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La traite des êtres humains: un cadre légal perfectible pour une meilleure protection des victimes ?

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Academic year: 2021

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La traite des êtres humains: un cadre légal perfectible pour une meilleure protection des

victimes ?

Etude de la législation belge éclairée des normes internationales et des législations française, luxembourgeoise et suisse

(2)
(3)

La réalité est encore plus laide et plus dangereuse que ce que décrit ce livre, et que tout ce que vous pouvez imaginer sur cet immense et terrible fléau1.

1O. PHILIPPON, Un grave danger pour la jeunesse du monde : la traite des êtres humains, 6èmeéd. Paris, Tequi, 1958, p. 3.

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Principaux acronymes et abréviations

A&M Auteurs et média

Act. Soc. Actualités sociales

A.E.B. - Contrats de travail Actualités en bref – Contrats de travail A.F.D.I. Annuaire français de droit international A.J.-D.A. Actualité juridique – Droit administratif

A.J-Pénal Actualité juridique – Pénal

Ann. Dr. Annales de droit

Ann. Parl. Annales parlementaires

A.P. Administration publique

Arr. Cass. Arresten van het Hof van Cassatie

A.S.B.L. Association sans but lucratif

Assemblée nationale Assemblée nationale française

B.I.T. Bureau international du travail

Bull. Admin. Pénit. Bulletin de l’administration pénitentiaire

Bull. Ass. Bulletin des assurances

Bull. Cass . Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

Bull. Cass. fr. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation française

B.Q.R. Bulletin des Questions Réponses

Bruxelles Cour d’appel de Bruxelles

c. Contre

C.A. Cour d’appel française

Cass. Cour de cassation belge

Cass. fr. civ. Cour de cassation française – chambre civile Cass. fr. soc. Cour de cassation française – chambre sociale Cass. fr. crim. Cour de cassation française – chambre criminelle Cass. Pénal Cour de cassation suisse - chambre pénale

C.C.T. Convention collective de travail

C. Const. Cour constitutionnelle (anciennement Cour d’arbitrage)

C.E. Conseil d’Etat belge

C.E. français Conseil d’Etat français

C.E.C.L.C.R. Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme

C.E.D.H. Cour européenne des droits de l’Homme

Ch. repr. Chambre des représentants belges Ch. Des députés Chambre des députés luxembourgeois

Chr. D.S. Chroniques de droit social

C.I.Cr. Code d’instruction criminelle

Civ. Tribunal de première instance – chambre civile C.J.U.E. Cour de justice de l’Union européenne

C.L.S. Contrôle des lois sociales

C.N.T. Conseil national du travail

C.O.D.E. Coordination des O.N.G. pour les droits de l’enfant

COL Collégiale du Collège des Procureurs généraux

Comm. Straf. Commentaar strafrecht en strafvordering

Corr. Tribunal de première instance – chambre correctionnelle

C.R.A. Compte rendu analytique

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C.T. Cour du travail

C.U.P. Commission Université-Palais

D. Dalloz

DA-OR. Le droit des affaires – Het ondernemingsrecht D. Jur. Pen. Dalloz jurisprudence pénale

Doc. Parl. Document parlementaire

Dossier du J.T. Les dossiers du Journal des tribunaux

Dossier de la R.D.P.C. Les dossiers de la Revue de droit pénal et de criminologie

Dr. Fam. Droit familial

Dr. Pen. Droit pénal

Dr. Pen. Entr. Droit pénal de l’entreprise

Ech. Log. Echos du logement

E.E.E. Espace économique européen

Entr. Et Dr. L’entreprise et le droit

Err. Errata

Gaz. Pal. Gazette du Palais

GRETA Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains

G.S.P. Guide social permanent

I.N.A.S.T.I. Institut national d’assurance sociale pour travailleurs indépendants

I.S. Inspection sociale

J.C.P. Jurisclasseur périodique

J.C.P. Social Jurisclaseur périodique social

J.D.J. Journal du droit des jeunes

J.L.M.B. Revue de jurisprudence Liège Mons Bruxelles

J.O. Journal officiel des Communautés Européennes

J.O.R.F. Journal officiel de la République française J.O.U.E. Journal officiel de l’Union Européenne

Journ. Proc. Journal des procès

J.P. Justice de paix

J.T. Journal des tribunaux

J.T.T. Journal des tribunaux du travail

Jur. Soc. Lamy Jurisprudence sociale Lamy

Larcier Cass. Larcier Cassation

Leg. Crim. Législation criminelle

Liège Cour d’appel de Liège

M.B. Moniteur belge

M.E.N.A Mineur étranger non accompagné

M.E.S.V. Mineur étranger en situation de vulnérabilité

Mons Cour d’appel de Mons

Mouv. Comm. Mouvement communal

N.J.W. Niew juridisch weekblad

O.I.M. Organisation internationale pour les migrations O.I.T. Organisation internationale du travail

O.N.S.S. Office national de sécurité sociale

O.N.U. Organisation des Nations Unies

Op. cit. Opus citatum

Or. Jurisprudence Orientations jurisprudence

Orientatie Orientatie. Sociaal recht en personeelsbeleid Orientations Orientations. Droit social – Gestion du personnel

