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Quelle démarche de management d une supply chain en contexte de développement durable? la gestion des D.E.E.E

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Marlène MONNET

Maître de Conférences en Sciences de Gestion - Université de Franche Comté – IUT de Besançon-Vesoul marlene.monnet@gmail.com

Dans l’objectif d’une mise en œuvre d’une politique de développement durable, diverses organisations publiques et privées interagissent au sein d’une supply chain. En raison de ses nombreuses parties prenantes, le management d’un réseau en contexte de développement durable apparaît difficile à piloter. Cet article vise à déduire d’une revue de littérature des propositions de recherche quant aux conditions de management de cette supply chain, puis à contextualiser ces conditions à un objectif de valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques. L’article discute ainsi de conditions telles que l’implication des parties prenantes, la qualité de leurs relations et d’une conception commune entre elles.

Introduction

Le développement durable suscite une géné- ration de principes dont ceux de protection de l’environnement et de pollueur payeur qui impliquent progressivement l’ensemble des parties prenantes d’une supply chain. Dans cet article, nous conceptualisons la « supply chainen contexte de développement durable» comme une forme organisationnelle en réseau, étendue à des acteurs regroupés par un intérêt commun de développement durable.

Nous considérons ainsi un espace souvent caractérisé d’incertain en raison des intérêts divergents des parties prenantes, de leurs logi- ques de décisions et de leurs parts de respon- sabilités diverses. L’objectif de cet article est de mettre en évidence l’évolution du mode de gestion de cettesupply chain. Dans une pre- mière partie, nous présentons le cadre théo- rique choisi pour appréhender le concept de

« supply chainen contexte de développement durable» et les caractéristiques de son mana-

gement. Nous déduisons alors de cette revue de littérature, des propositions de recherche quant aux conditions de mise en œuvre d’une démarche de management d’unesupply chain en contexte de développement durable. Dans une deuxième partie, nous explicitons les choix méthodologiques retenus dans une logique exploratoire reliée au contexte émer- gent de valorisation des déchets d’équipe- ments électriques et électroniques (DEEE).

Dans une troisième et dernière partie, nous avançons les principaux résultats de cette recherche en discutant des conditions du management d’unesupply chainen contexte de valorisation des DEEE.

Cadre théorique relatif à la supply chain en contexte de

développement durable

Suite à une présentation de l’état de la littéra- ture sélectionnée pour conceptualiser la « sup-

Quelle démarche de management

d’une supply chain en contexte

de développement durable ?

la gestion des D.E.E.E

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ply chain en contexte de développement durable», nous détaillons le cadre théorique relatif au management de la supply chain afin d’avancer des propositions quant aux condi- tions du management de la supply chain en contexte de développement durable.

Le concept de «supply chainen contexte de développement durable »

l Par extension du concept de « supply chain»

Traduit en français par «chaîne d’approvision- nement», le concept de «supply chain » se définit selon une approche globale, de l’appro- visionnement de matières premières à la pro- duction, puis à la distribution et la consommation de produits finis. C’est une chaîne qui s’étend aux différentes fonctions de l’entreprise et aux multiples acteurs avec les- quels l’entreprise est en relation. Ces acteurs jouent un rôle en aval et/ou en amont de la chaîne : marketing, recherche & développe- ment, prévision-programmation, vente, ser- vice après vente. Ils peuvent concerner les fournisseurs et les clients de l’entreprise, les intermédiaires, les prestataires de services, voire les consommateurs finaux. Les théori- ciens de la supply chain la conçoivent globale- ment comme un réseau d’organisations et d’interrelations et non comme une chaîne qui représente uniquement un ensemble séquentiel de liens. La supply chain est «un réseau d’or- ganisations qui participent, en amont et en aval, aux différents processus et activités qui créent de la valeur sous forme de produits et de services apportés au consommateur final » (Christopher, 1992 : 12). Parallèlement, ce concept est aussi approché par des auteurs en théorie des organisations comme une forme organisationnelle en réseau qui traduit une démarche stratégique. Lasupply chainrenvoie à «une structure flexible et adaptative mobili- sant, et non plus possédant, un ensemble coor- donné et stabilisé de compétences ou savoir-faire » (Paché et Paraponaris, 2006 : 13). Les auteurs font référence au triptyque acteurs, activités, ressources de l’approche

«Industrial and Marketing Purchasing» déve- loppée par Hakansson et Snehota (1995). Les ressources sont mobilisées et contrôlées par des acteurs à travers leurs relations. Les activi- tés sont « connectées à la condition d’une implication réciproque et d’une orientation mutuelle des acteurs».

l Associé au concept de «closed loop sup- ply chain»

Développé par les théoriciens de la logistique inversée – Dowlatshahi (2000), Krikkeet al.

(2001), Kokkinakiet al.(2001) – le concept de «closed loop supply chain» s’appréhende comme une forme organisationnelle étendue aux acteurs impliqués dans la circulation des flux physiques de produits et d’informations y associés tout au long de leurs cycles de vie. Le nombre élevé de ses parties prenantes est in- hérent aux activités diverses qui s’étendent de la collecte à la redistribution. Elles peuvent jouer de multiples rôles et n’ont pas réelle- ment de place prédéfinie. Cinq groupes d’ac- teurs sont distingués : les metteurs sur le marché, les consommateurs, les récupéra- teurs, les opérateurs et les acteurs politiques.

