• Aucun résultat trouvé

Les arrêts d’apprentissage révélateurs des parcours de transition école-travail actuels

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les arrêts d’apprentissage révélateurs des parcours de transition école-travail actuels"

Copied!
4
0
0

Texte intégral

(1)

Sous la loupe

Nadia Lamamra & Barbara Duc

Institut des hautes écoles en formation professionnelle

En Suisse, la transition école-travail a connu un allongement et une complexification (Bergman, Hupka-Brunner, Keller, Meyer, & Stalder, 2011), et l’arrêt prématuré en formation profession-nelle participe de ce phénomène. Savoir ce que deviennent les jeunes à la suite d’un arrêt permet de mieux comprendre leur situation et de leur offrir un accompagnement adéquat. Relativement peu de travaux s’y sont intéressés en Suisse (Rastoldo, Amos, & Davaud, 2009 ; Schmid, 2010), de surcroît dans une perspective qualitative.

Pour aborder la question des arrêts, des parcours y faisant suite et plus globalement de la transition école-travail, une étude qualitative longitudinale a été réalisée1, à partir d’entretiens

menés auprès de 46 apprentis ayant connu une résiliation de leur contrat d’apprentissage dans le canton de Vaud durant leur première année de formation2. Pour le deuxième volet, des

informations ont pu être collectées auprès de la majeure par-tie de la population initiale, soit 42 personnes, à travers divers modes de collecte de données (entretiens, questionnaires, sui-vis de dossiers administratifs).

Une analyse descriptive a permis d’avoir une première image de la situation des jeunes trois à quatre ans après leur arrêt et de reconstruire leur parcours. Ensuite, l’analyse des entretiens a offert une vision précise et un point de vue subjectif des jeunes sur leur parcours.

Parcours depuis l’arrêt

Les parcours des jeunes ont été reconstitués autour de diffé-rentes situations vécues suite à l’arrêt d’apprentissage : l’arrêt, la reprise de formation, l’obtention du CFC, le premier emploi et les temps de transition. Nous avons distingué deux temps de transition : T1 ½, entre l’arrêt et la reprise de formation, en écho avec le premier seuil de transition (T1), et T2, entre la fin de la formation et l’emploi (T2).

1 Duc, B. & Lamamra, N. (2014). Parcours de jeunes suite à un arrêt d’apprentissage. Un éclairage inédit sur la transition de l’école au monde du travail. Rapport de recherche. Renens : EHB IFFP IUFFP ; Duc, B., Jordan, M., & Lamamra, N. (2013). Un arrêt en formation professionnelle, et après ? Lausanne : IFFP. Brochure de vulgarisation des résultats de recherche, en version pdf . 2 Les participants ont été recrutés sur une base volontaire par le biais de l’association « Transition

Ecole Métier (TEM) », active dans la prévention et l’accompagnement des arrêts en formation professionnelle.

Les parcours non-linéaires sont devenus fréquents après la fin de la scolarité obligatoire et peuvent comporter une interruption d’apprentissage. Le projet de recherche de l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP) « Parcours de jeunes après un arrêt prématuré en formation professionnelle » se penche sur le phénomène pour mieux le cerner.

Les arrêts d’apprentissage révélateurs des

parcours de transition école-travail actuels

Les parcours apparaissent hétérogènes, comme nous pouvons le voir dans la figure 1, qui en propose un aperçu synthétique et simplifié.

Figure 1 : Les six modèles de parcours

Trois modèles de parcours sont majoritairement suivis. Le pre-mier (1) concerne les jeunes en formation ainsi qu’un certain nombre de personnes engagées dans un emploi. Il se distingue par un temps de transition 1 ½ important. Le deuxième (2) concerne des jeunes insérés dans le monde professionnel et se distingue au contraire par sa linéarité et l’absence de temps de transition. Le troisième (3) est marqué par une transition 2. Les trois autres modèles présentent de plus fortes discontinuités : abandon de formation et insertion dans un emploi non qua-lifié (4), nouvel arrêt d’apprentissage et alternance d’emplois de courte durée et de temps de transition après l’obtention du CFC (5a) ou après l’arrêt (5b), qui sont assez typiques des par-cours post-arrêts décrits par les études quantitatives (Rastoldo et al., 2009).

La discontinuité, signalée par les temps de transition (T1 ½ et T2), caractérise la majorité des parcours. Soulignons que T1 ½, qui présente de fortes similarités avec T1 (passage par des structures de transition, recherche d’une place d’apprentis-sage), apparaît de façon inédite ici.

