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Théories féministes : quel écho au Parlement?

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Théories féministes : quel écho au Parlement?

LEMPEN, Karine

LEMPEN, Karine. Théories féministes : quel écho au Parlement? Plädoyer , 2007, vol. 25, no. 4, p. 56-61

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:75112

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La science juridique féministe enseigne qu'il existe diverses conceptions de l'égalité, qui peuvent être

rattachées à différents courants théoriques.

Quel type d'égalité souhaitent atteindre nos parlementaires?

Réflexions autour d'interventions récentes.

E

n cette année d'élections, un nombre élevé de motions et de postulats relatifs à l'égalité entre femmes et hommes ont été déposés au Parlement. Si certains se réfèrent explicitement au principe d'égalité entre les sexes, d'autres n'y font pas allusion, mais touchent à des thèmes centraux pour une évo- lution des rapports sociaux de sexe, comme la famille ou les violences.

A l'heure où l'égalité entre femmes et hommes fait clairement partie des objectifs visés par le pouvoir lé- gislatif, il semble que la question ne soit pas tant de savoir si nos parle- mentaires sont pour ou contre l'égalité entre femmes et hommes, mais bien plutôt de savoir pour quel type d'égalité ils et elles sou- haitent s'investir.

La science juridique féministe enseigne qu'il existe plusieurs conceptions de l'égalité qui peu- vent être rattachées à diverses théo- ries issues des courants féministes contemporains. Bien que la termi- nologie varie d'un ouvrage à l'au- tre, les traités de «Feminist Legal Theory» en distinguent principale- ment trois: la théorie libérale, la théorie relationnelle et la théorie ra- dicale1. Selon la théorie choisie, la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes implique une interdic- tion des différences de traitement injustifiées, une prise en considéra- tion accrue des valeurs féminines traditionnelles ou une interdiction de créer et de maintenir une hié- rarchie entre les sexes.

Le but de cette contribution est de montrer que les interventions faites au Parlement en matière d'égalité entre femmes et hommes reflètent ces multiples conceptions de l'égalité. Les paragraphes qui suivent présentent donc en quel- ques lignes les principales théories juridiques féministes – encore peu connues de la doctrine francopho- ne – et illustrent chacune d'entre elles à l'aide d'interventions parle-

mentaires portant sur des problé- matiques en lien avec l'égalité en- tre les sexes. Le fait d'inscrire ces propositions dans un cadre théo- rique permet de mieux percevoir les conséquences de leur adoption sur l'évolution des rapports entre les sexes. Par ailleurs, l'identification des théories qui sous-tendent les motions se prévalant du principe d'égalité entre femmes et hommes vise à éviter que ce principe ne de- vienne creux, instrumentalisé.

L'effort de classification effectué dans cet article ne doit toutefois pas faire oublier que les frontières qui séparent une conception de l'égali- té de l'autre sont perméables. Une proposition parlementaire reflète souvent plusieurs courants, la diffi- culté consistant, la plupart du temps, à proposer des mesures qui prennent en considération la réali- té de vie spécifique à un sexe, sans pour autant enfermer celui-ci, sur le long terme, dans un rôle déter- miné.

Un nombre significatif des textes mentionnés à titre d'exemple ont été déposés au Conseil national le 8 mars 2006, à l'occasion de la jour- née internationale des femmes et suite au rapport du Conseil fédéral relatif à l'évaluation de la loi sur l'é- galité2. Plusieurs d'entre eux ont été traités le 8 mars 2007 lors d'une séance plénière consacrée aux ob- jets liés à l'égalité entre femmes et hommes3.

La théorie libérale

1. Traitement identique sur le plan juridique

La théorie féministe libérale a évo- lué au fil des années. Face aux nom- breuses règles qui – jusque dans la seconde moitié du vingtième siècle en Suisse – tenaient explicitement les femmes à l'écart de la vie poli- tique et économique, les premiè- res féministes libérales ont tout

Théories féministes: quel écho au Parlement?

Karine Lempen, Dr en droit, Berne*

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d'abord insisté pour que femmes et hommes soient traités de manière identique sur le plan juridique, sous réserve des cas exceptionnels où des différences biologiques jus- tifieraient un traitement différent.

