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Circulation karstique dans la couverture sédimentaire mésozoïque du massif de Pormenaz (Haute-Savoie)

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Circulation karstique dans la couverture sédimentaire mésozoïque du massif de Pormenaz (Haute-Savoie)

SESIANO, Jean, DELAMETTE, Michel

Abstract

Une série de traçages à la fluorescéine a permis de mettre en évidence la liaison entre les pertes du torrent du Souay, en-dessous du chalet-hôtel de Moëde-Anterne, et une émergence plus bas dans la vallée, proche des chalets du Souay. Le fluorimètre de terrain a donné une bonne courbe de restitution. Des venues d'eau issues de éboulis tapissant la base des falaises des Fis se greffent sur le torrent souterrain, modifiant sa physico-chimie. La circulation hydrogéologique se fait dans le Trias du sommet de la couverture sédimentaire du massif de Pormenaz.

SESIANO, Jean, DELAMETTE, Michel. Circulation karstique dans la couverture sédimentaire mésozoïque du massif de Pormenaz (Haute-Savoie). Nature et Patrimoine en Pays de Savoie , 2020, no. 60, p. 7-12

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:138328

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espaces naturels rapport d’étude

mésozoïque du massif de Pormenaz (Haute-Savoie) Circulation karstique dans la couverture sédimentaire

Introduction

A cheval sur la frontière franco-suisse, à l'est de la vallée de Chamonix, le massif cristallin des Aiguilles Rouges (AR) a conservé une partie de sa couverture sédimentaire qui présente toutes les caractéristiques d'une série réduite (par exemple absence des roches du Jurassique inférieur, niveaux condensés et minéralisés) montrant que le bloc des AR était un haut-fond dans la paléogéographie alpine. Cette caractéristique explique le faible développement des phénomènes karstiques comparés à ceux nombreux et importants existant dans le massif de Platé et du Haut-Giffre bordant vers l'ouest les AR (MAIRE, 1993. DELAMETTE, 2010) (fig.2 page suivante).

A notre connaissance, seulement deux sites karstiques dans la couverture sédimentaire des AR ont fait l'objet de publications. Le plus ancien, qui est aussi le plus important témoin karstique, concerne la grotte de Salenton connue de longue date (inscription remontant au XVIIe siècle, observation inédite MD) et dont la première publication semble dater de la fin du XIXe siècle (WAGNON, 1897), la première topographie ayant été publiée 40 ans plus tard (CHEVALIER, 1937).

Le second phénomène karstique situé dans la partie septentrionale des AR en Valais a été étudié par l'un de nous (JS) au-dessus du lac artificiel de Salanfe, à l'est des Dents du Midi (SESIANO, 2003).

Le troisième phénomène karstique, objet de cet article, est situé quant à lui dans la partie méridionale des AR en Haute-Savoie sur la commune de Passy et concerne l'hydrogéologie karstique du ravin du Souay creusé par le torrent éponyme.

Le torrent du Souay et son ravin

Tel qu'il est compris ici, le ravin du Souay (fig. 1), cadre de cette étude, correspond au cours supérieur du torrent qui prend sa source vers 2 200 m dans les pentes méridionales du col d'Anterne et conflue vers 850 m à Servoz avec le torrent de la Diosaz, affluent rive droite de l'Arve.

Les limites altitudinales du ravin sont, vers l'amont 1 950 m au sud du refuge de Moëde et, vers l'aval 1 550 m après la cascade du Souay.

Abréviations

Dans tout l'article, les abréviations suivantes sont utilisées :

AR : Aiguilles Rouges JS : Jean Sesiano MD : Michel Delamette

RNP : Réserve naturelle nationale de Passy.