Les metteurs sur le marché concernent les producteurs, les importateurs, les reven- deurs, les distributeurs qui sont responsa- bles en amont de la circulation des flux liés au cycle de vie des produits.

Les consommateurs sont détenteurs de dé- chets, il s’agit des ménages et des organisa- tions privées et publiques.

Les récupérateurs sont représentés par les points de collecte, les transporteurs et les centres de regroupement et de tri tels que les municipalités, les entreprises de réinser- tion sociale, les associations, les prestatai- res de services, etc.

Les opérateurs sont les centres de traite- ment et de valorisation effectuant de multi- ples activités de tri, de démantèlement, de réparation, de recyclage, d’élimination.

Le groupe des acteurs politiques symbolise le gouvernement et les ministères ainsi que les associations, les fédérations, les grou- pes de pression, etc. Ces acteurs politiques et ces tiers intervenants jouent un rôle im- portant dans la construction des outils ré- glementaires mais ont un lien indirect avec les flux et activités de lasupply chain. Ce sont des parties prenantes interactionnelles, au sens de Martinet et Reynaud (2004).

En résumé, nous définissons la «supply chain en contexte de développement durable » comme : « une forme organisationnelle étendue, regroupant des acteurs : metteurs sur le marché, détenteurs, récupérateurs, opéra- teurs, acteurs politiques, selon un intérêt commun de politique de développement durable, lié à la circulation des flux physiques de déchets/produits et d’informations y asso- ciées tout au long de leurs cycles de vie».

Il convient alors de distinguer le management de la supply chain de la forme organisation- nelle que représente la supply chain. L’exis- tence d’une supply chain ne suppose pas

Source : Partouche, 1

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forcément qu’elle soit gérée et qu’une démarche de management soit mise en place.

La perspective du management de la supply chain

l Inscrite dans une démarche inter-orga- nisationnelle

La définition du CSCMP (2005) fréquem- ment admise aujourd’hui par les académiciens et praticiens est la suivante : «le management de la supply chain comprend la prévision et le management de toutes les acti- vités relevant de la recherche de fournisseurs, de l’approvisionnement, de la transformation et toutes les activités relevant du management logistique». Dans cette perspective, le mana- gement de la supply chain est une démarche de gestion globale plus large que la démarche logistique tout en l’incluant au même titre que d’autres activités. Christopher (2005 : 5) in- troduit la dimension relationnelle du manage- ment de la supply chain en le définissant comme le management : «des relations vers l’amont et vers l’aval avec les fournisseurs et les clients pour délivrer une valeur client su- périeure à moindre coût pour la supply chain comme pour l’ensemble». Décrivant ce ma- nagement comme celui d’un réseau d’organi- sations, l’auteur considère que chaque organisation doit prendre en compte de façon globale le management de la supply chain et améliorer la gestion des interfaces. Lambert et Cooper (2000 : 65) précisent que «lesupply chain management représente une nouvelle manière de gérer l’entreprise et les relations avec les autres membres de lasupply chain ».

C’est au delà des frontières de l’entreprise, à travers la gestion des relations et interactions que le management de la supply chain est im- portant à développer. Les relations de qualité dans une forme organisationnelle en réseau facilitent ainsi le management de la supply chain. Dans le cadre théorique de l’approche par les ressources et les compétences, les compétences stratégiques de la supply chain peuvent alors être représentées par la capacité d’entrer en relation, d’interagir ou de coopé- rer.

l Supposant diverses conditions pour sa mise en œuvre

La coopération n’est pas la seule condition in- dispensable : le management de la supply chainpeut simplement concerner des modes de coordination particuliers dans la supply chain(Mentzeret al., 2001). La difficile mise en œuvre du management de lasupply chain suppose d’appréhender le management à ses différents niveaux : stratégique, tactique et

opérationnel. À partir d’une revue de littéra- ture, Ganeshan et al. (1999) concluent que l’intégration, la coopération, la coordination ainsi que le partage d’informations sont des conditions essentielles dans la mise en œuvre du management de la supply chain.

Fabbe-Costes (2002) montre ainsi que les lo- giques informationnelles sont au cœur de cette démarche. Une fois en œuvre, le mana- gement de lasupply chainpeut alors permettre aux organisations d’évoluer en développant les relations, en ajustant les processus, en adaptant les systèmes d’information, etc. En plus des discordances quant à sa définition, Lambertet al.(1998) relèvent la difficulté de mettre en œuvre le management de lasupply chain. Le management actif de lasupply chain est différent d’une gestion imposée de lasup- ply chain. Si lasupply chainse distingue sim- plement en tant que phénomène, le management nécessite des efforts de toutes les organisations (Mentzeret al., 2001). Ces der- niers distinguent le «supply chain manage- ment» de la «supply chain orientation». Ce management est alors une mise en pratique d’une orientationsupply chainde chaque en- treprise du réseau. Cette orientation est carac- térisée de philosophie de management. Cette philosophie s’est enrichie avec l’intérêt accor- dé au développement durable. « L’attention environnementale a aussi influencé les re- cherches sur le management de la supply chain » (Ganeshanet al., 1999 : 6).

Le contexte de développement durable

l Légitimé par des besoins sociaux et envi- ronnementaux

En 1983, la Commission Mondiale sur l’Envi- ronnement et le Développement (CMED) est créée et soumet le Rapport Brundtland à l’Assemblée générale des Nations Unies en 1987. C’est alors la date de l’apparition inter- nationale du concept de « développement du- rable ». Il est défini comme : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des gé- nérations futures à répondre aux leurs ».

