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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Ce que père veut dire

Aujourd’hui,

a-t-on encore besoin d’un père ?

À propos du livre de Xavier Lacroix1, présenté par Michel Brugvin , le mardi 24 mai 2005 à 20h30,

Salle des Princes, Abbaye Saint Colomban, Luxeuil

1/ LA NATURE DU LIEN PATERNEL

Un lien charnel, symbolique et relationnel

Une unité vivante, déjà structurée par des liens qui la dépassent

2/ APPELS VERS LE PÈRE

Portrait en relief

1/ L’enfant a besoin d’un « tiers séparateur »

2/ L’enfant a besoin d’un père qui représente pour lui à la fois le langage de la raison et celui de la proximité sensible.

3/ L’enfant a besoin d’une parole de reconnaissance 3/ PÈRE ET MÈRE

1/ La ‘’différence sexuelle’’

2/ Quel équilibre dans la relation père/mère ? 3/ Cela ouvre sur des grandes questions d’actualité :

4/ POSTURE ET GESTUELLE

1/ Le goût des choses nouvelles 2/ Une stature, un rempart 3/ Le gardien des passages 4/ Le témoin de la règle 5/ Au delà du sérieux

Malgré les rendez-vous manqués

5/ UNE AVENTURE SPIRITUELLE

1/ Une singulière responsabilité 2/ Une expérience de conversion

3/ L’expérience d’un « miracle » : de l’autre côté des apparences 4/ Ces expériences sont riches d’implications pratiques

6/ UN DIEU PERE ?

Nommer l’origine ? Du fantasme a l’invocation Aujourd’hui, ici

1 Xavier Lacroix, « Passeurs de vie, essai sur la paternité », Bayard 2004, 318 pages, 19, 90 euro

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1/ Sans doute avons-nous tous l’expérience de cette question. Et de son actualité.

- L’expérience d’être l’enfant d’un père. Tous, sans exception, nous avons cette expérience.

Encore que…certains ont des raisons de douter : ceux qui ne connaissent pas leur père, ceux qui ont un « père manquant », selon l’expression de Guy Corneau.

- L’expérience aussi de ce que nous voyons autour nous.

Comment ne pas entrevoir souvent ces vies difficiles, où la faille essentielle peut être repérée, au moins à titre d’hypothèse, du côté d’une histoire personnelle : la famille, les parents, la mère, le père….

- L’expérience parfois de cette société d’aujourd’hui. Elle est souvent chaotique. Sans doute manque-t-elle de repères, et aussi parfois de père… ?

2/ Cette intuition, formulée par Xavier Lacroix, au début de son livre sur la paternité : « Autour de ce lien, invisible et secret, se nouent des enjeux existentiels très profonds ».

- Le père n’est-il pas une figure décalée, presque anachronique ? Dans cette société où chacun revendique l’autonomie pour lui-même, où l’individu est au centre de tout : une société du « moi d’abord », libéré des tutelles et autorités. Donc le rejet est fréquent de ce qui peut être vécu comme une tutelle paternelle.

- Mais en même temps n’y a-t-il pas un renouveau de la paternité ? :

- On parle moins à présent de révolte contre le père que de quête du père.

Après bien années d’errance Il me revenait en plein cœur

Vingt-cinq rue de la grange aux loups (Barbara)

Il y a comme un besoin de reconstruire un lien pour exister nous-mêmes et que puisse exister notre propre descendance

Comme si le fils, en sauvant la mémoire de son père, sauvait sa propre filiation.

Le fils pourrait alors devenir père à son tour.

- On parle souvent, dans les magazines particulièrement, des « nouveaux pères ».

Rarement les pères ont été aussi proches de leurs enfants, aussi désireux de partager les tâches éducatives.

3/ La question qui, ici, sera centrale : y a t-il une spécificité de la figure paternelle ? Particulièrement ces interrogations :

- L’enfant et l’adolescent n’ont-ils pas besoin d’une présence spécifique paternelle, différente de celle de la mère ?

- Doit-on différencier un modèle paternel distinct d’un modèle maternel ?

4/ En quels termes aborderons-nous cette question?

- D’abord selon l’ordre de la raison : une démarche qui récuse le principe d’autorité, de quelque nom ou slogan dont celui-ci se couvre –

▪ les idéologies,

▪ les dogmes,

(3)

▪ ou encore la pensée du ‘’on’’, qui semble régner en maître aujourd'hui ;

- Mais nous voudrions qu’elle s’inscrive au sein d’une démarche de liberté : la liberté de celui qui décide de penser par lui-même. Notre approche sera bien sûr, également, d’éthique et de conviction.

