ÉCOLOGIE DE QUELQUES TRIGONES (TRIGONA SP.) DE LA
SAVANE DE LAMTO (COTE D’IVOIRE)*
Ökologie einiger Trionen (Trigona Sp.)
in der Savanne
vonLamto (Elfenbeinküste)
Roger DARCHEN
Faculté des Sciences de Paris, Station Biologique des Eyzies
24 - Les
Eyzies
et Station
d’Écologie
Tropicale de Lamto, B.P. 28 à N’DouciCôte d’Ivoire
SUMMARY
THE ECOLOGICAL ROLE OF THE TRIGONES
(Trigonini)
IN THE SAVANNAH AROUND LAMTO, IVORY COAST
This study attemps to
clarify
the ecological role of social bees, in particular the Trigones(Trigonini)
in the savannah around Lamto, Ivory Coast.1) Over an area of 30 hectares
(300 000
m2) made up of quadrats of various sizes an average of 2.5 nests per hectare were found. This contrasts with LEVIEUX’S estimate of 7,000 ant’snests per hectare, and JOSENs’density estimate of 17 million termites per hectare.
2) The small bee species
(Hypotrigona
andLiotrigona)
appear to show no biotopic prefe-rence for any particular feature of savannah.
3) The
development
of theHypotrigona
workers lasts from 39 to 40 days.4)
The number of eggs produced daily by a queen varies somewhat from onecolony
toanother
(from
22 to 82 eggs per day).5)
The rate of egg production isindependent
of the number of individuals in the colony.6) At Lamto, the
monthly
averageweight
of the brood stays almost the sameduring
thewet and the dry seasons.
7) The estimated
weight
ofnymphs,
larvae and food in an averagecolony
of 1,100 indi- vidualsweighing
3.3 g is 5 g. Theweight
of thecolony
is thus 8.3 g. Thus, with 2.5 nests, the averageweight
per hectare is 21 g.8)
There is a notable reduction in food reserves from the wet season to the first half* Ce travail a été efTectue au laboratoire
d’teologie
tropicale de Lamto dans le cadre de la R.C.P. 60 du C.N.R.S. et du P.B.I.of the dry season : the average food reserve of the Hypotrigones per hectare is around 820 g.
in October and 50 g in May.
How relatively unimportant seem the 2,750 Hypotrigones found per hectare, when compa- red to the biomass of
Cerambycids
or worms, or even other social insects. Yet the bees areof capital importance for
polliniation
given that there may be 800flights daily
percolony
of Hypotrigones. That is to say 2,000 dailyforaging flights
over one hectare of savannah.RÉSUMÉ
Ce travail tente d’éclaircir le rôle écologique des abeilles sociales, en particulier des
Trigo-
nes, dans la savane de Lamto, Côte d’Ivoire.
1) Sur les 30 hectares, divisés en quadrats de surfaces diverses, nous avons trouvé une
moyenne de 2,5 nids à l’hectare.
(Il
y a 7 000 nids de Fourmisd’après
LEVIEUX(1969)
etpour les Termites 17 millions d’individus d’après JosENs (1969) sur un hectare). Certaines zones
en sont complètement dépourvues alors que d’autres en contiennent plusieurs.
2) Aucun faciès de savane ne semble être le biotope
préférentiel
pour l’établissement despetites espèces d’abeilles
(Hypotrigones
etLiotrigones).
3) Le développement de l’ouvrière des Hypotrigones dure de 39 à 40 jours.
4) La ponte journalière d’une reine est assez variable d’une colonie à une autre : elle va
de 22 oeufs à 82.
5) Le taux de ponte est
indépendant
du nombre d’individus présents dans la colonie.6) A Lamto, la moyenne mensuelle des poids de couvain, estimée en grammes, reste à peu près la même durant la saison des pluies et la saison sèche.
7) On peut estimer à environ 5 g le
poids
desnymphes,
des larves et de leur nourriture dans une colonie moyenne de 1 100 individus pesant 3,3 g. Le poids moyen d’une colonie est donc environ 8,3 g, celui des 2,5 colonies à l’hectare de 21 g.8) Il y a une diminution notable des réserves de la saison des pluies à la saison sèche bien
entamée. La moyenne des réserves des
Hypotrigones
sur un hectare est d’environ 820 g aumois d’octobre et 50 g en mai.