(2)

Sous la loupe

De quoi sont faites les périodes de transition

Les périodes de transition peuvent être d’une durée considé-rable : de six mois3 à trois ans pour T1 ½, et jusqu’à un an pour

T2. Cette durée explique le fait que la majorité des jeunes de notre population est toujours en formation trois à quatre ans après un arrêt et, plus globalement, l’allongement du proces-sus de transition.

Orientés vers la recherche d’une nouvelle place d’apprentis-sage, d’une nouvelle formation ou d’un premier emploi, les temps de transition se caractérisent par une alternance, voire un cumul, de différentes activités : passages par des structures d’aide à la transition, stages, petits jobs, périodes de chômage. Le récit d’un ex-apprenti menuisier en formation d’agent d’ex-ploitation au sujet de T1 ½ illustre parfaitement cette alter-nance :

[1] « J’ai fait une période de chômage, après j’ai eu la Mobilet [struc-ture de transition] et j’ai refait encore une période de chômage. C’était un peu plus long. […] il y a eu aussi un autre truc de jeunes qui arrê-taient leur apprentissage [TEM] ! […] J’ai fait des stages de peintre en bâtiment, […] pis après le chômage ils m’ont placé à l’atelier 36 [mesure de réinsertion du chômage]. »

Ex-apprenti menuisier, en formation d’agent d’exploitation Une partie des jeunes interviewés fait également l’expérience de l’inactivité (période sans activité de formation ou de travail, ni de recherche de place d’apprentissage ou de travail). Celle-ci peut être brève (un mois) ou s’étendre jusqu’à une durée consi-dérable (un an et demi). Le récit d’une ex-apprentie employée de commerce en formation de gestionnaire de commerce de détail au sujet de T1 ½ reflète de façon frappante le contraste entre périodes d’alternance et d’inactivité :

[2] « Pendant cette période, c’est vrai que mes journées, je les passais chez moi à dormir, regarder la télé, ordinateur et le soir je sortais. Et puis après, pendant une année et demie j’ai vogué entre les deux ma-gasins de sports A. et puis S. Et puis ensuite, j’ai fait plein de stages et tout et j’ai trouvé. […] Alors en fait, une année et demie j’ai travaillé. Et une année et demie j’ai rien fait. Mais je dois dire c’est long une année et demie à rien faire. »

Ex-apprentie employée de commerce, en formation de gestionnaire de commerce de détail Le temps de transition T1 ½ et sa durée s’expliquent donc en grande partie par les difficultés relatives à la reprise de forma-tion, à savoir choisir une nouvelle formation et surtout retrou-ver une place d’apprentissage, et ce à la suite d’une expérience difficile.

3 Nous parlons de T1 ½ dès que cette période s’étend au-delà de six mois qui correspond le plus souvent à la période entre l’arrêt de formation et la rentrée scolaire que les jeunes doivent attendre pour pouvoir reprendre une formation au cas où elles et ils n’ont pas trouvé de nou-velle place d’apprentissage dans les trois mois qui suivent l’arrêt et au cours desquels elles et ils peuvent rester inscrit-e-s à l’école professionnelle.

Durant T2, les diplômés alternent ou cumulent formations, stages et emplois précaires (taux d’activité faibles, CDD) en at-tendant de décrocher un « véritable » premier emploi. Le cumul d’activités peut être, dans ce cas, lié aux incertitudes du marché du travail et à leur volonté de garder la main dans leur domaine d’activité.

Ainsi, si la fréquence de reprise de formation met en évidence que tout arrêt ne doit pas être interprété comme une rupture, la discontinuité des parcours et la complexité des périodes de transition suggèrent néanmoins la difficulté à reprendre une formation et à trouver un premier emploi.

Les réseaux mobilisés pour faire face aux

difficultés

Pour faire face à la complexité de leur parcours, les jeunes recourent fréquemment à des ressources sociales, liens et ré-seaux qui leur permettent de trouver des solutions après l’arrêt, une nouvelle place d’apprentissage, de supporter les périodes d’alternance ou de cumul de situations ainsi que l’inactivité.

