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Q Savoirs professionnelset pratiques inclusives

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Academic year: 2022

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Dossier

Savoirs professionnels et pratiques inclusives

Effets des contrats et systèmes sémiotiques Présentation du dossier

Jean-Michel PÉREZ Maître de conférences EA 2310 LISEC Université de Lorraine Teresa ASSUDE Professeure des universités EA 4671 ADEF Aix-Marseille-Université et IFE-ENS Lyon

Q

UELS savoirs professionnels pour des pratiques inclusives ? est la question que pose ce dossier et à laquelle il forme le projet de répondre par l’élucidation des effets des contrats et des systèmes sémiotiques. S’intéresser aux savoirs professionnels visant des pratiques inclusives et émancipatrices, c’est d’abord reconnaître et identifi er les savoirs en actes parmi la diversité des acteurs de l’inclusion (enseignement du premier, deuxième et troisième degrés, Segpa, Clis, Ulis, MDPH, enseignement spécialisé, éducation spécialisée, parents, acteurs à la première personne…). C’est aussi interroger les représentations respectives, celles qu’on se fait des possibilités d’action des personnes. C’est enfi n pointer la capacité des acteurs à inventer au quotidien, dans une sorte de bricolage, les façons de réinterroger les modèles et pratiques pédagogiques. L’intérêt dans ce cas porte sur les modes locaux de régulation didactique, pédagogique et scolaire, afi n que les reformulations des injonctions hiérarchiques rendent effi caces les pratiques inclusives, parfois dans le cadre de collaborations institutionnelles. Car des collaborations existent déjà entre différents acteurs des institutions médico-sociales et scolaires et les uns et les autres peuvent mettre en œuvre, au quotidien, des interactions utiles aux pratiques inclusives.

Mettre en évidence ces petits pas du quotidien, c’est interroger les discours et les systèmes sémiotiques non verbaux (gestes, rapports proxémiques, etc.) qui les fondent ainsi que les contrats régissant différentes institutions. C’est également analyser des systèmes sémiotiques articulés à des contrats et des situations didactiques et pédagogiques pour donner des outils pratiques et théoriques aux formateurs, aux enseignants ou aux éducateurs.

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différentes professionnalités des acteurs impliqués dans la scolarisation des élèves en situation de handicap, permet de dépasser le stade de l’implicite et de la juxtaposition des pratiques. La mise en lumière des contrats sous-jacents aux pratiques apparaît alors comme une condition nécessaire à la construction d’actions témoignant d’échanges de signes partagés au service d’une culture commune à chacun.

Par une clarifi cation des savoirs professionnels mis en œuvre par ces différents acteurs, l’enjeu de ce dossier est de mettre au jour des points communs, des points d’accroche d’une part, des sources d’obstacles et de diffi cultés, d’autre part. Il s’agit ainsi de transformer l’homme effi cace en un homme capable, même s’il est, pour reprendre l’heureuse formule d’Éric Plaisance, « autrement capable 1 ».

Les trois premières contributions de ce dossier posent les problèmes fondamentaux des choix de société et de leur rapport au handicap en interrogeant les enjeux et les obstacles des pratiques inclusives. Partant de ce constat paradoxal qu’en dépit d’un apparent consensus contre l’exclusion, la loi d’airain du marché et de la compétition ne cesse d’accentuer les inégalités, Charles Gardou, se plaçant dans une perspective anthropologique, présente les cinq piliers nécessaires à la fondation d’une société inclusive. Parmi ces cinq « axiomes », celui que l’auteur développe particulièrement ici est que « nul n’a l’exclusivité du patrimoine humain et social ».

Les micro-pouvoirs, qui instituent des cartes de membre et des droits d’entrée dans les petits lieux sociaux, sont à ses yeux à confronter au droit égal de chaque citoyen à bénéfi cier de l’ensemble des biens communs.

En édictant par la loi de 2005 2, puis celle de 2013 3 le principe de l’éducation inclusive, le législateur a fait en France un choix de société ambitieux, mais diffi cile, car il reconnaît dès lors que la réussite de la scolarisation d’un enfant en situation de handicap nécessite de changer radicalement de fonctionnement. Cette voie est explorée par Philippe Mazereau, pour qui les situations d’inclusion générées en milieu ordinaire peuvent être l’occasion d’une redéfi nition de périmètre des savoirs parentaux, des normes ordinaires et des savoirs spécialisés. À partir d’investigations empiriques réalisées en 2008 et 2012, l’auteur met au jour des pratiques embryonnaires de coopération pouvant produire de nouvelles connaissances sur les potentialités d’apprentissage des élèves handicapés.