(7)

O.S.C.E. Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN Organisation du traité atlantique nord

Pas. Pasicrisie

Pasin. Pasinomie

R.B.D.I. Revue belge de droit international

R.B.D.H. Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat

R.B.S.S. Revue belge de sécurité sociale

R.C.J.B. Revue critique de jurisprudence belge R.D.P.C Revue de droit pénal et de criminologie

R.D.S. Revue de droit social

R.D.T.I. Revue du droit des technologies de l’informatique REA/TPI Rechtsbank eersteaanleg / Tribunal première instance Rec. Recueil des arrêts de la Cour du Justice des Communautés

Européennes

Recueil Recueil des arrêts du Conseil d’Etat Rep. Dr. Civ. Dalloz Répertoire de droit civil Dalloz

Rep. Not. Répertoire notarial

Rev. Dr. Etr. Revue du droit des étrangers

Rev. Fac. Drt. Liège Revue de la faculté de droit de Liège Rev. Jur. Soc. Revue de jursiprudence sociale Rev. Reg. Dr. Revue régionale de droit

Rev. Sci. Crim. Revue des sciences criminelles et de droit pénal comparé Rev. Soc. Cath. Revue sociale caholique

Rev. Trav. Revue du travail

Rev. Fac. Drt. Liège Revue de la faculté de droit de Liège R.F.D.A. Revue française de droit administratif

R.G. Rôle général

R.I.D.C. Revue internationale de droit comparé R.I.D.P. Revue internationale de droit pénal

R.P.R.J. Répertoire permanent des revues juridiques R.T.D.H. Revue trimestrielle des droits de l’Hommes

R.W. Rechtskundig weekblad

SCOTT Service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants

S.d Sans date

SHAPE Supreme headquarters allied powers europe

S.l Sans lieu

Sén. Sénat

Sess. extra-ord. Session extra-ordinaire

Sess. ord. Session ordinaire

Spéc. Spécialement

S.P.F. Service public fédéral

T.E.H. Traite des êtres humains

T.G.I. Tribunal de grande instance (France)

T.G.R Tijdschrift voor Gent rechtspraak

Trib. Adm. Tribunal administratif

Trib. Arr. Luxembourg Tribunal d’arrondissement du Luxembourg Trib Instance Tribunal d’instance (France)

T.T. Tribunal du Travail

T.V.R. Tijdschrift vervoer en recht

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T.V.W. Tijdschrift voor wetgeving

T.W.R. Tijdschrift voor West-Vlaamse rechtspraak

U.C.L. Université catholique de Louvain-la-Neuve

U.L.B. Université libre de Bruxelles

U.Lg. Université de Liège

UNESCO United nations educational, scientific and cultural organization

UNICEF United Nations Children's Fund

UNODC United nations office on drugs and crime

URSAFF Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales

V° Verbo

(9)

Plan scientifique de l’ouvrage

2

Principaux acronymes et abréviations ...5 Plan scientifique de l’ouvrage ...9 Introduction...10

2Une table des matières exhaustive est reprise à la fin de l’ouvrage.

(10)

Introduction

Le droit international ne reconnait nulle part l'esclavage comme un droit ; par conséquent, il n’accorde à aucun Etat et à aucun particulier le droit d'avoir des esclaves3.

Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes4.

Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous, vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte5.

3C. CALVO, Dictionnaire de diplomatie et de droit international public et privé, Berlin, Purtkammer und Mühlbrecht, 1885, réédité par The lawbook exchange LTD, Clarck, New Jersey, 2009, V° Esclave.

4Article 4 de la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée et proclamée par l’Assemblée générale des Nations- Unies le 10 décembre 1948.

5Lévitique 19-34

(11)

1. - L’esclavage se perd dans la nuit des temps. La première vente avérée d’un esclave date de 2600 avant Jésus-Christ en Mésopotamie6. Quant au trafic, il est intimement lié à l’histoire de la traite, l’un n’allant pas sans l’autre jusque récemment.

Les premiers actes qui s’apparentent au trafic sont connus de tous les lecteurs du best-seller mondial, la Bible, dont le Lévitique s’adresse ainsi aux Hébreux : « quant aux serviteurs et servantes que tu devrais avoir, vous les achèterez chez les peuples qui vous entourent »7. Invitation divine au trafic des êtres humains. Dans le même temps, l’Egypte pharaonique était un grand utilisateur d’esclaves qu’elle faisait venir de Nubie, d’Ethiopie, d’Inde ou d’Arabie8. Assez vite, la Grèce et Rome goutent à l’attrait des esclaves. « En ce temps-là, personne n’avait d’esclave, (…) mais les femmes devaient s’imposer tout le travail de la maison », écrivait un auteur comique au 5ème siècle avant Jésus-Christ9. Mais, comme le précisent J.

Andreau et R. Descat, les Grecs situaient cette époque dans un passé tellement éloigné que l’esclavage leur apparaissait comme contemporain du progrès et de la civilisation. Il en va de même, continuent ces mêmes auteurs, pour Rome qui faisait remonter à Romulus l’institution de l’esclavage10.

