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Le travail du langage en contexte professionnel: enjeux et perspectives pour l'enseignement des langues et la formation
FILLIETTAZ, Laurent
FILLIETTAZ, Laurent. Le travail du langage en contexte professionnel: enjeux et perspectives pour l'enseignement des langues et la formation. In: Rossette, F. & Pujol Berché, M. Langues et pratiques du discours en situation professionnelle . Paris : Lambert Lucas, 2019. p.
17-41
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:141260
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1 / 1
Langues et pratiques du discours en situation professionnelle
Sous Ia direction de Fiona Rossette et Mercè Pujol Berché
ouvrage publié anec Ie concours ilu Centre de Recherches Anglophones (EA 370),
ilu Centre de Recherches Plurtdisciplinaire s Multilingues (EA tul 8) et I'unité ite Recherche Étuiles Romanes (EA 369), ævec Ie soatien de I'UFR de Langues et Cukwes Étrangères
ile I'Université Paris Nanter-re
Lamberl-Lueas
Table des matières
Introduction
Fiona Rossette et Mercè Pujol Berché
Première partie
Pratiques discursives en contextes professionnels
1.
Le travail du langage en contexte professionnel : enjeux etperspectives pour I'enseignement des langues et la formation
...'
17Laurent Filliettaz
2.
Aider les étudiants à affronter un monde international etinterculturel
...
43Geneviève Tréguer-Felten
3.
Formons nos étudiants non seulement à la communication mais aussi à Ïanalyse du discours : La conscience linguistique comme partie inté$ante de la compétence communicationnelle ...'...' 63 . Erika Darics4.
Former les étudiants en langues étrangères dans les fiIières universitaires professionnalisantesMercè Pujol Berché
Deuxième partie
Les organisations multiculturelles et la communication en entre- prise
5.
La New Oratoryen contexte professionnel : l'exemple de lakeynote
101Fiona Rossette
6.
L'applicatJon WhatsAppdans la communication professionnelle :7
79
un catalyseur de la confiance interculturelle
José Maria Cuenca Montesino
7.
La traduction comme condition et vecteur d effrcacité managériale. Leçons tirées du déploiement multilingue d'une politique de ressources humaines dans une multinationale '... 163Louis-Marie Clouet
r31
I
8.
< Sois performant ! " Réflexion sur les injonctions du discoursnéolibéral fls
Luca Marsi
9.
Vers < I'entreprise archipel ), renouveau des formes d'organisation et de communication multiculturelle ? Philippe PierreTable ronde
Dans quel sens les pratiques langagières évoluent-elles dans le monde professionnel ? Que reste-t-il de la distinction entre I'oral et l,écrit ?
Avec la mondialisation, est-ce que parler d'interculturel a le même sens qu'il y a quelques décennies ? En particulier, quel est le rôle de
l'anglais ? 211
avec Erika Darics, Laurence Fillis1162, Philippe Lecomte, Philippe Pierre, Corinne Saurel et Joselyne Studer-Laurens
rr rMrrvuc) uu u])tvuK) Et\ )ltuA[uN pKUtE55luNNtLLE
20'J.
1
Le travail du langage en contexte professionnel
:enjeux et perspectives pour I'enseignement des langues et la formation
Laurent Filliettaz
1. Reconnaître
la densité langagière
dessituations
detravail
et deformation
professionnelleParadoxalement, l'articulation entre les activités de travail et les pro- ductions langagières qui les médiatisent constitue, du moins sur Ie ter- rain scientifiçlue, une rencontre relativement récente. Certes, les travail- Ieurs n'ont pas attendu les linguistes
ni
les ergonomes pour recourir, sous diverses formes, aux ressources orales et écrites du langage, mais les mutations contemporainesdu
travailtout
comme l'évolution du regard sur Ia langue (Condamines 2018) ont conduit seulement récem- ment à étudier sous divers points de vue les formes et Ies fonctions de cequ'on a appelé parfois < la part langagière du travail > (Boutet 2007a, 2001b, 2008; Borzeix & Fraenkel 2001
;
Mourlhon-Dallies 2007). Cette expression renvoie à une réalité aujourd'hui bien établie : l'idée selon laquelle la mise en æuvre du langage constitue un ingrédient important de I'activité professionnelle, et ce non pas seulement dans un ensemble restreint de professions, mais dans un grand nombre de métiers fies services, les soins, l'industrie, la navigation aérienne, etc.). Comme le souligne Boutet,les compétences langagières du < Iire-écrire-communiquer u sont désor- mais tout à la fois la condition de la réussite scolaire des jeunes scolari- sés [...] et Ia condition de l'accès à I'ensemble des métiers : toutes les professions, même peu qualifiées, tous les secteurs professionnels, requièrent désormais, à des degrés et selon des modaLités diverses, de savoir lire et écrire le ftançais, d'avoir des habiletés communication- nelles. (2001b : 38)
Cette mouvance n'est pas une exclusivité francophone, mais les
travaux conduits en France notamment ont permis de porter un regard à la fois précis, original et empiriquement fondé sur plusieurs ingré- dients des situations de travail: la coopération et la coordination dans
l'accomplissement de tâches collectives (Grosjean
&
Lacoste 1999), Iaconstruction des relations interpersonnelles et des rapports sociaux en situation de travail (Boutet 2006 ; Filliettaz 2006b), Ies processus de rai- sonnements, de prises de décisions et de négociations (Grusenmeyer &
Trognon 1995 ; Grosjean & Mondada 2004), l'écriture et ses traces dans
l'activité professionnelle (Fraenkel 2001), ou encore les formes lexicales,
\
L. FILUETTAZ
- LE TRAVAIL DU LANGAGE EN CONTEXTE PROFESSIONNEL 19
syntaxiques ou prosodiques par lesquelle5 les pratiques professionnelles se spécifient dans certains contextes-(F-alzon 19g9; Grosjean 1993). pour une présentation en français des travaux conduits dans le champ anglo_
saxon, on pourra se référer notamment à Mondada (2006a), Filliettaz (2006a) et Filliettaz & Bronckart (2005). Des anthologies internationales de ce champ sont par ailleurs disponibre en rangue anglaise (v. Bargiela- Chiappini 2009 ; Vine 2017).