Que
sont 2 750Hypotrigones
à l’hectare de savane en face de la biomasse des Céram-bycides, des Vers ou même d’autres insectes sociaux? Presque rien. Pourtant l’importance des
abeilles est capitale pour la pollinisation puisqu’il peut y avoir environ 800 vols journaliers
d’Hypotrigones
par colonie, c’est-à-dire 2 000 vols de butinage au-dessus d’un hectare de savane.1. - INTRODUCTION
Notre travail entre dans le cadre du
Programme
deBiologie
International.Il a pour but d’éclaircir le rôle
écologique
des abeillessociales,
enparticulier
des abeilles sans dard ou
Trigones,
dans la savanne deLamto,
Côte d’Ivoire.La station de recherches
d’écologie tropicale
de Lamto se trouve à environ200 km au nord-est de la ville
d’Abidjan
dans une savane detype guinéen
àpalmiers
rôniers(Borassus aethiopum).
Cette savane s’enfonce comme uncoin à l’intérieur de zones de forêt dense
tropicale longeant
l’océanAtlantique,
aussi est-il
classique d’appeler
cette avancée le V baoulé. Elle a les coordonnées suivantes : So 02’ delongitude
ouest, 60 13’ de latitude nord(fig. 1).
La savane est essentiellement
composée
d’untapis graminéen
d’oùémergent
des arbres etparfois
des buissons. L’architecture de cesvégétaux ligneux
conditionne lespossibilités
dupeuplement
par les abeilles. Le nombre desespèces ligneuses
est limité et nous pouvons ici les classer en deuxcatégories :
Il
s’agit
essentiellement du Palmier rônier et de Cussonia barteri. Nousavons rencontré une
fois,
dans un rônier mort, une colonied’Apis mellifica
et une autre fois un nid de
Dactylurina
accolé au haut d’un tronc de rôniervivant
(fig. 2)
mais ces deux trouvailles sont restéesexceptionnelles
et nousdevons considérer le rônier comme non favorable à la nidification des abeilles sociales.
L’araliacée,
Cussonia barteri ne recèlejamais
d’abeilles. Cela tient à la structure de laplante.
Une coupe transversale dans une branche montreque cet arbre très
particulier
est revêtu d’une écorce subéreuse trèsépaisse,
crevassée
longitudinalement,
et entourant un coeur trèstendre, gorgé
d’uneabondante sève. Il est
impossible
aux abeilles de coloniser lesparties
vivantesde ce
végétal. Quant
auxparties
mortes, elles nepeuvent
être utilisées nonplus,
car dans ce cas le bois peu li-gnifié
est vite réduit enpoussière;
seule
persiste
un certaintemps
l’é-corce, mais dans l’ensemble elle de-
meure
fragile
et uneoccupation
delongue
durée n’estguère possible.
2. - Les arbres utilisés par les abeilles pour leur
nidification
Ce sont essentiellement tous les arbres
présentant
des cavités internes.On
peut
citerparmi
les essences lesplus répandues : Crossopteryx febrifuga,
Bridelia
ferruginea, Piliostigma thonningii,
Terminaliaglaucescens,
Vitexdoniana
(fig.
3 et4).
Les causes de l’évidement interne de ces arbres sont assez obscures et vraisemblablementcomplexes.
Leschampignons,
les Insectes(Coléoptères, Termites,
Fourmispeut-être)
et même le feu doivent concourir à cettedégradation.
De toutefaçon,
ces bois sont dans l’ensemble très durset il est exclu que les abeilles
puissent
les entamer pouraménager
leur habita- tion. Dans tous les cas, ellesprofitent
de cavitéspréexistantes.
Dès lorsqu’un
arbre a le tronc ou les branches crevassés il est
susceptible
d’être habité par des abeillessociales, qu’il
soit mort ou vivant(fig. 5).
Les abeilles utilisent la cavité sans tenircompte
desavantages thermorégulateurs
ouhygrorégu-
lateurs que
pourraient
leurapporter
le bois vivant. Elles sontadaptées
à lasavane et
capables
deréguler
leur propre micro-climat. C’est là une différenceessentielle avec les Fourmis
(Crematogaster) qui logent toujours
dans lapartie
vivante des arbres(B. D ELAGE -D ARCHEN , 1971).
Mais il existe aussi des abeilles de savane
qui
nelogent
pas dans les cavités des arbres. Onpeut
les classer en deuxcatégories :
1)
Cellesqui
construisent de toutespièces
des nids en forme de boulessuspendues
aux branches : ellesappartiennent
au genreDactylurina
et2)
celles
qui
utilisent des cavitésménagées
dans de grosses termitières(fig. 6).
(D ARCHEN
,
1969 et1970).
Leproblème
de l’installation des abeilles dans les Termitières est assezcomplexe. Signalons
tout d’abord que les Termitièresvivantes,
c’est-à-dire les Termitières habitées par les véritables constructeurs,ne sont
jamais
colonisées par les abeilles. Celapeut
secomprendre
car, dansce cas, la Termitière est un bloc
compact,
toutes les effractions éventuellessont vite colmatées par les ouvriers et les ouvertures sont
gardées
par des soldatsagressifs.