*

Nous énoncerons une série questions sur ce thème de la paternité. Elles s’enchaîneront au fil de l’exposé autour de six questions- repère.

(4)

1/ LA NATURE DU LIEN PATERNEL

Quel est ce lien paternel ou de filiation (la relation père/enfant) ? Quelle est la nature de ce lien ? Le père, est-ce le géniteur de l’enfant ?

ou le père, est-ce celui qui élève l’enfant ?

Le lien paternel est probablement comme une œuvre de tissage : c’est un lien tissé, non pas d’un seul fil, mais de plusieurs fils.

Un lien charnel, symbolique et relationnel

1/ Un premier fil est le fil charnel.

Lien biologique ? Non, si ce mot renvoie à un concept trop exclusivement rationnel, une science du vivant qui induirait une certaine déperdition de sens.

Le lien charnel indique à la fois

- que notre existence est d’origine corporelle, elle est incarnée

- et que, dans le même temps, elle correspond à une expérience sensible et affective de chacun.

Est-ce que cela aurait un sens de dire que nous sommes fils ou fille d’un spermatozoïde et d’un ovule ?

Le fait, que l’existence corporelle d’un individu soit passée par le corps, par la chair, par la substance intime d’autre individu ne peut ne pas être source de sens.

Ce lien implique l’être des personnes. Un lien qui se rapporte à l’origine, commencement de la vie

Le père créé-il l’enfant ?

Ne peut-on pas dire qu’il le reçoit de la femme qu’il aime,de son union avec elle, de la vie qui les a traversés, dont ils ne sont pas à l’origine ?

2/ D’où le deuxième fil qui tisse le lien : le fil symbolique.

C’est à juste titre que l’on distingue la notion de père de celle de géniteur. Ce lien est perçu comme un acte social, souvent un rite : aller à la mairie déclarer la naissance. C’est une « reconnaissance ».

 Cette dimension symbolique est aujourd’hui investie par le discours psychanalytique qui parle du « nom du père ».

Le père est présenté comme le « tiers effractant », ou séparateur. Il permet de dissocier l’enfant de la mère et de le sauver d’une fusion qui serait dangereuse.

Plus et mieux : le père représente un ordre qui le dépasse.

Il représente la Loi :

• les exigences de la société,

• et celles des autres, l’exigence d’altérité.

 À tel point que le discours psychanalytique semble parfois reléguer au second plan, la réalité physique et sexuée du père, l’ancrage charnel.

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« Il n’est donc pas nécessaire qu’il y ait un homme pour qu’il y ait un père », Joël Tor (voir en ce sens Élisabeth Roudinesko).

Le père serait réduit, à la limite, au statut de « signifiant », voire de métaphore. Le lien sexué génétique serait oublié.

3/ De toute manière un troisième fil apparaît qui est, en effet, en lien avec le charnel et le symbolique.

C’est le fil relationnel.

C’est la dimension pratique, concrète, domestique, éducative :

• Le père est aussi l’adulte sous le toit duquel vit l’enfant.

• Le lien paternel passe aussi par les choses.

Ce sont les repas pris en commun, les retrouvailles le soir à la maison, le récit des menus faits de la journée et des milles soucis et petits bonheurs, ce sont les services rendus, les heurts et les réconciliations.

Une unité vivante, déjà structurée par des liens qui la dépassent

Ce lien de paternité, ou de filiation, est donc à la fois charnel, symbolique et relationnel.

 Chacun de ces plans est insuffisant en lui-même. Ce qui est en jeu c’est leur unité. Qui ne peut se trouver que dans le mouvement, le mouvement de la vie. Que dans une vivante unité.

 Puet-il s’inscrire dans une vue purement individuelle - et a fortiori individualiste - de l’existence ?

Probablement, pour que ce lien se réalise vraiment, il faut une ouverture vers la vie collective, une inscription dans la vie sociale (au sens de vie sociétale).

Le mot de Ricœur : « Viser la vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes ».

Il souligne la dimension institutionnelle de toute visée d’une « vraie vie ». Elle est certes pour soi et pour autrui. Mais elle s’inscrit également dans des institutions : elle est sociétale et donc, en ce sens, politique.

Se pose la question de l’institutionnalisation du lien paternel dans le tissu social.

