase d’apprentissage. On peut donc mettre en avant le fait qu’il faudra permettre aux conducteurs de superviser l’environnement et prévoir des IHM aidant les conducteurs à superviser le système autonome. De même, les activités de vie à bord seront probablement amenées à être régulièrement interrompues. Si tel est le cas, le cockpit du véhicule devra être adapté aux activités de ce type.

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50ème Congrès de la SELF, Page 141

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