Fig. 1 : Le ravin du Souay vu depuis la Ratelière (massif de Platé) : principaux points d’intérêt

Remerciements

Nous remercions le Conservatoire des Espaces naturels de Haute-Savoie pour les autorisations accordées à cette étude ainsi que Julien HEURET, garde de la RNP, P.-A. SCHNEGG, de l'Université de Neuchâtel, pour le dépouillement des cartes-mémoires du fluorimètre et Cheng-Mei SESIANO pour son aide lors des traçages. Les mousses des sources de Barmèche ont pu être identifiées grâce à Jean-Louis CHEYPE (Société de Mycologie et d'Histoire naturelle du Mont-Blanc) et à son réseau de bryologistes.

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Inclus presque intégralement dans la Réserve naturelle nationale de Passy (RNP), ce ravin constitue un élément géomorphologique particulier mar- quant la limite entre le petit massif de Pormenaz dépendant des AR et le massif sédimentaire de Platé.

Le ravin s'achève assez brusquement vers 1 650 m d'altitude par la cascade du Souay à la base de laquelle existe en rive droite à l'altitude d'environ 1 600 m une source perchée à près de 5 m au-dessus du lit du torrent (fig. 3-4). En accédant avec prudence à la bouche même de la source, on constate que l'eau est issue d'un ori- fice creusé dans des calcaires dolomi- tiques. Il s'agit donc d'une émergence dont l'origine des eaux fait l'objet de cet article. Contrairement aux eaux du torrent dont le débit et la température sont très variables, cette source pré- sente curieusement une certaine sta- bilité de débit ainsi qu'une amplitude thermique estivale ne dépassant guère 1°C, avec des valeurs autour de 8°C.

A l'occasion de levers géologiques dans ce ravin réalisés par l'un de nous (MD), il avait été noté qu'en période estivale le débit du torrent diminuait fortement vers 1 910 m, en amont de la traversée du sentier reliant la piste pastorale de Moëde au Pas de la Forclette, allant même jusqu'à sa complète disparition légèrement en aval (observation du 16 septembre 2019 : point 4 sur fig. 1). Le torrent est ensuite réalimenté en rive droite vers 1 880 m par les deux sources froides de Barmèche (fig. 5 et points 5 et 6, fig. 1) et le ruisselet temporaire de Barmèche. Le débit semble diminuer de nouveau à la traversée de l'ombilic 1 850 m (point 8 sur fig. 1). Plus en aval, la réalimentation est assurée par deux ruisseaux permanents issus de Pormenaz, l'un provenant de la grande tourbière de Pormenaz confluant vers 1 790 m avec le Souay, et l'autre issu du déversoir du lac de Pormenaz confluant vers 1 680 m.

Cadre géologique

Entre le refuge de Moëde-Anterne et les chalets du Souay, le torrent du Souay a creusé un ravin dont le tracé coïncide presque entièrement avec une limite géologique majeure séparant l'unité mésozoïque1 et cénozoïque2 de Platé de l'unité essentiellement paléozoïque de Pormenaz (fig. 6).

Dépendant géologiquement du massif cristallin externe des Aiguilles Rouges dont il n'est séparé que par l'entaille torrentielle de la Diosaz, le petit massif de Pormenaz est constitué pour l'essentiel de roches d'âge paléozoïque organisées en deux ensembles, l'un cristallin composé de granite et de gneiss sur lequel viennent en discordance des roches sédimentaires (conglomérats, grès, arko- ses et argilites) datées du Carbonifère supérieur (Pennsylvanien, anciennement Westphalien ou Silésien, LOX et BELLIERE, 1983), témoins d'un bassin intra- continental palustre alimenté par des rivières (DELAMETTE, 2002, fig. 109).

En discordance, mais en contact stratigraphique sur ces roches anté-alpines Fig. 2 : Carte de situation du site du ravin du Souay et cadre géologique

(adapté de DELAMETTE, 1993)

Fig. 3 : Le site de la cascade du Souay depuis les chalets du Souay. La flèche blanche pointe le site de la source étudiée

Pour en savoir plus

Les coordonnées et mesures de température et de conductivité de cette étude sont disponibles sur simple demande auprès des auteurs.

