Corps des racines
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Introduction
Tous les corps considérés dans ce cours seront des corps commutatifs. Soit K un tel corps.
Définition On dit qu’un corps E est une extension du corps K si, et seulement si,
K est un sous-corps de E.
Exemple est une extension de et de .
Exemple est une extension de
2 .
Exemple
2 est une extension de .
Exemple Le corps KX des fractions rationnelles à une indeterminée sur le corps
K est une extension de K.
Définition On appelle équation polynomiale sur K toute équation de la forme
Px 0, où P est polynôme appartenant à KX.
Le degré de cette équation est le degré du polynôme. Les solutions de cette équa-tion Px 0 sont les racines du polynôme P dans une extension E de K.
Exemple Une équation de degré 1 est de la forme ax b 0 où a K et b K.
Exemple Une équation de degré 2 est de la forme ax2 bx c 0 où a K,
b K et c K.
Le but de ce cours est de répondre aux deux questions suivantes :
Question 1 : Ayant une équation polynomiale de degré n sur un corps K, est-il possible de trouver une extension E de K, dans laquelle, l’équation possède une solution ?
Question 2 : Dans le cas où l’équation polynomiale Px 0 possède une
solution dans une extension E de K, sous quelles conditions cette solution s’exprime-elle, à partir des coefficients de P, à l’aide des quatre opérations et des radicaux ?
2
Corps des racines
Soit K un corps.Définition une extension E de K est un corps de rupture pour le polynôme
fX KX sur K si, et seulement si, E contient une racine de f .
Exemple est un corps de rupture pour X
3
2 sur .
Théorème Si fX est un polynôme irréductible dans KX, alors f possède un
corps de rupture sur K.
Démonstration Soit M l’idéal de KX engendré par le polynôme f . M est un idéal
maximal car KX est un anneau principal et f est irréductible. Si E désigne l’anneau
quotient KX M, alors E est un corps. On peut regarder K comme un sous-corps de E.
Pour voir ça, soit
p; KX
KX M la surjection canonique. La restriction q de p à K est un
ho-momorphisme non nul car p1 1. Il en résulte que cet homomorphisme est injectif
car son anneau de départ est un corps. On en déduit que K est isomorphe à qK , ce qui
permet d’identifier K et qK. Ainsi E devient une extension de K. Soitα X pX.
En écrivant fX a0 a1X anX n nous obtenons fα a0 a1α anα n qa0 qa1 pX qan pX n pa0 pa1 pX pan pX n pa0 a1X anX n p f 0
Donc E est une extension de K contenant la racineαde f .
Corollaire Tout polynôme fX KX possède un corps de rupture sur K.
Démonstration En effet, tout polynôme f KX se décompose en produit de
po-lynômes irréductibles.
Définition Une extension E de K est un corps de décomposition pour un poly-nôme f sur K si, et seulement si, f peut être scindé dans EX c.d. il peut être
décom-posé en produit de polynômes linéaires dans EX.
Exemple Le corps est un corps de décomposition sur pour le polynôme X
2
Exemple Le corps est un corps de décomposition sur pour le polynôme
X2
1.
Théorème Tout polynôme f KX possède un corps de décomposi-tion sur K.
Démonstration On procède par récurrence sur le degré n de f . Si n 1, alors K
est un corps de décomposition pour f sur K. Supposons le théorème vrai pour tout polynôme de degré plus petit que n et démontrons-le pour les polynômes de degré n. D’après le corollaire précédent , il existe une extension E de K contenant une racine
a de f . Le polynôme X
a divise fX dans EX. Nous avons fX !X
a gX
dans EX, avec degg n
1. L’hypothèse de récurrence nous permet de trouver un corps de décomposition F pour gX sur E. On a gX k
i" n ∏ i" 2 X ai dans FX et f X #X a gX $X a k i" n
∏
i" 2 X ai k i" n∏
i" 1 X aidans FX où a1 a. Ainsi, F est un corps de décomposition pour f sur K.
Définition Un corps de décomposition minimal pour f sur K est appelé un corps des racines pour f sur K.
Exemple est un corps des racines sur pour le polynôme X
2
1.
Exemple
2 est un corps de décomposition sur
pour le polynôme X
2
2.
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Adjonction
Définition Soit A est une partie d’une extension E de K. Le sous-corps de E en-gendré par K% A est appelé le corps engendré par A sur K ou le corps obtenu par
l’adjonction de A à K. On dira alors que A est un système de générateurs de KA
sur K.
Notation Le corps engendré par A sur K sera désigné par KA. Si A est fini et si
a1&(')'('(&ansont ses éléments, alors nous écrirons K a1
&('(')'(&an
à la place de KA .