L’intrusion des abeilles est doncimpossible.
Par contre,lorsque
la grosse Termitière est morte, ellepeut
êtreréoccupée
par d’autresespèces
de Termitesplus petites qui
cohabitent dans ce bloc cloisonné ens’ignorant.
Il arrive alors que des brèches soient ouvertes dans ces Termitièresréoccupées.
Lesagents
destructeurs ne sont pastoujours
faciles à identifier.Il est vraisemblable que
Rongeurs, Pangolins
ou même Insectes y contribuent(D ARCHEN
, 1970).
Ce sont ces cavitésqui
seront par la suite réutilisées par les abeilles. Notons enfin que nous n’avonsjamais
trouvé de nids d’abeilles dans des Termitières dont la taille soit inférieure à 95 cm de haut et 100 cmde diamètre
(à
la surface dusol).
Il faut donc que la Termitière soit assez grosse. Ces constructions sont assez rares dans la réserve de Lamto et lamajorité
ne contient pasd’abeilles,
c’est-à-dire que lesespèces
vivant dans lesTermitières ont été trouvées très peu souvent. Sur
plusieurs
centaines d’hec-tares
prospectés, JosErrs (Termitologue) (1969)
et moi-même n’en avonsrencontré
qu’une
demi-douzaine de fois.A notre
grand étonnement,
nous n’avonsjamais
découvert de nids d’abeilles creusésprofondément
dans la terre comme l’on enpeut
voir au Gabon.Peut-être y en a-t-il dans les forêts
galeries ? Jusqu’ici
nos recherches ont étévaines,
mais il est vrai que ces nids sont très difficiles àrepérer.
La savane offre donc aux abeilles différents
types
derefuges,
mais elleles attire encore par de nombreuses
plantes
et surtout lesgraminées
trèsrecherchées pour le
pollen.
L’actionpollinisatrice
des abeilles de savane estcertainement très
importante
et toute étude de ces Insectes doit nécessaire-ment
envisager
cettequestion.
Nous la réservons pour un autre mémoire et nous n’étudierons ici que les faits intéressants lesproblèmes
de densité et de renouvellement despopulations. Lorsque
cela nous serapossible,
nous tenteronsquelques comparaisons
entre les faits debiologie
que nous connaissons chez les abeilles de savane et chez les abeilles de forêt que nous étudionsparallè-
lement au Gabon.
II. - LES GENRES D’ABEILLES TROUVÉS DANS LA SAVANE DE LAMTO
Tous les genres de
Trigones
découverts enAfrique
n’ont pas été retrouvés dans la savane de Lamto. Sur les 10 genres actuellement reconnus enAfrique
nous n’avons récolté des
représentants
que decinq
d’entre euxseulement,
soit une
quinzaine d’espèces
au maximum.L’analyse
des échantillons nouspermet
de penser que 3 ou 4espèces,
aumoins,
sont nouvelles(un
travailplus précis
de taxinomie devra êtreenvisagé
à la suite de cette étude pour identifieravec
rigueur
ce matériel difficile oùbeaucoup d’espèces
sontmorphologique-
ment très
voisines).
Laplupart
des nids desespèces
récoltées ont pu être trouvés etanalysés.
Ils ont été retirés des arbres creux ou des termitières.Cependant,
il est desespèces
que nous avonscapturées
en savane où ellesbutinaient,
maisqui
ne nidifient pas dans cette formation. Ellesprovenaient
des forêts
galeries toujours proches.
C’est le cas parexemple d’Apis mellifica
la
plus
grosseespèce
d’abeillequ’on
rencontrefréquemment
sur lesplantes
de la savane mais dont le nid est
toujours
en forêt. Une fois seulement nous avons trouvé une colonie de cetteespèce
dans la cavité d’un rônier mort ensavane, mais le cas est très
exceptionnel.
Par contre, toutes les
Hypotrigones,
toutes lesLiotrigones
toutes lesDactylurines
que nous avons récoltées en savane y établissent leur nid. Ellessont
capables
desupporter
de très fortes insolations et le passage annuel des feux.Quant
auxAxestotrigones
butinant en savane, certaines sont des formesforestières mais d’autres sont aussi de véritables savanicoles.