Les fondements de l’inclusion ainsi posés sont alors étayés par la contribution d’Yves Jeanne qui nous invite à découvrir le cheminement singulier d’une éthique de la vulnérabilité. Son texte, qui met en lumière l’œuvre pionnière de Frantisek Bakulé, explore la visée singulière d’un pédagogue construite avec des personnes ordinaires, infi rmes ou handicapées, et dont l’éthique d’une pédagogie pour se mettre au service du « rendre digne » consiste à « ne pas faire à la place de, mais faire avec, dans des dimensions où la temporalité est prise en compte ».

1. Plaisance, É. (2009). Autrement capables. École, emploi, société : pour l’inclusion des personnes handicapées, éd. Autrement.

2. « Tout enfant handicapé est de droit un élève. »

3. « Le service public d’éducation veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction »

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Les différentes formes de collaborations professionnelles et la manière dont ces contrats fonctionnent dans différentes institutions font ensuite l’objet de regards croisés. Tout d’abord avec Roland Emery, qui examine le lien entre le travail en équipe multiprofessionnelle et l’existence d’un langage professionnel commun.

L’auteur centre sa problématique sur l’articulation des langages professionnels au sein d’une Institution médico-pédagogique (IME) relevant de l’enseignement spécialisé.

Cette entrée lui permet de saisir la prédominance de caractéristiques de discours orientées vers les dimensions thérapeutiques au détriment de la prise en compte des savoirs scolaires. Dès lors, la dimension inclusive de l’école passerait par la reconnaissance d’un processus de co-construction d’un langage commun. Cette clarifi cation se réaliserait par une organisation du service favorisant des rencontres régulières entre les différents partenaires et les échanges continus dans l’équipe.

Mais ce changement de rapport n’est pas sans risque, comme en témoigne Valérie Barry qui s’intéresse aux savoirs professionnels susceptibles de prévenir l’exclusion.

À partir de l’étude des interrelations entre les notions d’inclusion et de prévention de l’exclusion, l’auteure met en exergue des risques récurrents du détournement de

« l’acte préventif » comme moyen de légitimer « une nécessité d’exclusion ». Elle met ainsi au jour l’intérêt pour les équipes enseignantes de réaliser des formations centrées sur la connaissance de leurs propres résistances, et par ce détour d’avancer vers la connaissance de l’autre.

La formation des enseignants ordinaires et spécialisés fait d’ailleurs l’objet d’une recherche menée par Serge Thomazet, Corinne Merini et Elvire Gaime, pour qui il s’agit de « travailler ensemble dans la perspective de l’école inclusive ». Ils mettent ainsi en relief le « travail collaboratif » comme un aspect important et présent, mais méconnu, voire « invisible » dans les pratiques quotidiennes. Le dépassement de ces dilemmes ancrés dans le fonctionnement même du système éducatif passerait pour les néo-titulaires du professorat des écoles par une phase préalable d’identifi cation.

Jean-Michel Pérez, Véronique Barthelemy et Laurent Husson s’intéressent aux pratiques professionnelles du Conseiller principal d’éducation (CPE) au regard de l’inclusion. Ces auteurs rendent compte d’une recherche exploratoire et mettent au jour un hiatus entre les prescriptions réglementaires et les usages repérés, laissant dans l’implicite le comment faire de ces acteurs. Ils dégagent néanmoins des régularités qui se présentent comme des « petits pas du quotidien », signes de changements du rapport du CPE aux pratiques inclusives.

Ce rapport reste effectivement encore embryonnaire, comme le souligne également l’étude d’Éric Flavier et Céline Clément sur les connaissances des enseignants du second degré concernant les élèves avec Troubles du spectre de l’autisme (TSA). À travers cette recherche, les auteurs mettent en évidence le faible niveau de connaissances des enseignants concernant ce public et font apparaître leurs besoins de formation par la confrontation entre les besoins déclarés et les besoins émergeant de l’analyse de leur pratique professionnelle. Pour les auteurs, les supports de formations heuristiques (analyse de l’activité professionnelle des enseignants sur la base de vidéos, de récits de vie et de témoignage d’expériences vécues) développeraient un changement de rapport dans les collaborations plus proche des attentes de l’éducation inclusive.