Jean SESIANO jean.sesiano@unige.ch Michel DELAMETTE michel.delamette@yahoo.fr

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(bien visible au Pas de la Forclette : fig. 7), on observe une série sédimentaire d'épaisseur décamétrique représentée par des grès, des argilites, des calcaires dolomitiques et des cargneules3, association typique du Trias (AMBERGER, 1959 ; BRETON, 1972 ; WIZEVICH et al., 2019). Ces roches triasiques sont presque toujours surmontées d'une petite barre de calcaires fins marmorisés ne dépassant guère 2 à 3 m d'épaisseur (calcaires du Souay de PAIRIS, 1975) dont l'attribution stratigraphique a fait l'objet d'interprétations variées allant du Trias au Jurassique supérieur. Cependant, des calcaires similaires affleurant au col de Salenton ont fourni à S. AYRTON (1972) des microfossiles identifiables à des calpionelles4 permettant de les rapporter avec une certaine certitude au Jurassique terminal (Tithonien).

Cette série de roches mésozoïques constitue une couverture sédimentaire rédui- te en place sur le bloc cristallin des Aiguilles Rouges dont le témoin le plus connu est le célèbre chapeau sédimentaire de l'Aiguille du Belvédère, point culminant des Aiguilles Rouges (FAVRE, 1867; COLLET, 1943). Structuralement, la série du ravin du Souay présente un pendage relativement constant de 30 à 40° vers le NW avec une direction NE-SW. A noter qu'au niveau de la source étudiée ici, le pendage semble s'accentuer fortement vers 70° mais les conditions d'affleu- rement sont médiocres et les failles nombreuses.

La série du Souay est séparée de la couverture charriée de Platé dont les roches les plus anciennes sont datées de la limite Jurassique inférieur-moyen par un accident tectonique majeur correspondant à un plan de chevauchement que l'on suit vers le NE jusqu'aux Dents du Midi en Valais (AYRTON, 1972). A proximité de cet accident, la couverture autochtone des Aiguilles Rouges est parfois clivée de sorte que les calcaires marmorisés peuvent disparaître localement, voire être intriqués avec des cargneules (fig. 8).

Le ravin du Souay ayant une direction légèrement plus méridienne que la direc- tion des couches, ces dernières traversent le cours du torrent. Ce dispositif géologique permet ainsi l'intersection par le cours d'eau d'amont en aval des couches karstifiables (car solubles) tels que les calcaires marmorisés, les car- gneules et les dolomies.

Le dispositif hydrogéologique à l'origine de la source de la cascade du Souay semble alors assez simple : perte partielle des eaux du Souay entre les altitudes 1 940 et 1 850 dans les couches karstifiables de la couverture sédimentaire de Pormenaz recoupant le ravin puis écoulement souterrain parallèlement à la direction des couches jusqu'au point d'émergence probablement situé sur une des nombreuses failles observées à la base de la cascade du Souay.

Ne restait alors plus qu'à concrétiser cette hypothèse fondée sur le contexte géologique en réalisant une coloration pour obtenir une belle courbe de restitu- tion et un temps de transfert. Mais la mise en œuvre de ce traçage a été plus compliquée que prévu...

Déroulement des traçages

Afin d'élucider l'origine de la source de la cascade du Souay et après obtention des autorisations nécessaires liées à son appartenance au territoire de la RNP, nous avons décidé d'effectuer un traçage avec de la fluorescéine, un puissant colorant inoffensif pour l'environnement mais spectaculaire dans son expression (fig. 9).

A première vue, le traçage semblait assez simple à mettre en œuvre, la distance entre la zone des pertes supposées et l'émergence étant d'environ 1 500 m pour une dénivellation de près de 300 m. Les formules classiques utilisées pour connaître la quantité de colorant à utiliser préconisent l'utilisation d'une valeur bien inférieure à 100 g de fluorescéine, compte tenu du faible débit du cours d'eau et de la distance évaluée entre perte et résurgence (AUDRA, 2001).