Nous avons cherché à savoir comment ces différentes abeilles
procèdent
pour assurer la
thermorégulation
de leur nid.Les
Hypotrigones
semblent n’utiliserqu’une
méthode assezsimple ;
elless’installent à la
queue-leu-leu
dans le tube de cire servant de canal d’entréeau nid et elles battent des ailes la tête tournée vers l’extérieur pour assurer un courant d’air rafraîchissant. On
peut
les observergrâce
à latransparence
du tube de cire. Les vibrations simultanéesproduites
ainsi par un certain nombre d’insectesengendrent
un bruit nettement audible à l’extérieur de la ruche.Les
Dactylurines, elles, disposent
deplusieurs
moyens pour lutter contre les excès detempérature. Rappelons
que leur nid seprésente
sous la formed’une boule accrochée aux branches. Il
s’agit
donc d’un nid construit de toutespièces
par les Insectes. AuGabon,
ces nids sont très souvent bâtis dans la fourche des branches de cacaoyers ou de caféiers. Ils sont ainsi à l’abri du soleil sous les frondaisons. En Côte d’Ivoire ces abeillessuspendent
leur habi-tation assez haut dans les
arbres,
en situation peuabritée,
contrairementaux
espèces gabonaises.
Onpeut
les trouver en savane sur les arbresgéné-
ralement les
plus
hauts(nous
avons même trouvé un nid collé au tronc lissed’un
palmier rônier,
doncexposé
à toutes lesintempéries),
mais on les rencontreaussi en forêt
galerie;
dans ces cas ils sontsuspendus
aux branches des trèsgrands
arbres(Kapokiers
parexemple)
àplusieurs
dizaines de mètre de hau-teur : ils sont donc là aussi en
position dégagée.
Ces abeillespeuvent
sup-porter
les excès detempérature auxquels
elles sont soumisesgrâce
àplusieurs
artifices :
1)
D’abord la structure même du nid entre enligne
decompte.
En Côte d’Ivoire les nids sont très volumineux(70
à 80 cm dediamètre) comparés
àceux du Gabon
(40
à 50cm).
Cela tient surtout à ce que la coqueprotectrice
du nid est très
épaisse.
Cette coque est constituée d’unmélange
decire,
derésine
prélevée
sur lesplantes,
et aussi de débris devégétaux.
Laparoi
exté-rieure est relativement unie mais l’intérieur de la coque est
spongieux.
Denombreuses lames de cette
composition cire-résine,
certainement mauvaise conductrice de lachaleur, emprisonnent
de l’air dans les cavitésqu’elles
cir-conscrivent.
Ainsi,
unepremière
isolationthermique
est obtenue par ce moyen.2)
Apart
ce moyenpassif
dethermorégulation
inhérent à la structuredu
nid,
lesDactylurines
utilisent aussi des méthodes actives :a)
ellesventilent,
b)
ellesapportent
des modificationstemporaires
àl’enveloppe
mêmedu nid. Pour
cela,
elless’y prennent
de deux manières :- d’une
part,
elles ouvrent un gros orificeidentique
à l’orifice d’entrée du nid et situé lui aussi sur le côté et vers le bas mais àl’opposé
du trou d’en-trée. Une circulation d’air
peut
ainsi être établie.- d’autre
part,
ux heures chaudes elles ouvrent sur toute la surface dunid,
dansl’enveloppe extérieure,
de nombreuxpetits
trous facilitant encoreainsi la ventilation. Ces ouvertures sont refermées
lorsque
latempérature
s’abaisse.
Nous
ignorons
les moyensemployés
par lesAxestotrigones
pour main- tenir l’homéothermie de leurs ruches.(Rappelons qu’en
savane ces abeilles nichent dans lestermitières,
elles sont doncprotégées
durayonnement
direct par uneépaisseur
de terrealvéolée).
Il estcependant
vraisemblable de penserqu’elles
utilisent aussi la ventilation.III. - ACTION DES FEUX DE BROUSSE SUR LES ABEILLES
Les abeilles
qui
sont manifestement leplus exposées
aux feux de broussesont les
petites espèces logeant
dans les branches des arbres de la savane.Nous avons cherché à évaluer l’action nocive de la chaleur en ouvrant des colonies
juste après
le passage des feux. Il s’est avéré que bien des nids restent indemnesmalgré
l’incendie.Mais, lorsque
la force du feu est entretenue par des broussaillesépaisses
aupied
d’un arbre oùlogent
desabeilles,
onpeut
constater des
dégâts
dans les nids.Lorsque
lepoint
de fusion de la cire estatteint ou
dépassé
les cellules fondent et lejeune
couvain enfermé dans des coques individuelles de cire est voué à mouriremprisonné
alors dans un magmadésorganisé (fig. 7).
Il y a ainsi au moment des feux des trous dans le renou-vellement de la
population
de certainescolonies,
mais cela n’entraîne pas pour autant leurdisparition
car la reine et bon nombre d’ouvrières restentvivantes.
