CHAPITRE II : DE LA DECOLONISATION AUX EFFORTS D’ORGANINISATION DE L’AFRIQUE
Leçon 1 : LA MONTEE DES NATIONALISMES
Introduction
Jusqu'à la veille de la 2e Guerre mondiale de vastes empires coloniaux dominaient le monde. Aux lendemains de cette guerre, les puissances coloniales sont sérieusement affaiblies et face aux différentes réalités dans les colonies, les peuples colonisés, particulièrement ceux de l’Afrique, adoptent des comportements et des doctrines qui tendent vers l’émancipation. Le nationalisme va alors prendre de l’ampleur. Le nationalisme désigne les revendications d’un peuple assujetti à la liberté. En Afrique les revendications des peuples colonisés se sont accélérées sous l’action des mouvements nationalistes dirigés par des élites indigènes. Ces élites, véritable fer de lance, seront à l’ origine en de l’émancipation des colonies africaines.
Quels sont les facteurs du nationalisme africain ?
Quels sont les mouvements nationalistes qui vont accélérer le processus de décolonisation dans les pays du tiers monde ?
I- LES FACTEURS DE LA MONTEE DES NATIONALISMES
La montée du nationalisme en Afrique résulte de deux principaux facteurs : les facteurs internes et externes
1- LES FACTEURS INTERNES 1-Les abus du système colonial
Les colonisés africains sont victimes de nombreuses injustices du système colonial.
Les abus coloniaux s’expliquent par :
-L’absence de liberté fondamentale et l’inégalité entre blancs et noirs ;
-L’occupation de bonnes terres par les colons et qui jettent des indigènes sur des terres incultes impropres aux cultures ;
-L’exploitation des ressources du sous-sol par des entreprises métropolitaines utilisant une main d’œuvre quasi gratuite (les indigènes) et soumise aux travaux forcés, aux portages et aux corvées. Par conséquent l’industrie locale est supplantée par la civilisation dominante du colonisateur.
2- Les bouleversements socio-économiques
Les colonisés africains sont contraints de développer les cultures commerciales introduites par le colonisateur. Exemple : café, cacao, arachide, palmier a huile.
Ces cultures se pratiquent au détriment des cultures vivrières. Cela crée dans les colonies la famine qui aggrave la pauvreté des populations en milieu rural.
-La ruine de l’artisanat. Les produits de l’artisanat africain sont ruinés par les produits importés européens vendus à des prix élevés sur les marchés locaux par rapport au pouvoir d’achat de la population
-L’exclusion des africains dans la gestion de l’administrative et politique de leur colonie
-L’augmentation du chômage dans les villes et campagnes
-L’obligation d’utiliser les monnaies européennes, les routes et les marchés créés par le colonisateur
-L’obligation de payer des impôts et de fournir des vivres aux colons
-L’enrichissement des colons au détriment d’indigènes misérables qui ne bénéficient pas des fruits de leur travail
1-1- Les contradictions du système colonial
Le système colonial est victime de ses contradictions internes dans les colonies 1-1-1- L’action des élites indigènes
Les nouvelles élites africaines formées à l’école occidentale sont imprégnées des idéaux d’égalité, de justice, de liberté et de démocratie. Exclues de la vie politique et administrative de leurs colonies elles vont utiliser ces notions pour faire prendre consciences aux indigènes des abus coloniaux dont ils sont victimes et aussi comme arme pour les retourner contre le pouvoir colonial pour exiger la liberté et l’autonomie de leur territoire. Une fois donc de retour ces élites vont conduire les mouvements nationalistes dans ce sens.
1-1-2- L’action des anciens combattants
Ils ont été appelés pour défendre la métropole contre l’envahisseur totalitaire (l’Allemagne). A leur retour ils réclament des emplois, une intégration dans la société ainsi une amélioration de leur condition de vie comme promis par l’administration coloniale en échange de leur participation à la guerre
1-1-3- Le rôle des religions
Les religions locales sont dominées par celles du colon (le christianisme) et vont donner naissance aux religions syncrétiques exemple : le Harrisme, le Kimbanguisme (mouvement chrétien fondé par Simon Kimbangu au Zaïre)
Ces religions vont jouer un rôle très important dans l’éveil des nationalismes. Tous ces facteurs contribuent puissamment à l’éclosion des mouvements nationalistes, la montée des nationalismes va également bénéficier du soutien extérieur
Remarque : les facteurs énumérés plus haut montrent que le colonialisme porte en lui même les germes de sa propre destruction.