Deux concepts sont précisés dans ce rapport :

«le concept de « besoins », et plus particuliè- rement des besoins essentiels des plus dému- nis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des « limitations » que l’état de nos techniques et de notre orga- nisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins ac- tuels et à venir». Le premier concept permet de considérer de multiples inégalités sociales et besoins vitaux : emploi, sécurité alimen- taire, vêtements, énergie, logement, santé,

1 LI de at en ve lic s'é 2 in se de op

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éducation, etc. Le deuxième concept permet d’estimer les limitations de l’écosystème et de montrer l’importance des conséquences des comportements et des choix actuels de cha- cun. Selon Féroneet al.(2004 : XII), «ce sujet nous pose un vrai défi, celui de penser sur le moyen et long terme en trois dimensions ins- tantanément ». Le développement durable s’inscrit donc dans une dynamique spa- tio-temporelle et suggère une compréhension des limites de l’environnement et de ses êtres vivants. Par sa définition, il soutient les no- tions de commerce équitable, d’accessibilité à la santé et à l’éducation, d’insertion sociale, de consommation maîtrisée des énergies et des ressources, de gestion des produits en fin de vie et de traçabilité totale. De façon géné- rale, il implique une prise en compte de trois critères de rentabilité économique, de cohé- rence sociale et de respect de l’écosystème. Il peut donc avoir un fort impact sur l’environ- nement, ce qui légitime de développer les re- cherches en management environnemental.

D’après la définition de Brodhaget al. (2004 : 140) dans le Dictionnaire du développement durable, le management environnemental re- présente un «ensemble d’activités coordon- nées permettant d’orienter et de contrôler un organisme en matière d’environnement».

l Diffusant différentes valeurs et des prin- cipes

Progressivement, le concept de développe- ment durable s’est diffusé pour être mondialement reconnu par la recherche quel- les que soient les disciplines scientifiques qui s’y intéressent. Il a fait l’objet de nombreuses discussions et conférences internationales. De nombreux textes, des déclarations telle que la Déclaration de Rio, des Conventions, le Pro- tocole de Kyoto alimentent ce concept. Selon Christian Brodhag, le Délégué Interministé- riel du Développement Durable (DIDD) de- puis 2004, c’est en 1992 que la proposition suivante est faite à Rio : «La nécessité de pro- mouvoir un idéal commun à tous les secteurs de la société constitue l’un des principaux dé- fis que la communauté internationale doit re- lever dans ses efforts visant à remplacer des modes de développement non viables par un processus de développement écologiquement rationnel et durable. L’édification de cet idéal commun reposera sur la volonté de tous les secteurs d’instaurer une véritable collabora- tion et un dialogue au sein de la société tout en reconnaissant les rôles, les responsabilités et les capacités respectives de chacun. Cette ap- proche peut conduire à considérer, dans une conception anglo-saxonne, que le plus impor-

tant est la transparence et le rendu compte plutôt que la performance. La sincérité étant plus importante que la performance réelle» (Brodhag, 2006). Cette proposition met en évidence les valeurs que véhicule le dévelop- pement durable : l’implication de chacun, l’adhésion à un consensus, la communication et la qualité relationnelle. Elle présente aussi l’impératif de codification et d’évaluation pour une visibilité du développement. Ces conférences font émerger une prise de cons- cience politique, internationale et locale des enjeux du développement durable. Plusieurs principes émanent des nombreux écrits et spé- cifient cette notion. En ce qui concerne la di- mension environnementale, les plus fréquemment cités sont les suivants : le prin- cipe de précaution pour éviter les risques d’ir- réversibilité, le principe de prévention, le principe de gestion sobre et économe, celui de responsabilité, le principe de participation et celui de solidarité pour un monde plus équi- table et plus viable. La diffusion du dévelop- pement durable est ainsi guidée par la conception de grands engagements et repose sur une prise de conscience globale de l’envi- ronnement et une adhésion à un consensus de valeurs. Selon l’Observatoire sur la Respon- sabilité Sociétale des Entreprises (ORSE),

« la mise en œuvre du développement du- rable nécessite une mobilisation planétaire et urgente de tous les acteurs de la société : les organisations internationales bien sûr mais aussi les États, les collectivités locales, les en- treprises et, plus largement, l’ensemble des citoyens».

Vers un management de la supply chain en contexte de développement durable ?

l L’assortiment de champs théoriques En contexte de développement durable, la lit- térature portant sur le management de lasup- ply chain est quasiment inexistante. Ainsi, nous croisons les travaux de recherche pré- sentés précédemment pour faire émerger des propositions théoriques.

Le but d’une philosophie de gestion, au sens de Mentzeret al.(2001), est symbolisé, dans le cadre de notre recherche, par une philo- sophie de management environnemental.