Ces deux sociétés vont devenir esclavagistes dans la mesure où les esclaves jouent un rôle fondamental dans la production, dans la vie économique de la cité11. Lorsque l’Empire romain disparu, l’esclavagisme décrût, se muant en servage12. C’est la découverte de l’Afrique puis du Brésil par le Portugal et de l’Amérique par l’Espagne qui a donné lieu à une résurgence du phénomène13.

L’Occident ne fut ni le premier ni le plus important organisateur de trafic ou utilisateur d’esclaves. Si l’on pense immédiatement à la traite et au trafic des Noirs par les européens, au transport du coke comme s’en horrifie le capitaine Haddock14, il n’en reste pas moins que

6M DORIGNY et B. GAINOT, Atlas des esclavages, Paris, Autrement, 2006, p. 6.

7Lévitique XXV, 44-46. Le texte du troisième livre du Pentateuque est difficilement datable. Certains chapitres ressemblent à des lois paléo-babyloniennes. Toutefois, la compilation finale de ces textes remonterait à la fin du VIesiècle avant Jésus- Christ.

8M. DORIGNY et B. GAINOT, Atlas des esclavages, op. cit., p. 6.

9J. ANDREAU et R. DESCAT,Esclave en Grèce et à Rome, Paris, Hachette littérature, 2006,p. 14.

10Ibidem.

11A cet égard, voy. le remarquable ouvrage de J. ANDREAU et R. DESCAT, Esclave en Grèce et à Rome, op. cit.. Les auteurs distinguent les sociétés à esclaves et les sociétés esclavagistes. Ces dernières ont, non seulement, un nombre important d’esclaves mais, en outre, ceux-ci sont facilement renouvelables. Ils sont également utile au tissu économique.

Cette définition est identique à celle que développait M. I. FINLEY (Esclavage antique et idéologie moderne, Paris, Editions de minuit, 1981). Il est intéressant de noter que la société romaine ne comptait pas plus que 15 à 20% d’esclaves (J.

ANDREAU et R. DESCAT, op. cit., p. 24). Voy. également, sur une philosophie de l’escalavage : C. SALLES, 73 av. J.C., Spartacus et la révolte des gladiateurs, Editions complexes, s.l., 2005.

12J. FAVIER (Dictionnaire de la France médiéval, Paris, Fayard, 1993, V° Serf) précise que « le débat reste ouvert pour savoir si le servage du XIème siècle procède directement ou non de l’esclavage antique. Pour une part, il est évidemment le produit d’un lent affaiblissement de l’esclavage par l’effet de la christianisation, de l’évolution des conditions de l’exploitation domaniale voire d’un recul du droit romain qui rend moins perceptibles dans la réalité certaines notions du droit public. Pour une autre part, peut-être de manière plus marquée dans certaines régions (…) le passage de l’esclavage au servage est assurément une conséquence immédiate de la mutation politique qui estompe à partir du Xème siècle la puissance publique et laisse prendre le premier rang dans l’organisation sociale aux seigneurs châtelains. Dès lors que disparaissent les institutions publiques, le fait de rester en marge de celles-ci perd de son importance sociale. Demeurent les contraintes de droit privé qui font le serf du XIIème siècle ». « Le serf du XIIème siècle, poursuit l’auteur, n’a rien d’un esclave : il a droit à une famille et jouit de ses biens ».

13M. DELON (dir.), Dictionnaire européen des lumières, Paris, PUF, 2007, V° Esclavage.

14Hergé, Coke en stock, Bruxelles, Casterman, 1986, p. 48.

(12)

certains pays africains, arabes ou asiatiques, en sont très vite devenus de véritables spécialistes dans une période quasi contemporaine de la fin de l’Empire romain15.

Dès le 7èmesiècle se développe une traite qui touche l’ensemble de la côte d’Afrique orientale et le Proche-Orient. C’est la constitution d’un vaste empire musulman par les djihads, précise O. Pétré-Grenouilleau, qui est à l’origine des premiers véritables flux de traite16.

La traite transsaharienne a engendré, dès 600 après Jésus-Christ jusqu’à 1900, le déplacement de près de 7,45 millions d’hommes et de femmes17. Le trafic d’esclaves chrétiens à Alger, Tripoli et Tunis a touché, entre 1530 et 1780, 1,47 millions de personnes18. Tunis et Tripoli étaient avec Ceuta et Alexandrie les grands marchés d’esclaves des XIIèmeet XIIIème siècles.

De là partaient des milliers d’esclaves vers Marseille, Valence, Chypre, Palerme, Séville, Cadix ou encore Venise19. Dans l’Océan indien, Zanzibar et Madagascar étaient des pôles importants de la traite arabe, européenne ou indienne20.

Dès le XIVèmesiècle21, le Portugal et l’Espagne entament un trafic important d’esclaves noirs vers leurs colonies, plus spécialement le Brésil22. L’Angleterre, la France23, l’Espagne et les Pays-Bas n’étaient pas en reste et chargeaient à fonds de cales la marchandise à destination des colonies anglo-saxonnes, des Antilles et de l’Amérique espagnole. Le seul trafic transatlantique de ces pays a touché, de 1563 à 1866, près de 8 millions d’hommes, de femmes et d’enfants24.