Nous avons cherché à connaître
l’importance
desdégâts
causés chez lesabeilles par les feux de brousse en 1970. Cette année
là,
les feux ont été malheu-reusement assez peu fournis. Sur une surface d’un
hectare, particulièrement
riche en
petites espèces (Hypotrigones, Liotrigones)
nous avonscompté
15 nids.Sur ces 15
nids,
deux seulement avaient le couvainendommagé
et la cirefondue,
mais lapopulation
adulte était intacte. Il estprobable
que la fuméeprotège
les Insectes en les immobilisant à l’intérieur du nid.Est-ce à dire que le feu n’a aucune action indirecte sur les abeilles ? Cer- tainement non, car la destruction de l’herbe entraîne la
disparition
d’unesource de nourriture. Les animaux doivent alors
parcourir
debeaucoup plus grandes
distances pour allers’approvisionner.
Toutefois cehandicap
n’estpas insurmontable pour les
petites espèces puisque,
à certainesépoques,
onpeut
trouver desHypotrigones
sur les inflorescences mâles des rôniers à 15 mètres de haut.Lorsque
les conditionsl’exigent
ces abeilles sont donccapables
d’accroître considérablementl’importance
de leursdéplacements.
Nous avons
remarqué
en ouvrant des nidsd’Hypotrigones
en saison sèche unediminution notable des réserves. Il est
probable
que cettepériode
de sécheresse dont lapauvreté
est accentuée encore par lebalayage
desfeux,
entraînepériodiquement
la diminution et des réserves et ducouvain,
mais seuls desélevages expérimentaux
d’assezlongue
duréepourront
donner une idéepré-
cise du
phénomène.
IV. — ÉTUDE DE LA DENSITÉ DES POPULATIONS D’ABEILLES
Pour évaluer la densité des abeilles de savane par unité de surface on a
utilisé une
technique
trèsclassique
de dénombrement des nids dans des carrésde surface connue, choisis au hasard. Nous avons commencé par délimiter des carrés de 10
mètres, puis
25 et 30 mètres decôté,
mais trèsrapidement
nous nous sommes aperçu que les surfaces ainsi délimitées étaient nettement
trop petites,
la densité des nids étanttrop
faible pourqu’on
ait la chance d’enrencontrer sur de tels échantillons. Aussi avons nous
préféré
rechercher les abeilles sur des surfaces de1 /8
d’hectare(50
m X 25m), d’1 /4
d’hectare(50
m X 50m)
ou même d’1 hectare(100
m X 100m).
Bien que les
emplacements
desquadrats
aient été déterminés auhasard,
nous avons cherché à faire des relevés en nombre
comparables
dans les diffé-rents faciès de la savane, faciès
héliophile,
arbustifsclairs,
arbustifs denseset enfin très boisés.
Dans les zones ainsi étudiées nous avons dénombré les arbres et arbustes de manière à établir les relations
possibles
entre le nombre d’arbres par unité de surface et le nombre de nid d’abeilles au même endroit. Unepremière
observation se
dégage
de ce travail : seuls les arbres dont le diamètre du troncdépasse
une dizaine de centimètres ont des chances deposséder
des abeilles.En dessous de cette taille ils sont
trop petits
pourposséder
dans le tronc oules branches maîtresses des cavités internes
susceptibles d’héberger
les abeilles.V. - ANALYSE DES RÉSULTATS CONCERNANT LA DENSITÉ DES NIDS D’ABEILLES DANS LA SAVANE DE LAMTO ET DE SES ENVIRONS
287 500
m 2 ,
soit environ 30hectares,
ont été parcourus delong
enlarge
en 5 mois de
séjour
sur la réserve ou dans ses environs par deux ou trois per-sonnes à la recherche des nids d’abeilles. On a ainsi délimité 1 carré de 100
m 2 ,
3 de 500
m 2 ,
4 de 625m 2 ,
1 de 3 000m 2 ,
1 de 3 600m 2 ,
5 de 10 000m 2 ,
2 de20 000
m 2 ,
et un de 30 000 m2. Nos résultatsportent
donc sur 94quadrats.
Le nombre des nids trouvés sur l’ensemble de ces surfaces s’élève à 72.
Ce
qui
donne environ une moyenne de2,5
nids à l’hectare. Ce chiffre nousindique
lapauvreté
de la faune en abeilles sociales de la savane de Lamtocomparée
à celle des Fourmis terricoles(7
000 nids à l’hectared’après L EVIEUX , 1969)
ou des Termites(17
millions d’individus à l’hectared’après J OSENS , 1969).