Pour détecter le traceur, des fluocapteurs de charbon actif ont été placés dans l'eau en amont de l'émergence, à l'émergence elle-même, ainsi qu'en aval de l'émergence, près de la passerelle du Souay. Par ailleurs, afin d'avoir une idée plus précise du temps de passage ainsi que la courbe de restitution du colorant à la source, un fluorimètre de terrain, développé par M. P.-A. SCHNEGG, de l'Université de Neuchâtel, a été installé une première fois dans le torrent près du sentier supérieur traversant le Souay puis, une seconde fois, plus à l'amont, à l'émergence elle-même. Cet appareil consiste en une sonde plongée dans l'eau

Fig. 4 : La source de la cascade du Souay le 15 juillet 2018 et son contexte géologique (échelle donnée par le personnage)

Fig. 5 : Source amont de Barmèche aux eaux froides et minéralisées (températures stables vers 5°C) avec des vasques colonisées par la mousse Palustriella commutata

1 ou ère secondaire (de -245 à -65 Ma)

2 ou ère tertiaire (de -65 à -2,6 Ma)

3 voir article paru dans NPPS n°2

4 groupe disparu de microfossiles

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reliée par un câble à un boîtier d'enre- gistrement alimenté par une batterie et doté d'une carte-mémoire. Un pas de mesure de 4 minutes a été choisi.

Le lecteur aura remarqué que l'on parle ici d'expériences au pluriel, et donc que tout ne s'est pas déroulé comme prévu...

Pour commencer, le 13 juin 2017, un fluocapteur est placé dans le Souay pour vérifier le bruit de fond. En effet, il n'était pas impossible, bien que l'on nous ait assuré du contraire, que des effluents chargés de matière organi- que issus du refuge de Moëde rejoi- gnent le Souay et perturbent le signal.

Le 27 juin, ce fluocapteur est récupéré et n'indique rien de particulier. Le tra- çage pouvait donc débuter.

< Premier traçage, le 5 juillet 2017 Une trentaine de grammes de fluorescéine diluée est déversée dans le Souay, à l'amont de la zone de pertes supposées (point 2 sur fig. 1), dans un débit d'une dizaine de litres par seconde (l/s). L'émergence est quant à elle toujours aussi vaillante avec un débit d'environ 20 à 30 l/s.

Malgré une surveillance d'une dizaine d'heures, rien n'est discernable à l'œil nu au niveau de la passerelle du Souay. Comme le fluorimètre n'a pas été installé, nous plaçons seulement des fluocapteurs. De retour trois jours plus tard, le débit du Souay a encore baissé. Les fluocapteurs analysés semblent indiquer que du colorant est passé mais l'extraction est douteuse.

< Deuxième traçage, le 10 octobre 2017 Le fluorimètre est placé dans le Souay, un peu en aval de l'émergence, avec l'idée d'observer sur l'enregistrement deux pics : l'un résultant du passage par le trajet souterrain, de la zone d'infiltration à l'émergence, et l'autre issu du cours aérien du Souay. Cette fois, pour lever toute ambiguïté, ce sont 120 g de colorant qui sont déversés dans le Souay. Le débit est très faible, environ 4 l/s.