Un arrêt en formation professionnelle, et après?

recherche & développement

Trois types de réseaux ont été définis : le réseau familial et de proximité (parents, beaux-parents, frères et sœurs, grands-parents, oncles, tantes, cousin-e-s, petit-e-ami-e, mais aussi voisins, ami-e-s et leurs parents) ; le réseau institutionnel, à savoir les structures d’aide à la transition (service d’orientation, mesures d’aide spécifiques, assurance chômage, etc.), les

ins-Brochure téléchargeable sur le site de l’IFFP.

(3)

Sous la loupe

tances liées à la formation professionnelle (médiation, commis-sion d’apprentissage, etc.), ainsi que le corps médical ; et le réseau professionnel, constitué par les premiers liens dans le monde du travail (collègues de travail, employeur, formateur en entreprise, enseignants professionnels, collègues de cours, etc.).

La centralité du réseau familial

Le réseau familial est souvent le principal, parfois l’unique ré-seau utilisé, en particulier lors de T1. Il est à nouveau présent en T1 ½, notamment pour trouver une place dans une struc-ture de transition, un stage, voire une nouvelle place d’appren-tissage, puis en T2, pour décrocher un premier emploi. C’est donc fréquemment grâce au soutien et aux ressources du réseau familial que cette population particulière (adolescents ayant vécu un arrêt d’apprentissage) parvient à franchir les dif-férentes étapes de la transition. Cette conclusion soulève bien évidemment des questions quant aux personnes ne disposant pas d’un tel réseau ou dont le réseau serait défaillant (absence ou mauvaise insertion professionnelle, méconnaissance des structures existantes, etc.).

Des réseaux qui évoluent

Par ailleurs, le recours des jeunes aux réseaux évolue. Si à la sor-tie de l’école obligatoire, ce sont clairement les réseaux familial et de proximité qui sont mobilisés, de nouveaux liens se consti-tuent durant la première rencontre avec le monde du travail et apparaissent progressivement de façon plus marquée (soutien actif de collègues de cours, du patron, de la personne forma-trice en entreprise). Ce réseau professionnel naissant permet d’élargir les perspectives professionnelles, en accédant à des entreprises au-delà du cercle des connaissances.

L’accès au premier emploi répond à une logique similaire. En effet, celui-ci est parfois rendu possible par le réseau profes-sionnel que les jeunes se sont forgé durant leur formation

pro-fessionnelle. Le cas d’une vendeuse en optique est tout à fait intéressant. Elle a été soutenue par son patron, ainsi que ses collègues, tout au long d’un parcours as-sez difficile, tant et si bien qu’elle n’a pas arrêté sa for-mation mais est passée d’une forfor-mation d’opticienne à un emploi de vendeuse en optique dans la même entre-prise, où le soutien se poursuit :

[12] « Mon patron se renseigne toujours [pour qu’elle puisse obtenir son diplôme d’opticienne en emploi] jusqu’à mainte-nant parce qu’il y a pas mal de choses qui changent. […] Tous mes collègues étaient présents, donc ils se sont vachement impliqués aussi. […] Ils m’ont bien aidée aussi, c’est un travail d’équipe ! »

Ex-apprentie opticienne, vendeuse en optique Ce cas exceptionnel souligne l’engagement du réseau professionnel tout au long du processus de transition. Ainsi, l’expérience en formation professionnelle a permis de développer un premier réseau professionnel et d’élargir le ré-seau institutionnel.

Une compréhension des structures de transition

qui évolue

Une évolution peut également être remarquée du côté de la perception du réseau institutionnel. Lors des premiers entre-tiens, juste après l’arrêt, les structures de transition étaient souvent évoquées de façon négative, les jeunes ayant des dif-ficultés à en comprendre l’intérêt, mais par la suite, elles sont évoquées de façon plus nuancée. Le rôle important joué par les structures de transition est notamment relevé par un ex-ap-prenti charpentier en formation de poseur de sol :

[9] « Le SEMO [semestre de motivation] m’a aidé, on va dire. Ben déjà ça nous garde un rythme, un rythme de vie […] au moins, ils nous poussent aussi, mais ça motive quand même… Y connaît du monde, pis ça marche comme ça… […] C’est un prof [du SEMO] qui m’a donné un stage. […] Ceux qui m’ont beaucoup remonté le moral, c’est vraiment le SEMO en fait, parce qu’ils sont vraiment proches des élèves… »

Ex-apprenti charpentier, en formation de poseur de sol Outre un soutien concret (garder un rythme), ces structures permettent un accès privilégié à des stages, des places d’ap-prentissage ou encore à d’autres mesures de transition. Enfin, un élément plus inattendu apparaît dans les témoignages : il s’agit du soutien moral offert par ces structures, qui semblent avoir un impact sur l’estime de soi et la confiance en soi, sou-vent mises à mal par l’expérience ayant conduit à l’arrêt et par l’arrêt lui-même.