L'argument libéral classique, en vertu duquel il convient de suppri- mer sur le plan formel toute diffé- rence de traitement liée au sexe, est peu présent dans les interventions parlementaires récentes. En effet, la plupart des règles qui privaient expressément les femmes de la jouissance de droits accordés aux hommes ont été abrogées au cours de ces dernières décennies.

Quelques exceptions subsistent toutefois. La plus notable d'entre elles figure à l'art. 160 CC qui pré- voit encore que le nom de famille des époux est le nom du mari.

Afin d'assurer une égalité for- melle entre époux, la conseillère na- tionale Susanne Leutenegger Ober- holzer a déposé le 19 juin 2003 une initiative demandant notamment à ce que les règles relatives au nom de famille soient modifiées4. C'est sui- te à cette initiative que la Commis- sion des affaires juridiques du Conseil national a mis en consulta- tion, en juillet 2007, un avant-pro- jet de révision du Code civil5. L'avant-projet donne la possibilité aux femmes, comme aux hommes, de garder leur nom après le maria- ge et de le conserver toute leur vie.

Les parents mariés qui auront choi- si de porter des noms différents de- vront décider quel nom porteront leurs enfants communs. «L'égalité arrive […] à ses limites», relève la Commission, lorsque les parents ne parviennent pas à s'entendre sur le nom qu'ils veulent donner à leur enfant. En pareille hypothèse, l'en- fant portera le nom de sa mère. La Commission justifie cette entorse au principe d'égalité formelle en ex- pliquant «qu'à la naissance le lien maternel est établi et que l'enfant est en principe plus étroitement lié

à la mère dans la période qui suit la naissance»6. Si le premier motif (le lien à la naissance) est clairement de type biologique, le second (le lien durant la période qui suit la nais- sance) ne l'est pas nécessairement.

L'argument selon lequel un enfant est en principe plus étroitement lié à sa mère durant la période qui suit la naissance semble surtout pren- dre en considération une donnée sociale, à savoir que ce sont les mè- res qui, de nos jours encore, restent auprès des enfants au cours des pre- miers mois de leur vie, même s'il pourrait en être autrement.

A cet égard, l'avant-projet de la Commission reflète non seulement la version classique de la théorie li- bérale, suivant laquelle l'égalité en- tre femmes et hommes implique un traitement identique, sauf excep- tions biologiques, mais également une variante plus moderne de cette théorie, qui met l'accent sur le fait qu'un traitement différent se justi- fie lorsque femmes et hommes se trouvent de facto dans des situa- tions qui sont inégales ou dissem- blables7.

2. Tenir compte des conditions de vie différentes

Cette variante plus moderne de la théorie libérale part du constat qu’une interdiction formelle de traiter différemment les femmes et les hommes, non seulement ne suf- fit pas à réaliser une égalité maté- rielle entre les sexes, mais risque même, dans certains cas, de ren- forcer les inégalités au lieu de les supprimer. La prévoyance profes- sionnelle, par exemple, est un do- maine où il est nécessaire de tenir compte des situations de vie diffé- rentes dans lesquelles se trouvent encore les hommes et les femmes, si l'on souhaite éviter que ces der- nières ne sombrent dans la précari- té. Dans une interpellation du 21 mars 2007, Vreni Hubmann s'inquiète du sort des femmes qui

* La présente contribution s’inspire d’un ex- posé intitulé «Théories juridiques féminis- tes: quelle influence sur l’agenda politique suisse?», présenté le 31 mars 2007 à Berne, lors du 10e FRI Exchange organisé par l’as- sociation Pro FRI – Institut juridique fémi- niste suisse (site Internet: www.profri.ch).

L’auteure remercie les participantes à cette rencontre d’avoir partagé avec elle leurs ré- flexions.

1 Divers ouvrages en allemand présentent ces théories: Emmenegger Susan, «Feministis- che Kritik des Vertragsrechtes», Fribourg (Ed. Universitaires) 1999; Holzleithner Eli- sabeth, «Recht Macht Geschlecht. Legal Gender Studies», Vienne (Ed. Universitai- res) 2002; Foljanty Lena/Lembke Ulrike (éd.), «Feministische Rechtswissenschaft», Baden-Baden (Nomos) 2006. Les deux der- niers consacrent une section à la théorie Queer. L'influence de cette théorie sur les travaux parlementaires suisses n'est pas exa- minée dans le cadre de cette étude.

2 Rapport du 15 février 2006 relatif à l'éva- luation de l'efficacité de la loi sur l'égalité.

FF 2006 3061.