Remarquons
immédiatement que ces chiffres ne donnent aucune idée sur larépartition
réelle des colonies d’abeilles sur leterritoire,
certaines zones ensont presque
complètement dépourvues
alors que d’autres contiennentplu-
sieurs nids.
Le tableau 1
peut
seul nous donner un aperçu exact de la distribution des nids dans la réserve.A la lecture de ce
tableau, 1°)
on voitqu’il n’y
aapparemment
aucun faciès de savanequi
semble être lebiotope préférentiel
pour l’établissementdes
petites espèces
d’abeilles(Hypotrigones
etLiotrigones)
ou desespèces
moyennes comme
Trigona sawadogoi
ouTrigona
eburnensis : tous les faciès citésplus haut,
à conditionqu’ils possèdent
des arbres creux, c’est-à-dire des arbresayant
engénéral plus
de 10 cm dediamètre,
ou des Termitières aban-données,
sontsusceptibles
d’abriter des abeilles. On fera uneexception
pourDactylurina qui
n’a été trouvée que dans des savanes fermées àproximité
deforêts
galeries. 2°)
Ce tableau nous montre aussil’irrégularité
de ladispersion
des nids sur toute l’étendue de la réserve : des hectares entiers
peuvent
être dénués de colonie d’abeilles tandis que d’autres en contiennentplusieurs.
Cephénomène
n’est pas étonnantquand
on connaît labiologie
despetites espèces
d’abeilles et leur
essaimage
enparticulier.
Eneffet,
lesexploratrices
d’unecolonie
prête
à essaimer recherchenttoujours
une habitation àproximité
dela souche mère : elles la trouvent
quelquefois
àquelques centimètres,
àquelques
mètres,
rarementbeaucoup plus
loin. Les conditionsd’essaimage exigent
presque cette
proximité
car les relations entre la colonie ancienne et la nou-velle
peuvent
durerquelquefois plusieurs
semaines : la colonisation du nouvel habitat se fait parétapes : premiers aménagements
de la cavité par de vieilles abeillesexploratrices,
construction dequelques
cellules deréserve, transport
de réserves de la vieille colonie vers lanouvelle,
arrivée dejeunes
abeilles engrand nombre,
arrivée de la reine...Bref, lorsqu’on repère
un nid dans unerégion,
on a de fortes chances d’en trouver d’autres pas très loin : les nids sont assez souvent deux ou trois dans le mêmearbre;
le cas leplus exceptionnel
a été la découverte d’un arbre moyen contenant 22 colonies.
Je possède
le dénombrement des arbres dans 20 carrés de 30 mètres de côté dans un faciès arbustif dense. Ce nouvelexemple
illustre encore sur unepetite
échelle les remarquesprécédentes.
Les arbres ont été classés en 4 caté-gories
suivant leurtaille, 1°)
ceuxqui
nedépassent
pas 2 m, n’ont pas de grosses branches et de coeur creux,2°)
ceuxqui
ont une taille de 2 à 3 m etquelques branches, 3°)
ceuxqui
mesurent de 4 à 5 m, et enfin4°)
lesgrands
arbres de forêt. Grosso modo la surface peut être
représentée
par unrectangle
de 4 carrés sur 5. Sur les 20
quadrats,
14possèdent
des arbres(Tableau 2).
Ainsi
d’après
ce tableau nous retrouvons sous une autre forme ce que nousavons
déjà remarqué,
à savoirl’indépendance
totalequ’il
y a entre la densitéou la taille des arbres
(à
condition toutefoisqu’ils
soientcreux)
et la densité des abeilles.VI. - RECHERCHES SUR LA BIOLOGIE DES POPULATIONS D’ABEILLES
Les abeilles construisent leurs rayons ou leurs cellules à couvain d’une manière
spécifique.
Les rayons desDactylurina
sontverticaux,
ceux desAxestotrigones
horizontaux ou hélicoidaux(l’hélice
sedéveloppant
dans unsens
horizontal).
Lespetites
cellules desHypotrigones
elles-mêmesprésentent
une orientation facilement identifiable. Elles sont ovales et leur
plus grand
axe est
toujours perpendiculaire
au sol. Cette remarque nous apermis
dedécouvrir un moyen facile d’étudier la cadence de
ponte
en untemps
donnésans traumatiser aucunement les colonies. En
effet,
il suffit lors de la récolte d’une colonie derepérer
l’orientation de la branchequi
le contient parrapport
au sol. La branche est alors amenée sous un abri à
proximité
du laboratoireet orientée à 90° par
rapport
à la directionqu’elle
avait dans la nature. Onlaisse les abeilles libres de vaquer à leurs
occupations pendant
untemps donné,
en suite de
quoi
on ouvre la ruche et l’on trouve les cellules nouvellement formées construitesperpendiculairement
à cellesprécédant
la récolte(fig. 8).