A ce stade se greffent d’autres questions. Ainsi : celle de la conjugalité et d’une certaine manière de l’institution « mariage »…

Le lien paternel dans son plus intime n’est il pas déjà structuré par des liens qui le dépassent ?

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2/

APPELS

VERS LE PÈRE

Mais l’enfant, de quoi a-t-il besoin ? Quelles sont ses attentes ? De quoi le bébé, l’enfant, l’adolescent ont-ils besoin pour grandir ?

La perspective sera ici de bas en haut : depuis le regard du fils ou de la fille vers le père.

Un portrait en relief se dessine.

Portrait en creux.

• Non le père n’est pas un « prince consort » ou une « pièce rapportée » ou un

« figurant »

• Il n’est pas qu’un soutien de la mère, ou qu’un grand frère aidant la maman dans sa lourde tâche,

• Non il n’est pas un « porte-bébé », soumis à la loi de sa femme comme il l’a été à celle de sa mère.

Portrait positif

N’y a-t-il pas un appel de l’enfant ?

On dit parfois que ce ne sont pas seulement les parents qui font les enfants, mais les enfants qui font les parents ».

« Je n’étais pas tellement un père au départ, ce sont mes enfants qui ont fait de moi un père ».

L’enfant semble susciter la capacité de ses parents à répondre à ses attentes.

1/ L’enfant a besoin d’un « tiers séparateur »

S’il est trop sous la coupe de sa mère, comment l’enfant pourra-t-il devenir, enfant, puis adolescent ?

C’est le besoin d’une situation ternaire, d’une relation ternaire déjà évoquée.

• Elle permet la distanciation nécessaire.

• Il est important que l’enfant bénéficie

▪ de l’alternance entre deux pôles,

▪ d’une dissymétrie qui lui permette de trouver la bonne distance.,

▪ d’un « correctif »

• Sinon c’est le risque d’agressivité, voire de violence.

Vie et violence, même origine : bios/ vios= vie.

Ce qu’exprime trop bien le célèbre « nique ta mère » : en l’absence du père, l’enfant est :

• soit soumis à l’enfermement dans la relation première,

• soit il est condamné à l’agression incestueuse ou sadique.

• Autre bienfait de la triangulation : l’enfant s’éprouve comme né de deux corps différents. Dès lors il se perçoit nécessairement comme :

o différent, o unique, o nouveau.

La dualité d’origine ouvre à l’altérité ».

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Genèse 4 1

Dans un récit fondateur de l’humanité (…) il nous est donné de voir à quoi conduit la ‘' forclusion du nom du père’’,

« L’homme connut Ève, sa femme ; elle connut et enfanta Caïn et elle dit : ‘’j’ai acquis un homme de par YHWH’’ » (Gn 4,1)

Louable référence à l’éternel ; mais qu’en est-il du père ? Silence sur Adam. (…). On connaît la suite. Caïn fur le premier meurtrier. Quant à Abel, son frère, sa victime, son nom signifie en hébreu «’’buée » pour signifier ‘’rien’’. (…)

« Place n’ayant pas été faite au nom du père, les deux premiers fils d’Ève se trouvent dans l’alternative de tuer ou d’être tué. » (p. 72/73)

« L’enfant, n’ayant jamais été conçu dans les mots et la pensée, dérange l’ordre établi, celui dont on tait l’existence, le rien, le schizophrène. Il est l’ancêtre de tous les enfants qui pâtissent dans leur construction mentale du manque à savoir se parler de leurs parents » (Didier Dumas2) (p. 73)

Caïn et Abel : « Ni l’un ni l’autre n’ont été introduits dans une distanciation heureuse à l’égard de la mère, heureuse parce qu’habitée par la présence d’un tiers parlant » (p. 73)

2/ L’enfant a besoin d’un père qui représente pour lui à la fois le langage de la raison et celui de la proximité sensible.

Le langage de la raison

Il y a probablement un lien spécifique entre la fonction du langage et la fonction paternelle.

Aldo Naouri : le père se situe « entre le corps et les mots ».

• L’enfant et la mère sont très proches par le corps : la grossesse, l’enfantement, puis les premiers mois : l’allaitement et les soins.

• Le père est un autre support d’identification.

- Didier Dumas :

‘’L’intelligence, la vivacité d’esprit et santé mentale d’un enfant dépendent en premier lieu de sa capacité à s’identifier à quelqu’un d’autre que sa mère’’3 ».