L'émergence donne encore un débit estimé entre 20 et 30 l/s avec toujours une température assez basse, ce qui indique des réalimentations du cours souterrain dont nous reparlerons ultérieurement. Des fluocapteurs sont aussi placés à l'émergence et dans le Souay. A la nuit tombante, nous quittons les lieux sans avoir observé quoi que ce soit et laissons le fluorimètre surveiller le torrent durant la nuit. Le lendemain, de retour vers 10 h, nous traitons sur place les

rapport d'étude

Fig. 6 : Deux coupes structurales du ravin du Souay (adaptées et modifiées d'après AMBERGER, 1959)

Fig. 7 : Coupe stratigraphique et structurale du Pas de la Forclette (adaptée et modifiée d'après BRETON, 1972)

Fig. 8 : Les calcaires marmorisés (d'âge probablement Jurassique supérieur) surmontant des calcaires dolomitiques du Trias moyen en rive droite du Souay, à proximité des pertes constatées du torrent, le 16 septembre 2018 (voir point 4 sur fig. 1)

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fluocapteurs. Tant ceux placés à l'émergence que ceux du torrent montrent un passage possible du traceur. L'expérience est arrêtée à 13 h. Plus de 24 heures pour parcourir 1 500 m, voilà un colorant qui prend ses aises. Il est vrai que le torrent de surface doit traverser, avant sa rupture de pente en amont du déversoir du lac de Pormenaz vers la cote 1 850 m, un ombilic rempli de sédiments et ceux-ci présentent une fraction argileuse qui peut fixer une partie importante du colorant (point 8 sur fig. 1). Fort heureusement, le fluorimètre nous donnera une réponse claire : le colorant a bien été détecté 5 h 30 après son injection, étant arrivé groupé, comme l'attestent la montée et la culmination très nettes de la courbe de réponse (fig. 10). Puis a suivie une lente décroissance de plus de 20 heures.

Cependant, les deux pics attendus ne se sont pas manifestés ; donc, chenal aérien ou souterrain, difficile de trancher. Afin d'en avoir le cœur net, un extrait du fluocapteur placé à l'émergence même est envoyé au spectrofluorimètre de Neuchâtel. Le verdict est clair : le colorant a transité par la source. Enfin une preuve !

< Troisième traçage, le 15 juillet 2018

II restait encore quelques points en suspens : quid du passage par le torrent ? Relations entre le débit du torrent à la perte et le temps de passage ? Pour en terminer avec cette expérience, nous installons une sangle reliée à un piton qui assure la sonde plongée dans une petite vasque 50 cm plus bas que l'émergence. Grâce à la longueur de son câble, le boîtier d'enregistrement peut rester en bas sur les grès du Trias. Malheureusement, une tension dans le câble (passage d'un animal nocturne ?) qui le relie à la sonde désolidarise légèrement la prise, permettant à de l'eau d'entrer dans la connexion. Quelques heures après le début de l'expérience, l'enregistrement nous montre un signal complètement aberrant, perturbé de plus par le bouillonnement (bulles d'air) produit à la source.

L'expérience a totalement raté...

< Quatrième traçage, le 16 septembre 2019

Cette fois-ci, 200 g de fluorescéine sont déversés dans un débit d'environ 5 l/s avec une eau à plus de 17°C ! Cette eau se perd totalement dans le lit du torrent vers 1 900 m. Afin d'éviter le problème de la tension dans le câble et le phénomène des bulles, la sonde est mise dans un seau lesté et bien calé, placé dans le lit même du Souay, alors au plus bas, alimenté par un tuyau de quelques mètres de longueur depuis la source permettant de placer l'enregistreur sur la rive gauche du torrent (fig. 11). Trois fluocapteurs sont placés à la source, dans le Souay et dans le seau. Une visite, 24 h plus tard, nous montre que tout est en ordre. L'extraction d'un fluocapteur étant négative, nous décidons de laisser l'installation de mesures en place, son autonomie étant d'une dizaine de jours. Une faible perturbation est annoncée pour le 22 septembre au soir, mais la pression étant élevée, cela ne devrait pas gêner l'expérience. Funeste supposition ! Sur ce terrain aride après un été très sec, les précipitations bien que faibles ont provoqué une brève vague de crue dans le Souay. Le 24 septembre, une mauvaise surprise nous attend sur le site de la source. Le seau du captage et le tuyau ont été arrachés, le seau de la sonde n'est plus alimenté, mais le lest l'a maintenu en place. L'enregistreur placé assez haut est heureusement resté hors crue. Nous l'arrêtons donc 190 h après l'injection du colorant. Seuls les fluocapteurs placés à la source n'ont pas été emportés.

