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Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire

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7 | 2004

La philosophie du XXe siècle et le défi poétique

Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire

Michel Cassac

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/noesis/26 ISSN : 1773-0228

Éditeur

Centre de recherche d'histoire des idées Édition imprimée

Date de publication : 15 mars 2004 ISSN : 1275-7691

Référence électronique

Michel Cassac, « Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire », Noesis [En ligne], 7 | 2004, mis en ligne le 15 mai 2005, consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/

noesis/26

Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019.

© Tous droits réservés

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Eugenio Montale*, philosophe du Tout et de son contraire

Michel Cassac

NOTE DE L’ÉDITEUR

Montale* est un grand poète italien qui a acquis la célébrité au sein même de l’institution littéraire, puisqu’il a reçu le prix Nobel de littérature. Entre 1926 et 1982, il a publié huit recueils de poésies, dont un recueil posthume qui a l’odeur du scandale et en tout cas les effets puisque son authenticité est l’objet de vives contestations. Montale est l’un des poètes le plus étudiés par la critique. On peut en lire les traductions françaises de Patrice Angélini éditées chez Gallimard.

Il linguaggio, sia il nulla o non lo sia, ha le sue astuzie**.

1 ** « La lingua di Dio », Diario del ’71 e del’72, [Le langage, / néant ou pas / a ses astuces].

2 1/ Dès son premier recueil, Ossi di seppia, la parole poétique deMontale s’organise en discours. Le poète qui se définira avec humourdans Satura, « entomologo-ecologo di me stesso1 » [entomologue-écologiste de moi-même] se donne dans son premier recueil, l’apparence d’unpêcheur à la ligne qui : « Guarda il mondo del fondo che si profila / come sformato da una lente2 », [Il regarde le monde au fond de l’eau qui seprofile comme s’il était déformé par une loupe], revisitant ainsi à samanière le mythe platonicien de la caverne.

3 Répondant à la sollicitation de son intuition, l’engagement poétiquede Montale donnera dès l’abord à la soif de connaissance3, situéeentre expérience et raison, la force d’un absolu qui s’investit dans unemythologie poétique et métaphysique. Ainsi, « Il fantasma che ti salva4 »[Le fantôme qui te sauve], dès l’incipit de sa première poésie le jette-t-ilà la recherche des signes qui lui font ambitionner la révélation d’unevérité qui donnerait la clef du réel5.

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4 2/ « Gloria del disteso mezzogiorno6 » [gloire du midi étale] chante lepoète dans son premier recueil, mais ce livre qui rayonne de ferveuret d’harmonies solaires, n’en est pas moins transpercé par des crisde douleur et d’angoisse : « Ah Crisalide, come è amara questa / torturasenza nome che ci volve / e ci porta lontani- e poi non restano / neppure le nostreorme sulla polvere7 », [Ah, chrysalide, comme est amère cette / torturesans nom qui nous roule / et nous entraîne au loin – ensuite nerestent / même plus nos traces dans la poussière].

Poésie faite d’intuitions et d’interrogations inquiètes, de moments d’ombres et de lumière : « in questa valle / non è vicenda di buio e di luce8 » [Dans cettevallée tout n’est qu’alternance d’ombre et de lumière], les instantsde solarité, les « trombe d’oro della solarità9 » [Les trompettes d’or de la solarité] qui déversent leur flot de bonheur, se dérobent à l’envi,laissant le poète dans une attente jamais satisfaite. Cela fait que la ferveur est à l’enseigne de l’incantation qui infiltre la langue secrètede la poésie et agit par le charme en créant l’attente: « Portami ilgirasole che io lo trapianti nel mio giardino bruciato dal salino10 » [Apportemoi le tournesol que je le transplante dans mon terrain brûlé par l’airsalin] et c’est sans doute pour cela que ses regards et ses espoirs seportent répétitivement vers un: « più in là11 » [plus loin], « di là dall’ertomuro12 », [au delà de ce mur raide], vers tout ce qui peut compléter lanostalgie de l’être où retourne invariablement sa mémoire. Ce premierrecueil, selon le mot de G. Contini est: « un inventario di non essere » [un inventaire de non être]. Cependant, la poésie parvenue à ce stade d’incertitude possède encore « une vague esquisse de l’objet de savision13 ». Cela fait de la négativité des Ossi di seppia celle d’un homme encore installé dans son monde et qui tantôt s’interroge: « Mondo chedorme o mondo che si gloria / d’immutata esistenza, chi può dire14? » [Mondequi dort ou qui se glorifie d’existence inchangée, qui peut le dire?], ettantôt refuse sa condition. C’est alors la psalmodie des conditionnels,des « Avrei voluto » [J’aurais voulu], qui laissent le questionnement enl’état, mais ne ferment pas la porte.