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il s’intéresse aux savoirs, aux gestes professionnels et aux systèmes sémiotiques.

C’est dans ce cadre que se pose tout d’abord la question de distinguer, dans le domaine des aides pédagogiques, le geste générique du geste spécifi que. L’analyse que font Charline Dunand et Sylviane Feuilladieu des diverses formes d’aides pédagogiques permettant à des élèves reconnus handicapés (dyslexie sévère) d’entrer et de progresser dans un contexte de scolarisation ordinaire met au jour un agir enseignant développant deux sortes d’ajustements à une nouvelle situation : l’ajustement créatif et adaptatif. Cette piste de travail sur la scolarisation de ces élèves peut constituer sous certaines conditions un déclencheur et un vecteur, à la fois de renforcement et d’évolution des pratiques d’enseignement.

Marie Toullec-Théry, Marie-Bénédicte Desmonts et Caroline Perraud analysent la gestion des « hors-jeux » dans les pratiques effectives d’enseignants spécialisés en IME, au cours d’une séquence de mathématiques. Elles mettent au jour un aspect méconnu de l’activité du professeur, à savoir une position complexe. Celui-ci est contraint en effet d’accepter de nombreux « hors-jeux » imposés par la situation, qui l’amènent à un « lâcher-prise » sur les savoirs ; mais il est également tenu de maîtriser et de guider sa séance pour faire avancer les objets de savoir. Cette double contrainte apparaît alors comme consubstantielle à la dimension générique de tout enseignant/éducateur.

Le projet de Teresa Assude, Jeannette Tambone et Aliette Vérillon consiste à identifi er des praxéologies professionnelles pertinentes pour la gestion de situations mathématiques dans le cadre de Clis. L’observation de l’évolution des pratiques d’une enseignante à trois ans d’écart permet de faire apparaître le caractère déterminant de la sémioticité des situations et de la gestion du temps didactique comme savoirs professionnels permettant respectivement de passer de la manipulation à la symbolisation et de quitter un temps didactique immobile d’« éternel recommencement » pour entrer dans une dynamique de nouveaux apprentissages sans attendre que les anciens soient totalement maîtrisés.

C’est la narration de quelques situations d’apprentissages s’appuyant sur la dimension expérimentale des mathématiques auprès d’élèves de l’enseignement spécialisé que propose Thierry Dias dans sa contribution. Il montre ainsi comment la sollicitation du geste et la variation des registres de représentations des objets géométriques sont susceptibles de révéler les connaissances et les aptitudes des élèves parfois trop rapidement catégorisés en diffi culté. Il s’agit de témoigner également des adaptations didactiques préventives qui sont au service des enseignants désireux d’adopter une posture inclusive vis-à-vis des mathématiques. Par l’enrichissement du milieu des situations d’apprentissage dédiées aux élèves, il serait possible, grâce à des savoirs professionnels fondés sur la valorisation et l’étayage, de contribuer à favoriser une école capable d’accueillir et d’accompagner tout un chacun.

En comparant la mise en œuvre d’un même dispositif de lecture collaborative par une enseignante en classe ordinaire avec des élèves de cycle 3 et par une enseignante titulaire du Capa-SH avec des élèves d’IMPro présentant des troubles importants des fonctions cognitives, Hélène Crocé-Spinelli montre comment des variations dans les gestes professionnels permettent à l’enseignante d’IMPro des ajustements

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aux besoins spécifi ques des élèves et comment les adaptations pédagogiques reconfi gurent ces gestes professionnels.

Enfi n Vanessa Bacquelé analyse la réalité de l’accès aux outils informatiques de compensation et de remédiation pour les jeunes dyslexiques en milieu scolaire. Ce recours aux outils informatiques appelle à s’interroger sur la notion d’un cheminement inclusif s’inscrivant dans le temps, sur l’accueil de l’élève dans la pleine considération de sa singularité et pas seulement sur une superposition de pratiques professionnelles.

L’article d’Hervé Benoit clôt le dossier par une étude des soubassements discursifs des textes offi ciels concernant les dispositifs « pour l’inclusion scolaire » (Clis et Ulis), qui peuvent également intervenir dans la construction par les acteurs de leur

« épistémologie pratique ». Face à la prégnance de certaines de ces formations discursives, qui produisent diverses formes de freinage de l’évolution des pratiques vers l’inclusion, le nouvel « analyseur » que constitue le concept d’accessibilité est un levier contre tous les exclusivismes, sociaux, professionnels et éducatifs.

Références

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