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Une action chrétienne dans un monde en détresse : oui, mais comment?

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Academic year: 2022

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Une action chrétienne dans un monde en détresse : oui, mais comment ?

Je voudrais ce matin vous inviter à réfléchir à la manière dont nous réagissons face aux situations de pauvreté, à nos motivations pour nous engager en faveur de ceux qui vivent dans la pauvreté et à la manière dont nous cherchons à entraîner les autres avec nous dans

« une action chrétienne dans un monde en détresse ». Je commencerai par la lecture d’un texte de la Parole de Dieu que je ne commenterai pas en détail, mais sur lequel j’aurai l’occasion de m’appuyer pour ce qui constitue le cœur de ce dont je voudrais vous parler.

Lecture biblique : Tite 2.11-3.8

On reproche parfois aux associations humanitaires de culpabiliser les gens pour les pousser à donner. Ce qui est très mal vu. La présentation de situations d’extrême pauvreté suscite souvent des réactions fortes et le risque de manipulation est réel. Dans son livre sur la responsabilité du chrétien face à la pauvreté, Tim Chester raconte que lorsqu’il travaillait à Tearfund – une organisation chrétienne britannique assez semblable au SEL, avec lequel le SEL est en relation et qui a aidé le SEL à ses débuts – « nous avions l’habitude de dire qu’il fallait éviter de susciter un sentiment de culpabilité chez les gens ». Le SEL s’est doté d’un

« code de déontologie » dans lequel il affirme : « Le SEL rejette toute manière de communiquer qui manipule son public ou le culpabilise dans le but de collecter des fonds. »

Mais Tim Chester ajoute de façon très intéressante qu’il avait un ami qui rétorquait immanquablement à ceux qui disaient qu’il fallait éviter de susciter un sentiment de culpabilité chez les gens : « Si, on devrait les culpabiliser, parce que nous sommes coupables ! » (p.126) Alors : coupables ou non coupables ?

Le choc de la pauvreté

Constatons d’abord le fait suivant : nous sommes tous confrontés à la pauvreté. En effet, les occasions de rencontrer la pauvreté parfois même dans ce qu’elle a de plus déshumanisant sont nombreuses : autour de nous, dans la rue ou dans le métro, mais aussi à la télévision ou sur Internet. On peut difficilement surestimer l’importance qu’a joué la télévision dans la représentation occidentale de ce qu’on appelait à l’époque le « Tiers-Monde » et dans le développement des ONG humanitaires. C’est par la télévision que des images d’enfants mourant de faim sont apparues dans les foyers occidentaux – souvent à l’heure du repas – par exemple lors de la guerre du Biafra ou lors de la famine en Éthiopie. Ceux qui ont eu l’occasion de se rendre dans les pays en développement en ont souvent été profondément marqués – surtout lors de leur premier voyage sur place. Plusieurs d’entre nous ont aussi pu passer (ou passent peut-être maintenant) par des périodes difficiles sur le plan financier.

La perception du décalage entre les conditions de vie occidentales moyennes et celles des plus pauvres crée un malaise et parfois un sentiment de culpabilité. Nous pouvons avoir l’impression – justifiée – qu’il y a quelque chose d’anormal dans le fait que les inégalités soient si grandes. A cela peut s’ajouter la peur de devenir pauvre soi-même. Un sondage datant d’il y a quelques années montrait que 60% des français pensaient qu’eux ou l’un de leurs proches pourraient un jour devenir SDF.

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Face à ce malaise et à cette peur et face à la pauvreté, plusieurs réactions sont possibles.

J’en mentionnerai trois.

On peut décider de refuser ce malaise et mettre la pauvreté – ou les pauvres – à distance.

C’est le choix de ne pas s’attarder sur la pauvreté dans le monde et sur le risque de devenir pauvre soi-même, le choix de fermer les yeux, de détourner le regard, de penser à autre chose, de se dire que c’est très loin et que cela n’arrive qu’aux autres.

On peut aussi se dire : il faut que je fasse quelque chose ! Les motivations peuvent être diverses : ça peut être pour compenser (un peu) pour le décalage que l’on a perçu. Les pauvres peuvent aussi devenir les faire-valoir de notre générosité. Souvenez-vous de Jésus parlant de ceux qui sonnent la trompette devant eux quand ils font l’aumône. On pourrait aussi penser à ceux qui cherchent à gagner leur salut en faisant du bien aux pauvres ou encore dans une version contemporaine plus « cool », on pourrait citer les paroles de la fameuse chanson des restos du cœur : « J’ai pas mauvaise conscience, ça m’empêche pas de dormir, mais pour tout dire ça gâche un peu le goût de mes plaisirs. » Donc, il faut que je fasse quelque chose : que ce soit pour calmer ma culpabilité, pour que les autres aient une bonne opinion de moi, pour acheter mon salut, ou pour m’épanouir et / ou pouvoir continuer à jouir tranquillement de mes plaisirs sans être gêné par la souffrance des autres.