5 3/ Les deux recueils qui suivent, n’éclairent pas davantage lalanterne du poète, même si la mémoire cherche à récupérer le tempset les absences. La poésie programmatique de Le Occasioni constate:« La vita che da barlumi / è quella che sola tu scorgi. / A lei ti sporgi daquesta / finestra che non s’illumina » [La vie qui émet des lueurs est laseule que toi tu perçois./

Vers elle tu te penches à cette fenêtre quine s’éclaire pas]: dans La Bufera, le cataclysme universel de la guerre est troué de lueurs d’espoirs qu’éclairent épisodiquement les visagesde femmes. De la présence du visage de l’autre, il ne reste toutefoisqu’une absence de traits, quelques signes, des objets fétiches: « Ancheuna piuma che vola può disegnare / la tua figura15 » [Même une plume quivole peut dessiner / ta silhouette]. Mais le dépassement de l’image del’autre fait de l’absence l’expérience qui fonde la transcendance, nous ramenant à la vision pyramidale du premier recueil, mais sous un autre timbre. De

« Clizia » à « Iride » le parcours est celui de la sublimation du rapport amoureux qui conduit de « eros » à « caritas16 », puisque« Iride » est désignée par Montale comme la « Critofora », la « portatricedi Cristo » [Christophore: porteuse de Christ].

6 4/ Une autre veine d’inspiration, la veine apophatique, se fait jouret jalonne la route de moments prémonitoires17 dès le premier recueil dans lequel, faut-il le rappeler, les réponses se font attendre. Le poètea oublié le message: « [l’] ordine che in viaggio mi scordai

18 » [l’ordre que pendant le voyage j’oubliais] et la quête du sens a rencontré sur son chemin le contingentisme de Boutroux, celui du miracle et dela nécessité: « ci si aspetta / di scoprire uno sbaglio di Natura, / il puntomorto del mondo, l’anello che non tiene, / il filo da

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disbrogliare che finalmente cimetta / nel mezzo di una verità19 » [On s’attend / à découvrir un défautde la nature / le point mort du monde, le chaînon qui ne tient pas lefil à démêler qui enfin nous conduise au centre d’une vérité]. Mais lediscours poétique ne s’en tient pas là, il s’élargit à l’universelle conditionen passant du « je » au « nous » et conclut par un naufrage, dont lecaractère emblématique n’échappe pas: « Così sommersi / in un gorgo d’azzurro che s’infolta20 » [ainsi engloutis / dans un gouffre d’azur qui s’épaissit].

Parallèlement, une stylistique parcimonieuse fait des mots les plus simples, qui sanctionnent l’inexorabilité des événements, lesemblèmes de la poésie: « qualche gesto che annaspa…21 »[quelque gestequi se débat]: « troppo tardi se vuoi essere te stessa22! » [trop tard si tu veuxêtre toi même], ramenant périodiquement les images à des formesvides: « L’onda, vuota, si rompe sulla punta, a Finisterre23» [la vague videse brise sur la pointe au Finistère].

