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Pas disponible, débrouillez-vous : un scandale inacceptable

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Academic year: 2022

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upture de stock : une réalité ennuyeuse quand on fait ses courses et que l’on s’était dit que le repas du soir comprendrait justement des haricots surcuits dans leur sauce à la mélasse… Mais une réa- lité invraisemblable, scandaleuse en médecine, dans des situations où la guérison du patient dépend du produit.

Il y a de nombreuses années de cela (non, ceci n’est pas un conte de fées), les réglementations toujours plus complexes ont poussé hors de notre liste des spécialités de nombreux produits pharmaceutiques, dont la mitomycine C. On se demande comment et pourquoi la communauté oncologique n’a pas réussi (l’a-t-elle même tenté ?) à maintenir ce médi- cament dans nos pharmacies. Finale- ment, en été 2008, on nous a même annoncé que le distributeur original du médicament pour la Suisse avait «retiré l’admission de Mitomycin C pour la Suisse». Mais à l’époque une pharmacie continuait à livrer cet agent chimiothérapeutique, sous forme de deux différents génériques.

Puis cette source et d’autres se sont taries et il a fallu importer par diffé- rentes voies, chacun trouvant sa solution. Cet état de choses peu satisfai- sant n’a pas suscité une indignation générale, car le produit a des utilisa- tions restreintes. Il est tout de même retenu comme absolument essentiel dans le traitement du carcinome du canal anal. Et chaque centre, chaque cancérologue, doit justifier auprès des caisses maladie la prescription d’un produit qui a disparu des listes non seulement «des spécialités», donc à la charge automatique des caisses (sauf restriction d’emploi), mais aussi du Compendium suisse des médicaments.

Puis nous avons assisté à la disparition, en Amérique du Nord et en Eu- rope, d’un produit cytotoxique car l’usine qui le produisait a eu de sérieux problèmes qui ont conduit finalement à l’arrêt définitif de production en novembre 2011. Dans le cas spécifique, celui du Caelyx (doxorubicine liposomale pégylée), les difficultés ont été bien gérées par le distributeur qui a immédiatement averti les oncologues et a pris des mesures pour permettre aux patients et patientes qui en bénéficiaient de continuer à recevoir le produit pendant quelques mois. Le Caelyx est une substance essentielle pour le sarcome de Kaposi, et très importante dans le traite- ment du cancer de l’ovaire. Récemment une solution semble avoir été trouvée aux Etats-Unis, où l’organe de surveillance, la Food and Drugs Ad- ministration (FDA), équivalent de l’EMA (European Medicines Agency) et de notre «Swissmedic», a autorisé provisoirement l’importation d’un pro- duit provenant de l’Inde, des usines de Sun Pharma Global FZE. La FDA informe qu’elle a visité et maintient sous son contrôle cette usine… L’EMA, les autorités nationales (AFSSAPS par exemple en France, l’Agence Fran- çaise de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé), et bien évidemment Swissmedic auront à prendre position.

La liste n’est pas finie. Récemment, nous avons aussi appris qu’un anti- émétique n’était plus disponible. Comme il est possible de le substituer

Pas disponible, débrouillez-vous : un scandale inacceptable

«… Puis cette source et d’autres se sont taries et il a fallu importer par différentes voies …»

éditorial

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 23 mai 2012 1083

et des professeurs

Pierre-Yves Dietrich

Centre d’oncologie HUG, Genève

Serge Leyvraz

Centre pluridisciplinaire d’oncologie CHUV, Lausanne

du docteur

Matti Aapro

Institut multidisciplinaire d’oncologie Clinique de Genolier

Genolier Articles publiés sous la direction Editorial

M. Aapro P.-Y. Dietrich S. Leyvraz

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par des médicaments de la même classe thérapeutique, qui sont même plutôt «préférés» par les recommandations internationales, le problème semblait mineur. Grossière erreur : le problème fondamental semble grave puisque l’entreprise est soupçonnée d’avoir falsifié les dates de péremption d’un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers, notamment chez les enfants. Le 30 novembre, Swissmedic a prononcé l’interdiction à la compagnie de poursuivre ses activités pour tous les médicaments qu’elle conditionne à cette usine, en Suisse.

La goutte qui fait enfin déborder le vase, et motive cet éditorial, est la suite invraisemblable de ruptures de stock de cytotoxiques essentiels. Il ne sert à rien d’en faire la liste, elle est trop longue. Les oncologues la connaissent, trop bien. Juste un exemple : récemment le cisplatine, médicament qui joue un rôle essentiel dans le traitement à but curatif de nombreux cancers, a tout sim- plement disparu en Suisse, et aussi dans quelques pays d’Europe. L’information don- née par les importateurs aux professionnels a été lamentable et la réaction publique des autorités de santé en Suisse a été à notre connaissance inexistante (recherche internet infructueuse).

Cette crise semble surmontée, mais on se demande si la solution est dé- finitive ou provisoire. Il est important de noter que ce scandale n’est pas un cas isolé où le petit marché que la Suisse représente aurait été sacri- fié. Non, ce problème existait déjà en 2011 aux Etats-Unis, et a fait l’objet d’articles dans des journaux prestigieux tels que le New England Journal of Medicine et le Journal of Clinical Oncology. Nous pensions y échapper en Europe, mais l’Atlantique est vite franchi dans le marché mondial de toutes les marchan dises. Car pour de nombreuses industries il ne s’agit que de marchandises, pas de médicaments dont dépend la vie des malades.

Quelles sont les causes ? Dans les articles écrits aux Etats-Unis, on discute beaucoup le manque de rentabilité du marché des génériques. Vraiment ? Peut-être qu’il y a trop de certains génériques, qu’une «consolidation» est nécessaire et que certaines compagnies doivent se retirer. Mais pas, dans l’intervalle, au prix de menacer la santé de la population.

Il est temps que nos autorités fédérales et nos sociétés profession- nelles réagissent. L’action dans l’ombre ou le silence prudent ne sont plus de mise.

1084 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 23 mai 2012

«… il ne s’agit que de marchandises, pas de médicaments dont dépend la vie des malades …»

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