3 BO 2007 N 126-148.

4 Initiative parlementaire 03.428 Nom et droit de cité des époux. Egalité.

5 FF 2007 4999.

6 Rapport CAJ-CN 1.6.07 p. 15.

7 A ce sujet: Bigler-Eggenberger Margrith,

«Et si la Justice ôtait son bandeau? La ju- risprudence du Tribunal fédéral sur l'égali- té entre femmes et hommes», Genève, Bâle, Munich (Helbing & Lichtenhahn, Bureau fédéral de l'égalité) 2003, n° 674 avec les ré- férences.

écho au Parlement?

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ont renoncé à exercer une activité professionnelle pour se consacrer à leur famille et qui, en cas de divor- ce, risquent de finir leurs jours dans la pauvreté, si leur ex- conjoint décède. La conseillère na- tionale mentionne les situations particulièrement difficiles où un cas de prévoyance est survenu avant le divorce (retraite ou invali- dité du conjoint) et que le partage de la prévoyance au sens de l'art.

122 CC n'est pas possible.8 Des initiatives parlementaires plus an- ciennes avaient déjà relevé que les dispositions du nouveau droit du divorce en matière de prévoyance professionnelle ne protègent pas assez les femmes9. Un groupe de travail a été chargé de préparer des propositions sur la manière dont les intérêts des deux conjoints pourraient davantage être pris en considération. Il conviendra en particulier de garder à l'esprit que les veuves divorcées qui arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite n'ont pas bénéficié des mesures prises actuellement pour faciliter l'accès des femmes à la sphère pro- fessionnelle et, partant, à une in- dépendance financière.

3. Egalité des chances dans la vie professionnelle

La majorité des interventions faites au Parlement en matière d'égalité entre les sexes visent à lutter contre les discriminations qui touchent les femmes sur le marché du travail. A l'appui des différentes proposi- tions, des arguments de type éco- nomique sont souvent avancés.

Dans un postulat déposé au Conseil national le 8 mars 2006, par exemple, Susanne Leutenegger Oberholzer souligne qu'une écono- mie moderne ne peut se permettre de sous-exploiter le potentiel des femmes. «L'utilisation pleine et en- tière de la force de travail des fem- mes serait aussi un gain pour les en- treprises»10. La conseillère nationa-

le charge dès lors le Conseil fédéral de présenter dans un rapport de quelle façon les entreprises qui fa- vorisent l'égalité entre femmes et hommes pourraient être certifiées.

Parmi les indicateurs qui permet- traient de déterminer si une entre- prise peut prétendre à une certifi- cation, le postulat mentionne la mise en œuvre de l'égalité des salai- res entre femmes et hommes, la réalisation de la compatibilité en- tre vie de famille et vie profession- nelle, tant pour les hommes que pour les femmes, et une représen- tation équilibrée des sexes à tous les échelons hiérarchiques. Ces critères correspondent aux revendications classiques du féminisme libéral, qui met l'accent sur les mesures don- nant aux femmes la possibilité d'entrer sur le marché du travail aux mêmes conditions que les hommes.

Le combat pour obtenir la mise en œuvre du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale res- te, comme chacun·e sait, d'actuali- té. En témoignent les cinq inter- ventions à ce sujet qui ont animé les débats du 8 mars 2007 au Conseil national11.

La difficulté de concilier vie fa- miliale et vie professionnelle conti- nue, elle aussi, à faire couler beau- coup d'encre et de salive. L'insuffi- sance de places d'accueil pour les enfants12et l'absence de congé pa- ternité semblent, plus particulière- ment, se trouver au centre des pré- occupations. Le Conseil national a adopté, le 8 mars 2007, une motion du conseiller national Roger Nord- mann en faveur de l'instauration d'un congé paternité de quelques semaines13. A noter que les propo- sitions faites en la matière ne vont pas forcément dans le sens d'une amélioration de la situation des mè- res qui travaillent. Le 22 mars 2007, le conseiller national Oskar Freysinger a par exemple déposé une motion suggérant que ces der- nières renoncent à une partie de

leur congé afin d'en faire bénéficier le père14.