Bloemhof-Ruwaard et al. (1995) citent des facteurs qui influencent le management de la supply chain. D’une part, les nécessités léga- les ou la pression des consommateurs visent à réduire les déchets. D’autre part, le manage- ment de lasupply chainverte permet d’inclure le traitement des déchets, la réutilisation des matériaux et des emballages, la récupération

Tableau 1 : Propos des fruits et légum

Intensité de l’appropriation

par le client m

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des produits, l’adaptation de nouveaux maté- riaux, la reconception des produits et le chan- gement des processus. Selon ces auteurs, les réglementations et les questions de valorisa- tion des produits tout au long de leurs cycles de vie entraînent de nouveaux processus et des réorganisations dans lasupply chain. Les acteurs impliqués dans cette forme organisa- tionnelle étendue interagissent alors pour res- pecter l’intérêt commun de développement durable. Par exemple, les Nations Unies pré- conisent que tous les acteurs se mobilisent dans un processus de décision collectif évo- qué par une forme de gouvernance internatio- nale. La «Gouvernance» est considérée par le programme des Nations Unies pour le Développement, comme : « l’exercice des pouvoirs économique, politique et adminis- tratif pour gérer les affaires des pays à tous les niveaux. La bonne gouvernance est participa- tive, transparente et responsable. Elle est aussi efficace et équitable. Elle assure que les priorités politiques, sociales et économiques sont fondées sur un large consensus dans la société et que les voix des plus pauvres et des plus vulnérables sont au cœur du processus de décision sur l’allocation des ressources pour le développement». Si la gouvernance légi- time le rôle important de l’Etat, elle requiert également l’implication de chaque partie pre- nante dans les choix des mesures et des prises de décisions. La mise en œuvre du développe- ment durable suppose donc que les acteurs soient impliqués, qu’ils développent des com- portements de coopération et que les initiati- ves volontaires de prise de responsabilité soient importantes. En ce sens, le développe- ment durable nécessite un management trans- versal et participatif de lasupply chain. De plus, les phénomènes d’incertitude et de com- plexité inhérents aux activités de logistique inversée corroborent à l’indétermination des interactions entre les acteurs de la supply chain. Le management environnemental stra- tégique suppose donc que les acteurs modi- fient leurs comportements pour anticiper la gestion des flux inversés et mettre en œuvre des stratégies. Par exemple, l’utilisation de systèmes d’information joue un rôle essentiel en permettant d’analyser les données liées aux retours, et notamment les volumes pour améliorer la gestion des stocks des retours.

l L’émergence de propositions de re- cherche

En contexte de développement durable, le management de la supply chain se fonde ainsi sur une philosophie de management environ- nemental, et sur une forme organisationnelle

étendue symbolisant de multiples interrelations parmi les acteurs impliqués dans le développement durable et une circula- tion constante des flux physiques de produits en fin de vie et d’informations y associées.

Nous avançons ainsi la proposition suivante : des conditions liées aux parties prenantes d’une supply chain en contexte de développe- ment durable sont nécessaires pour mettre en œuvre une démarche de management de cette supply chain. Nous déduisons alors ces condi- tions liées aux parties prenantes sous la forme de trois sous-propositions :

Sous-proposition 1 :l’implication des par- ties prenantes, par la prise en compte de leurs responsabilités et leur mobilisation, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de management d’une supply chainen contexte de développement durable.

Sous-proposition 2 : la conception com- mune des parties prenantes, au travers d’un consensus et d’un partage d’informa- tions, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de manage- ment d’unesupply chainen contexte de dé- veloppement durable.

Sous-proposition 3 : la qualité relation- nelle entre les parties prenantes, par des re- lations d’interdépendance et des coopérations, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de ma- nagement d’unesupply chainen contexte de développement durable.

Choix méthodologiques

Suite à la présentation des propositions de recherche, nous précisons les choix méthodo- logiques retenus lors du travail empirique avec une phase de recueil et une phase d’ana- lyse des données puis nous décrivons lasup- ply chain en contexte de valorisation des déchets d’équipements électriques et électro- niques (DEEE).

Phase de recueil de données

Dans une logique exploratoire, nous avons préféré des méthodes souples de recueil de données. Selon Hlady Rispal (2002), il s’agit d’explorer un champ peu déchiffré dans son thème ou dans son mode d’approche. Par opposition avec le mode confirmatoire, qui est dans une logique de confirmation ou de test d’une théorie existante, l’exploration permet de construire ou de faire émerger une théorie relative à ce champ. Charreire et Durieux (1999) précisent que les méthodes qualitati-

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ves sont plus efficaces dans le cadre des recher- ches exploratoires. Nous adoptons ainsi une approche qualitative d’une supply chain en contexte de valorisation des DEEE. Nous contextualisons cette recherche en France en étudiant les spécificités de la gestion de ces déchets afin de repérer les parties prenantes de cette supply chain. Relevé par Quivy et Cam- penhoudt (1995), Baumardet al.(1999), Hlady Rispal (2002) puis Demers (2003) comme une méthode de recueil pertinente dans une démarche qualitative, l’entretien a été principa- lement mobilisé. Nous avons alors effectué une phase d’investigation en France en menant 32 entretiens semi-directifs à partir d’un guide d’entretien – construit autour de nos trois pro- positions de recherche. Nous avons interviewé certaines parties prenantes de cette supply chain en contexte réglementaire des DEEE : des acteurs politiques (fédérations professionnel- les, ADEME, associations techniques), des industriels du management des déchets (presta- taires privés, acteurs de l’économie sociale et solidaire), des metteurs sur le marché (produc- teurs, éco-organismes), des membres du presta- taire de services logistiques Géodis et de sa filialeValenda. Les 32 entretiens ont été réali- sés auprès de personnes affectées à des postes clés dans ces organisations. Parmi ces fonc- tions, les interviewés appartiennent à l’équipe de direction, sont responsables en logistique ou sont spécialisés dans le contexte des DEEE. En ce qui concerne le prestataire de services logis- tiquesGéodiset sa filialeValenda, ce sont les membres principaux du projet de valorisation des DEEE, ayant des rôles opérationnels, de direction des achats, de coordination, de conception et gestion de réseaux, de contrats et de reporting, qui ont été interrogés.