On a pu penser à une époque que la reconnaissance de la part lan_
gagière
du
travail pourrait contribuerau
renforcementdu
pouvoir d'agir des travailleurs et à une meil.leure prise en compte de la valeur réelle des ressources qu'ils mettent enæu',e
pour satisfaire les exi- gences des situations professionnelles. Aprèsla
proscription des pra_tiques de communication sous l'ère de ra production taylorisée, re re- cours au langage devenait soudain, à l,heure de l,économie d.e services, de la mondialisation et du monde numérique, un ingrédient nécessaire de la coordination, du travail en réseau, de la résolution de problèmes (Zarifian 1999). pourtant, des points de vue critiques à cet égard se sont fait entendre, qui dénoncent les enjeux de pouvoir qui caractérisent les formes de communication propres à la u nouvelle u éssnomie (Boutet &
Heller 2007; Duchêne 2009). De nouvelles formes de prescription de la densité langagière du travail se font jour, qui montrent < comment les organisations du travail s'attachent à codifier, encadrer, formater, ré- glementer ces nouvelles pratiques langagières et ce faisant, comment elles contribuent
à
construire une nouvelle forme de rationalisation.Non plus celle des gestes et du corps physique comme dans le taylorisme traditionnel mais celle de l,activité de langage > (Boutet 2001a). La rela_
tion de service crée ele aussi de nouveles formes d.,asymétries et d,exi- gences à l'égard des mirieux professionnels. En particurier, ele érige la f,gure de o l'u53ggr' >, du destinataire du service conune un ingrédient incontournable
du
travail. Selon Joseph (1995:
63_83),la fifirre
ae I'usager exerce des contraintes nouveles à l,égard des travai]reurs, dès lors qu'elle u implique que l,agent soit capable, alors même qu,il résout le problème, de faire que ses opérations soient déchiffrables p-ar l,usager et, parfois, de s,en expliquer lui_même comme'n
expert devant un novice >. Pour Boutet (2001b:
3L), ces communications inégales pro_duisent de nouvenes formes de domination à r,égard des trJvailleurs,
des formes spécifiquement linguistiques de dominations :
La centration sur l'usager, les droits qui lui sont reconnus, ont fait bas_
curer les termes de l'échange : c'est largement le salarié qui est désor_
mais en position d'être ringuistiquement dominé et qui aoit gérer diffi_
cultés ou conflits.
Nos travaux s'inscrivent dans re prolongement d.e ce courant de recherche et proposent de re développer dans un domaine encore peu
étudié à ce
jour:
le champ de la formation professionnelle initiale. La transition de l'école au monde du travail constitue un enjeu particuliè- rement complexe pour une part significative de Ia population dans nos sociétés occidentales. En Suisse, ce sont près de 65 o/o des jeunes qui s'orientent vers l'apprentissage d'un métier au terme de leur scolarité obligatoire. Ils se confrontent à ce moment à une logique de sélection et d'accès à I'emploi et font face à des attentes nombreuses de la part des écoles ou des entreprises qui les séIectionnent et les forment. Les enjeux langagiers et plus généralement culturels ne sont pas absents des condi- tions de cette sélection et de cette transition. Les études longitudinales réalisées récemment indiquent que les jeunes issus de la migration con- naissent des trajectoires moins linéaires dans Ia transition de I'école à la formation et qu'ils n'accèdent souvent pas dans les mêmes conditions àune place d'apprentissage ou une école professionnelle (Lamamra &
Masdonati 2009 ; Masdonati et alii20D7 ; Stalder & Nâgele 2011).