Il suffit alors de dénombrer les cellules ainsi reconnaissables pour savoir com- bien d’oeufs ont été
pondus.
Cetteexpérience
très facile à réaliser donne des indicationsprécieuses quant
aucycle biologique
des abeilles en fonction dela
saison,
del’importance
de la colonie etc. Par ce moyen onpeut
aussi con- naître la durée dudéveloppement
larvaire et laproductivité
descolonies,
letout dans des conditions les
plus
naturellespossibles,
la reine continuant àpondre
normalement sans êtreperturbée.
Nos observations sont résumées dans le tableau 3. Ce tableau nous donne
plusieurs
sortes d’indications :1)
La durée dedéveloppement
de l’ouvrière établie chez H.pothieri
diffère
légèrement
de celle de l’ouvrière d’H.gribodoi Mayn
déterminée par BASSINDALE
(1955)
dans des conditionsexpérimentales.
Cet auteur estimeà 35
jours
letemps
dedéveloppement
d’une ouvrière. En Côted’Ivoire,
nousavons constaté
qu’un
certain nombre de vieillesnymphes
sont encore dansles cocons
après
33jours
et que toutes sont éclosesaprès
39jours.
Il sembledonc, d’après
les calculs sur lapopulation
non éclose restante et laponte
journalière
de lareine,
que dans notre casparticulier
la durée ducycle
soitvoisine de 39 à 40
jours.
2)
Laponte journalière
d’une reine est assez variable d’une colonie à l’autre. Elle va de 22 oeufs à 82 environ. Cette constatation n’a rien d’étonnant pour ceuxqui
connaissent labiologie
des reinesd’Apis mellifica.
Chez celle-cien
effet,
la fécondité est très variable d’une reine à l’autre et est influencée aussi par l’étatphysiologique
de l’animal considéré(âge,
traumatismes éven-tuels, etc.).
3)
Ilapparaît
enfin que le taux deponte
de la reine estindépendant
dunombre d’individus
présents
dans la colonie. Si l’onrapporte
à 100 ouvrières le taux deponte quotidien
de la reine on constatequ’il n’y
a pas forcément corrélation entre ce taux deponte
etl’importance
de la colonie. Une grosse colonie n’a donc pasobligatoirement
une reinetoujours plus
fertile et inver-sement.
Notre étonnement a été
grand
de constater que la moyenne mensuelle despoids
du couvain(estimés
engrammes),
reste à peuprès
la même durantla saison des
pluies
et la saison sèche dans les diverses ruches que nousavons ouvertes en 1969 et 1970
(Tableau 4).
Nous
pensions
en effet que laponte
devait baisser notablement durant la saison sèche. Enfait,
même si les réserves de miel et depollen
diminuentsensiblement comme nous allons le
voir,
les Abeilles trouventtoujours
àl’intérieur de leur habitation assez de nourriture
entreposée
pour alimenter normalement les larves. Eneffet,
les Abeilles sociales amassenttoujours plus
de réserves
qu’elles
n’en utilisent : ainsi elles ne sontjamais
à court d’alimentsaux
périodes
de mauvaises récoltes. D’autrepart,
en Côted’Ivoire,
les minimathermiques
ne sont engénéral jamais
assez bas pour arrêter chez les ouvrières les activités debutinage
etd’élevage
du couvain et, chez lareine,
l’activité deponte.
Sachant
qu’une
cellule dejeune couvain,
ou devieux, pèse
en moyenne 10 mg,qu’une nymphe
ouqu’un
oeuf et sa nourriturepèsent
3 mg, onpeut
estimer à environ 5 g lepoids
desnymphes,
des larves et de leur nourrituredans une colonie. Sachant aussi
qu’on peut
estimer à 1 100 le nombre d’indi- vidus d’une colonie etqu’une
ouvrièrepèse
3 mg, lepoids
de matière vivante d’une colonie est donc environ8,3
g.Si l’on se souvient enfin
qu’on
a découvert une moyenne de2,5
nids àl’hectare,
lepoids
de matière vivante d’Abeilles à l’hectare est donc environ21 g.