7 L’impuissance éprouvée24 dans le premier recueil, sous laforme imagée de « l’arco del cielo appare / finito25 » [la voûte du cielsemble / fermée], se reformule dans les autres recueils et le « discodi già inciso26 » [le disque déjà gravé] de la Bufera e altro ne permet pasd’échapper à la « dolce ignoranza27 », [douce ignorance], qu’attestaitle début de sa poésie28. Cela nous rappelle qu’une grande part del’ambition poétique de Montale n’est que désir contrarié.

8 5/ La pensée qui circule et la manière qui évolue d’une poésie àl’autre, d’un recueil à l’autre, privilégient un désir nostalgique de fusion,que la pudeur contraint. Ainsi, la poésie qui naît chez Montale de la continuelle oscillation d’une pensée qui fait de l’intellection sa finalitépropre, tout en reconnaissant son incapacité à l’atteindre29, « Avrei voluto sentirmi scabro ed essenziale30 » [j’aurais voulu me sentir épuré essentiel], retrouve précisément dans la philosophie et le philosopherle mode d’expression de ce désir nostalgique de fusion31. Dans de tellesdispositions, la vérité recherchée n’est vérité que si elle est le tout del’être et ne laisse rien derrière, le libérant enfin du poids de la déterminationainsi que le disent ces vers célèbres: « Oh allora sballottati/ comel’osso di seppia dalle ondate/ svanire a poco a poco: / diventare/ un albero rugosood una pietra/ levigata dal mare: nei colori/ fondersi dei tramonti: sparir carne/per spicciare sorgente ebbra di sole, dal sole divorata…32 », [Oh, alors, ballottécomme l’os de seiche par les vagues s’effacer peu à peu: devenir arbrerugueux ou pierre polie par la mer: se fondre dans les couleurs des soleils couchants, disparaître chair pour rejaillir source ivre de soleil,dévorée de soleil33].

9 Si le poète chante, et si l’effusion panique suffit pour l’heure à masquer l’absence qu’advient-il de la raison? La raison, ainsi confrontée à la totalité perd sa qualité cognitive, rendant le rôlejoué par la totalité dans l’herméneutique du poète inséparable d’elle.Philosophie de la connaissance ou mythologie personnelle, pourreprendre le mot de Platon, c’est bien le « soleil en son séjour » quiest métaphoriquement l’objet de la quête. Montale, est à la recherchedu miracle qui concèderait une totalité accessible à l’intuition, donnantà la réalité de son observation et de ses expériences le sens d’une recherche, celle de la dynamique universelle: « la forza / che nella suatenace ganga aggrega / i vivi e i morti, gli alberi e gli scogli / e si svolge da te,per te…34 » [la force qui dans sa gangue tenace agrège / les vivantsaux morts, les arbres aux rochers / et de toi se dégage pour toi]. Laquête se poursuit avec une opiniâtreté instinctuelle « Tutto ignoro di tefuor del messaggio/ muto che mi sostenta sulla via35 », [De toi je ne sais rien,hormis le message muet qui me soutient sur la route] et l’intuition,forte des anciens paradigmes, soutient la nostalgie du pays inconnu:Avrò di contro un paese d’intatte nevi […] Lieto leggerò i neri / segni

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dei ramisul bianco / come un essenziale alfabeto36 » [S’ouvrira devant moi unpays de neiges immaculées […] joyeux, je lirai les / noirs signes desbranches sur la blancheur / comme un alphabet essentiel], ainsi lui quivoulait être économe de ses sentiments cède t-il à la subjectivité qu’ilextériorise dans l’idéalité d’une vision dominant son devenir.