Le recueil de données s’appuie également sur l’étude d’une base documentaire relative à la mise en place d’une démarche de management de ce réseau. Cette base de données est com- posée de documents d’actualité, de textes légis- latifs, de rapports d’entreprises, de compte rendus de réunions, etc.

Phase d’analyse des données

L’analyse des données recueillies s’est ensuite structurée autour de la technique d’analyse de contenu, qui est exposée par Bardin (1996), Allard-Poesiet al. (1999) et Voynnet Fourboul (2004). Nous avons alors utilisé le logiciel d’a- nalyse NVivo 2.0 que Bournoiset al.(2002) et Hlady Rispal (2002) considèrent comme adé- quat. Grâce à ce logiciel, nous avons fait émer- ger des codes à partir des retranscriptions d’entretiens semi-directifs. Le codage n’a pas

été effectué suite à chaque retranscription car nous avions comme objectif de faire émerger les codes une fois que l’ensemble des entretiens avait été réalisé. Bardin (1996 : 134) définit le codage comme une transformation du texte par découpage, énu- mération et agrégation et qui permet d’abou- tir à une représentation du contenu par des caractéristiques du texte. L’analyse a été progressive pour discuter des conditions du management d’une supply chain en contexte de développement durable.

La supply chain en contexte de valorisation des DEEE

La gestion des DEEE s’organise alors autour des éco-organismes et d’autres parties pre- nantes qui se répartissent les responsabilités selon leurs compétences.

En 2007, les metteurs sur le marché ont adhéré aux éco-organismes agréés – Eco-Systèmes,Ecologic etERP pour tous les équipements électriques électroniques à l’exception des lampes. Ces éco-organismes prennent en charge, pour le compte des pro- ducteurs adhérents, l’enlèvement et le traite- ment des DEEE collectés sélectivement. Les industriels transfèrent donc leurs responsa- bilités aux éco-organismes. Ces éco-orga- nismes interagissent directement avec les sites de collecte représentés par les collecti- vités et les distributeurs. Les municipalités telles que Nantes dans le cadre de l’opéra- tion « Initiative Recyclage », puis Stras- bourg, Lille, Montbéliard, etc. mettent en place des collectes sélectives car elles dispo- sent souvent de structures importantes pour collecter. Les distributeurs ont proposé d’ac- cepter les DEEE apportés par leurs clients quels que soient les produits achetés.

L’industrie de management de déchets s’est également répartie les activités de collecte, de tri, de regroupement ou d’enlèvement, de démantèlement, de recyclage, de traitement et de valorisation des DEEE. Des prestatai- res de gestion de déchets – tels queVéolia Propreté,Sita,CFF Recycling,Covedou les entreprises d’économie solidaire comme Envie 2E Hauts de France, Juratri,Loca- benne ou celles du mouvementEmmaüs: Ateliers du Bocage, Tri 37, le Relais Nord et Tri RA– trient, transportent et acheminent les flux de déchets vers des centres de regroupement et de traitement.

Selon l’étude de Chiron (2006), les presta- taires de services logistiques –Géodis, DHL Exel Supply chainetHeppner– développent

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progressivement des activités de gestion des DEEE.Géodis a ainsi signé différents con- trats dès 1994 avecXerox, puis avecIBMen 1998, avecFrance Télécomen 2003 et avec l’éco-organisme ERP en décembre 2004.

DHL Exel Supply chain intervient surtout pour des prestations de service après vente des DEEE. L’offre du groupe va évoluer grâce à l’expérience européenne de la filiale alle- mandeVfwd’Exelet grâce à la création d’un partenariat avec un spécialiste français du traitement des déchets,Valdelec.Heppnerest positionné depuis 1995 sur les produits à forte valeur ajoutée dans les secteurs de la télé- phonie, l’électroménager, le secteur hi-fi et informatique.

Cette contextualisation laisse ainsi apparaître une supply chain composée de diverses par- ties prenantes aux compétences multiples, qui peuvent jouer plusieurs rôles.

Résultats sur les conditions du management d’une supply chain en contexte

de développement durable

Dans ce dernier point, nous mettons en évi- dence les résultats en discutant les proposi- tions de recherche selon les perceptions des parties prenantes interviewées. L’analyse des données nous permet d’évaluer le degré de pertinence des conditions de management d’une supply chain en contexte de développe- ment durable.

Discussion de la sous-proposition 1 :L’im- plication des parties prenantes, par la prise en compte de leurs responsabilités et leur mobilisation, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de mana- gement d’une supply chain en contexte de développement durable.

l Perception des acteurs quant à l’impli- cation des parties prenantes

Dans ce contexte réglementaire, les motiva- tions, les attitudes et les engagements diffèrent selon les parties prenantes interro- gées. La condition d’implication apparaît dans leurs discours par les thèmes suivants : la responsabilisation légale, la volonté de con- trôle, la recherche de faibles coûts, la proposi- tion d’un service global, la capitalisation d’un savoir-faire.