VII. —
QUANTITÉ
DE RÉSERVES (CIRE, MIEL, POLLEN) ESTIMÉES EN POIDS DANSLES COLONIES D’HYPOTRIGONES AU COURS DE L’ANNÉE
Dans les nids de
Trigones
il estimpossible
deséparer
les divers éléments des réserves(miel, pollen
etcire)
car tous sontimbriqués
les uns dans les autres.L’extraction du miel par les
indigènes
est de ce fait restée extrêmementpri-
mitive. Les récoltes sont écrasées et mises dans des tissus à la chaleur. Le miel filtre ainsi dans des
récipients
entraînant dupollen
et même desparcelles
de cire. Devant
l’impossibilité
deséparer proprement
les différentes sortesde réserves nous avons
pesé
tout l’ensemble en le détachant leplus
délicatementpossible
desparois
du nid(Tableau 5).
La colonne des moyennes mensuelles des
poids
faitapparaître
une dimi-nution notable des réserves durant 6
mois, période qui
va de la saison despluies (octobre-décembre)
à la saison sèche bien entamée(janvier-mars).
Ilserait d’ailleurs intéressant de
poursuivre
cetteexpérience
au moinsjusqu’à
la fin de la saison sèche en Côte d’Ivoire. Cette diminution est
spectaculaire
car la chute est d’environ 230 g en 3 mois. La consommation des réserves
pendant
la saison sèche est doncimpressionnante
mais elle ne nous étonnepas,
puisque
l’on sait que lesélevages
de couvain continuent normalementet que les Abeilles doivent aussi se nourrir sur ces réserves car il y a
pénurie
de nourriture
produite
par lavégétation
à cetteépoque.
A Makokou
(Gabon),
en1968,
nous avionsdéjà
commencé un certainnombre
d’expériences
assez semblables et dont les résultats vont dans le sensprécédent.
Ils viennent àpoint
ici pourcompléter
les observations que nous venons de faire.Dans cette ville entourée de
forêts,
nouspossédons
un véritable ruchercomposé
engrande partie
de différentesespèces d’Hypotrigones
élevées soitdans des boîtes en matière
plastique transparente,
soit dans des ruchettes vitrées trèsplates.
Il est donc très facile de voir cequi
se passe à l’intérieur des colonies et de peserrégulièrement
chacune d’entre elles. Lespremières pesées
ont été effectuées en avril et les dernières enjuillet,
c’est-à-dire commen-cées à la fin de la
petite
saison despluies
et terminées au milieu de lagrande
saison sèche. Or cette
année-là,
nous avons eu la chance d’avoirquelques
nouveaux essaims à une
période
tardive. Ils sont en effet très nombreux durant les deuxpremiers
et le dernier mois de l’année. Nous avons établi deux tableaux l’un concernant les anciennespopulations (Tableau 6)
et l’autre les nouvelles(Tableau 7).
1°) Après
avoiraugmenté régulièrement
durant deux mois(saison
despluies)
lepoids
dechaque
colonie décroîtrégulièrement jusqu’à
la fin desexpériences (saison sèche).
Les résultats sontcomparables
à ceux de la Côted’Ivoire.
2°) Cependant
la diminution dupoids
durant la saison sèche est lenteet non
plus rapide. Évidemment
desexpériences
seraient nécessaires pourcomprendre
cephénomène
différent. Onpeut
toutefois enimaginer
les causes :dans la
région
où sont menées cesexpériences
latempérature
descend nota-blement durant la
nuit;
lejour,
le ciel estgris.
En saisonsèche,
il fait doncun froid relatif amenant chez les abeilles une sorte d’hibernation. Elles élèvent moins de
couvain,
butinent moins mais consomment moinsaussi,
les coloniesmenant véritablement une vie ralentie à ce
moment-là,
la chute des réservesest de ce fait moins
spectaculaire.
Il est en revanche étonnant de constater que
pendant
la mêmepériode
de l’année le
poids
des nouvelles coloniesaugmente régulièrement.
Cephéno-
mène
rappelle
lecomportement
des nouveaux essaims de nos Abeilles domes-tiques (Apis mel l ifica) qui
enquelques jours
construisentplusieurs
rayons decire,
amassent dupollen
et du miel dans desproportions
infinimentplus grandes
que celles des colonies établies dans leurs ruchesdepuis plusieurs
mois. Chez les
Trigones,
à celas’ajoute
le fait que les colonies filles sont engénéral
en relation constante avec la colonie mère etqu’il
leur est loisibled’emprunter
des réserves à celle-ci pour constituer les leurs. Ici lephénomène
est
plus frappant
que chezApis mellifica
car cetteaugmentation
depoids
des
jeunes
coloniescorrespond
au même moment à une diminutiongénérale
des réserves pour les colonies
âgées.
Il reste à évaluer le
poids
des réserves desHypotrigones
sur un hectare.Il est évident maintenant que l’on doit connaître la saison
pendant laquelle
on effectue le calcul. Au mois
d’octobre,
onpeut
l’estimer à 820 g alorsqu’en
mars il ne