▪ « Le père est le premier pivot de sa construction mentale »

- Guy Corneau

• Manquer de père c’est « manquer de colonne vertébrale ».

• Avoir un père c’est pouvoir « accéder à une assurance intérieure ».

• Du sensible au supra sensible :

- Il y a la relation directe, visible, sensible. C’est davantage entre la mère et l’enfant.

2Op. cité, p.98

3 Dumas p. 8

(8)

- Il y a cet accès, ce serait davantage entre le père et l’enfant, à une autre dimension, à un autre ordre, où le visible renvoie à l’invisible. C’est l’ordre symbolique, la possibilité de passer du sensible au supra sensible :

▪ l’abstraction

▪ la spiritualité

La proximité physique et la tendresse

Christiane Olivier plaide pour une « homo-sensualité » entre père et enfant - à ne pas confondre avec l’homosexualité.

Le petit garçon ou l’adolescent qui court, grimpe, navigue, cavalcade, s ‘empoigne, lutte avec son père, ne connaît sa chance. Il trouvera du plaisir à ressentir la ‘’force’’ de son père…

3/ L’enfant a besoin d’une parole de reconnaissance

Avec le passage de l’enfance à l’adolescence, la demande sera moins une demande physique et de tendresse que de reconnaissance ;

• « La porte du futur » (Didier Dumas)

o Grâce à la mère, l’enfant s’ancrerait dans le passé. C’est nécessaire pour grandir ; o Grâce au père, l’enfant s’ouvrirait davantage à l’avenir, à ce vers quoi il va. C’est

également nécessaire pour grandir.

• Le poème de Kipling « Tu seras un homme mon fils »

A cette parole de Kipling, s’il ne l’a pas entendu, tout fils aspire. Que son père lui ouvre un avenir. Une parole d’espérance qui donne de l’assurance : sur fond de confiance, mais aussi sur fond d’exigence :

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie Et, sans dire un seul mot, te remettre à bâtir, (…)

Si tu peux être fort sans cesser d’entre tendre Si tu sais méditer, observer et connaître Sans jamais devenir sceptique ou destructeur, (…)

Tu seras un homme, mon fils.

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3/ PÈRE ET MÈRE

Il n’est pas bon qu’un père soit seul. Il n’est pas bon qu’une mère soit seule.

Une hypothèse : pour qu’il y ait un père, il faut qu’il y ait une mère ; et réciproquement.

1/ La ‘’différence sexuelle’’

Nous renvoyés – en arrière-plan de la relation « père et mère » - à la question de la différence des sexes.

Quand nous parlons de « différence sexuelle », nous traversons plusieurs registres de réalité :

1/ la différence male -femelle, qui est corporelle, animale, biologique

2/ la différence masculin -féminin, entre les genres, qui est culturelle, psychologique, comportementale

3/ la différencie homme –femme, entre identités profondes.

Cette troisième différence est assez insaisissable. Selon le mot de Lacan « Le réel, c’est l’impossible » : impossible à définir, à représenter, à figer, posséder, réduire…

Être père - ou mère - semble impliquer indissociablement le sexe, le genre et l’identité profonde de l’homme et de la femme

« Il faut un homme et une femme pour faire un père » (XL)

2/ Quel équilibre dans la relation père mère ?

• Deux dérives possibles :

Une tendance patriarcale : ce système familial dans lequel les pères exercent une autorité exclusive ou prépondérante.

Une tendance matriarcale :

« Il est certaines dénonciations de la domination masculine qui laissent pointer le modèle inverse d’une domination féminine » (XL)

• Sans doute faut-il dépasser le rêve d’une symétrie totale entre les fonctions paternelles et maternelles. Ainsi : la traditionnelle propension masculine à la vie extérieure, à la conquête, à l’objectivité ne peut-elle - au-delà des stéréotypes – se trouver féconde ?

• Le pari : il est possible d’envisager un échange mutuel entre les deux pôles, sans suprématie de l’un sur l’autre.

3/ Cela ouvre sur des grandes questions d’actualité :

o La question de l’adoption d’enfant par un couple homosexuel et dans une certaine mesure la question du mariage homosexuel. C’est-à-dire la généalogie sexuée.

▪ voir le documentaire « télé » (Gérard Filoche)

▪ Le point de vue de Xavier Lacroix, hostile au mariage gay.

o La conjugalité, comme structure stable :

« La prononciation du fameux nom de père par la mère ne prend tout son poids que si celui dont parle la mère est aussi celui à qui elle parle » (XL )

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4/ POSTURE ET GESTUELLE

Ne peut-on revenir à une certaine intuition immédiate ? Saisir ce qui apparaît, sans détour ? - Le pari d’une sorte d’attitude phénoménologique.