Dans ce contexte, nous proposons ici de mettre en évidence quel- ques-unes
des
diff,cultés rencontréespar
des jeunes adultes en formation professionnelle initiale à I'occasion de leur insertion dans Ie monde du travail. En particulier, nous souhaitons contribuer à souligner Ia < part Iangagière > de ces difflcultés et montrer qu'une analyse détail- Iée des interactions verbales permet d'accéder à une compréhension accrue de ces processus de formation. Cette analyse vise à soutenir I'idée que le travail du langage n'est pas absent du champ des compétences professionnelles et qu'il n'en constitue pas un domaine distinct et cloi- sonné. Au contraire, ce sont les rapports de continuités et d'interdéoen- dance entre les ingrédients linguistiques, interactionnels et profession- nels de la compétence qui méritent d'être pensés, en particulier dans la perspective d'une didactique des langues orientée vers Ie monde du travail et de Ia formation.Pour mieux comprendre la nature de ces rapports entre langage,
travail et formation, nous aurons recours à des enregistrements audio- vidéo en lien avec un programme de recherche que nous avons conduit entre 2005 et 2077 dans le champ de Ia formation professionnelle ini- tiale en Suisse romande 1 (v. Filliettaz, de Saint-Georges & Duc 2008). Ces
enregistrements documentent des activités accomplies par des apprentis au cours des premiers mois de leur insertion professionnelle dans les entreprises qui en assurent Ia formation pratique. Nous rappelons à ce propos que le système suisse de
la
formation professionnelle initiale relève d'un ensemble complexe et diversi-fié de pratiques, qui varient1. Ce programme de recherche a été financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique sous Ie titre " La mise en circutation des savoirs dans des dispositifs de formation professionnelle initiale- Une analyse des interactions verbales et non verbales, (PP001-
106603).
I
t-.
zv
grandement selon les métiers et les cantons concernés. De manière gé- nérale, c'est cependant le système dit o dual u, fondé sur une alternance hebdomadaire entre l'école
et
l'entreprise,qui
constitue encore au- jourd'hui le dispositif de référence Ie plus répandu (v. Dubs 2006 ou les numéros 100 et 133 de Formation Emploi). Les enregistrements effectués dans le contexte de la formation en alternance permettent d,observer comment ces apprentis interagissent avec des travailleurs expérimentés dans le cadre de tâches productives qui leur sont assignées.Pour les besoins de cette contribution, nous nous référerons en particulier à Ia situation de ROD, un apprenti automaticien que nous avons observé durant les premières semaines de son engagement dans une moyenne entreprise spécialisée dans la confection de tableaux élec- triques dans le domaine du bâtiment. RoD présente plusieurs caractéris- tiques fréquentes parmi Ia population des jeunes engagés dans ce type de fllière de formation technique:
il
est issu de l'immigration, recourt au français au titre dune langue seconde, et connaît un parcours sco-laire et une orientation professionnelle marqués par plusieurs échecs successifs. Les tâches qui lui sont conflées sur la place de travail consis- tent en l'assemblage et Ie câblage de modules éIectriques (des bornes, des disjoncteurs, des contacteurs, etc.) disposés dans des armoires élec-
triques conçues par des techniciens pour des usages spécifi.ques. pour mener à bien ces tâches, ROD bénéf,cie de la supervision de FER, son maître d apprentissage ou tuteur, ainsi que de t,aide ponctuelle de col- lègues avec lesquels il partage son environnement de travail.
Pour les besoins de notre analyse, nous proposons de nous centrer
sur
l'étudede cinq
brèves séquences d'interactionqui
permettent d'illustrer quelques-unes des difficultés langagières auxquelles ROD setrouve confronté. Une description détaillée de ces séquences nous per- mettra de montrer que ces difficultés ne résident pas seulement dans I'acquisition progressive d
un
lexique spécialisé propreau
domaine professionnel concerné, mais relèvent plus généralement de la construc-tion
de compétences interactionnelles et professionnelles, dans leurs dimensions à la fois langagières, opératoires et identitaires. plus généra- lement, cette démarche nous permettra de montrer en quoi le langage peut constituer aussi bien un obstacle qu'une ressource dans les situa- tions de travail et de formation. Dans une partie conclusive, les consé- quences de ces observations pour le champ de Ia didactique des langues et Ia formation sont explicitées.2. Du lexique à la compétence de
communication
Un premier cas de flgure, rencontré de manière récurrente dans les données observées, consiste pour les interlocuteurs à lever l,opacité introduite par I'usage d'un terme dont I'apprenti n,est pas en mesure de
L. FILUETTAZ
- LE TMVAIL DU LANGAGE EN CONTEXTE PROFESSIONNEL 2'l
reconstituer Ia signi.fication. Dans l'extrait ci-dessous, ROD travaille avec
IJL, un collègue expérimenté, qui
lui
explique comment effectuer des étiquettes plastifiées destinées à expliciter le contenu des tableaux élec- triques. Après une erreur de gravage de ces étiquettes, ROD doit recom- mencer Ie travail et jeter les étiquettes inutilisables dans les < chutes > :(1) tu y
mets dansfes chutes
(22'7,L4'29 -
15'03) 214'297 ROD
ehME:rde\ ]e dois: jeter ça quoi\
2 JUL
bentu
coupesça/ ca tu y
mets dans leschutes/
((qeste
depointage
endirection
dela
poubelTe de recYclage) )3
ROD mhmm/4 JUL et t'en
recoupes unenouvefle\ OK,/...