Enfin, l'adoption de mesures positives demeure nécessaire pour pallier la sous-représentation des femmes dans les conseils d'admi- nistration et les directions, en poli- tique ou dans les tribunaux de der- nière instance. Margret Kiener Nel- len charge ainsi le Conseil fédéral de créer les bases légales nécessaires pour garantir une représentation adéquate des hommes et des fem- mes parmi les juges suppléants des tribunaux fédéraux. Selon la conseillère nationale, en effet,

«l'égalité juridico-formelle à elle seule n'a que trop peu d'effets, et l'image que la société se fait de la profession de juge reste fortement empreinte de visions stéréotypées, très sexistes»15. Liliane Maury Pas- quier explique que si les femmes participent si faiblement aux élec- tions, c'est notamment parce qu'el- les ont l'impression que la politique est une affaire d'homme. La conseillère propose le lancement d'une campagne de sensibilisation destinée à promouvoir une plus grande participation des femmes à la vie politique16. Enfin, Franziska Teuscher demande au Conseil fé- déral quelles mesures seraient sus- ceptibles d'augmenter le nombre de femmes dans les conseils d'ad- ministration et les directions.

«Alors que le nombre de femmes titulaires d'un diplôme universitai- re et disposant d'expérience dans le monde de l'entreprise ne cesse d'augmenter […], l'économie suis- se perd le savoir-faire des femmes et reste engoncée dans un système traditionnel de partage des rôles»17. A noter qu'aucune des conseillères nationales susmentionnées n'in- voque des arguments de type diffé- rentialiste («touche féminine»

bienvenue) pour justifier la néces- sité d'accroître le nombre de fem- mes dans le monde économique, politique ou judiciaire.

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La théorie relationnelle

1. Reconnaissance

des valeurs dites féminines Fortement influencée par les résul- tats de recherches menées dans le champ de la psychologie, la théorie féministe relationnelle part du principe qu'il existe des différences fondamentales (culturelles) entre les sexes. Dans son ouvrage «In A Different Voice» (1982), Carol Gilligan explique que femmes et hommes ont des façons différentes de se sortir d'un dilemme moral.

Alors que les premières ont ten- dance à se mettre à la place des per- sonnes concernées en prenant en considération les liens émotionnels qui les unissent, afin de trouver une solution concrète pour le cas d'espèce, les seconds analysent plu- tôt la situation à la lumière de prin- cipes abstraits, afin de dégager une solution qui soit valable de façon générale. Les travaux de Gilligan ont servi de base au développement d'une théorie éthique censée reflé- ter le point de vue féminin, l'Ethique des soins, traditionnelle- ment opposée à l'Ethique des droits, qui correspondrait davan- tage à la perspective masculine. La critique relationnelle met en évi- dence à quel point notre ordre ju- ridique repose sur une Ethique des droits, orientée vers des règles gé- nérales et abstraites, et ne prend pas suffisamment en considération les valeurs féminines du care, telles que la sensibilité au contexte ou la re- cherche du consensus18.

Alors que les premières théori- ciennes libérales étaient mues par le souci de garantir une égalité formel- le entre les sexes dans le cadre des procédures judiciaires existantes, le courant relationnel critique le carac- tère conflictuel de ces procédures et plaide en faveur de modes de réso- lution des litiges plus consensuels, comme la médiation19. En accor-

dant une place importante au règle- ment préalable ou extrajudiciaire des litiges (conciliation, médiation), le projet de code de procédure civi- le suisse20, discuté dernièrement au Conseil des Etats, témoigne d'une prise en considération accrue des valeurs relationnelles au sein du sys- tème juridique helvétique. Il est in- téressant de relever que l'engoue- ment actuel pour les modes de réso- lution des conflits reposant sur des valeurs attribuées aux femmes sem- ble concerner aussi bien ces derniè- res que les hommes21.

Une meilleure reconnaissance des valeurs relationnelles que sont l'altruisme, le dévouement, l'affec- tion ou le sens de la responsabilité à l'égard des autres, devrait par ailleurs impliquer une revalorisa- tion du travail accompli de façon bénévole, majoritairement par des femmes, à domicile ou dans le ca- dre familial. Aucune intervention parlementaire récente en Suisse ne s'aventure à demander une rému- nération de ce travail, proposition qui risquerait de légitimer une pré- sence exclusive des femmes dans la sphère domestique. Dans un pos- tulat du 8 mars 2006, la conseillè- re nationale Bea Heim se soucie bien plutôt de la reconnaissance, sur le marché du travail, des com- pétences acquises dans le cadre ex- traprofessionnel22. A l'instar des interventions susmentionnées de- mandant l'adoption de mesures po- sitives, le postulat met en avant les

«compétences acquises» par les femmes et non les «valeurs propres»

à ces dernières. En effet, si l'argu- ment de la différence est parfois uti- lisé pour intégrer les femmes sur le marché du travail et en politique, il risque par ailleurs aussi d'être utili- sé à leur détriment.