Les (pays) pourvoyeurs d’esclaves étaient variés25, s’agissant parfois même du souverain de l’Etat depuis lequel le trafic s’organisait26, et les destinations plus diverses encore27. Parmi celles-ci les Amériques, spécialement les Etats du sud, sont devenues, au fil des ans, la destination première28.

15M. DORIGNY et B. Gainot, Atlas des esclavages, op. cit., pp. 8-9. Ailleurs, à la même époque, les nomades marins de Thaïlande se livraient également à des razzias d’esclaves

16O. PETRE-GRENOUILLEAU, « Les traites négrières », La documentation française, dossier n° 8032, 2003, p. 2.

17M. DORIGNY et B. Gainot, Atlas des esclavages, op. cit., p. 10. La traite transsaharienne alimentait les villes de Bagdad, du Caire ou d’Istanbul. Dans un même temps existait une importante traite transafricaine qui permettait le déplacement de captifs de guerre ou d’hommes et d’enfants victimes de razzias.

18Idem, p. 11.

19Idem, p. 12. Voy. La carte des routes commerciales d’esclaves en Europe aux XII-XIIIème siècles.

20Idem, pp. 32-33.

21O. PETRE-GRENOUILLEAU, « Les traites négrières », op. cit., p. 2.

22Les esclaves provenaient majoritairement de l’Angola. Sur la traite au Brésil, voy. : K. MATTOSO DE QUEIROS, Etre esclave au Brésil : XVIème – XIXème siècle, Paris, L’Harmattan, 1995 ; « Brésil colonial. Economie de la traite et résistance servile », numéro spéciale deAnnales histoire, sciences sociales, Armand Colin, mars-avril 2006. La traite au Brésil a touché, entre 1703 et 1856 pres de 1.425.000 esclaves (voy. : M. DORIGNY et B. Gainot, Atlas des esclavages, op. cit., pp. 40-41).

23Voy. sur la France et l’Italie : C. VERLINDEN, L’esclavage dans l’Europe médiévale, T. 1, Péninsule Ibérique, France- Bruges, De Tempel, 1955 ; T. 2, Italie, colonies italiennes du Levant, Levant Latin, Empire Byzantin, Gand, 1977. Voy.

égal. : F. BLUCHE, Dictionnaire du grand siècle, Paris, Fayard, 1990, V° Esclavage.

24Idem, pp. 18 à 21. La traite anglaise a concerné 2.775.830, tandis que la française 1.178.173. Voy. également les quelques chiffres cités in F. BLUCHE, Dictionnaire du grand siècle, op. cit., V° Esclavage. Sur la traite transatlantique, voy. plus spec. : H. THOMAS, La traite des noirs. Histoire du commerce d’esclaves transatlantique 1440-1870, Paris, Robert Laffon, 2006.

Selon les tableaux reproduits par O. PETRE-GRENOUILLEAU, la traite aurait concerné plus de 10.000.000 d’individus au cours la période 1519-1867 (« Les traites négrières », op. cit., p. 29).

25Afrique noire, Madagascar, Thaïlande, iles de l’Océan indien, etc.

26Il en est ainsi, par exemple, du souverain du Dahomey.

27Etats-Unis, Inde, monde arabe, pays africains, Europe, Antilles, Brésil, etc.

28Le Sud, esclavagiste, estimait que ses esclaves étaient mieux traités que les ouvriers du Nord. « Certains pensent même avec sincérité que le travail servile, loin d’être une horrible survivance, constitue un progrès par rapport au travail salarié de l’époque. Contrairement aux travailleurs, soit-disant libre des usines, chantiers et mines de l’époque, ceux des plantations ignorent les risques du chômage. Ils ne sont pas abandonnés en cas de maladie ou de vieillesse. Ils sont assurés d’avoir toujours un toit, de la nourriture, des vêtements » (D. VENNER, « Derrière l’argument passionnel de l’esclavage, les vraies

(13)

Il est intéressant de constater que le trafic était intimement lié à la traite. A l’origine, s’il y a trafic, c’est pour permettre l’esclavagisme. Un nouveau paradigme ne voit le jour que tardivement, à la fin du XXème siècle. Le trafic commence à se dissocier de la traite, il s’en émancipe et, dans certaines hypothèses, a pour unique finalité de permettre à un individu de rejoindre clandestinement un pays qu’il perçoit, généralement, comme plus riche, plus développé, plus à même de répondre à ses besoins.

2. – Après une longue période de tolérance de la traite, une pensée abolitionniste se développa à l’époque des Lumières. Pensée qui fut combattue par les négriers. Même si l’article 1erde la déclaration des droits de l’Homme, issue de la Révolution française, pouvait laisser envisager une abolition immédiate de l’esclavage sur les territoires français, il n’en fut rien. Ce n’est qu’en 1792 que la première législation abolitionniste vit le jour, au Danemark. La France abolira officiellement l’esclavage le 16 pluviôse an II29, suite à la grande révolte des esclaves de Saint-Domingue. Abolition de courte durée car Napoléon le rétablit en 1802 en réinstaurant le Code noir30. C’est finalement en 1831 qu’il fut définitivement abolit en France et en 1848 dans les colonies31.