14'435 RoD si je
coupe Ça Çasera trop petit pour aller
]:\
rd \ .6
dansles chutes/
7 JUL tu
coupesçal
((pointe
endirection
def'étiquette)
)B ROD
ouais14'499 JUL tu y
mets dansles chu:tes/
10 ROD
les chutes/
11
JUL les chutes\
12 ROD
c'est quoi ça\
14'5513
JUL c'est: ce qui reste euh: et tu
en reprends unenouvelle\
14 ROD
ah
OK\15
JUL d'aceord/
reqardeviens voir
( (vanontrer
àROD
où se trouve fe
bacpour les
chutes) ) HNbur) tst pKA[QUr5 rJU ulsLUUR5 tN 5ltUAllON PROFESSIONNELLE16
ROD i'al caplto j'ai capito c'est bon
((rire)
)15'0117
JUL
1àc'est les chutes tu vois/
14 ROD ah OK\
Au moment d'expliquer à I'apprenti Ia procédure qu'il doit suiwe pour corriger son erreur, JUL produit un acte directif qui inclut Ie sub- stantif < chutes > (< ben tu coupes ça/ . ça tu y mets dans les chutes/ et
t'en coupes de nouvelles\ . OK
"
Grgnes 3-4). En ligne 6, ROD reformule avec une intonation interrogative Ia formule " dans Ies chutes ), mais cette reformulation n'est pas interprétée comme une demande de clari- fication par JUL, qui poursuit son instruction (" tu coupes ça/ tu y mets dans les chutes/ >, ligne 9). C'est seulement à partir de Ia ligne 10 que le substantif ( chutes)
est progressivement thématisé conune un ingré- dient opaque de I'interaction. ROD propose une nouvelle formulation interrogative du segment < Ies chutes/ r, reprise par fUL sur un registret
2. Les conventions de transcription sont données en annexe.zz tANbuES rt pRAilQUrs uu ulscouR5 EN SITUATION PROFESSIONNÊLLE
assertif (" les chutes\ u, ligne 11). Une question explicite est alors formu- lée par l'apprenti (u c'est quoi ça\ >, ligne 12), à laquelle JUL apporte une réponse sous
la
forme d'une définition (< c'est:
cequi
reste euh : ), Iigne 13). Cette réponse verbale est également suivie d,un acte de mons- tration permettant à l'apprenti non seulement de comprendre la signifi- cation du mot ( chute)
mais de pouvoir observer son référent (< re- garde viens voir >, Iigne 15 ; < là c'est les chutes tu vois/ u, ligne 17).Un problème similaire est repérable dans le deuxième extrait re- transcrit ci-dessous. ROD est engagé à ce moment également dans la confection d'étiquettes plastifiées destinées à indiquer, sur le tableau électrique,
la
numérotation des modules installés. La couleur de ces étiquettes n'est pas arbitraire, mais suit une codification précise, que FER communique sousla
forme d'une dictée à l,apprenti:
n Couleur étiquettes. Disjoncteur Hager : étiquette en bleu_ Disjoncteur Merltn : Multi 9 + Clario, en noir. Tout ce qui est secours en rouge.S'ily
a deux comp- teurs, un enbleu et un enblanc ,. Au moment de noter dans son cahier la typologie proposée, ROD demande à FER si le tableau en cours de mon- tage comporte une double distribution (et donc deux compteurs). FER répond par Ia négative en faisant remarquer que Ie tableau ne comporte pas de ( compteur ). C'est alors que s'engage la séquence de clarification métalinguistique qui nous intéresse :(2)
enfait }e
compteurc'est quoi ? (226, t3,42 -
14,30)13'427 FER
nonc'est
paspour
uneviffa Ça\ ça c,est
unseuf\
((polnte
endirection de l, armoire
enbaTayant 7, espace
de
manièrecirculaire)
)2
RODah c'est un seuf/
L. FILLIETTAZ
- LE TRAVAIL DU LANGAGE EN CON I hX I È PRUI-L5SIUNNIL z5
3 4
73' 41 5 6 1
13'51 B 9
10
11 L2
13
14',4614
FER ROD FER ROD FER
ROD
FER
ROD FER
ROD FER
t'as pas de
compteurlà\
ouais
\
t'as un
compteurlà/
non\ . en fait Ie conpteur c,est quoi\
c'est ça un compteur\ ((pointe en direction d'un
compteursitué derrière
RaD))tu sais pas ce
quec'est un
compteur/ah
c,est ce machin-là/
((pointe
endirection du
compteur))
OK\t'en as fait cinquante la
semai.nedernière et pis tu sais plus ce
quec,est un
compteur\ah:.
/
OK/ah::
OK/ a]n/::((d'un ton
moqueur)) tu vois
ROD\
OK
ah ha:
\
15 donc
( (se penchesur fe cahier pour corriger ce
que RADa écrit) )
XXXL4'LOL6
<<Mufti>>il y a un L à
<<Multi>>(ouais)
<<Multi-9/>>
.