Ce sont principalement les discours des met- teurs sur le marché qui traduisent la pression des réglementations sur leurs responsabilités dans l’organisation et la gestion des DEEE.

Les contraintes réglementaires représentent alors ce qui légitime principalement l’impli- cation de ces parties prenantes. « Sur les déchets, on parle de filière sous un régime d’obligations, on ne parle pas de filière sous un régime économique qui se met en place parce qu’économiquement c’est intéressant.»

«On en a fait parce qu’il y a une obligation à venir.» Certains metteurs sur le marché mani- festent cette implication par leur volonté de garder le contrôle sur les prestataires de servi- ces de logistique inversée et de préserver ainsi leur indépendance. « Pour les producteurs c’est un nouveau coût du produit et c’est un coût qu’ils veulent contrôler. Ils créent des structures pour justement ne pas être dépen- dants d’un prestataire quel qu’il soit.» D’au- tres cherchent à se positionner sur un marché concurrentiel avec un objectif de valorisation à faibles coûts. Dans ce cas là, les acteurs accordent davantage d’importance aux com- pétences organisationnelles et font appel à des prestataires pilotes. «On va faire appel à des gens dont c’est le métier et qui auront un inté- rêt business à développer la filière. Pour nous, c’est une nécessité, pour eux çà devient un métier.» «On ne veut pas gagner de l’argent, on veut juste éviter d’en perdre trop. Donc il nous a semblé nécessaire de faire au maxi- mum appel à une sous-traitance.»

Les pressions législatives représentent alors une opportunité pour le prestataire de services logistiques qui traduit son engagement en pro- posant un service global de conformité régle- mentaire pour le compte de ses clients. «On se substitue au client pour gérer la chaîne logis- tique inversée et on se structure pour avoir une offre globale vraiment intéressante. »

« Dans le cas de la logistique inversée, on offre cette prestation d’optimisation globale et en plus, on répond pour le compte du client à sa responsabilité vis-à-vis de ses obliga- tions.»

De son côté, l’industrie de management des déchets montre sa détermination pour s’adap- ter aux nouvelles demandes et contraintes en capitalisant son savoir-faire. «Les DEEE tant que ce n’était pas un marché solvable, cela n’intéressait personne, … on a été des précur- seurs, çà fait des dizaines d’années qu’on valorise les DEEE, qu’on les démantèle, qu’on revend la ferraille, qu’on recycle …, on a un vrai savoir-faire là-dessus à capitaliser.» Enfin, l’engagement des acteurs politiques ne semble pas convenir aux attentes des parties prenantes qui espèrent plus d’initiatives, de décisions et d’arbitrages de leurs parts. «Il y a

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un moment où des arbitrages sont nécessaires et ce serait aux pouvoirs publics de les faire. Il y a un moment où on a des divergences d’opi- nions, d’intérêts que les partenaires impli- qués ne peuvent pas résoudre seuls, donc il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui arbitre.

Dans ce cas là, çà ne peut être que les pou- voirs publics, et pour le moment ils sont un peu flemmes.»

l L’implication des parties prenantes comme condition pertinente

A travers les nombreux discours recueillis à ce sujet, la condition d’implication des parties prenantes apparaît comme une condition per- tinente au management de la supply chain en contexte de valorisation des DEEE. Globale- ment, le contenu de la condition d’implication des parties prenantes correspond aux notions de responsabilité et de mobilisation repérées dans la littérature. De nouveaux codes préci- sent le contenu de la condition à travers une motivation économique, une volonté de con- trôle, une offre de service conforme et une né- cessité de capitaliser un savoir-faire.

L’implication des parties prenantes apparaît ainsi reliée aux multiples intérêts et objectifs de chacune mais semble également être ra- lentie par les incertitudes de ce contexte émer- gent. Nous constatons que les conflits d’intérêts n’empêchent pas les phénomènes d’implication, nous supposons alors qu’ils peuvent même faciliter les stratégies dans des situations complexes.

Discussion de la sous-proposition 2 : la conception commune des parties prenantes, au travers d’un consensus et d’un partage d’informations, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de mana- gement d’une supply chain en contexte de développement durable.

l Perception des acteurs quant à la conception commune des parties prenantes La conception commune est appréhendée par les parties prenantes au travers de deux thè- mes : l’échange d’informations et la co-cons- truction d’outils facilitant la valorisation des DEEE.

Conscientes de leurs différentes perceptions, compréhensions et difficultés, les parties pre- nantes indiquent l’importance de discours communs. Par ces dialogues collectifs, les ter- minologies et les contraintes techniques sont précisées, ce qui leur permet de concevoir une base commune d’informations. Cependant, l’échange d’informations ne se réalise pas véritablement entre toutes les parties prenan-

tes et il n’existe pas réellement de base com- mune regroupant les différentes terminolo- gies, les contraintes techniques, etc. « Les distributeurs et les producteurs sont con- traints de se mettre d’accord… Mais pour arriver à un compromis, encore faut-il qu’ils soient tous présents aux réunions.» «Il n’y a jamais tout le monde autour de la même table d’un coup. Il y a des discussions informelles qui se font.» «Il n’y a pas de background ni beaucoup de diffusion. On a un problème de liste de fournisseurs et d’accès à l’informa- tion car il n’y a pas beaucoup de synergie … selon les différents clients.»