On peut aussi choisir d’accuser quelqu’un ou quelque chose d’autre d’être coupable de la situation. Selon les cas, cela peut être : le gouvernement, les institutions financières internationales, les grandes multinationales… ou bien encore : les dirigeants corrompus des pays pauvres ou bien les pauvres eux-mêmes. Certains iront jusqu’à oser accuser Dieu ou à prétendre lui demander des comptes de ce qu’il fait ou ne fait pas pour les pauvres.

D’autres réactions seraient sans doute possibles ou des mélanges ou positions intermédiaires entre celles que j’ai mentionnées, mais celles dont j’ai parlé me semble représentatives.

De quelle manière devrions-nous réagir ?

Il convient maintenant de se demander comment nous devrions réagir en tant que chrétiens.

Reconnaissons-le : beaucoup de ceux qui vivent dans les pays occidentaux ont un niveau de vie élevé par rapport à la majorité de ceux qui vivent dans les pays en développement.

Devraient-ils se sentir coupables de quelque chose ?

Pas forcément ! La Bible dit que Dieu nous donne tout en abondance pour que nous en jouissions (1 Timothée 6.17). Une déclaration évangélique d’un certains poids – bien que peu diffusée en France – traitant de questions sociales, la troisième déclaration de Chicago, affirme à juste titre : « Nous rejetons l’opinion selon laquelle il serait nécessairement mauvais que des chrétiens soient riches ou que certaines personnes possèdent plus que d’autres. » Dans quel cas devrions-nous alors considérer que nous sommes coupables de quelque chose ? Je dirais à un premier niveau d’analyse que ce qui pourrait faire que nous soyons coupables, ce serait que nos biens soient mal acquis ou mal gérés : si nous avons acquis nos biens en volant les autres ou si nous en jouissons seuls de façon égoïste, nous

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sommes certainement coupables de quelque chose. Plus fondamentalement encore, ce qui pourrait faire que nous soyons coupables, ce serait que nous mettions notre confiance, notre espérance, notre assurance dans nos biens plutôt qu’en Dieu. C’est ce que Jésus appelle accumuler des trésors pour soi-même et ne pas être riche pour Dieu.

Si en nous examinant nous-mêmes, nous découvrons que nous sommes coupables, un peu ou beaucoup, il nous faut prendre conscience d’un fait quelque peu surprenant : la culpabilité est d’abord quelque chose qui regarde ma relation avec Dieu. David, meurtrier et adultère (c’est-à-dire coupable de fautes commises envers son prochain) confesse à Dieu :

« J’ai péché contre toi, contre toi seul… » (Psaume 51.6) Quand je suis coupable, c’est toujours fondamentalement devant Dieu et envers Dieu.

On répond au problème de la culpabilité – qui concerne fondamentalement notre relation avec Dieu – en appelant à revenir à Dieu et pas d’abord en poussant à s’engager avec une organisation humanitaire. La bonne nouvelle de l’Évangile, c’est que Dieu nous accorde gratuitement le pardon de nos péchés, non pas lorsque nous avons réussi à compenser pour ce que nous avons mal fait ou pour ce que nous n’avons pas fait, non pas lorsque nous avons réussi à accuser quelqu’un d’autre et à nous disculper grâce à des excuses ou à des circonstances atténuantes, mais lorsque nous recevons son salut par la foi en Jésus qui s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité. « Lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur, et son amour pour les hommes, ont été manifestés, il nous a sauvés – non parce que nous aurions fait des œuvres de justice… » Non parce que nous aurions donné aux pauvres, ou parrainé un enfant ou combattu la corruption.

Au-delà de la culpabilité

Le remède à la culpabilité se trouve à la croix. La délivrance de la culpabilité nous ouvre les portes pour une vie de reconnaissance pour ce que Dieu a fait pour nous comme Créateur et comme Sauveur. Avez-vous remarqué de quelle manière l’apôtre Paul met ensemble la grâce de Dieu et la vie transformée dans le texte que nous avons lu ? A trois reprises, il le dit nettement :

- C’est la grâce de Dieu qui nous enseigne comment vivre d’une façon qui plaît à Dieu (chapitre 2 versets 11 et 12) ;

- C’est parce que Jésus s’est donné lui-même pour nous que nous sommes un peuple qui peut être zélé (ou « qui se passionne » d’après une autre traduction) pour les œuvres bonnes (chapitre 2 verset 14) ;

- Après avoir parlé de la justification gratuite, Paul continue : « Cette parole est certaine, et je veux que tu insistes là-dessus, afin que ceux qui ont cru en Dieu s’appliquent à exceller dans les œuvres bonnes. » (chapitre 3 verset 8).