2. Risques liés à la rhétorique différentialiste

La principale faiblesse de la rhéto- rique féministe relationnelle est

8 Interpellation 07.3134 Veuves divorcées dans l'indi- gence? Voir aussi un postulat Humann 07.3135 Veu- ves divorcées. Lacunes du système de prévoyance.

9 Initiative Thanei 04.405 Compensation de la pré- voyance en cas de divorce; Initiative Sommaruga 04.409 Divorce. Egalité de traitement effective de la femme en matière de partage des prestations de sortie LPP.

10Postulat 06.3035 Certification des entreprises appli- quant l'égalité entre hommes et femmes.

11Interpellation Daguet 06.3803 Mesures pour parvenir à l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans l’économie privée; Motion Teuscher 06.3859 Pour une véritable égalité des salaires; Motion Teuscher 06.3338 Application du test de l’égalité salariale dans l’administration fédérale; Postulat Teuscher 06.3343 Contrôle des résultats. Application du test de l’égalité salariale au secteur privé; Postulat Leutenegger Ober- holzer 06.3391 Conférence nationale sur l’égalité des salaires entre femmes et hommes.

12Voir, par exemple, une motion Savary 07.3234 Mise en place de crèches familiales, ainsi qu'une interpellation Forster-Vannini 07.3424 Financement de la garde des enfants. Projets pilotes.

13Motion 06.3662 Un congé paternité pour associer les pères dès la naissance.

14Motion 07.3156 Loi fédérale sur le régime des alloca- tions pour perte de gain. Modification.

15Motion 07.3372 Représentation adéquate des deux sexes dans les tribunaux.

16Motion 07.3148 Pour une plus grande participation des femmes à la vie politique.

17Question 07.1072 Part des femmes dans les conseils d'administration et les directions.

18Une récente étude montre toutefois que les juges, quel que soit leur sexe, souhaitent rendre un jugement qui tienne compte à la fois des particularités du cas concret (Ethic of Care) et du principe inscrit dans la règle de droit (Ethic of Justice): Angehrn Evelyne / Ludewig Revidal, Erleben und verarbeiten Richterin- nen Moraldilemmata anders als Richter?, in «Zwischen Recht und Gerechtigkeit: Richterinnen im Spiegel der Zeit» [Ludwig R. et al.], Berne (Stämpfli) 2007, p. 133 ss.

19A titre d'illustration: Kägi-Diener Regula, Frauen in rechtlichen Verfahren? Prozesse unter der Lupe, in AJP/PJA 7/2005, p. 1387 ss.

20FF 2006 6841.

21Selon une recherche récente, les jeunes juges auraient tendance à préférer les modes de résolution des conflits axés sur la médiation, alors que l'ancienne génération aurait tendance à privilégier un style plus autoritaire et ce, aussi bien chez les femmes que chez les hommes:

Steiner Christina, Die Zivilrichterin und die Parteien:

Richten Richterinnen mediativer?, in «Zwischen Recht und Gerechtigkeit: Richterinnen im Spiegel der Zeit»

[Ludwig R. et al.], Berne (Stämpfli) 2007, p. 117 ss.

22Postulat 06.3030 Egalité des sexes. Reconnaissance des compétences acquises dans le cadre extraprofessionnel.

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que ses arguments risquent d'être utilisés à des fins antiféministes.

Alors que le féminisme relationnel demande une reconnaissance des valeurs féminines qui se traduise par une véritable transformation de l'ordre juridique ou une améliora- tion concrète de la situation des femmes qui se consacrent à leur fa- mille, ses arguments viennent par- fois alimenter un discours conser- vateur susceptible de renforcer les rôles féminins et masculins et, par- tant, de perpétuer les inégalités en- tre les sexes (effet boomerang).