10 Montale avait-t-il besoin d’un alibi poétique? Mène-t-il un jeuintellectuel? Sa poésie est- elle un acte de pure forme du pensablevide de contenu ou est-ce la vraie vie qui fait défaut et qui a placé sursa route la métaphysique? La réponse n’est pas tranchée, le poète quiest moins tenu que le philosophe à la continuité de la raison s’en remet à son inspiration qui ne renie pas l’importance déterminante du dire etla signification codée du langage, tel qu’il le concèdera dans une poésiede la fin de sa vie: « (una E maiuscola, la sola lettera / dell’alfabeto che rende possibile / o almeno ipotizzabile l’esistenza)37 » [« (Un E majuscule, seule lettre / de l’alphabet qui rend possible / ou du moins supposable l’existence) »].

11 6/ L’ambiguïté chez Montale tient au fait qu’il a beau refuserd’accepter le jeu du monde comme représentation, il ne refuse pasl’espoir de le saisir comme totalité signifiante.

Pour cela, c’est par unvéritable champ contre champ qu’il objective la distance en deveniret en futur de rêve et d’espoir… pour qu’ainsi, tout en étant dansl’être, il n’y soit pas encore. Cela lui permet de creuser une distancede soi à soi qui lui laisse augurer d’un futur de l’infini qui se saisiraitdans une totalité38. Ce subterfuge lui confère un effet de puissance quidonne à l’acte, qu’il ne décide pas, une présence relative mais efficace.Cela laisse à la patience toutes ses prérogatives. Mais cela a un effetpervers, comme si sa pensée, pensait devant elle, ou comme si le poètemarchait devant lui, l’objectivation qui se produit dans l’œuvre mêmedu langage détache le sujet des choses possédées, comme s’il survolaitsa propre existence ou comme si l’existence qu’il vit ne lui était pasencore arrivée. C’est le sens de la poésie « Arsenio » et celui de lapoésie « Ciò che di me sapeste », dans laquelle il confie: « Se un’ombrascorgete, non è / un’ombra-ma quella io sono39. » [Si vous apercevez uneombre, ce n’est pas / une ombre – mais c’est moi], que les vers duDiario, plus tardif, reprennent et dénouent: « A questo punto smetti / dice l’ombra. / T’ho accompagnato in guerra e in pace e anche / nell’intermedio, / sonostata per te l’esaltazione e il tedio, / t’ho insufflato virtù che non possiedi, / viziche non avevi. Se ora mi stacco / da te non avrai pena, sarai lieve / piùdelle foglie, mobile come il vento. / Devo alzare la maschera, io sono il tuo pensiero, / sono il tuo in-necessario, l’inutile tua scorza40. », [Parvenu à cepoint, il te faut cesser, / dit l’ombre. / Je t’ai accompagné en tempsde guerre et en temps de paix et même / dans l’entre-deux, / j’ai étépour toi l’exaltation et le dégoût. / Je t’ai insufflé des vertus que tu ne possèdes pas, / des vices que tu n’avais pas? Si maintenant je medétache / de toi, tu n’auras plus de peine, tu seras léger / plus que lesfeuilles, mouvant comme le vent. / Je dois lever le masque, je suis tapensée, / je suis in-nécessaire, ton inutile écorce].

12 Face aux incertitudes, à l’inadéquation au monde et à soi qui lelivrent au sentiment de l’impuissance et colorent de négativité sapoésie, le poète va s’user et déployer toutes les ressources de son artpour trouver une sortie de secours.

13 7/ La première sortie de secours ouvre le champ profond de l’altérité par ce

« dégrisement du moi prisonnier de son intéressementà être et par « [l’] avènement d’une nouvelle subjectivité41 » dédiée àl’autre42, comme nous le disions précédemment.

Comme la poésie « Incontro43 » le signalait déjà et avant elle la poésie « Falsetto44 » l’inaugurait, le poète tente de sortir de l’informe. Le désir est alorsabsolument autre.

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Mettant en pratique son instinct d’essai, tel queSilvio Fanti45 l’a désigné, le poète par tâtonnements et tentativessuccessifs recherche son identité.