Et là, nouvelle surprise, la carte-mémoire livre une courbe très bizarre dont il n'est pas possible de dire si elle est due au passage du colorant ou à une abondance de matière organique... Il en sera de même avec les fluocapteurs placés au fond du seau sous la sonde, et à la source, pour lesquels la réponse du spectrofluorimètre de Neuchâtel est formelle : pas de trace du passage de colorant mais une abondance de matière organique donnant un signal parasite dont la longueur d’onde est proche de celle de la fluorescéine...

Interprétations des traçages

Les expériences de traçages ne nous ont pas permis d'obtenir une courbe de restitution correcte à l'émergence ni d'obtenir un temps précis de transit depuis les pertes. En revanche, elles ont montré qu'il existe bien une connexion entre les pertes du cours supérieur du Souay et l'émergence de la cascade du Souay.

Nous avons aussi pu préciser certaines des modalités du fonctionnement

Fig. 9 : Injection du colorant le 5 juillet 2017 (point 2, fig. 1) dans le torrent du Souay

Bibliographie (1)

Les références précédées de * sont librement accessibles via Internet.

*AMBERGER, G. (1959) – L' Autochtone de la partie nord-ouest du massif des Aiguilles Rouges. Thèse Univ. Genève, n° 1312, 103 p.

*AUDRA, P. (2001) – Mesures de débit et traçages. Manuel à l'usage des spéléologues.

44 p.

*AYRTON, S. (1972) – Sur la prolongation de la nappe Morcles en France. Eclogae geologicae Helvetiae, 65/2, p. 321-326.

BRETON, J.-P. (1972) – Contribution à l'étude structurale de la région d'Anterne, Platé, Pormenaz. Thèse Univ. Orsay Paris- sud, 73 p.

CHEVALIER, P. (1937) – Explorations souterraines dans les Alpes de Savoie et du Dauphiné. Travaux scientifiques du Club Alpin Français, p. 28-29.

COLLET, L. W. (1943) – La nappe de Morcles entre Arve et Rhône. Matériaux pour la carte géologique de la Suisse, nouv. Série, 79e livraison, 146 p.

DELAMETTE, M. (2002) - Le Pays du Mont-Blanc (Neuf itinéraires à travers paysages et roches du Mont-Blanc et du Haut-Faucigny) (2e édit.). - GAP édit.

(La Ravoire), Collection Nature, 269 p.

DELAMETTE, M. (2010) – Les karsts alpins de la Haute-Savoie. Karstologia, mém. n°19,

« Grottes et Karsts de France », p. 192-193.

*FAVRE, J. (1867) – Recherches géologiques dans les parties de la Savoie, du Piémont et de la Suisse voisines du Mont-Blanc. Masson éd., t. 2.

*LOX, A. et BELLIERE, J. (1993) – Le Silésien (Carbonifère supérieur) de Pormenaz (massif des Aiguilles Rouges) : lithologie et tectonique. Eclogae geologicae Helvetiae, 86/3, p. 769-783.

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du système hydrogéologique. En effet, la quantité d'eau s'infiltrant dans le lit du torrent en amont de l'altitude de 1 890 m et le débit à l'émergence n'étant pas comparables, il faut nécessairement envisager plusieurs sites de pertes.

La découverte des deux sources de Barmèche aux eaux toujours froides et assez fortement minéralisées présentant un habitat particulier à Palustriella commutata (mousses) permet d'envisager une réalimentation du cours souterrain supposé issu des pertes amont. Les eaux de Barmèche doivent donc se perdre pour partie légèrement en amont du point de la traversée définitive des roches karstifiables (calcaires et cargneules) de la couverture sédimentaire de la rive gauche (rive Pormenaz) à la rive droite (rive Platé).