L’Angleterre fut certainement l’instigatrice de l’abolition32 de l’esclavage dans les pays de la vieille Europe. Dès 1807, elle interdit définitivement la traite à ses ressortissants et impose en 1814-1815, cette interdiction à l’Europe. Entre 1816 et 1841, elle multiplie les conventions bilatérales avec d’autres pays qui lui permettent de monter à bord des navires pour visiter la cargaison33.

Les premières normes internationales sont prises dès le début du XXIème siècle avec, entre autres, les Conventions de l’Organisation internationale du travail et les Arrangements de la Société des Nations.

Jusqu’au milieu de ce siècle, la traite des femmes destinées à la prostitution – appelée alors traite des blanches – et le travail forcé étaient quasiment les seules formes de traite des êtres humains (re)connues. Ce qui est confirmé tant par les conventions internationales de l’époque34que par le droit en vigueur qui n’incriminait d’ailleurs que la débauche.

raisons du conflit : historiques, économiques, culturelles. Deux mondes affrontés », L’Amérique divisée, La nouvelle revue d’histoire, Paris, Histoire et mémoire, mars-avril 2005, pp. 35-36.). A cet égard, précisons, si besoin était, que la Guerre de Sécession (1861-1865) n’avait pas pour but premier de libérer les esclaves du Sud – les nordistes possédant également des esclaves – mais de maintenir l’hégémonie économique du Nord sur le Sud.

294 février 1794.

30Texte préparé par Colbert et publié en mars 1685, l’ « Edit du Roy touchant à la police des isles d’amérique française », appelé Code noir, contenait soixante articles réglant toutes les questions ayant trait à l’esclavage : sort des enfants nés d’esclaves (articles 8 à 13), règles de police des esclaves (articles 7, 14 et 21), nature de l’esclave (l’article 44 le déclare bien

« meuble »), mariage (article 11), etc. Il contenait également des règles protectrices pour les esclaves. Ainsi, le mari, la femme et les enfants impubères ne pouvaient pas être séparés (article 47), il était interdit de mutiler, torturer ou tuer un esclave (article 42), il était prévu de leur donner chaque semaine des quantités minimum de nourriture (article 22 à 25). Ces articles protecteurs ont vite été oubliés dans les colonies sans que le pouvoir royal ne s’en préoccupe trop.

Voy. notamment : M. DELON (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, op. cit., V° Esclavage, p. 476.

31O. PETRE-GRENOUILLEAU, « Les traites négrières », op. cit., pp. 7 à 9.

32Sur un résumé de l’abolitionnisme, voy. O. PETRE-GRENOUILLEAU, « Abolitionnisme et droit d’ingérence : à la genèse d’un droit international ? », La traite des êtres humains : un défi mondial, Cahiers de la sécurité, n° 9, juillet-septembre 2009, pp. 23 à 30 ; O. PETRE-GRENOUILLEAU (dir.), Abolir l’esclavage. Un réformisme à l’épreuve, Rennes, presses universitaires de Rennes, 2008.

33 O. PETRE-GRENOUILLEAU, « Les traites négrières », op. cit., p. 8 ; M. DELON (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, op. Cit., V° Esclavage, p. 479.

34Voy., notamment : Arrangement international en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de "Traite des Blanches", 1904, Société des Nations, Recueil des Traités, vol. I, p. 83 ; Convention internationale relative à la répression de la traite des blanches, 1910, Société des Nations, Recueil des Traités, vol. VIII, p. 278 ; Convention

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Ce n’est qu’au fil des ans que de nouvelles formes de traite sont apparues et ont été prises en compte par les instruments juridiques - prélèvement d’organes, commission forcée d’infraction ou encore exploitation de la mendicité ou devront l’être - mariage blanc ou adoption illégale par exemple.

3. - J. Barrot, vice-président de la Commission européenne, précisait qu’il n’était pas possible, aujourd'hui, de connaitre la dimension réelle de la traite en Europe35. Mais, ajoute-t-il, nous pouvons nous en forger une idée grâce aux estimations de l'Organisation Internationale du Travail. Ainsi, en 2005, cette Organisation estimait que 2,45 millions de personnes étaient victimes du trafic d'êtres humains dans le monde entier, dont 43% à des fins d'exploitation sexuelle et 32% à des fins d'exploitation du travail36. L’Office des Nations-Unies estimait, en 2009, l’exploitation sexuelle à 79% et l’exploitation par le travail à 18%37. Les enfants représentent, selon l’Organisation internationale des migrations de 40% à 50% des victimes et, selon l’Office des Nations-Unies, de 20% à 100% en Afrique de l’Ouest. 8,4 millions enfants38 sont sujets aux pires formes de travail forcé, et 1,2 millions sont, chaque année, victimes de trafic au niveau mondial.

Ces chiffres alarmants rejoignent ceux de la commission européenne qui, dans un rapport de 2001, évaluait à 120.000 le nombre de femmes soumises à la traite, chaque année, de l’Europe de l’est vers l’Europe de l’ouest39. Dans un communiqué du 27 février 2007, la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, estimait qu’environ 600.000 êtres humains étaient victimes chaque année de la traite internationale, « soit une victime par minute »40.