<<ennoir/ tout ce qui est
ensec- tout ce qui est secours/ en
rouge\>> OK/.
<<Siil y a\>>
((corrige au
styLo))
S apostrophe(ouais)
<<s'il-y a
deux compteurs\>> ((corrige)
)14'3271 ROD col{Pteurs
ouais\
Pas avecun
coNteur\18
FER
avec unM/
<<deux compteurs/>>19 ROD <<avec deux Parties>>
20
FER ah c'est un
deux ça/21 ROD
ouais c'est un
deux\L'extrait retranscrit ci-dessus montre notamment comment les par- ticipants construisent collectivement et progressivement Ia conscience d'une opacité linguistique. FER recourt d'abord à I'assertion < t'as pas de
compteur Ià\
"
(hgne 3) comme argument en faveur dune distribution unique du tableau (. c'est un seul >, ligne 1). Après une approbation peu marquée de ROD (< ouais\ u. ligne 4),il
reformule cependant cet argu- ment sous Ia forme d'une question adressée à I'apprenti (< t'as un comp-teur
Ià/',
ligne 5). C'est seulementà
ce moment que, confronté à I'opacité du terme ( compteur >, ROD énonce une demande de clarifica- tion : o en fait un compteur c'est quoi\ " (llgne 6).La réaction de FER à cette demande se déploie en deux temps. Dans un premier temps,
il
recourt à Ia monstration pour répondre à la ques- tion de ROD (" c'est ça un compteur\ ", ligne 7), exploitant ainsi par une indication gestuelle indexicale des objets présents dans I'environnement matériel immédiat. Mais dans un second temps, il ajoute des reproches à sa réponse, indiquant que Ie savoir en question dewait être acquis dans Ies circonstances:
<tu
sais pas ce que c'est un compteur/ u (hgne 8) ;< t'en as fait cinquante Ia semaine dernière et pis tu sais plus ce que c'est
un
compteur\"
(ligne L0);
"ah: tu
vois ROD\ ((d'un ton moqueur)) >'(Iigne 12).
Une fois cette clarifi.cation linguistique apportée, Iactivité collective se poursuit sous Ia forme d'une correction par FER du texte dicté. FER
relit alors les notes prises par ROD et ne manque pas d'y apporter des corrections au stylo : < Si
il
y a\ S apostrophe s'il y a deux compteurs\ >(Iigne 16) ; ( avec un M deux compteurs > (hgne 18).
Ces deux premières séquences permettent ainsi de souligner que les réalités linguistiques peuvent apparaître à certains égards colrune une épreuve constitutive de I'insertion professionnelle. Confrontés à des domaines de référence nouveaux pour eux, les novices doivent appren- dre à maîtriser les systèmes de signes qui permettent de désigner ces référents. Mais comme le montrent nos données, les activités de forma-
t
L. FILUETTAZ
- LE TRAVAIL DU LANGAGE EN CONTEXTE PROFEssIONNLL ZJ
tion informelles attestées en situation de travail permettent égarement d'ériger la langue comme un objet de savoir. Elres fonctionnent ainsi corrrme des ressources permettant de construire en situation ces acquisi- tions linguistiques. En l'occurrence, les savoirs linguistiques construits ici portent non se,rement sur des dimensions lexicales (la signification des lexèmes chute ott compteur), mais encore sur des questions ortho- graphiques 0a manière d,orthographier s,il
et
comptiur). Cependant, réduire le fonctionnement rangagier de cette séquence à un probrème lexical de désignation de référents (c,est quoila
Z un,o^ptru, ,,rrt
quoi ?) ne rendrait pas compte de Ia comprexité des procédés mis en jeu pour identifier et dépasser l'opacité rexicare elle-même. pour résoudre
ces obstacles linguistiques, les participants sont amenés à construire des
séquences conversationneles complexes,
à
engager des stratégies d'étayage et plus généralement à endosser res rôres d,une activité ranga_gière et culturenement déterminée consistant à satisfaire les éréments d'une forme de contrat didactique en lien avec des pratiques explica- tives; bre{ ils mobilisent une compétence plus généralemeit communi- cationnelle (v. Gumperz 1982; Hymes fgô+) pour s,orienter dans cet environnement de travail et de formation.