14 À côté de la dialectique du je-tu et échappant à toute dualité, dansl’espoir de contourner la difficulté de se construire ou pour parvenirà une conscience de soi qui à elle seule serait déjà savoir et résoudraitle problème, l’autre voie que le poète explore dès le début de sa poésieest celle de la générosité sacrificielle. Sachant d’instinct que « le sort du monde repose sur les justes46 » il compense l’intuition de la pertedu sens par une forme de générosité sacrificielle47 qui requiert cette tentative d’unicité irremplaçable, pour le jeune poète et ses illusions,générosité qui lui confère la noblesse de l’exceptionnel. Mais cettepoétique, sous sa forme le plus émotionnelle s’épuisera, apportant sapropre limite à l’espoir48.

15 La seconde sortie de secours tente de répondre à la question: que faire contre l’impossibilité de saisir la vie dans son idéalité temporelle?Chez Montale, épiphanies et occasions se présentent comme uneéternité manquée, une privation d’éternité qui se cache dans les plisdes poétiques de l’aridité, que cherche à conjurer la relation au langage et l’espoir, que la syntaxe et le lyrisme lui concèderont de moins enmoins au fil des recueils.

16 Que faire lorsqu’on ne peut saisir cette idéalité temporelle, lorsqueles images mobiles sont comme l’unité consommée d’une éternité, del’un indivisible, que l’on aurait voulu immobile? Le combat entrepriscontre l’entropie du temps ne viendra pas davantage à bout de la« satiété de Cronos49 » et ne ramènera pas davantage les insaisissablesprésents du passé à la simultanéité et à l’unité50.

17 La quête montalienne qui demeurait liée au volontarisme du « Forsechi vuole s’infinita51 » [Peut-être seul qui le veut s’infinise], postulait par« je veux » interposé, mais en voulant se faire autre, cette volonté estdevenue objet d’elle-même et par cet effort pour saisir les indéterminationslatentes s’est dépensée à maîtriser sa présence52, si bienque la volonté ne parvient à aucune certitude et laisse la questionentière. Pour le poète, la prise de conscience restera inhibition:« Il mondo esiste uno stupore arresta il cuore53 » [Le monde existe- La stupeur / fige le cœur]. Mais c’est là une position encore relativement confortable, car elle relève toujours de l’éventualité, du devenir, si bienque les symboles prélogiques qui peuplent de signes l’univers de samythologie ontologique, parviennent encore à créer une manière desatisfaction ainsi qu’il est dit dans la poésie « Dora Markus »: « forse tisalva un amuleto che tu tieni / vicino alla matita della labbra, / al piumino, allalima: un topo bianco, / d’avorio: e così esisti54! » [peut-être une amulette tesauve-t-elle, que tu gardes / près de ton bâton de rouge à lèvres, / dela houppette, de la lime: une souris blanche en ivoire: et ainsi tuexistes55].

18 8/ Que voulait le poète? Percer le mystère et parvenir à l’intelligibilité du monde, connaître « il perché della rappresentazione56 »[le pourquoi de la représentation], « arracher la conscience aux imagespétrifiantes » selon le mot de J. Gonin et adoucir les chemins de lapensée, en ramenant la rime à la raison, mais à quelle raison? Il est biendifficile de réenchanter un monde qui ne se donne pour réel que parintermittence. Si la vie a un sens, la raison du poète feint de l’ignorermalgré le bel édifice rationaliste que la culture institutionnelle lui ainculqué: « Eppure a scuola / ci avevano insegnato che il reale / e il razionalesono le due facce / della stessa medaglia57! » [Et pourtant à l’école / onnous avait enseigné que le réel / et le rationnel sont les deux faces / dela même médaille!]

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19 L’abandon gagne. À la fin du troisième recueil intervient unchangement qualitatif qui porte un coup d’arrêt à l’espoir et à l’ancienne dialectique par l’effet d’une volonté cynique. Un vers de Satura met finà la présomption visionnaire du poète: « …Sono colui / che ha veduto unistante e tanto basta58 » [je suis celui qui un seul instant a vu: cela suffit].