Selon les données fournies en 2005 par le Bureau international du travail41, 12,3 millions de personnes au moins sont victimes du travail forcé dans le monde, dont 2,4 millions du fait de la traite des êtres humains42. En 2012, L’Organisation international du travail évaluait « avec

internationale pour la répression de la traite des femmes et des enfants, 1921, Société des Nations, Recueil des Traités, vol. IX, p. 415 ; Convention internationale relative à la répression de la traite des femmes majeures, 1933, Société des Nations, Recueil des Traités, vol. CL, p. 431 ; Protocole amendant l’Arrangement international de 1904 en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de "Traite des Blanches" et la Convention internationale de 1910 relative à la répression de la traite des blanches, 1949, Nations-Unies, Recueil des Traités, vol. 30, n° 446, Arrangement international de 1904 en vue d’assurer une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de "Traite des Blanches", et amendé par le Protocole de 1949, Nations-Unies, Recueil des Traités, vol. 92, n° 1257 ; Convention internationale de 1910 relative à la répression de la traite des blanches, et amendée par le Protocole de 1949, Nations-Unies, Recueil des Traités, vol. 98, n° 1358 ; Convention n° 29 de l’O.I.T. sur le travail forcé, 1930 ; Convention n° 105 de l’O.I.T.

sur l’abolition du travail forcé, 1957.

35J. BARROT, Clôture des travaux de la Journée européenne contre la traite des êtres humains, 16 octobre 2008, Paris, Cour de Cassation.

36Voy. le rapport de l’O.I.M. de 2005 : Data and research on human trafficking : A global survey, Offsprinf of the special issue of international migration, vol. 43 (1/2)

37 Rapport mondial sur la traite des personnes, 12 février 2009. Ce rapport est disponible sur www.unodc.org/documents/human-trafficking/Executive_summary_french.pdf. Le lecteur intéressé y trouvera l’analyse des données officielles fournies par les autorités de 155 pays et territoires.

38Selon la Déclaration du Parlement européen sur la lutte contre la traite des enfants (21 octobre 2008, P6_TA(2008)0504), plus de 2 millions d'enfants sont contraints au travail forcé et à l'exploitation sexuelle.

39Commission européenne, Traite des femmes. Le miroir aux alouettes : de la pauvreté à l’esclavage sexuel. Une stratégie européenne globale, Bruxelles, 2001.

40 Conseil de l’Europe, communiqué de presse 135 (2007). L’US Department of State estimait également de 600.000 à 800.000 le nombre de victimes par année (Traffiching in persons. Report june 2004, Office to Monitor and Combat Trafficking in Persons, Washington, 2004).

41B.I.T., Une alliance mondiale contre le travail forcé, Rapport global en vertu du suivi de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Conférence Internationale du Travail, 93èmesess., 2005, p. 11. Ces chiffres étaient toujours reproduits en 2008 : O.I.T., Forced labour and human trafficking. Handbook for labour inspectors, Genève, 2008, p. 7.

42Ce chiffre se décompose comme suit : 1,4 million en Asie et Pacifique, 270.000 dans les pays industrialisés, 250.000 en Amérique latine et Caraïbes, 230.000 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 200.000 dans les pays émergents et 130.000

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prudence » le nombre de travailleurs forcés à 20,9 millions43. Les pays industrialisés comptabilisent 360.000 personnes victimes du travail forcé, parmi lesquels 270.000 sont victimes de la traite des êtres humains44. Les dernières données fournies en 2012 estiment à 880.000 le nombre de travailleurs forcés en Europe, dont 30% sont victimes d'exploitation sexuelle et 70% d’exploitation par le travail forcé. Les femmes constituent la grande majorité des victimes (58%)45.

Free the Slaves, organisation non gouvernementale, avance le nombre de 27 millions d’esclaves dans le monde dont 24 millions en Asie, 1,3 million en Amérique latine et Caraïbes et 1 million en Afrique et au Moyen-Orient46.

En termes financiers, les Nations-Unies47 et le Groupe d’action financière48 supputent que la traite des êtres humains occupe la troisième place des activités criminelles les plus lucratives, après le trafic de drogues et des armes. Les profits engendrés ne cessent de s’accroître. En 2002, une étude effectuée par la National Intelligence Council et approuvée par la Direction de la Central Intelligence Agency, évaluait à 7 milliards de dollars le volume de profits produit chaque année par la traite des êtres humains dans le monde49. En 2004, Europol situait ce même volume entre 8,5 et 12 milliards d’euros50. En 2005, le Bureau international du travail chiffrait à environ 32 milliards de dollars les gains induits par la traite des travailleurs forcés51. Le rapport 2009 du Bureau international considérait prématuré de faire de nouvelles estimations, mais ne remettait pas en question celles de 200552.