3' De la c-ompétence de
communication
à ta compétenceinter- actionnelle
Le concept de compétence interactionnelle a fait récemment son appari- tion dans le champ de la tinguistique appliquée, en se basant notam- ment
sur
les principes de l'analyse conversationnene d.,orientation ethnométhodologique (Mondada 2006b; pekarek Doehler 2005, 2006;Pekarek Doehler
et
atii 2017). Ce concept émane d,une discussion cri_tique de la compétence en langue, telre qu'ene est fréquemment véhicu- lée dans une tradition grammaticare ou communicationnelle. young &
Miller
(2004: 520) définissent ainsira
compétence interactionnelle comme I'ensemble des savoirs et d.es savoir-fatri que déplotent les particï pants tant de à s'engager I'interaction pour configurer collecttvement les ressources)"r^rt_
dans des pratiques sociales. ces savoir-faire compren- nent notamment la manière dont les participants organisent couective- ment les activités, dérimitent des étapes de reur déioulement, gèrent l'organisation des tours de parole, orientent reur attention, introd'uisent de nouveaux topics, consûuisent des rôles, choisissent des registres de formulation spécifiques, etc.
une telle approche présente le mérite de ne pas effectuer de fron_
tière stricte entre des ( composantes > ou des
.
niysarDr > de la compé_tence de communication mais inscrit d'emblée ra probrématique de ra compétence dans une conception actionnelre des rangues et'de reur usage' Ainsi, la compétence interactionnele est reconnue comme pré- sentant un caractère hautement situé, dynamique et conectif. Elle est
ancrée dans les contingences locales de I'action et ainsi définie et éva- Iuée dans les circonstances dans lesquelles elle est mise en æuwe' De ce
point de vue, elle constitue ce qui caractérise la pleine appartenance à des groupes sociaux (Mondada 2006b).
Au cours de son histoire, la notion de compétence interactionnelle a été appliquée à un éventail diversifié de situations éducatives. Elle a
par
exemple été utiliséepour
décrire certaines caractéristiques du développementde
l'enfant (Gardner&
Forester 2010; Hutchby &Moran-Ellis 1998) ou les processus d acquisition des langues secondes (HaII, Hellermann & Pekarek Doehler 2011). Récemment, le concept de compétence interactionnelle a également été mobilisé pour étudier les processus de formation professionnelle, et plus généralement les par- cours de transition entre I'enseignement scolaire et le monde du travail (Pekarek Doehler
et
alii 2017). Nguyen (2006, 2008, 2017) montre par exemple, à travers une étude Iongitudinale conduite dans le champ de la formation des vendeurs en pharmacie, comment, progressivement, se transforment des formats d'interactions entre clients et pharmaciens et s'acquièrent des compétences interactionnelles. Dansle
cadre d une analyse des pratiques de formation à la pose de voies veineuses, Me-lander (2017) montre également comment les participants à la forma- tion s'orientent vers des valeurs morales de la profession infirmière et cornment des compétences interactionnelles permettant d'entrer en relation avec les patients sont mises en æuwe dans les interactions.
Ces recherches soulignent que l'acquisition de compétences inter- actionnelles ne fait pas toujours I'objet d un enseignement explicite mais donne souvent lieu à des formes situées d'évaluations et de réparations proposées par les experts dans Ies interactions en situation de travail.
Autrement dit, c'est en participant à des interactions, qui peuvent ou non présenter un caractère instructionnel, que des compétences interac- tionnelles peuvent être mobilisées
et
acquises. De ce point de vue, I'interaction constitue non seulementun
objet d'apprentissage, mais également le moyenpar lequel cet apprentissage peut prendre forme'Les conditions dans lesquelles des ingrédients d'une compétence interactionnelle peuvent être rendus saillants dans les interactions en situation de formation par Ie travail sont repérables dans I'extrait (3) retranscrit ci-dessous. Au moment otr débute l'extrait, ROD est encore engagé dans
la
production des étiquettes plastifiées qui doivent être collées sur le tableau électrique en cours de fabrication. Pour ce faire,il
doit utiliser une interface informatique permettant d éditer les numéros et de les graver sur les étiquettes. ROD utilise cette interface pour la deuxième fois et la consultation des notes prises sur son cahier ne
lui
permet pas encore de manipuler le logiciel de manière autonome. II sort alors du local informatique pour solliciter de l'aide de la part de ses collègues de travail.
\.
(3) c'est sûr
que Ça marche pas Çapeut que fonctionner heln
(221, II'20 -
J_I' 52)17'2A7 ROD ((quitte fe focaL infornatique paur
reg:aqner J,atelier)
)7I'2'72
ROD>
FERj'ai
unproblème/. if
marche pas\11'303 FER ah c,esÈ sùr
queça
narchepas hein\ .