La phénoménologie est en quelque sorte la quête de la vérité de l’apparaître. Alors que la science recherche le vrai derrière l’apparence.

- La paternité se dirait à travers la manière dont un père porte son enfant sur ses épaules, dont il tient sa petite main dans la sienne, au timbre de sa voix, à sa façon de jouer avec lui.

Dans la manière dont le père se donne à voir pourrait se délivrer une part d’irréductible - son essence ?

- Bien sûr : éviter les propos péremptoires et définitifs sur la nature humaine immuable.

- Mais plutôt tenter approche plutôt d’ordre esthétique, presque littéraire : regarder le visage, la posture, la gestuelle, qui dessinerait une figure du père.

1/ Le goût des choses nouvelles

Le « paterfamilias » romain qui saisit son fils à terre pour l’élever à bout de bras au-dessus de lui. L’arracher au sol, le faire accéder à sa hauteur.

Elargir l’horizon, voir plus loin Une parole qui porte en avant.

« Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai » (Gn 12, 1)

2/ Une stature, un rempart

Jean Daniel : « Mon père ressemblait au chêne de La Fontaine, ‘’celui de qui la tête au ciel était voisine / et dont les pieds touchaient à l’empire de morts ». ».

3/ Le gardien des passages Au-delà :

• d’un temps amnésique, où les acteurs n’envisagent qu’un futur à court terme

• d’une culture du « nu présent » où les sujets sont arrachés au passé et incertains quat à l’avenir.

(F. Lecorre)

Transmettre, faire le lien entre la « mémoire vive » du passé et la « promesse » de l’avenir

4/ Le témoin de la règle

La loi n’est pas seulement une convention. Elle renvoie à une référence antérieure, à une altérité.

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5/ Au delà du sérieux

Humour, fantaisie, imprévu

« Viens fiston, on va faire l’école buissonnière » La paternité a aussi à voir avec la transgression.

Malgré les rendez-vous manqués

- Il y a des limites du communicable

Ce que le fils comme fils peut entendre de son père, comme père.

Ce que la fille comme fille peut entendre de son père, comme père.

Chacun est porteur d’un irréductible secret, incessible à lui-même.

Le lien de paternité et de filiation n’est pas celui d’une transparence intégrale. Une part de secret est inévitable et nécessaire

Il faudrait faire l’éloge de l’étrangeté, de la discrétion, d’un certain secret.

- Il faudrait faire l’éloge du manque également.

• « Au demeurant, il y aura toujours un manque dans la communication père-enfant et il est bien qu’il en soit ainsi. » cf. « Les Thibault » de Roger Martin du Gard

• « Un père imparfait est préférable à un père trop parfait » (Marcel Conche) - Tirer de tout mal un bien

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5/ UNE AVENTURE SPIRITUELLE

Un nouveau changement de pied. Probablement un changement de plan. D’une optique souvent descriptive à une démarche proprement éthique ou peut-être spirituelle. Sans doute ne peut-on ne faire ce saut qu’en l’accompagnant de tout un travail théorique et critique (cf. en ce sens Ricœur, Levinas…)

1/ Une singulière responsabilité

Être père, c’est répondre de la vie même de son enfant. C’est une singulière responsabilité :

▪ André Comte-Sponville : « Le premier de nos enfants est mort à six semaines (..) L’expérience de ce deuil fut atroce (...) ; elle m’a fait découvrir que (..) la vie vaut peine d’être vécue ».

• Levinas « La paternité est une relation avec un étranger qui, tout en étant autrui, est moi » L’expérience de se voir « soi-même comme un autre ».

2/ Une expérience de conversion

• Les pesanteurs qui empêchent les pères d’être tournés vers leurs enfants sont nombreuses. Particulièrement :

- Logique de l’action, de la puissance et de la notoriété

- Logique narcissique : « mes enfants, mes instruments pour que j’aie une belle image de moi dans le miroir »

• Passer d’une logique de puissance ou d’égocentrisme à une logique - de la reconnaissance.

- de la reconnaissance de l’altérité : - l’altérité de l’engendré

- l’altérité radicale, celle de la source de vie.

• La référence d’Abraham,

Plutôt que « sacrifice d’Isaac », dire « sacrifice d’Abraham » Sacrifice de la dépossession.