Montale rompt avec l’exigence première qui projetait dans un au-delàl’achèvement idéal de ce qui se donne ici comme inachevé. C’est alorsque cette vérité qui devait être le tout de l’être, cette raison qui selonses modes culturels prescrit à l’entendement d’embrasser le tout enun Tout absolu, comme si elle débordait la pensée qui le pense, faillità sa tâche.

C’est en tout cas ce que les vers qui suivent diront dansPoesie disperse: « Noi non sappiamo nulla ma è ben certo / Che sapere sarebbedissoluzione / perché la nostra testa non è fatta per questo59 » [Nous, nous ne savons rien mais il est bien certain / que le fait de savoir équivaudraità la dissolution, / car notre tête n’est pas faite pour cela]

20 Tout s’effrite et se brise comme un rêve irréalisable et sa poésiedésormais répond à cette prise en compte de la situation existentielle: « Manca il totale. / Gli addenti sono a posto, incepibili, / ma lasomma?60 » [il manque le total. / Les termes de l’addition sont enplace, irréprochables, / mais la somme? »]: « So che si può vivere nonesistendo […] So che si può esistere / non vivendo61 » [Je sais que l’on peutvivre / sans exister, / […] Je sais que l’on peut exister / sans vivre].La dérision qui se substitue au souffle de l’espoir, confirme cet effritement de la connaissance et des valeurs qui sont attachées à laculture occidentale:

« Non resta che il pescaggio nell’inconscio l’ultima farsadel nostro moribondo teatro62. » [Il ne nous reste que le tirant d’eau del’inconscient, ultime farce de notre théâtre moribond.]

21 N’étant pas parvenu à déchirer par ses mots le voile de laconnaissance, pris au piège de son miroir: « in me i tanti sono uno anchese appaiono / molteplicati dagli specchi. [et] l’uccello preso nel paretaio / no sa sesia lui o uno dei troppi / suoi duplicati63 » [en moi plusieurs font un, mêmes’ils apparaissent / multiplié par les miroirs. [et] l’oiseau pris dans lapalombière / ne sait plus s’il est lui ou l’un de ses trop nombreux doubles]: il s’en remet dès le quatrième recueil à une logique qui certesn’exclue pas l’intemporel: « Il mio sogno non sorge mai dal grembo / dellestagioni: ma nell’intemporaneo / che vive dove muoiono le ragioni64 » [Monrêve ne s’élève jamais / du sein des saisons, mais de l’intemporel / qui vit où meurent les raisons] mais vide progressivement la raison de sonsens, la faisant rimer principalement avec dérision. Le poète observe,s’observe et se souvient encore, nous livrant des commentaires quile situent encore dans le monde, tout en n’y étant plus tout à fait.Il inaugure ainsi une écriture qui fait fi des nuances de la rhétoriquepoétique et qui livre sa pensée « au plus pressé » dans une versionprosaïque.

22 Dès lors que l’escroquerie est avérée: « Non c’era toppa / nellaserratura65 » [Il n’y avait pas de trou dans la serrure], tout est permis.Tout ce qui tentait d’apprivoiser l’existence et l’être disparaît avec lafin de la veine lyrique et l’émergence de la tonalité nouvelle. Le poèterenonce et décide de montrer l’envers du décor avec la convictionde celui qui serait passé de l’autre côté du miroir. Seule l’idée folled’un possible dans lequel sommeille l’impossible: « Solo il farnetico ècertezza66 » [seul le délire est une certitude], peut encore nous tenir enhaleine.