Une image complète du phénomène est difficile à établir. A ce sujet, le Service de politique criminelle du Service public fédéral Justice précise que la plupart des banques de données judiciaires et policières fournissent davantage d’indications quant au fonctionnement de l’appareil pénal qu’une représentation de phénomènes criminels53. D’autant plus que certaines sources font un amalgame entre des faits relatifs au travail illégal et des situations effectives de traite.

dans les pays du Sub-Sahara A noter que comme il n’existe pas d’estimations nationales fiables et communément admises, le Bureau internation du travail a développé sa propre méthodologie pour l’estimation des chiffres du travail forcé dans le monde ; cette méthodologie s’appuie sur un échantillonnage double de cas confirmés, voy BIT, Une alliance mondiale contre le travail forcé, Genève, 2005, p. 12. Selon les estimations du Bureau International du Travail, il y avait en 2004 environ 317 millions d’enfants économiquement actifs âgés de 5 à 17 ans, dont 218 millions que l’on pouvait considérer comme des enfants dont le travail est à abolir et parmi ces derniers 126 millions effectuaient un travail dangereux, voy.

B.I.T., La fin du travail des enfants : un objectif à notre portée, Genève, 2006, p. 7.

43O.I.T., Estimation du travail forcé dans le monde, Résumé, document sous embargo jusqu’au 1erjuin 2012. Ces chiffres sont bien plus important que ceux de 2005 car la méthode de travail a été modifiée.

44B.I.T., Une alliance mondiale contre le travail forcé, op. cit., p. 15.

45 « Travail forcé : un problème important dans l’U.E », communiqué de presse du 10 juillet 2012, consultable sur http://www.ilo.org/brussels/press-releases/WCMS_184973/lang--fr/index.htm, consulté le 20 juillet 2012. Ces chiffres rejoignent ceux récemment publié par l’O.I.T. qui estime à 1,5 millions les victimes du travail forcé en Europe et en Amérique du Nord. C’est l’Asie qui détient le plus grand nombre de travailleurs forcés : 11,6 millions (O.I.T., Estimation du travail forcé dans le monde, Résumé, document sous embargo jusqu’au 1erjuin 2012).

46Références citées par l’United nations office on drugs and crime (UNODC), “Human trafficking: an overview”, New-York, 2008, p. 6-7, et sources citées, http://www.ungift.org/docs/ungift/pdf/knowledge/ebook.pdf

47Trafficking in human beings in Southeastern Europe, UNICEF/UNOHCHR/OSCE-ODIHR, Europe, 2002.

48Financial Action Task Force – Groupe d’Action Financière (GAFI), Money, laudering & terrorist financing typologies, 2004-2005, 10 june 2005.

49Chiffres cités in F. LOORE et J.-Y TITSAERT, Belgique en sous-sol : immigration, traite et crime organisé, Bruxelles, Luc Pire, p. 99.

50Conférence « Pour une alliance mondiale contre la criminalité organisée internationale », mars 2002. Les mêmes montants sont repris cinq ans plus tard par le Conseil de l’Europe (communiqué de presse, 088 (2007)).

51Une alliance mondiale contre la travail forcé, op. cit..

52Le coût de la coercition, Conférence international du travail, 98èmesession, 2003, rapport I (B), Genève, p. 1.

53http://www.dsb-spc.be/web/index.php?option=com_content&task=view&id=41&Itemid=65

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4. - « Le traitement de millions d'êtres humains comme simple marchandise - corvéable à merci - qui fut codifié sous Colbert apparaît à nos contemporains comme un véritable ‘crime contre l'humanité’ qui nécessite plus qu'une simple évocation livresque, un ‘devoir de mémoire’ »54.

Il nous a semblé utile d’apporter à la société une étude approfondie de la traite des êtres humains en Belgique. Si la législation belge est reconnue comme étant à la pointe des législations européennes en la matière, de nombreuses améliorations peuvent y être apportées.

Partant du postulat que la victime doit être au centre de l’attention particulière des différents acteurs en matière de traite des êtres humains, nous avons choisi d’étudier la législation belge à l’éclairage des législations française, luxembourgeoise et suisse pour en dégager des pistes de réflexions afin soit d’améliorer la norme nationale soit de mieux l’interpréter. La loi belge restera au centre de nos préoccupations. L’étude comparée n’a pour but que de proposer certaines réformes utiles. Certains chapitres ne traiteront donc pas nécessairement des législations étrangères.

L’amélioration du statut des victimes passe nécessairement par une meilleure compréhension de la loi, et une meilleure lisibilité de celle-ci afin d’en obtenir une application optimale par le juge. A qui mène une norme, si bonne soit-elle, qui comporte des zones d’ombres ou d’interprétation ? A des résultats limités ou des difficultés pour la justice. Et, nous le verrons, certaines dispositions légales belge sont soit inapplicables – en matière de marchands de sommeil -, soit sujettes à des interprétations défavorables aux victimes – en matière d’exploitation sexuelle.

L’interprétation de la loi est indissociablement liée à l’analyse de la jurisprudence. Elle est certainement la plus développée en Belgique55. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir les centaines de décisions de jurisprudence rendues par les Cours et tribunaux belges ou de lire les rapports du Centre pour l’égalité des chances qui, chaque année, résume et commente plusieurs dizaines de dossiers judiciaires. En revanche, les trois autres pays comparés ne possèdent pas une jurisprudence aussi riche : quelques décisions en France56, aucune au Grand-Duché de Luxembourg57 et seulement 6 arrêts en Suisse tous prononcés en matière de prostitution.