2- LES FACTEURS EXTERNES
2-1- L’impact de la 2e guerre mondiale La fin de 2e guerre a eu plusieurs conséquences
-L’affaiblissement des puissances coloniales. Elles ont subit de nombreuses défaites militaires, ruinées par la guerre elles n’arrivaient plus à maintenir leur autorité dans leur colonie. Elles vont connaître un recul au profit des deux supers grands (USA, URSS). En plus d’être déchirées entre partisans et adversaires de la colonisation les puissances sont dans leurs colonies submergées par des mécontentements pour des promesses non tenues après la guerre (emplois, autonomie…)
-La vulnérabilité de l’homme blanc
Les défaites militaires ont brisé le mythe de l’invincibilité de l’homme blanc qui perd par conséquent son autorité dans les colonies.
2-2- Le paradoxe de l’effort de guerre
L’espoir des colonisés d’accéder à l’autonomie après la 2e guerre est vite déçu car les colons s’opposent à cette autonomie promise en échange de la participation à la guerre auprès de la métropole pour défendre les idéaux de liberté de justice et d’égalité qui leur sont refusée dans la colonie.
2-2-1- Un contexte international favorable
2-2-1-1- L’attitude anticolonialisme des USA et de l’URSS
La fin de la 2e guerre est marquée par l’émergence de 2 grandes puissances les USA et URSS qui soutiennent l’émancipation des peuples colonisés pour des raisons différentes.
Les USA se souviennent de leur propre et longue guerre contre les britanniques et par conséquent sont attachés aux idéaux démocratiques de liberté et d’indépendance. Et au nom de la doctrine de « la porte ouverte » ils défendent la politique de libre échange en exigeant la fin du colonialisme pour ne pas que les barrières coloniales gênent la circulation de leurs produits et leurs capitaux(les USA voient dans les colonies un réservoir de matières premières et un marché de consommation potentiel).
En outre les USA redoutent que s’ils ne soutiennent pas leur lutte, les peuples colonisés ne se tournent vers l’Europe après leur indépendance.
L’URSS présente le camp socialiste comme l’allié naturel des pays colonisés contre l’ennemi commun qui est l’impérialisme. Cet anticolonialisme soviétique s’explique aussi par son combat contre le capitalisme qui est considéré comme l’exploitation de l’homme par l’homme (soumission d’une
classe sociale par une autre). Pour les soviétiques, l’impérialisme est le produit du capitalisme, ils voient également dans la colonisation une main mise du bloc capitaliste sur l’économie mondiale
2-2-1-2- L’action de l’ONU
L’ONU est favorable à l’émancipation des colonies au nom du respect des droits individuels contenus dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et en accord avec sa charte qui donne à chaque peuple le droit de disposer de lui-même.
C’est pourquoi elle adopte des résolutions fondamentales colonialisme sous toutes ses formes et offre une tribune aux porte-paroles des peuples colonisés pour leur permettre de dénoncer au plan international les abus du système colonial. Elle s’est dotée d’un conseil de tutelle ayant pour rôle d’aider les colonies d’accéder à l’indépendance.
2-2-1-3- L’évolution des mentalités
L’attitude de l’église
Au départ complice de la colonisation (participation directe ou indirecte par les missionnaires) l’église a fini par condamner et dénoncer les abus du système colonial.
En effet le christianisme a participé à la décolonisation par la réaction du clergé. Les 1er élites vont constamment prônées l’égalité entre les hommes, elles reconnaissent ainsi la légitimité de la lutte anticoloniale des peuples opprimés et leur aspiration à l’autonomie pour disposer de leur liberté. L’église se démarque enfin du pouvoir colonial.
L’opinion publique métropolitaine
Elle s’oppose au maintien de la colonisation qui coûte chère en homme et en argent à la métropole, elle même confrontée à des problèmes sociaux tels que le chômage et la dégradation du niveau de vie.