23 9/ La force éthique du « non67 » montalien va connaître undéveloppement extensif en manière d’opposition à la cacophoniedu monde: « Déconfiture non vuol dire che la crème caramel / uscita dallostampo non stia in piedi. / Vuol dire altro disastro: ma per noi sconsacrati / enon mai confettati può bastare68 » [Déconfiture ne veut pas dire que lacrème caramel /

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sortie de son moule ne tienne pas. / Cela veut direun autre désastre: mais pour nous déconsacré et jamais confit celapeut suffire]... La « fureur iconoclaste69 » va se déchaîner, dialectiqueimplacable et dérision sans appel vont de pair, les questions ne créentplus l’angoisse de l’incertitude mais affirment péremptoirement: « gliscorni di chi crede / che la realtà sia quella che si vede70 » [Honte à ceux quicroient que la réalité est celle qui se voit]:

« Il terrore di esistere non ècosa / da prendere sotto gamba71 » [La terreur d’exister n’est pas chose /à prendre par-dessus la jambe]: le futur est sans trace: « Negli istantifuturi senza tracce », « supporre che qualcosa / esista / fuori dell’esistibile, / ilsolo che si guarda / dall’esistere72 . » [Dans les instants futurs sanstraces: supposer que quelque chose / existe / en dehors del’existant / le seul qui se garde / d’exister]. Avec Satura nous quittonsle cimetière des espoirs73 et entrons dans le tribunal des illusions. Ily en a pour tout le monde, la société et ses institutions sont parmiles premiers servis et pour cela Montale balaye tous les récits quilégifèrent sur le réel et le totalisant: « Non so chi se n’accorga / ma inostri commerci con l’Altro / furono un lungo inghippo74. » [Je ne sais pas quis’en aperçoit, / mais nos commerces avec l’Autre / n’ont été qu’unelongue embrouille], « Tutte le religioni del Dio unico / sono una sola: varianoi cuochi e le cotture […] Il sommo Emarginato, se mai fu, era perento75. »[toutes les religions du Dieu unique / ne font qu’une: seuls varientcuisiniers et cuissons… Le Grand marginal, s’il existe était périmé.]:« La storia non contiene / il prima e il dopo, / nulla che in lei borbotti / a lentofuoco76 » [L’histoire ne contient / ni l’avant ni l’après, / rien en elle quironronne / à feu doux]: « se l’uomo è nella storia non è niente: / la storiaè un marché aux puces non un sistema », [si l’homme est dans l’histoire iln’est rien: / l’histoire est un marché aux puces non pas un système],« La storia gratta il fondo / come una rete a strascico / con qualche strappo e più di un pesce sfugge. / Qualche volta s’incontra l’ectoplasma / d’uno scampatoe non sembra particolarmente felice. / Ignora di essere fuori, nessuno glie n’haparlato. / Gli altri, nel sacco, si credono / più liberi di lui77 » [L’histoiregratte le fond / comme traînant son chalut troué par endroit – plusd’un poisson s’échappe, / quelquefois on rencontre l’ectoplasme d’unrescapé il ne semble pas particulièrement heureux. Il ignore s’il est dehors, personne ne le lui a dit. Les autres, tombés dans le filet, se croientplus libres que lui]: « Lo storicismo dialettico / materialista / autofago /progressivo / immanente / irreversibile / sempre dentro / mai fuori / maifallibile / fatto da noi / non da estranei / propalatori / di fanfaluchecredibili / solo da pazzi78 » [L’historicisme dialectique / matérialiste/ autophage / progressif / immanent / irréversible / toujoursdedans / jamais dehors / jamais faillible / fait par nous / pas pardes étrangers / propagateurs / de sornettes crédibles / seulement par des fous]. Il n’est pas jusqu’à la scatologie qui n’ait droit de cité: « La poesia e la fogna, due problemi mai disgiunti79 »: [Égouts et poésiedeux problèmes inséparables et le cynisme y tient bonne place: « Seuno muore / non importa a nessuno purché sia / sconosciuto e lontano80 »[Si quelqu’un meurt / cela ne fait rien à personne, pourvu qu’il nesoit pas connu et loin]. Enfin dans un élan d’humour qu’il retournevolontiers contre lui-même, il fait pleuvoir sur tout et même sur lesos de seiches: « Piove / sul nulla che si fa … Piove sugli ossi di seppia81 » [Ilpleut sur le néant qui se fait…Il pleut sur les os de seiche].