Au travers de cette étude, nous souhaitons offrir un véritable outil de travail aux praticiens du droit, aux magistrats et aux parlementaires, afin que la réification de l’Homme58 soit combattue au mieux.

54 Exposé des motifs, Proposition de loi tendant à perpétuer le souvenir du drame de l'esclavage, Doc. parl., Assemblée nationale, 11èmelégislature, n° 1050.

55Nous en profitons pour remercier l’ensemble de nos collègues du réseau d’expertise traite des êtres humains qui nous ont fait parvenir la jurisprudence de leurs arrondissements. Un remerciement particulier à monsieur l’avocat-général Frédéric KURZ, président de ce réseau.

56Selon M. DAURY-FAUVEAU, aucune décision n’aurait été prononcée. Ce qui est erroné car il en existe plusieurs en matière de traite sexuelle et de logement contraire à la dignité humaine (Droit pénal spécial. Livres 2 et 3 du Code pénal : infractions contre les personnes et les biens. 2010, Amiens, P.U.F., 2010, p. 352).

57 Information fournie par le parquet général du Grand-Duché de Luxembourg le 8 mars 2012 (mail de madame Katia FABECK Substitut au Parquet Général). Un seul arrêt a été rendu en matière de prostitution comme nous le verrons.

58Dans l’esclavagisme antique, l’homme était réifié, il devient une chose. L’esclave se définit, en droit romain, comme un être en incapacité légale. Sur la notion d’esclave en droit romain, voy. L’étude d’A. PATURET, « L’individu entre l’Homme et la chose. Note sur l’esclave en droit romain », Droits, n° 51, 2011, pp. 3 à 26.

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5. – Notre étude sera divisée en quatre livres. Le premier, descriptif, détaillera les normes nationales et internationales qui seront analysées dans les trois autres livres. Il étudiera également les nombreux acteurs qui interviennent en matière de trafic et de traite des êtres humains et de marchands de sommeil, du pouvoir judiciaire aux services de police et d’inspection en passant par certaines autorités ministérielles ou administratives.

Le second aura pour objet d’étudier les incriminations reprises aux articles 77bis de la loi du sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, et 433quinquies et decies du Code pénal. Cette analyse approfondie, porteuse de nombreuses propositions de réformes législatives, sera précédée d’une dimension philosophique incontournable en la matière : la dignité de la personne humaine. Cette notion est au cœur même des incriminations, de manière soit explicite soit implicite et permet de mener une réflexion fondamentale sur l’éventuelle nécessité d’incriminer des actes tels que l’esclavagisme ou le travail forcé. Elle permet également de s’interroger sur la technique législative belge qui a fait basculer les moyens utilisés par les exploitants de l’incrimination aux circonstances aggravantes. Ce faisant, le législateur pose comme principe que la dignité de la personne humaine est inviolable, même si l’individu concerné par la violation a marqué son accord sur celle-ci. Ce qui suscite de nombreux débats devant les juridictions répressives, notamment dans le cadre de l’exploitation économique.

Après ce préambule fondamental pour la compréhension de la ratio legis, nous détaillerons alors les sept incriminations majeures, les sept actuelles têtes de l’hydre : le trafic, les cinq formes de traite des êtres humains et la pratique des « marchands de sommeil »59. Nous clôturerons ce livre par l’étude des sanctions, tant celles comminées par les articles précités, que celles qui peuvent être recherchées aux travers d’autres normes et qui permettent de punir certains intermédiaires tels que les agences de voyage, magazines de petites annonces, sites internet ou transporteurs.

Le troisième livre sera centré sur les victimes. Leur prise en charge est fondamentale dans un Etat démocratique. Mais des questions importantes se posent comme que la prise en charge inconditionnelle des victimes, ce que la Belgique ne souhaite pas, ou l’aide qui peut leur être apportée par la Justice. Cette aide n’est pas évidente pour plusieurs raisons dont certaines tiennent à la psychologie de l’individu – crainte du recours à la justice - et d’autres à la jurisprudence des cours et tribunaux qui, notamment, refuse d’indemniser les heures de travail fournies sans avoir été déclarées. A cet égard, l’indemnisation de la victime est un des points cruciaux du débat et n’est pas aisée, notamment en raison du fait qu’il n’existe pas de Fonds spécialement dédiés à l’indemnisation des victimes et que celles-ci doivent rapporter la preuve de leur exploitation et du dommage qui en découle.

Enfin, le quatrième et dernier livre approfondira certaines questions procédurales. Il nous a semblé essentiel de consacrer un livre entier à ces questions car la recherche des infractions de trafic et de traite est semée d’embûches et d’incongruités qu’il convient de rectifier. C’est également à ce prix que les victimes se verront pleinement reconnues dans leurs droits.

59L’expression n’est pas idéale. Mais, elle est celle qui est utilisée couramment dans la pratique, dans la doctrine et dans la jurisprudence.

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