G133 : Jeu de piste
Dix-huit enfants qui ont tous des prénoms différents, participent collectivement à un jeu de piste. Chacun de leurs prénoms a été écrit sur un morceau de papier et les dix-huit papiers ont été placés à leur insu sous dix-huit pierres facilement identifiables. A tour de rôle, chaque enfant soulève neuf pierres pour relever les noms écrits sur les neuf papiers.
Le jeu est gagné par le groupe des dix-huit enfants si chacun d'eux retrouve son propre prénom. Si l'un quelconque ou plusieurs d'entre eux échouent, tout le groupe perd.
Les enfants ont le droit de se concerter avant le début du jeu pour définir ensemble une éventuelle stratégie mais au cours du jeu ils ne communiquent jamais entre eux et ne laissent aucun signe particulier lorsqu'ils soulèvent les pierres et les remettent à leur place. Le moniteur qui contrôle le bon déroulement des opérations note les prénoms dévoilés par chaque enfant.
Avec les notions de calcul des probabilités qu'il a encore en mémoire, le moniteur est convaincu que la probabilité de gain du groupe d'enfants est très faible car il assimile le jeu à la répétition de dix-huit épreuves indépendantes entre elles, chacune étant assimilée au tirage exhaustif de neuf boules dans une urne qui en contient dix-huit marquées des prénoms. Mais il oublie qu'il y a un Pascal en herbe qui permet à tout le groupe d'enfants d'avoir plus d'une chance sur trois de gagner.
Quels sont les raisonnements respectifs du moniteur et du Pascal en herbe ?
Plus généralement, considérons n enfants , qui peuvent soulever p pierres.
En l’absence d’une stratégie concertée, chaque enfant a p chances sur n de réussir (ici, une chance sur deux) : la probabilité pour que l‘équipe gagne est donc (p/n)n : ici,une chance sur 218, soit moins de 4 chances sur un million…
Une stratégie permettant d’améliorer ce résultat doit partir du fait que tous les enfants jouent avec la même distribution des prénoms, qui est une permutation de n éléments.
Représentons-les par les nombres de 1 à n, et définissons la fonction f, telle que f(i) soit le i-ème terme de la permutation : en partant d’un terme initial i, on peut engendrer la suite f(i), f2(i),… jusqu’à retrouver tôt ou tard l’élément i : si k est le premier entier tel que fk(i)=i, nous dirons que cette permutation contient un cycle d’ordre k.
Si l’on a numéroté les enfants de 1 à n, et si chacun commence par soulever la pierre correspondant à son numéro, puis éventuellement celle qui correspond au nom qu’il vient de découvrir, etc…, la probabilité d’échec sera égale à la probabilité qu’il existe un cycle d’ordre supérieur ou égal à p+1 dans la permutation.
Le nombre total de permutations est n !, tandis que le nombre de permutations
contenant un cycle d’ordre k>n/2 est égal au produit du nombre de façons de choisir les n-k termes ordonnés n’appartenant pas au cycle, soit n!/k!, par le nombre de cycles, soit (k-1)!. La probabilité que la permutation contienne un cycle d’ordre k est donc 1/k.
Ici pour n=18 et p=9 la probabilité d’échec est donc :
1/18+1/17+1/16+1/15+1/14+1/13+1/12+1/11+1/10=0,6661, donc une probabilité de réussite légèrement supérieure à 1/3.
Si l’on avait pris p=12, on aurait une probabilité de réussite de 60,8%, contre 0,068% en l’absence de stratégie…