çapeut
quefonctionner hein\
11'354
FER> JUL vas-y
JUL XX5
JUL>
RODc,esè
guoi- I'probJ.ène encore\6
RODça c,est
desT_shirts/
normaf/7 JUL ouais c,est
desT_shirts ((se diriqe
avecROD dans
fe focaf du
pC) )11'438 et toi
1e probJ.ènec,est quoi/
9
RODça
marche pas\11'4810
JUL c,est quoi le probJ-ène/ qu,est_ce qui
marchepas: qu,est_ce
qui_11'5211 ROD
je sais pas il
me marqueça 1à\
chaquefois\
(
(arrivent
devantJe
pC) )Au
momentde
s'adresserà
FER, son maître d,apprentissage, l'apprenti énonce un acte de demande d'aide à caractère directif, mais de manière à la fois indirecte et implicite (. j,ai un problème/ . iI marche pas\ ), ligne 2). Sur le plan pragmatique, son énoncé véhicure littérale- ment une valeur illocutoire assertive. Et s,il confesse qu'il rencontre un problème,il
en attri-bue ra cause au fonctionnement de r,ordinateur. En d'autres termes, il informe d'un problème plutôt que de demander l,aide de ses coliègues pour le résoudre. La < réponse,
de FER à cette demande d'aide montre que le formateur ne s'arigne ni aux conditions formelles de réussite de I'acte de demand.e, ni à sa satisfaction pragmatique. Dans un premier temps, FER reprend l'apprenti sur les termes utilisés (o ah c'estsûr
que ça marche pas hein\ ça peut que fonctionner hein\,, ligne 3). Dans un second temps,il
dérègue la responsabilité de l,aide à son collègue, fUL (" vas-yJUL XX ,, ligne 4).De manière intéressante, JUL, même s'il s'aligne à ra demande de son collègue et s'il se met à la disposition de l'apprenti pour lui apporrer I'aide demandée, énonce lui aussi des critiques à l,égard de la forme de
la demande produite par RoD et formule à son intention des demandes réitérées de reformulation d.u problème rencontré. Ir le
fait
une pre- mière fois en ligne 5 (. c,est quoi ie problème encore\ o), une deuxième fois en ligne 8 (< et toi le problème c'est quoi/ >) et une troisième fois en ligne 10 (< c'est quoi le problème/ . qu,est_ce qui marche pas: qu,est_ce{ui
o). De son côté, l'apprenti peine à s'aligner à ces demandes dle refor- mulations. Dans un premier temps, il n'y répond tout simplement pas et ouwe un nouvel échange portant sur un thème distinct 1u ça c,estles T_L. FILLIETTAZ
- LT I RAVAIL IJU LANGAGT EN CUN I TX I T PKUI-I551UNNTL
shirts/ normaV,, Iigne 6). Et dans un second temps,
il
produit des ré- ponses qui ne sont pas considérées par fUL conune satisfaisantes (o ça marche pas\ u, Iigne 9 ; u je sais pasil
me marque ça là\ chaque fois\ n,ligne 11).
Les conditions de production et d évaluation des actes de demande d aide dans cet extrait offrent une bonne illustration des modalités par lesquelles s'expriment et peuvent s'acquérir des ingrédients de la com- pétence interactionnelle. Dans Ie cas analysé ci-dessus, I'enjeu langagier
lié à la
situation professionnelle rencontrée ne se réduit pas à une capacité langagièreà
produire une demande linguistiquement bien formulée.Il
réside surtout dans les conditions interactionnelles dans Iesquelles I'acte de demander est produit et ce que les membres expéri- mentés dela
communauté reconnaissent comme une action légitime dans Ie présent contexte. En I'occurrence, la demande d'aide en contexte d.e travail peut entrer en concurrence voire en conflit avec les tâches conduites par les autres membres du collectif. Et Ies conditions de saformulation doivent apporter des détails relatifs aux ( contenus
,
du problème en question. Les réactions exprimées par FER puis par ful, à la demande de I'apprenti orientent son attention vers les attentes institu- tionnelles de ce qui est reconnu dans le contexte conune une demande ( recevable ". Elles ne le font cependant pas de manière explicite et par une désignation d'un contenu de savoir, mais des évaluations apportées aux contributions de liapprenti au déroulement de l'interacton. C'est à ce titre que Ie déroulement même de l'interaction verbale peut consti-tuer non seulement
un
espace de mobilisation et de mise en æuwe d une compétence d'interaction, mais également une expérience propice au développement et à l'acquisition de celle-ci.4.
Dela
compétenceen langue à la
compétence profession- nelleEn situation de travail ou de formation professionnelle, la compétence en Iangue est non seulement indexée aux conditions interactionnelles dans lesquelles elle est mise en oeuwe, mais elle renvoie également à des domaines de connaissance et des manières de faire qui sont propres à des communautés professionnelles. La compétence linguistique est dès Iors indissociable de la question de la compétence professionnelle.
En effet, force est de constater que Ia mise en æuwe de la compé- tence en langue ne permet pas toujours de lever les opacités linguis- tiques propres aux dynamiques de l'interaction verbale. C'est ce que nous proposons de montrer à partir d'un nouvel extrait issu de Ia même situation de formation. Dans cette quatrième séquence, ROD et FER sont engagés dans les opérations de test du tableau électrique. Pour ce faire, ils doivent mettre Ie tableau sous tension et vérifier que les différents
!
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modules 0es bornes, les disjoncteurs, les contacteurs) sont correctement câblés. Au moment où débute la transcription ci-dessous, FER et RoD s'apprêtent à tester un contacteur en procédant à son enclenchement :
(4) naintenant on va faire tirer cefuj_fà (22-/, 55,10
_ 55'56)55'10
1 FER
OKmaintenant
onva faire tirer
ceJ.ui_là\(
(pointe Je
contacteur) )2 ROD tirer/
3 FER ouais\ .
-Lefaire tirer
Çaveut dire c,est l-e faire enclencher\
((se retourne
pourchercher un
câbLe)) ..