L’action du tiers monde
Le tiers monde nait de la conférence de Bandung. Elle s’est tenue du 12 au 24 avril 1995 et a réuni 29 pays afro asiatiques et avait pour but de condamner la colonisation sous toutes ses formes. A cette rencontre les autres pays de l’Afrique noire sont interpellés afin qu’ils suivent l’exemple de l’Asie libre. Le tiers monde a proclamé son neutralisme à travers le non alignement et s’est prononcé en faveur du droit à l’autodétermination de tous les peuples et condamner l’exploitation coloniale. Les pays du tiers monde décident donc de hâter et de généraliser la décolonisation.
III-QUELQUES MOUVEMENTS NATIONALISTES DANS LE TIERS MONDE
Conduits et dominés par les intellectuels, ils se subdivisent en deux (2) A- LES MOUVEMENTS POLITIQUES
Ils ont joué un rôle déterminant dans l’émancipation des peuples colonisés : 1- En Asie
-Le Viêt-Minh dirigé par Hô chi Minh obtient l’indépendance du Viêtnam du nord après la victoire sur les français à Dien Bien Phu en 1954.
-L’indépendance de l’inde en 1947 qui est l’œuvre de Mahatma Gandhi et son mouvement de la non-violence et Nehru avec le parti du congrès.
2- En Afrique
-En Afrique du nord, la Tunisie avec le néo destour d’Habib Bourguiba crée en 1954est conduit à l’indépendance le 20 mars 1956. La partie de l’indépendance de ben Youssef au Maroc, le FNL en Algérie a favorisé l’ouverture des négociations avec la France.
-En Afrique noir le CPP (Convention People Parti) de Kwamé Nkrumah donne l’indépendance du Ghana en 1957 ; le RDA dirigé par FELIX HOUPHOUET BOIGNY mène l’Afrique Occidentale et Centrale à l’indépendance à partir de 1960.
B- LES MOUVEMENTS SOCIOCULTURELS
Ils vont jouer un rôle d’appui aux mouvements politiques et c’est bien souvent la combinaison des actions à celles des partis politiques qui va donner de la vigueur aux mouvements nationalistes et pousser le colonisateur à la répugnassion.
1- Les syndicats
-Le syndicat agricole africain avec pour 1er responsable FELIX HOUPHOUET- BOIGNY a constamment revendiqué une meilleure rémunération des produits agricoles
-L’UGTAN (Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire) dirigée par Sékou Touré a aussi revendiqué des meilleures conditions de vie des travailleurs.
-La fédération des cheminots africains qui a souvent mené des grèves pour contraindre le colonisateur au respect des droits des travailleurs et à une meilleure condition de vie et de travail. Exemple : en AOF 350 syndicats en 1955
2- Les mouvements d’étudiants
-Le WASU (Union des Etudiants Africains de l’Ouest) créée en 1926 à Londres par le nigérian Lapido Solanké.
-Le FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire Francophone) créée en 1952 en France.
Tout en constituant une force politique et sociale, ces mouvements servaient de catalyseurs aux mouvements nationalistes (aux luttes émancipatrices et vont accélérer le processus de décolonisation de l’Afrique).
3- Les Mouvements Culturels
-L’action des écrivains qui mènent leur combat à travers la littérature très engagée (la négritude) dans laquelle ils revalorisent l’indigène et dénoncent toutes les pratiques coloniales
-La presse a puissamment contribué à la diffusion du nationalisme anti coloniale : exemple : légitime défense ; l’action tunisienne ; le démocrate du Sénégal etc.…
« Fraternité matin » de la colonie de Côte d’Ivoire.
4- Les Mouvements Messianiques
Ils expriment à la fois les idéologies autochtones et les idéologies inspirées du
christianisme et de l’islam. Ils avaient un caractère émancipateur.
Exemple : le Harrisme, le kimbanguisme d’inspiration chrétienne, le Mahdisme et le Tidjanisme d’inspiration musulmane.
Ces mouvements ont menacé la sécurité du système colonial en Afrique du Nord, de l’Ouest et de l’Est et ont conduit les différentes colonies à l’indépendance.
Conclusion
Sous l’effet combiné de l’indépendance des peuples dominés et de l’environnement international favorable, les mouvements nationalistes vont porter un coup fatal à la colonisation, c’est un signal fort autour des années 60 qui marque l’entrée des pays du tiers monde sur l’échiquier politique international. Cependant, la colonisation a imprimé de façon durable la marque de la civilisation occidentale sur les territoires libérés