La co-construction d’outils facilitant la valo- risation des DEEE est principalement illustrée par l’élaboration du décret. Face aux conflits d’intérêts multiples, cette co-cons- truction dépend des actions de lobbying, des compétences relationnelles de certains acteurs, et ne semble pas aboutir sans l’arbi- trage des pouvoirs publics et l’implication des tiers intervenants. «Quand il y a une directive sur les déchets électroniques qui est en train de se mettre en place, les différentes entrepri- ses du secteur de l’électronique mais égale- ment d’autres groupes d’intérêts, comme les écologistes ou autres, peuvent dire qu’ils vou- draient que cette directive dise çà, … ou alors qu’elle ne dise pas çà, en mettant en œuvre une argumentation ou des intérêts, des oppor- tunités, des menaces, etc. et à la fin de ce pro- cessus qui est uniquement politique, de lobby, la directive est adoptée. … Ensuite, il y a une deuxième phase de lobby, extrêmement poli- tique également, où là, …, on va dire aux gens des ministères, voilà le décret il faudrait qu’il dise çà et çà.»

l La conception commune des parties pre- nantes comme condition non suffisante L’insuffisance des discours des parties pre- nantes au sujet de la condition de conception commune laisse supposer qu’elles ont des dif- ficultés à aboutir à une base commune. Alors qu’il apparaît évident d’échanger des infor- mations quant aux perceptions et difficultés de ce contexte, le partage et la circulation d’informations ne paraissent pas garantis. De plus, la co-construction d’outils tels que le dé- cret semble assujettie aux différentes relations politiques et aux pressions de lobbying. Nous avançons que les parties prenantes n’accèdent pas aux connaissances disponibles car elles ne mobilisent pas suffisamment leurs capacités cognitives de veille réglementaire. À travers les discours, nous percevons également l’im- pact négatif d’une faible implication des ac- teurs politiques ainsi que l’influence

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incontestable des relations de pouvoir, des ac- tions de lobbying sur la conception commune.

Nous supposons alors que la condition de conception commune est influencée par cer- taines relations de pouvoir entre les parties prenantes.

Discussion de la sous-proposition 3 :la qua- lité relationnelle entre les parties prenantes, par des relations d’interdépendance et des coopérations, est une condition nécessaire pour mettre en œuvre une démarche de mana- gement d’une supply chain en contexte de développement durable.

l Perception des acteurs quant à la qualité relationnelle des parties prenantes La qualité relationnelle est perçue selon quatre types de relations : les relations étroites de regroupement, les intégrations raisonnées, les relations contractuelles de long terme et les relations politiques.

L’industrie de management des déchets vise à développer des relations étroites de regroupe- ment entre les acteurs gérant les DEEE avant l’émergence de contraintes réglementaires.

Elle souhaite fusionner les expériences, fédé- rer les ressources, coordonner les activités et mutualiser les flux afin d’améliorer certaines compétences spécifiques et de proposer une offre globale. «Il faut qu’on ait des capacités de coordination efficaces pour pouvoir offrir une prestation de logistique suffisamment globale.» «On a un petit réseau, des moyens d’intervention et de collecte limités, on ne va pas pouvoir se positionner durablement tout seuls, …, dans la mesure où on ne peut pas traiter de gros volumes, donc on s’associe avec d’autres prestataires de la collecte et du traitement pour avoir une offre globale. »

«quand on est sur un certain type d’activité et que les autres aussi, il faut trouver des com- plémentarités d’activités et ne pas être juste dans une relation de concurrence.»

De plus, l’ensemble des parties prenantes reconnaît l’expérience de ces acteurs et ne peut concevoir la supply chain sans les inté- grer. Cependant, l’intégration raisonnée de ces relations est suggérée par les réglementa- tions. Les parties prenantes attendent alors que l’industrie de management de déchets améliore ses services et sa capacité d’adapta- tion aux nouvelles contraintes en développant ses compétences. « C’est une volonté des autorités, à travers le décret sur les DEEE, c’est une opportunité de faire travailler une catégorie de gens qui sont des chômeurs de longue durée, des gens handicapés, etc.» «Il serait mal venu qu’on ne sélectionne pas tel

acteur en place aujourd’hui en sachant que si on ne le sélectionne pas, il disparaîtra dans les 6 mois.» «On est prêt à travailler avec tous les acteurs qui sont en place s’ils font des efforts suffisants pour se mettre au niveau du prix du marché … on s’aperçoit qu’un certain nombre d’acteurs logisticiens et recycleurs … devront progresser dans la logistique, dans la traçabilité, dans leurs systèmes d’informa- tion, etc.»

Certains metteurs sur le marché relèvent leurs besoins de relations contractuelles de long terme avec le prestataire de services logisti- ques pilote. Les deux parties prenantes dépas- sent les relations « donneurs d’ordres - prestataires exécutants » et privilégient ces relations d’intérêts mutuels pour une valorisa- tion à faibles coûts sur un marché concurren- tiel. « On met en place une relation de synergies et d’intérêts mutuels, on intéresse le pilote à la performance de l’éco-organisme … ils sont partenaires dans le sens où ils ont tous les deux intérêt à gagner des parts de marché et développer leurs activités vis-à-vis des pro- ducteurs.»

