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Alcool et baclofène: la France va enfin expérimenter à large échelle

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726 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 mars 2014

actualité, info

Fonds, Nyon et Yverdon sont réguliè­

rement les mieux placés, souligne Werner Bauer, président de l’Institut suisse pour la formation mé­

dicale postgraduée et continue (ISFM). Pour la

Alcool et baclofène : la France va enfin expérimenter à large échelle

Une nouvelle étape de la longue histoire de la lutte médicale contre l’alcoolisme vient d’être franchie en France. Nul ne sait encore ce qu’elle réserve mais elle mérite d’être rap­

portée. L’Agence nationale de sécurité des médicaments (Ansm) vient

d’accorder une forme de dé­

rogation à l’utilisation de la molécule baclofène dans la prise en charge de la dépen­

dance à l’alcool. Il s’agit, en termes administratifs fran­

çais, d’une «recommanda­

tion temporaire d’utilisa­

tion» (RTU). Attendue de­

puis plus de six mois par les praticiens et leurs patients, convaincus des vertus du baclofène, cette mesure de­

vrait boulever ser la donne dans un paysage marqué par de nombreux malentendus et des polémiques plus ou moins explicites.

Après bien des atermoiements réglemen­

taires et politiques, l’Ansm accorde donc une RTU (la première) au baclofène. Elle rappelle à cette occasion que le traitement de l’alcoo­

lisme constitue un enjeu majeur de santé publique – un enjeu qui l’a conduit à encou­

rager le développement d’essais cliniques sur le baclofène dans le traitement de cette maladie. C’est dans l’attente des résultats de ces essais, et «afin de sécuriser l’accès au ba­

clofène dans le traitement de la dépendance à l’alcool» que cette agence a instruit et éla­

boré une RTU.

Il faut ici préciser qu’aujourd’hui entre vingt et trente mille personnes sont sous baclofène en France (souvent à des doses quotidiennes importantes), et ce en dehors de tout cadre réglementaire. Entre 2007 et 2012, cent onze mille personnes ont débuté un traitement par baclofène, chiffres de la Caisse nationale d’assurance­maladie, le mo­

tif alcoolique se situant «entre 45 et 58%»

des cas, le reste correspondant à l’indication neurologique «officielle».1

Rappelons que le baclofène est un myo­

relaxant d’action centrale (décontracturant musculaire). Il dispose (en France comme dans de nombreux autres pays) d’une auto­

risation de mise sur le marché depuis près de 40 ans, et ce dans le traitement de la spas­

ticité musculaire.

«Devant une utilisation grandissante du baclofène hors autorisation de mise sur le marché (AMM), nous avons mis en place, dès 2011, un suivi national de pharmaco­

vigilance. A ce jour, plusieurs dizaines de

milliers de patients français reçoivent en ef­

fet du baclofène hors AMM dans le traite­

ment de leur alcoolo­dépendance, explique l’Ansm. Deux essais cliniques multicentri­

ques sont en cours en France. Dans l’attente de leurs résultats, et après analyse des don­

nées actuellement disponibles (publications médicales et données de pharmacovigilance), nous avons considéré que le rapport béné­

fice/risque de ce médicament pouvait être présumé favorable sous certaines condi­

tions.»

D’où «l’octroi» de cette RTU. Il n’est pas inintéressant, ici, de noter le recours, par l’administration française, au terme «octroi», formule reprise par Marisol Touraine, mi­

nistre de la Santé.2 Désormais, le baclofène pourra être prescrit «après échec des autres traitements disponibles chez les patients al­

coolo­dépendants» dans les deux indications suivantes : aide au maintien de l’abstinence après sevrage chez des patients dépendant à l’alcool ; réduction majeure de la consom­

mation d’alcool jusqu’au niveau faible de consommation tel qu’il est défini par l’OMS chez des patients alcoolo­dépendants à haut risque.

Un protocole de suivi définit d’autre part les modalités de prescription et de sur­

veillance des patients, qui devront être ac­

compagnées d’une prise en charge psycho­

sociale, nécessaire dans cette pathologie multifactorielle. «A ce jour, la présomption d’efficacité ne peut être établie en présence

de certaines pathologies associées du fait d’un risque important d’effets indésirables graves. Il s’agit ici de comas, crise d’épilep­

sie (voire d’état de mal épileptique), d’accès dépressifs graves (voire de suicides). En con­

séquence, la RTU comporte des contre­indi­

cations telles que des troubles neurologiques ou psychiatriques graves (épilepsie non con­

trôlée, schizophrénie, troubles bipolaires, dé­

pression sévère) ou une insuffisance rénale ou hépatique sévère.