Ayant consenti à se dessaisir de son fils, le père reçoit à nouveau la promesse de la postérité.

3/ L’expérience d’un « miracle » : de l’autre côté des apparences Les parents ont conscience d’être témoins d’un miracle,

• Cet enfant, son regard étonné et émerveillé ; il se tient droit sur ses jambes comme un jaillissement, ce sourire lumineux et son éclat de rire fantastique.

• Le miracle le plus universel qui soit, celui qui sauve le monde du vieillissement et du dépérissement.

La philosophe Hannah Arendt a placé cet événement-avènement au centre de sa pensée.

« Le miracle qui sauve le monde, c’est finalement la fait de la natalité, dans lequel s’enracine ontologiquement la faculté d’agir »

• Éloi Leclerc :

- « Le père est passé de l’autre côté des apparences »

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- « Il a désormais partie liée avec les origines du monde »

4/ Ces expériences sont riches d’implications pratiques

 Toute sa place à l’enfant, mais pas toute la place

- Le dépassement d’une conception de l’éducation qui centre toute l’attention sur le point de vue de l’enfant

- L’enfant ne peut pas être pour lui-même sa propre référence.

- Une conception purement contractuelle de l’éducation n’est pas tenable

- Il faut de temps en temps l’objectivité du : « c’est comme ça et pas autrement’’ »

 Le fils est appelé à grandir et le père à décroître ?

• Le fils est appelé à grandir : « il faut que lui grandisse et que moi je décroisse » Jean Baptiste selon Jean 3 30

• Et cependant le rôle du père n’est pas seulement de décroître :

• Il a à maintenir vivant en lui ce qui constitue son identité la plus profonde ; il a tenir.

• Faute de quoi ses filles et ses fils n’auront plus personne en face d’eux.

Même grand, l’enfant a besoin d’un père qui se tienne ;

• Peut-être un déplacement de l’identité paternelle avec l’âge ; toujours une certaine force et une certaine tendresse. Mais autrement : comme une recomposition de la figure du père.

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6/ UN DIEU PERE ?

Ultime question repère.

Khalil Gibran : « Nos enfants ne sont pas nos enfants, ils nous traversent ».

Nommer l’origine ?

Quelle est cette origine ? Dont semble témoigner la silhouette d’un enfant, son éclat de rire, son regard émerveillé.

Cette origine, certains la laisseront innommée. D’autres la désigneront d’un terme : - abstrait : un Principe,

- ou imagé : la Source

Michel Henri : « Celui qui écoute le bruit de sa naissance ».

Pour lui, avec la naissance, nous sommes très près de la révélation originaire.

Du fantasme a l’invocation

La nomination de Dieu comme père soulève de redoutables questions.

• « Père » étant un terme issu de l’expérience humaine, le risque est grand de projeter en Dieu nos représentations psychologiques de la paternité

Depuis le livre de l’Exode, c’est une affirmation centrale que toute représentation de Dieu est idolâtrique.

• La nomination de Dieu comme père est, dans le premier testament, rare et discrète.

Elle s’y révèle finalement centrale, mais réservée, d’apparition tardive, aux cotés d’autres dénominations : Pasteur : Roi, Rocher, Vigneron, Seigneur, Créateur.

• Dans un texte important, Paul Ricœur indique à quelles conditions l’invocation de Dieu comme père, « rare, difficile et audacieuse », revient, transformée, dans l’Écriture.

Le Dieu des plus anciennes traditions a d’abord été un libérateur (..) un Dieu nommé, d’un nom imprononçable ( YHWH), un Dieu créateur avant d’être un Dieu père ?

(…)

« Yahvé n’est pas d’abord père ; à cette condition il est aussi Père ».4

Aujourd’hui, ici

Psaume 2 , 7

Chacun (chacune) n’est il pas est appelé(e) à entendre à la source de son être la parole silencieuse que le psaume adressait au Messie : « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré ».

Tu n’es pas seulement engendré tel jour ou telle nuit, à telle ou telle date, mais tu es engendré ici et maintenant : aujourd’hui, là où tu es.

4Paul Ricœur , « La paternité : du fantasme au symbole », in Le conflit des interprétations, Seuil, 1969, p. 475, 476

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CONCLURE ?

Il n’est donc pas possible de conclure.

• Pour avancer dans un océan d’incertitudes, des repères ont pu être dessinés

• Mais ils ne suppriment pas les questions.

• La traversée continue.

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