Exemple Si A /0, alors KA K.
Exemple *+i.
Remarque Une extension E de K peut avoir plusieurs système de générateurs sur
K : ainsi, i *- 1 i.
Théorème Si A et B sont deux parties d’une extension E de K, alors KA% B
Démonstration Tout sous-corps de E qui contient K&A et B contient K
A et B.
Réciproquement, tout sous-corps de de E qui contient KA et B contient K
&A et B.Il
en résulte que la famille de tous les sous-corps de E contenant K, A et B est égale à celle de tous les sous-corps de E qui contiennent KA et B. Ceci prouve que KA% B,
qui est le plus petit élément de la première famille, est égal à KAB, qui est le plus
petit élément de la seconde. Corollaire Ka1
&)'('(')&an
Ka1 &(')'('(&an. 1
/an.
Théorème Tout polynôme f KX, possède un corps des racines sur K.
Démonstration Soit E un corps de décomposition pour f sur K. Ce polynôme s’écrit sous la forme
fX k i" n
∏
i" 1 X ai dans EX. Soit S Ka1 &('(')'(&an. Il est facile de voir que S est un corps de
décompo-sition pour f sur K. Ce corps de décompodécompo-sition est minimal car, si R est un corps de décomposition pour f sur K contenu dans S, alors f s’écrit
fX k0 i" n
∏
i" 1 X bidans RX. Mais RX1 SX. Il en résulte que f s’écrit de deux manières comme
pro-duit de polynômes linéaires qui sont irréductibles. L’unicité d’une telle décomposition implique k k 0 et 2 a1 &)'('(')&an3 42 b1 &(')'('(&bn3 . D’où R1 S Ka1 &)'('(')&an Kb1 &('(')'(&bn 51 R
ce qui prouve R S. S est un corps des racines pour f sur K.
Théorème Si E est un corps de décomposition sur K pour le polynôme f X6
KX, alors E contient un corps de racines unique pour f sur K.
Démonstration Si f X k i" n
∏
i" 1 X ai5 EXest la décomposition de f comme produit de facteurs linéaires dans EX, alors a1
&a2&)'(')'(&an
sont les racines de f dans E et R Ka1
&a2&)'('(')&an
est un corps de racines pour f sur K
comme nous l’avons vu. Si T est un autre corps de racines pour f sur K, alors f s’écrit
f X k0 i" n
∏
i" 1 X bi TX Il en résulte f X k i" n∏
i" 1 X ai k 0 i" n∏
i" 1 X bi5 EXL’unicité d’une telle décomposition implique k k 0 et 2 a1 &)'(')'(&an3 42 b1 &(')'(')&bn3
. Ainsi R1 T et R T car T est un corps de décomposition minimal pour f sur K.
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Degré d’une extension
Soit E une extension de K. E peut être muni d’une structure de K-espace vectoriel en définissant la multiplication par un scalaire par
α &x
7 α
x
Définition On appelle degré de l’extension E, la dimension de E en tant que K-espace vectoriel. Ce degré sera notéE : K.
Exemple :8 2, 9(
2 :;:< 2, :; est infini.
Exemple K : K 1.
Définition Une extension E de K sera dite finie si, et seulement si,E : K est fini.
Elle sera dite infinie dans le cas contraire.
Théorème de la multiplicativité du degré Si E est une extension de K et L est un corps intermédiaire entre K et L, alors
E : K $E : L=L : K
'
Démonstration Soitxi i> I
une base du L-espace vectoriel E et yj j> J
une base du K-espace vectoriel L. Nous allons prouver que xiyj?
i@jAB> IC J
est une base du K-espace vectoriel E.
C’est un système de générateurs : tout x E s’écrit x ∑ i> I
aixioù ai L pour tout
i I. Or tout aipeut s’écrire ai ∑ j> J bi jyj. Nous obtenons x
∑
i> I aixi∑
i> I D∑
j> J bi jyjE xi∑
? i@jAB> IC J bi jxiyjC’est un système libre : Si ∑ ? i@jAF> IC J bi jxiyj 0 alors
∑
i> I D∑
j> J bi jyjE xi 0 ce qui implique ∑ j> Jbi jyj 0 pour tout i I car xi i> I
est une base du
L-espace vectoriel E. Maisyj j> J
est une base du K-espace vectoriel L, d’où bi j 0
pour touti &j
5 IG J.
La famillexiyj ? i@jAB> IC J
étant une base du K-espace vectoriel E, nous avons
E : K dimKE CardIG J CardIG CardJ dimLEG dimKL #E : LHL : K
'
Corollaire Si (Ei)i" 1@III@nest une suite croissante de corps K
E01 E11 '(')'(' 1 En E alors E : K $En: E0 i" n