55'23
4
ROD ah guandil va faire un court_circuit,/
5 FER non\ je vais pas faire un court_circuit attends/ j,suis pas fou
moi\55'296
ROD nonil
s,encfenche paspar par court_circuit
non,/
if se
déclenche par7 FER un court-circuit tu sais ce
que c,est
uncourt-circuit/
55'368
RODun court-circult c,est
quand deux phases serencontrent\
9 FER et voifà\ .. et
Çafait quoi
quand deux phasesse
rencontrent,/10 ROD
i1s
peuventil-s
peuventpas y a pas de
cou_fes électrons ifs
L^ FILLIETTAZ
- LE TRAVAIL DU LANGAGE EN CONTEXTE PROFESSIONNEL 29 C'est Ia raison pour laquelle
il
associe la notion d'enclenchement à celle de court-circuit (" ah quandil
va faire un court-ci-rcuit ), ligne 4), avant dela
reformuler à plusieurs reprises sousla
forme dela
notion de n déclenchement > (( nonil
s'enclenche pas par par court-circuit non/il
se déclenche par >, Iigne 6 ; <
il
se déclenche pas/ . normalement ils sont faits pour ça non/ >, Iigne 14). Mais FER n'identifi.e pas la confusion etentretient la croyance selon laquelle ROD propose d'effectuer un court- circuit dans le contacteur (et non pas dans un disjoncteur). Il réagit en deux temps à cette proposition. D'abord par une contestation ferme et
explicite de
la
proposition de liapprenti (" nonje
vais pasfate
unecourt-circuit attends je suis pas fou moi\ ", Iigne 5). Puis en engageant une séquence d'étayage dans laquelle il vise à vérifier les connaissances
dont ROD dispose
à
proposdu
concept de court-circuit ("un
court- circuittu
sais ce que c'est un court-circuiti r, ligne 7 ; " eT ça fait quoi quand deux phases se rencontrent/ >, Iigne g ; u ça fait BOUM ", ligne 11,( non ils brûlent ", ligne 15
;
< non ça va faire un truc GROS truc tout noir\ ,,,ligne 17).Ce cas de figure permet de souligner deux propriétés signiflcatives des situations de formation professionnelle, en
lien
avec les réalités langagières. La première consiste à relever que les dynamiques interac- tionnelles ne permettent pas toujours de lever les obstacles Iinguistiques qui se dressent dans les activités collectives. En l'occurrence, le référent de u celui-Ià > et de < il > reste ambigu pour les participants, qui ne sont pas en mesure de lever Ie malentendu qui s'établit ici entre les < contac- teurs > et les < disjoncteurs ". Ce malentendu n'est pas sans effets sur lespotentielles acquisitions que I'apprenti est en mesure d'effectuer dans ces circonstances. L'ambiguité n'étant pas levée par I'expert, les proprié- tés d'un court-circuit appliquées à
un
contacteur restent waisembla- blement opaques Pour I'aPPrenti.Ceci nous conduit à souligner la complexité des relations que sem-
blent entretenir, selon ces observations, les dimensions langagières et professionnelles de la compétence en jeu dans ces situations de travail et de formation. Si le deuxième exemple montrait que ROD était capable de < faire cinquante compteurs
)
sans < savoir ce que c'est un comp- teur u (ligne 10), nous observons ici que, réciproquement,il
est capable de désigner verbalement un élément matériel commeur
( contacteur)
sans pour autant conceptualiser correctement les propriétés fonction- nelles de cet élément. Ce
qui
est enjeu
derrière ces phénomènes d'opacité ou d ambigurté linguistiques dépasse en réalité le strict plan du langage et témoigne des tâtonnements propres à une compétence pro- fessionnelle en construction. Dans ces processus de tâtonnement, Iaconduite de I'action, la capacité à la conceptualiser, et les processus de
verbalisation entretiennent des rapports étroits. Si
la
capacité à dire 55'44 11 FER12 ROD
13 FER 14 ROD
55'50 15 FER 16 ROD
17 FER 18 ROD
Ça
fait
BOUMouais ça fait
unça fait
boumtout
simplement\ doncsi
XXil se
décfenche pas,/tor*ut.m"r,a ia"
sorrafaits pour ça
non/non
il-s brûfent\
ah ifs brûlent/
non Ça
va faj-re un truc
GROStruc tout noir\
ah OK\
En ligne 1, FER relance l'activité collective et annonce que la pro- chaine étape de la procédure de test va consister à enclencher le contac_
teur (< OK maintenant on va faire tirer celui_là\
"). Mais ROD n,étant pas
en mesure d'interpréter le sens du verbe < tirer > dans ce contexte,
il
énonce de manière implicite une demande de clarification (< tirer/ >, ligne 2). FER propose alors une définition du verbe . tirer > : < le faire tirer ça veut dire c'est le faire enclencher\
,
(ligne 3).Mais
un
malentendu s'engage ensuite autourdu
référent deI'activité et de Ia signification des verbes < tirer > et < enclencher r. RoD confond ici les propriétés du ( contacteur > et celles du