Notre action chrétienne dans un monde en détresse veut s’inscrire dans ces « œuvres bonnes » dont parle la Bible. Nous pouvons avoir une action dans un monde en détresse sans nous concentrer sur la grâce de Dieu en Jésus-Christ crucifié. Mais ce ne sera pas une action chrétienne. Une action vraiment chrétienne doit découler d’une expérience de la grâce de Dieu, de l’écoute du message de l’Évangile et de la justification gratuite. C’est en

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insistant sur la grâce que nous pouvons espérer avoir des chrétiens qui mènent une action chrétienne dans un monde en détresse.

Celui qui vit de la grâce de Dieu commence à être transformé dans ce qu’il est et dans ce qu’il fait. Cette vie se manifeste parfois de façon surprenante : avez-vous déjà rencontré de ces personnes extraordinaires dans leur vie avec Dieu ? Ce ne sont justement pas des gens qui vous font vous sentir coupables devant eux parce qu’ils font tellement plus ou mieux que vous. Peut-être vous font-ils réaliser qu’il y a un problème dans votre vie, mais c’est de telle manière que cela vous pousse à retourner vers Dieu. Je crois que parmi nos partenaires, vous pourriez rencontrer des personnes comme cela. Je pense par exemple à Marthe Girard dont l’histoire est racontée dans le livre Parole aux femmes que nous allons vous donner tout à l’heure. Ces personnes sont une illustration de ce que peut être une vie avec Dieu vécue au service du prochain et on se dit en y pensant que cela vaut la peine de s’inspirer d’eux et des aider.

Ces perspectives sur la culpabilité, la délivrance et la reconnaissance nous permettent de conclure en revenant sur les trois attitudes que j’ai relevées par rapport au malaise que la pauvreté peut susciter en nous :

Par rapport à ceux qui sont tentés d’accuser quelqu’un ou quelque chose d’autre, je dirais : oui, il faut reconnaître que d’autres que moi ont une responsabilité et culpabilité dans le problème de la pauvreté. Il faut savoir le dire et le dénoncer à certains moments. Mais que cela ne m’empêche pas de me concentrer d’abord sur ma relation avec Dieu et mon style de vie devant lui, sur la vocation qu’il m’adresse et dans laquelle ma responsabilité est sans doute d’abord de saisir les occasions de faire le bien qu’il m’offre, plus que de dénoncer ceux qui ne font pas le bien qu’ils auraient l’occasion de faire. Regardez notre texte : « Rappelle- leur d’être soumis aux gouvernements et aux autorités, d’obéir, d’être prêts à toute œuvre bonne, de ne médire de personne, d’être paisibles, conciliants, plein de douceur envers tous les hommes. » (Tite 3.1-2) Pourquoi ? Parce que le monde ne serait pas si mauvais que cela ou que les autres ne seraient pas si coupables que cela ? Non, mais plutôt parce que nous étions comme eux : « Car nous aussi, nous étions autrefois insensés, désobéissants, égarés, asservis à toute espèce de désirs et de passions, vivant dans la méchanceté et dans l'envie, odieux et nous haïssant les uns les autres. » Et si nous avons changé, ce n’est pas parce que nous aurions pris de bonnes résolutions, mais parce que Dieu est intervenu, que Lui a résolu de nous sauver.

Par rapport à ceux qui sont tentés de détourner le regard, de fuir ou de ne rien faire, je dirais : oui, il faut reconnaître que je n’ai pas à porter le monde sur mes épaules, ni la responsabilité de faire venir le Royaume de Dieu sur la terre. Mais que cela ne m’empêche pas de vivre centré sur Dieu (ce qui ouvre toujours à mon prochain) et non pas sur moi- même. Il paraît que Mère Thérésa disait : « On ne peut pas faire de grandes choses - rien que des petites avec un immense amour. » et encore : « Bien des gens acceptent de faire de grandes choses. Peu se contentent de faire de petites choses au quotidien. » Le vrai choix n’est pas entre ne rien faire ou changer le monde, mais entre être fidèle dans les petites choses ou être médiocre ou même mauvais dans les petites choses. Le Christ ne s’est pas livré lui-même pour se faire un peuple de héros, mais pour se faire un peuple passionné par les œuvres bonnes.

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Par rapport à ceux qui ont compris qu’il fallait s’engager et agir, je dirais : oui, c’est bien cela que nous sommes appelés à faire ! Face à la pauvreté, il faut que je fasse quelque chose.

Mais que cela ne me fasse pas oublier que c’est la grâce de Dieu qui me délivre de ma culpabilité (et pas mes dons ou mon engagement), que mon action doit être fondée dans le repos que connaît celui qui s’assied aux pieds de Jésus pour écouter sa Parole – c’est là la seule chose nécessaire, la bonne part qui ne sera pas ôtée à celui qui la choisit – et que l’action envers les pauvres est d’abord reconnaissance envers notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ qui s’est livré lui-même pour nous et qui a eu pitié de nous qui sommes si désespérément pauvre sans sa grâce et si infiniment riches avec sa grâce ! Alors si nous voulons mener une action chrétienne dans un monde en détresse et entraîner d’autres personnes avec nous dans une telle action, insistons sur la grâce de Dieu !

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