Cependant, le réseau institutionnel est quasi absent des récits en ce qui concerne T2. Seule l’assurance chômage est men-tionnée, et généralement en termes assez négatifs. Cela met

(4)

Sous la loupe

en évidence une caractéristique suisse, à savoir la relative fai-blesse des structures institutionnelles en T2, en vue d’une in-sertion professionnelle.

En effet, les structures d’aide à la transition sont surtout pré-sentes en T1, où elles fonctionnent souvent comme des « salles d’attentes » avant l’entrée en formation professionnelle (Meyer,

2003), ou encore en T1 ½ où elles ont un rôle similaire.

La non-linéarité des parcours post-arrêt semble devenue la norme, mais leur complexité et leur caractère hétérogène sont surtout illustratifs du phénomène général de transition école-travail. Il s’agit en outre de relever le caractère paradoxal de ces trajectoires. En effet, bien que connotées négativement, car marquées par un arrêt prématuré, elles permettent de dévelop-per un premier réseau professionnel, d’élargir le réseau institu-tionnel et de mieux comprendre l’utilité des structures d’aide. En outre, les situations qui jalonnent ces parcours sont autant d’espaces de socialisation. Les jeunes expérimentent la flexibi-lité, les parcours non-linéaires, l’alternance formation-emploi, ce qui les prépare aux formes d’emploi qu’elles et ils découvri-ront une fois sortis de la formation.

 Pour aller plus loin

Bergman, M. M., Hupka-Brunner, S., Keller, A., Meyer, T., & Stalder, B. E. (Eds.). (2011). Youth transitions in Switzerland. Results from the TREE Panel Study. Berne : Seismo.

Meyer, T. (2003). Les solutions transitoires – un pis aller ? In OFS (Ed.), Parcours vers les formations postobligatoires. Les deux premières années après l’école obligatoire. Résultats intermédiaires de l’étude longitudinale TREE (pp. 101-109). Neuchâtel : OFS/TREE.

Rastoldo, F., Amos, J., & Davaud, C. (2009). Les jeunes en formation professionnelle ; Rapport III : Le devenir des jeunes abandonnant leur apprentissage. Genève : SRED.

Schmid, E. (2010). Kritisches Lebensereignis « Lehrvertrags-auflösung » Eine Längschnittuntersuchung zum Wiedereinstieg und zum subjektiven Wohlbefinden betrof-fener Jugendlicher. Bern : h.e.p. Verlag.

Bien que connotées négative-ment, les trajectoires non linéaires permettent de développer un pre-mier réseau professionnel, d’élar-gir le réseau institutionnel et de mieux comprendre l’utilité des

structures d’aide.

La bibliographie en ligne propose une sélection de réfé-rences et publications sur la thématique de la transition.

Figure

Figure  1 : Les six modèles de parcours

Références

Documents relatifs

Il sera tenu compte de la rédaction dans la note finale.. 5- Donner un exemple algébrique de fonction qui admette ce tableau

marge brute – remise – prix d’achat net – prix de vente hors taxe – coût d’achat prix de vente toute taxe comprise – prix d’achat net – frais d’achat – prix

J'ai raconté un épisode, mais ce qui a été le plus important pour moi c'est d'avoir connu le monde de la coopération, le travail de groupe, qui m'a aidé dans mes rapports avec

L’événement « manger une salade verte et une pizza aux quatre fromages » a une probabilité de 1/6. L’événement «manger une salade verte, une pizza végétarienne et une

Ce scénario décrit les processus qui surviennent lors des interventions de maintenance précédant généralement un avis de panne pour un objet technique (vous avez également

Elle est d’autant plus importante que la masse de la charge est grande et s’oppose à la mise en mouvement. Elle est caractérisée par le moment d’inertie J, qui s’exprime en

Ils sont ensuite émis sans vitesse par la source S, puis accélérés par un champ électrostatique uniforme qui règne entre S et P tel que.. U sp

Selon nous, une meilleure intégration entre école et travail dans le cadre d’une responsabilité de l’État plus forte dans une école publique fondée sur la présence interne