Entrons dans des détails qui n’en sont pas véritablement : la posologie quotidienne ini­

tiale devra être débutée à 15 mg par jour avant une augmentation très progressive (+ 5 mg par jour, puis + 10 mg par jour) par paliers de 2­3 jours jusqu’à obtention d’une éventuelle réponse clinique (effet attendu).

Cette réponse et son délai d’apparition sont très variables d’un patient à l’autre et néces­

sitent un suivi rapproché. Selon la survenue d’effets indésirables, la posologie pourra être stabilisée ou diminuée progressivement.

Et ensuite ? «A partir de la posologie de 120 mg/jour, un deuxième avis par un col­

lègue expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo­dépendance (un psychiatre, un addictologue ou «tout autre médecin avec formation et expérience particulières dans ce champ») doit être sollicité. Pour toute posologie supérieure à 180 mg/jour (ou su­

périeure ou égale à 120 mg/jour pour les patients âgés de plus de 65 ans), un avis col­

légial au sein d’un Centre de soins d’accom­

point de vue

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 mars 2014 727

1 L’évolution du nombre des patients traités par baclofène en France pour alcoolo­dépendance est disponible à cette adresse : www.openhealth.fr/baclofene/sch140309.htm (données Celtipharm).

2 Octroyer : «Accorder à titre de faveur, de grâce» (Le Nou­

veau Petit Robert).

:

«Lorsqu’un patient sait qu’il peut parler en toute confiance, cela permet souvent d’éviter qu’il fasse des bêtises. Le cas des pédophiles est un autre exemple. On sait qu’on ne les guérit pas, mais qu’on peut leur apprendre à contrôler leurs pulsions. Pour cela, le patient doit toutefois exprimer ses fan­

tasmes. S’il n’y a plus de secret, il ne le fera plus.»

Dominique Sprumont exprime, lui, sa perplexité.

«Le secret médical n’a joué aucun rôle dans le drame de La Pâquerette, rappelle le directeur ad­

joint de l’Institut de droit de la santé à Neuchâtel. Et rien ne laisse supposer que la médecine péniten­

tiaire refuse aujourd’hui de communiquer. On peut donc se demander à quoi va servir cette disposi­

tion.» (…)

Eric Budry Tribune de Genève du 20 mars 2014

pagnement et de prévention en addictologie ou d’un service hospitalier spécialisé en ad­

dictologie est requis. Dans le cadre de cette RTU, la posologie de 300 mg/jour ne devra jamais être dépassée.»

Et pour finir ? «Une fois l’objectif atteint, une diminution de posologie doit être envi­

sagée et régulièrement réévaluée, chaque pa­

tient devant bénéficier de la posologie mini­

male efficace adaptée. Chez les patients pour lesquels aucune réponse clinique n’est ob­

servée, le traitement devra être arrêté de ma­

nière progressive afin d’éviter un syndrome de sevrage.»

En conclusion, il faut noter que le proto­

cole de suivi de la RTU propose un «cadre d’utilisation sécurisé». Une initiative qui per­

mettra «de recueillir des données d’efficacité et de sécurité dans les conditions réelles d’utilisation». Les données collectées seront transmises par le prescripteur via un portail électronique spécifique (https://www.rtu baclofene.org ). La synthèse de ces données

«en vie réelle» sera complémentaire de celles issues des essais cliniques. Cet ensemble a été autorisé par la Commission nationale française informatique et libertés.

Déjà des voix s’élèvent. Certains hospitalo­

universitaires disent redouter que l’on se soit jusqu’ici focalisé sur les succès du baclofène.

Selon eux, la situation actuelle serait spécu­

lative, avec le risque d’ignorer les échecs et de sous­estimer les effets indésirables. D’au­

tres font observer que les effets indésirables,

parfois graves, relevés par les centres de toxi­

covigilance sont à mettre en balance avec les effets catastrophiques de l’alcoolisme. Ils disent et redisent que l’alcoolo­dépendance est une pathologie grave, complexe, avec des répercussions majeures tant individuelles qu’en termes de santé publique et qui néces­

site une prise en charge globale.

On peut déjà faire ici un parallèle avec la cigarette électronique et le tabagisme, entre la vapeur nicotinée et les goudrons cancéri­

gènes. On peut voir là deux révolutions thé­

rapeutiques en marche. Et bien loin, au fin fond du paysage, celle qui concernera l’al­

coolo­tabagisme.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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