Les acteurs reconnaissent enfin que les rela- tions d’intérêts politiques sont importantes à prendre en compte dans ce contexte régle- mentaire. «Les relations avec les ministères nous permettent d’avoir la carte verte pour avoir le droit d’opérer.» «L’éco-organisme ne pourra pas aller contre le marché, les auto- rités, etc. Il doit être capable d’écouter et de proposer des solutions, des alternatives qui pourront être acceptées par tous les interve- nants : les collectivités locales, les ministères, etc.»

l La qualité relationnelle des parties pre- nantes comme condition pertinente A travers les nombreux discours recueillis à ce sujet, la condition de qualité relationnelle ap- paraît comme une condition pertinente au ma- nagement de la supply chain en contexte de valorisation des DEEE. Le contenu de la condition de qualité relationnelle est appré- hendé plus précisément que les notions de la littérature : coopération entre les institutions et les parties intéressées, coopération tout au long de la supply chain globale, relations d’in- terdépendance. Dans ce contexte de dévelop- pement durable, les codes détaillent la qualité relationnelle au-delà des relations clients et s’étendent aux relations avec l’ensemble des parties prenantes. Les parties prenantes dé- tiennent des ressources différentes qui légiti- ment leurs types de relations. Selon les compétences mobilisées, leurs comporte-

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ments évoluent vers des attitudes stratégiques.

Par exemple, les compétences spécifiques en termes d’expérience technique et de sa- voir-faire, expliquent une attitude offensive.

Les industriels du déchet positionnent leurs offres communes pour s’adapter aux change- ments que suscitent les réglementations liées aux DEEE. D’autre part, les compétences d’organisation de réseaux, reconnues comme essentielles pour le management de lasupply chain, confèrent aux metteurs sur le marché ou aux prestataires de services logistiques pi- lotes une attitude proactive face aux contrain- tes réglementaires. Nous relevons, enfin, l’importance des relations d’intérêts politi- ques qui permettent aux parties prenantes d’o- rienter les actions vers leurs propres intérêts.

Nous avançons qu’une relation politique de qualité prime parfois sur l’expérience tech- nique, la compétence d’organisation de ré- seaux ou la capacité cognitive de veille réglementaire.

Conclusion

À travers les perceptions des parties prenantes rencontrées, nous avons mis en évidence que les conditions d’implication des parties pre- nantes et de qualité relationnelle sont plus lar- gement appréhendées que celle de conception commune. Les discours ont, en effet, permis de faire émerger de nombreux thèmes enri- chissant le contenu des deux premiers codes.

Par exemple, la condition d’implication des parties prenantes se révèle inhérente aux inté- rêts et objectifs de chacune : contrôler, organi- ser, capitaliser, déléguer, etc. Nous supposons alors que l’insuffisance de la condition de conception commune des parties prenantes peut être expliquée par les contraintes de con- flits d’intérêts ou d’incertitudes. Crozier et Friedberg (1977) analysent, en effet, l’organi- sation comme un ensemble de jeux articulés les uns aux autres dans un univers de conflits.

Rojot (2006) reconnaît la présence et l’inévi- tabilité du conflit dans les interactions et les situations sociales. À défaut de pouvoir être entièrement supprimé, le conflit peut être géré, canalisé ou contenu. L’auteur met égale- ment en avant l’utilité du conflit comme fac- teur d’innovation, de changement et de créativité. Il précise qu’entre les parties en conflit, «il y a certains objectifs partiellement communs» et considère que « le conflit est souvent teinté de coopération». Cependant, la présence excessive de conflits peut avoir des effets destructeurs car «le conflit a sa dyna- mique propre, et cette dynamique tend vers l’aggravation et non vers l’apaisement »

Rojot (2006 : 31-32). L’auteur propose alors la négociation comme un moyen de résoudre les conflits ou d’arriver à un niveau acceptable de conflits. Les incertitudes du contexte influencent aussi les comportements des par- ties prenantes. Certainement ralenties par les incertitudes relevées dans ce contexte, les volontés et motivations de chaque partie pre- nante sont d’ailleurs liées à la maîtrise ou à l’accès aux compétences organisationnelles et techniques. De même, la condition de qualité relationnelle semble liée à la mobilisation de compétences permettant aux parties prenan- tes d’anticiper ou de s’adapter aux demandes.

Cependant, nous remarquons que les incerti- tudes ne favorisent pas de comportements coopératifs entre les parties prenantes dans ce contexte. Si les réglementations influencent directement ces types de comportements, l’in- certitude peut entraîner une attitude réactive d’adhésion à un organisme créé. Seules, les relations d’intérêts politiques rappellent que certaines compétences relationnelles priment parfois sur d’autres.

Ainsi, l’évolution d’une gestion subie vers un management d’une supply chain en contexte de développement durable dépend des condi- tions liées aux parties prenantes et des carac- téristiques du contexte dans lequel elles sont impliquées. Nous concluons que ce manage- ment peut apporter un avantage stratégique aux acteurs anticipant de manager les flux inversés. En raison de l’évolution parallèle de la démarche logistique et de son imbrication progressive avec les problématiques du déve- loppement durable, nous avançons que l’ac- teur le plus à même de développer le management de la supply chain en contexte de développement durable est le prestataire de services logistiques. Cette discussion peut notamment être légitimée au travers de l’é- tude de cas du prestataireGéodisresponsable de la valorisation des DEEE pour le compte de l’éco-organismeERP.

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