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K . FRITS-JENSEN, Saxo og Vergil. En analyse af 1931-udgavens Vergilpa-ralleller, Copenhague, 1975 (OpusculaGraecolatina, n° 1) [avec un
résumé en français] .
Les dernières dizaines d'années ont vu un renouveau d'intérêt consi-dérable pour les GestaDanorum de l'historien danois Saxo
Grammati-eus, représentant scandinave le plus frappant de la renaissance d u XII` siècle (cf. ci-dessus, Chronique générale, III, KROMAN, Saxostudier
et TEILGÂRD LAUGESEN) . Son oeuvre remarquable, imprimée pour l a première fois en 1514 à Paris, a été réédité de manière critique en 193 1 à Copenhague, par les soins de J . Olrik et H . Raeder ; depuis 1957, nous possédons également un Index verborum, établi parF . Blatt .
L'édition moderne n'a pu échapper à une certaine critique, et cel a pour plusieurs raisons . La présente monographie, intitulée : « Saxo e t
Virgile. Analyse des parallèles virgiliens de l'édition de 1931 », est un e
étude approfondie des plus que cinquante citations de Virgile qu'indi-quent les éditeurs Olrik et Raeder dans l'apparat critique du texte .
M . Friis-Jensen nous présente d'abord, dans les trois premiers cha-pitres (pp . 9-30), les préliminaires nécessaires : I . Historique des recherches sur les sources stylistiques de Saxo ; argumentation e n faveur de Virgile comme le meilleur point de départ pour un exame n renouvelé des modèles poétiques de Saxo ; II . Questions de méthode , notamment établissement d'une terminologie — partant des théories d u savant suédois I . Ljungered (dans Nysvenska studier, t . 25, 1945) , l'auteur range les réminiscences littéraires sous trois rubriques princi-pales : « parenté élémentaire », « parenté historique », et « emprunts » , cette dernière catégorie renfermant aussi bien les citations propremen t dites : les « emprunts neutres » (c'est-à-dire des expressions concise s mais entièrement coulées dans le texte) et les « emprunts associatifs » (qui par l'association avec tel ou tel passage entier donnent une dimen-sion supplémentaire au texte), que les paraphrases ; III . Discusdimen-sion de s sources possibles : l ' ceuvre intégrale de Virgile, florilèges, grammairiens, glossaires, oeuvres littéraires contenant des emprunts virgiliens .
Le quatrième chapitre, qui occupe la partie principale du livre (pp . 31-82), est consacré à une analyse philologique détaillée de tous les parallèles de Virgile chez Saxo, un par un, dans l'ordre du texte d e l'édition Olrik et Raeder .
Le cinquième chapitre (pp . 83-91) contient les conclusions d e l'auteur : seuls quatorze des cinquante parallèles virgiliens allégués pa r Olrik et Raeder peuvent être acceptés comme des emprunts directs . D'autres virgilianismes saxoniens dérivent, selon notre érudit danois , d ' un autre auteur antique (p. ex. Claudien) ou médiéval (p . ex . Dudon de Saint-Quentin), ou bien ils ont une parenté historique avec Virgile
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que l'on n'a pu préciser. Des quatorze emprunts directs, provenant de s
Bucoliques, des Géorgiques et de 1'Enéide, sept sont des emprunts
asso-ciatifs, sept sont des emprunts neutres . Ils se trouvent presque tous dans les huit premiers livres des Gesta Danorum et, chose notable, dans les
passages en prose (les parties poétiques ne font voir que quatre réminis-cences virgiliennes sûres) . M . Friis-Jensen parle également, d'un poin t de vue général, en faveur d' une classification plus stricte des emprunts littéraires du côté des éditeurs, les apparats des emprunts et allusion s
étant très souvent imprécis .
Le livre se termine par une bibliographie et un Index locorum. A tout bien considérer, M . FriisJensen a poursuit son travail philo -logique d'une manière systématique, conséquente et judicieuse . D 'autre part, on ne peut guère s'empêcher de penser que son livre manque un peu de perspective . Notre auteur souligne fortement, et à juste titre, l a nécessité d ' une analyse critique des relations linguistiques entre Saxo et Virgile . Mais, une fois établi le fait que l'historien humaniste a cité directement (!) les sixième et septième églogues virgiliennes, le troi-sième livre des Géorgiquesainsi que les chants I, II, IV, VI (!), VII et X de l'Enéide (Friis-Jensen, p . 89), pourquoi rejeter avec tant de vigueu r (p . 12 et s.) la thèse récente d'I . Skovgaard-Petersen (cf. ci-dessus, Chro-nique générale, III, Antologi af afhandlinger. . .) selon laquelle il y a aussi
une parenté thématique entre Saxo (livre VIII) et Virgile (Enéide, livre VI) ? N'est-il pas tout à fait naturel d'accepter une telle supposition , plus encore maintenant que M . Friis-Jensen a pu fixer le fait qu'il existe des liens étroits entre Saxo et Virgile ? Pour plus de sûreté, la réminis-cence, au livre VIII de Saxo, du sixième chant de l'Enéide qu'a admis e en fonction d'emprunt direct notre auteur, n'est pas un emprunt neutre , mais une allusion associative ! A vrai dire, il nous faut douter expressé-ment de la validité d'une des règles méthodiques que notre auteur a
énoncées à la page 23 (n° 5) : on ne devrait pas évaluer un parallèl e virgilien à l ' aide d'un autre. Au contraire, étant prouvé que quatorz e passages saxoniens dépendent d'une lecture directe de Virgile, n ' est-il pas permis, ou même obligatoire, de supposer que la dépendance ver-bale, associative et thématique ne se limite pas nécessairement aux
quatorze cas incontestables ?
Somme toute, M . Friis-Jensen a attiré l'attention des chercheurs su r des problèmes généraux de l'influence littéraire qui méritent bien d e faire l ' objet de réflexions ultérieures .
Stockholm