Les principaux polluants rencon- trés sur les anciens sites industriels sont les hydrocarbures pétroliers (40 %), le plomb (17 %), les hydro- carbures aromatiques polycycliques (17 %), le chrome (15 %), les solvants chlorés (14 %) puis les autres métaux/métalloïdes (cuivre, arsenic, zinc, nickel, cadmium) (1). Ces pollutions doivent être gérées selon une méthodologie établie par le ministère en charge de l’environ- nement qui aboutit dans certains cas, lorsque les impacts sont innacep- tables, à la nécessité de dépolluer les sols des eaux souterraines (2). Pour ce faire, les principales techniques utilisées concernent de facto les composés organiques. 41 %, 16 % et 9 % des volumes d’eaux souter- raines dépolluées en France le sont par les techniques du pompage-écré- mage, du pompage et traitement sur charbon actif et de l’extraction multi- phase respectivement (3). Mais il existe également des techniques de traitement biologique.
Procédés aérobies et anaérobies En France 8 et 6,5 % des volumes d’eaux souterraines sont dépollués par le sparging/biosparging et la biostimulation (procédés aéro- bies) (3). Ces techniques consistent à injecter de l’oxygène et des nutriments afin de placer les micro- organismes dans les conditions idoines pour dégrader les polluants
(constitués notamment de composés monoaromatiques) et les solvants polaires. L’injection est réalisée in situ, sous forme de puits d’injection ou parfois de drains horizontaux (4). En outre, l’atténuation naturelle surveillée est de plus en plus utilisée comme procédé de finition de chantiers de dépollution (5).
Les techniques émergeantes dans ce domaine sont essentiellement basées sur l’utilisation de compo- sés libérateurs lents d’oxygène, lesquels présentent le double avan- tage, dans certains cas, d’oxyder les polluants puis de permettre la biodégradation de ces derniers. La biodépollution aérobie est souvent utilisée après l’élimination des pol- lutions concentrées par oxydation chimique in situ ou par techniques physiques extractives.
Les polluants considérés comme récalcitrants, essentiellement les composés organohalogénés, solvants chlorés, et les polluants à bases de nitrates et phosphates, font l’objet de biodépollutions anaérobies. Les conditions anaérobies sont créées par ajouts de sources de carbone (mélasse, lactate et huile végétale).
Enjeux
Le BRGM contribue au dévelo- ppement de techniques nouvelles et à l’amélioration des procédés existants pour la dépollution des nappes souterraines. Les enjeux sont multiples : réduire les teneurs en polluants résiduels, éliminer des polluants réfractaires à la biodégra- dation par les procédés conven- tionnels, développer des techniques plus performantes, propres et éco- nomiques. En collaboration avec la société Solétanche-Bachy, entre- prise générale de fondations et
de technologies du sol et sa filiale SolEnvironment, entreprise de travaux spécialisée en travaux de dépollution, le BRGM a réalisé des travaux visant à dépolluer les eaux souterraines en les faisant passer dans des « barrières réactives » com- posées de micro-organismes (7) : le flux d’eau polluée est intercepté et traverse un réacteur au sein duquel les polluants, comme le chromate (Cr) ou le manganèse (Mn), sont éli- minés par des processus microbiens (réduction ou oxydation entraînant la précipitation des métaux) et phy- sico-chimiques combinés. Dans une autre configuration de traitement étudiée au BRGM dans le cadre du projet européen AquaTRAIN(8), des particules de fer peuvent être pla- cées au sein de l’aquifère souterrain pollué par des métaux et de l’ar- senic. La corrosion du fer produit à la fois des oxydes piégeant les pol- luants et de l’hydrogène, substrat énergétique de choix pour les bac- téries sulfato-réductrices capables de faire précipiter de nombreux métaux sous forme de sulfures.
Parallèlement à la mise au point de procédés de traitement, le BRGM optimise des techniques permet- tant d’étudier la diversité bac- térienne dans les environnements pollués. La détection des gènes de fonction liés à des processus de biodépollution permettrait en effet d’évaluer le potentiel d’évolution biogéochimique des nappes sou- terraines. Le BRGM possède éga- lement des compétences dans le domaine de la détection des gènes liés à la respiration bactérienne du sulfate et du nitrate, processus importants au cours de la bio- dégradation anaérobie de certains polluants organiques.
(1)Basol (2006) Base de données disponible sur www.basol.environ- nement.gouv.fr
(2)Ministère de l’Écologie et du Développement durable (2007) Annexe 2 : Comment identifier un site (potentiellement) pollué / Comment gérer un problème de site pollué / Modalité de gestion et de réaménagement des sites pollués, http://tinyurl.com/gestion-sites- pollues
(3)ADEME, Ernst&Young (2010) Taux d’utilisation et coûts des différentes techniques et filières de traitement des sols et des eaux souterraines pollués en France, synthèse des données
(4)Colombano S et al.(2010) Quelles techniques pour quels traitements - Analyse coûts-béné- fices. Rapport final, Rapport public BRGM/RP–58609-FR
(5)Saada A et al.(2006) État des connaissances sur l’atténuation naturelle des hydrocarbures. Rapport final, Résultat de la phase 2, Rap- port public BRGM/RP-54183-FR
(6)Colombano S et al. (2009) Examen des possibilités de traitement de la chlordécone dans les sols notamment sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable. Rapport final, Rapport public BRGM/RP-57708-FR
(7)Battaglia-Brunet F et al.(2006) Optimization of a biological process for the in-situ treatment of Cr(VI) polluted groundwater in a "panel- and-drain" type bio-barrier. Interna- tional Symposium topic Technical processes and industrial applica- tions (Novel bioreactor systems and process scale up). Leipzig, Germany
(8)Kumar N et al. (2010) Impact of microbiology on performance of ZVI based Permeable Reactive Barriers and Reactive Zones: A comparative study. PRB-RZ Symposium,Antwerp, Belgium
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les auteurs
Stéfan Colombano*, Fabienne Battaglia-Brunet**
BRGM, service Environnement &procédés
* unité Sites, sols et sédiments pollués
** unité Biogéochimie environnementale
© PHOTOTAKE/COLLANDRE/BSIP
LA DÉPOLLUTION DES NAPPES D’EAUX SOUTERRAINES
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