A titre d’illustration, on peut ci- ter quelques extraits de l’interven- tion faite par le conseiller national Oskar Freysinger lors des débats re- latifs à l’égalité qui ont eu lieu au Parlement le 8 mars 2007: «Quant à l'aspect philosophique du concept d'égalité, eh bien, si j'étais femme, je revendiquerais l'inégali- té. Je la revendiquerais comme un droit fondamental, celui d'être dif- férente, de penser et d'agir autre- ment. Le droit d'être soi-même, d'être cet être merveilleux et irrem- plaçable qui, si tendrement, sait ex- traire l'homme de sa barbarie sécu- laire. […] Je dis aux femmes: osez redevenir des femmes, et aux hom- mes: osez redevenir des hommes, des vrais qui en ont et qui s'assu- ment. La journée dite d'égalité que nous célébrons aujourd'hui n'est qu'un leurre, qu'un triste pagne servant à cacher l'aliénation de no- tre société […] Merci, Mesdames, d'exister et d'ennoblir mes instincts à travers votre féminité triomphan- te. Merci de ne pas vous rabaisser à un exercice d'égalitarisme stérile!23» Si, malgré ses fioritures, ce type de discours politique contribue effica- cement à perpétuer les stéréotypes liés à la féminité et la masculinité, ce qui frappe surtout, à la lecture de cette prose, c'est le naturel avec le- quel l'orateur utilise les termes de différence et d'inégalité comme sy- nonymes, le droit d'être différente

impliquant la revendication d'une inégalité. Or, si le fait que femmes et hommes soient différents n'est pas nécessairement problématique du point de vue de la théorie fémi- niste, le fait que ceux-ci soient so- cialement inégaux l'est en revanche toujours.

La théorie radicale

La théorie féministe radicale intro- duit l'idée selon laquelle les sexes ne sont pas seulement différents, mais sont surtout socialement inégaux.

Selon ce courant doctrinal, les dis- criminations fondées sur le sexe trouvent leur origine dans le pou- voir (économique, politique, fami- lial) qu'exercent les hommes sur les femmes. La théorie radicale met en lumière l'existence d'une hiérarchie sociale définissant le masculin comme supérieur au féminin. Le principe d'égalité n'est pas violé par un traitement différent des femmes et des hommes, mais par la créa- tion, le maintien ou le renforce- ment de cette hiérarchie. Une conduite est discriminatoire lors- qu'elle contribue à perpétuer l'iné- galité de pouvoir entre femmes et hommes.

1. Lutte contre la violence à l'égard des femmes

Un des grands mérites du courant féministe radical est d'avoir défini la violence à l'égard des femmes comme un phénomène ayant pour effet de maintenir la subordination sociale de ces dernières aux hom- mes et, dès lors, comme une discri- mination fondée sur le sexe. Dans une motion du 18 décembre 2006, Maria Roth-Bernasconi rappelle que «la violence à l'égard des fem- mes, y compris la violence domes- tique, résulte du déséquilibre des pouvoirs dans la société. C'est une violation des droits de l'homme et un obstacle majeur empêchant de surmonter l'inégalité entre les fem-

mes et les hommes». La conseillère nationale prie pour cette raison le Conseil fédéral de participer active- ment à la campagne du Conseil de l'Europe qui vise à combattre la vio- lence à l'égard des femmes, y com- pris la violence domestique, et in- voque la nécessité d'agir, notam- ment en établissant un plan d'ac- tion national dans ce domaine24. Un plan d'action est également jugé nécessaire par Doris Stump qui, dans un postulat du 7 octobre 2005, charge en outre le Conseil fé- déral de rédiger un rapport identi- fiant les causes de la violence do- mestique.25Dans une motion plus récente, du 23 juin 2006, la conseillère nationale constate que les «hommes sont encore trop nom- breux à considérer la violence à l'égard des femmes et des enfants comme une manière légitime d'im- poser leur propre volonté. Les fem- mes et les enfants sont souvent considérés comme des objets dont les hommes peuvent disposer, et non comme des êtres humains».

Soulignant que la publicité sexiste favorise et légitime cette attitude, la parlementaire souhaite que le Conseil fédéral crée les bases léga- les nécessaires à l'interdiction de ce type de publicité26, en s'inspirant des principes dont s'est volontaire- ment dotée la Commission suisse pour la Loyauté27.