Ce scénario d'injection supplémentaire permet d'expliquer le débit relativement élevé de l'eau de l'émergence ainsi que ses caractéristiques thermiques et de conductivité alors même que le torrent du Souay est moribond !

Quant au torrent du Souay lui-même, il n'est pas possible à ce stade de savoir si le traceur injecté a été identifié à la hauteur de l'émergence. Soit qu'il n'y soit jamais arrivé, fixé par les argiles de l'ombilic de 1 850 m, soit que sa dilution est sous le seuil de détection du fluorimètre, ou tout simplement que le signal est masqué par celui de l'émergence. Dans tous les cas, ce problème est secondaire : c'est celui de l'émergence qui devait être résolu, et il l'a été.

Conclusion

La résurgence de la cascade du Souay, qui sourd au sommet des roches du Trias de la couverture sédimentaire réduite du socle de Pormenaz, est bien alimentée par plusieurs pertes échelonnées entre 1 900 m et 1 830 m dans le lit du torrent.

La localisation de la résurgence semble liée à une disposition tectonique particulière mais mal élucidée compte-tenu des médiocres conditions d'affleurements mais qui fait intervenir un ensemble de failles décrochantes probables et une brusque accentuation du pendage du socle. Cette localisation correspond par ailleurs au point de disparition définitif (tout au moins en surface) vers le sud de la couverture sédimentaire des AR, point situé non loin du prolongement du couloir tectonique de la vallée du Bon Nant, masqué par l'important glissement-éboulement du Dérochoir.

L'eau de la résurgence est très probablement issue majoritairement des eaux de la rive droite (versant Platé), la contribution des eaux de la rive gauche (versant Pormenaz) restant hypothétique mais probable étant donné le chimisme de l'eau de la résurgence, intermédiaire entre celles du versant Platé et celles du versant Pormenaz.

Les caractéristiques de sa température (valeur assez basse vis-à-vis de celle du torrent et relative stabilité) montrent une influence prépondérante des deux sources de Barmèche révélées durant cette étude. Parmi toutes les eaux examinées, ce sont ces dernières qui semblent les plus aptes à être éventuellement captées pour la boisson, étant issues d'un aquifère relativement profond et bien protégé. A la rigueur, l'eau de la résurgence pourrait aussi faire l'objet d'un captage étant donné le rôle de filtre joué par les argiles de l'ombilic 1 850 m.

< Jean SESIANO

Hydrogéologue collaborateur, université de Genève

< Michel DELAMETTE

Géologue, chercheur indépendant

rapport d'étude

Fig. 11 : Le dispositif d'enregistrement du traçage du 16 septembre 2019 montrant le seau aval contenant la sonde du fluorimètre alimenté par le tuyau issu d'un seau amont placé sous la résurgence et relié par un câble au boîtier d'enregistrement

Fig. 10 : Courbe de restitution du colorant le 10 octobre 2017

Bibliographie (2)

Les références précédées de * sont librement accessibles via Internet.

MAIRE, R. (1993) – La Haute Montagne Calcaire. Karstologia, mém. n° 3, 731 p.

*PAIRIS, B. (1975) – Contribution à l'étude stratigraphique, tectonique et métamorphique du massif de Platé. Thèse Univ.

Grenoble, 151 p.

*SESIANO, J. (2003) - Traçage entre le lac de barrage de Salanfe et les sources thermales de Val d'Illiez (Valais, Suisse).

Karstologia 41/1, 49-54.

*WAGNON, A. (1897) – Grotte de Salenton ou grotte du Buet.

Echo des Alpes, n° 2, p. 67-68.

WIZEVICH, M. C., AHERN, J. & MEYER, C. A. (2019) – The Triassic of southwestern Switzerland – Marine or non marine, that is the question ? Paleogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 514, p. 577-592.

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