2. Autonomie limitée et discriminations multiples Une stratégie de lutte contre la vio- lence à l'égard des femmes risque de les enfermer dans un rôle de victi- me, si elle ne prévoit pas – en sus d'une punition plus efficace des au- teurs – des mesures aptes à renfor- cer l'autonomie dont jouissent les femmes, malgré leur position so- cialement inférieure. A côté des nombreux textes parlementaires vi- sant une répression accrue des vio- lences sexuelles, certaines interven- tions cherchent ainsi plutôt à ac-

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croître la marge de manœuvre des femmes qui risquent d'être victi- mes de violences, non seulement en raison de leur sexe, mais aussi de leur âge et/ou de leur statut juri- dique.

Franziska Teuscher relève, par exemple, que des cours d'autodé- fense spécifiques pour les jeunes filles leur permettraient d'avoir plus d'assurance28. Anne-Catheri- ne Menétrey-Savary interpelle quant à elle le Conseil fédéral sur la nécessité de rendre applicables aux femmes migrantes qui subissent des violences de la part d'un conjoint titulaire d'un permis B, les dispositions de la loi sur les étran- gers concernant l'octroi d'une autorisation de séjour ou la prolon- gation de sa validité en cas de dis- solution de la famille29. Egalement attentive à la situation de dépen- dance particulière dans laquelle se trouvent nombre de migrantes en Suisse, Ursula Haller demande que, lors d'une procédure d'octroi d'un visa, du regroupement familial ou de préparation au mariage, toute personne étrangère qui aura son domicile conjugal en Suisse reçoi- ve, dans une langue qu'elle com- prend, des informations sur les rè- gles fondamentales du droit suisse, notamment en matière matrimo- niale, d'égalité entre hommes et femmes, ou d'autodétermination.

«Il faudra également indiquer à la personne étrangère que certains ac- tes tels que la violence domestique ou le mariage forcé sont passibles d'une sanction, et la renseigner sur les centres d'accueil en la matiè- re.»30

L'importance d'informer les mi- grantes sur leurs droits est égale- ment soulignée par Reto Wehrli, dans une motion intitulée «Fem- mes étrangères. Intégration et éga- lité»31. L'argumentation dévelop- pée, suivant laquelle une intégra- tion réussie des femmes étrangères en Suisse passerait par une révision

des tâches des bureaux de l'égalité – dont l'inefficacité est soulignée – et une réaffectation des ressources dont ils disposent, laisse toutefois penser que, derrière la protection des migrantes, se cachent parfois d'autres objectifs, moins nobles.

Conclusion

L'étude des propositions récem- ment faites au Parlement en matiè- re d’égalité montre que celles-ci re- flètent – délibérément ou non – les préoccupations des courants doc- trinaux qui coexistent au sein de la science juridique féministe.

Quelques jours avant la fin du dé- lai de rédaction de cet article, deux interventions parlementaires, du 5 octobre 2007, viennent encore illustrer ce propos. La première, d'inspiration libérale, demande que le football féminin, qui touche aussi un large public, soit mieux subventionné32. La seconde, qui fait écho à la théorie relationnelle, suggère qu'on tienne compte, dans le cadre du service civil, du rôle

«particulier» que les femmes peu- vent jouer lors des processus de paix33.

Même si une position féministe unique serait probablement plus fa- cile à mettre en œuvre sur le plan politique, on peut se réjouir d'une telle diversité qui rend justice à la complexité du sujet et au fait que les stratégies choisies pour réaliser l'égalité entre femmes et hommes se doivent d'évoluer d'époque en époque. Au cours des dernières an- nées, plusieurs personnes au Parle- ment, majoritairement des fem- mes, ont assuré le lien nécessaire entre théorie juridique féministe et pratique politique. Espérons que nos politicien·ne·s fraîchement élu·e·s poursuivront le mouvement amorcé.

23BO 2007 N 138.

24Motion 06.3725 Campagne contre la vio- lence à l'égard des femmes.

25Postulat 05.3694 Identifier les causes de la violence et engager la lutte contre ce phé- nomène.

26Motion 06.3373 Interdiction de la publici- té sexiste.

27Règle n° 3.11, mai 2007.

28Question 06.1180 Cours d'autodéfense comme composants d'une stratégie contre la violence envers les jeunes filles.

29Interpellation 06.3781 Loi sur les étrangers et violence conjugale.

30Motion 07.3116 Pour que les droits et les obligations attachés au mariage soient connus et compris de tous.

31Motion 06.3706.

32Interpellation 07.3739 Davantage de sou- tien pour le football féminin en Suisse.

33Motion 07.3684 Femmes et service civil.

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