24 Dérision, vacuité de tout propos et de toute référence, senscontraire au sens commun, vide du sens, anti-réalité et non-être, toutest le contraire de tout. Avec Satura, le poète a l’oeil partout: « stoattento a tutto82 » [je suis attentif à tout], dit-il, il mène un discours à bâtons rompus, puisant dans le vaste bric-à-brac de ses souvenirs, deses expériences, de ses voyages. Il y a là une dispersion de l’attentionet de la vision qui confirme et accepte la

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privation dont nous parlions précédemment. Privation de sens, qui le conduira à privilégier soncontraire et son pendant, le non-sens: « Coloro che hanno presunto / di saperne non erano essi stessi esistenti, / né noi per loro » [ceux qui ont présumé / qu’ils en savaient quelque chose n’étaient pas eux-mêmesexistants, / et nous ne l’étions pas à leur place]. Montale en a bien finiavec ce regret de l’enfance qu’il exprimait dans les Ossi: « il nostro mondoaveva un centro83 » [notre monde avait un centre]: et en refusant tout cequi dans la culture avait organisé sa pensée, il renonce à son aspirationaux espoirs de réponse globale.

25 Le poète résume ainsi le chemin parcouru dans « Botta e risposta »[Du tac au tac]: « Poi d’anno in anno – e chi più contava / le stagioni inquel buoi? – qualche mano / che tentava invisibili spiragli84 ». [Puis d’annéeen année – mais qui comptait encore les saisons dans ces ténèbres?– quelque main s’aventurant vers d’invisibles soupiraux.]

26 10/ Qu’y a-t-il de nouveau dans cette poésie qui a perdu le modèlede la présence? À l’inverse de l’adéquation au paradigme culturel dela période précédente, qui répondait à ses prétentions à connaîtrele pourquoi de l’être et du monde et concevait une rationalité quiparvenait à identifier le rationnel au tout, l’ontologie de Montale semet à « marcher sur la tête »! Sa poésie, sortant de la lignée tragiquedu destin, livre ses vers à une fluidité prosaïque et provocatrice. Celarésume-t-il le sens de toute son expérience poétique? Pourrait-on secontenter de dire que, comme s’il reconnaissait une erreur, et en accord avec la pensée occidentale, Montale ne cherche plus à croire en desdéterminations ou des fondements métaphysiques85 tels que certains vers le laissent entendre métaphoriquement: « Nel buio e nella risaccapiù non m’immergo, resisto / ben vivo vicino alla proda86 » [Dans l’ombre etle ressac je ne plonge plus, je résiste / bien vivant sur la rive]?

27 L’itinéraire poétique de Montale, qui a pris naissance dans cettesoif de connaissance, à la recherche du « mouvement fusionnel de la conscience, dans l’essence mystérique de l’univers87 », le conduit progressivement au terme de l’aventure de la métaphysique occidentale à cette « métanoia » de l’esprit qui se vide de son savoir,s’affranchissant des valeurs de sa culture, comme J. Gonin l’a magistralementmontré88. Pour autant, la pensée ne se perd pas de vue et sefraye un chemin: « E allora? eppure resta / che qualcosa è accaduto, forseun niente / che è tutto89 », [Et pourtant il n’en demeure pas moins / que quelque chose s’est produit, peut-être un rien / qui est tout] et sil’altérité est désormais inanticipable, il reste bien au poète l’altéritédu pensant!

28 Cela n’est pas tout, la politique de la terre brûlée que Satura met enoeuvre avec force pose une question: que cherche-t-elle? Ne dit-elleque le « néant »? Ne parle-t-elle que du vide? Ne cherche-t-elle pasplutôt à libérer un nouvel espace qui fasse éclore une vérité qui avancemasquée comme la stratégie qui le conduit à retourner la négation contre la négation même: « un niente che è tutto90 » [un rien qui est tout]le formule à nouveau? Si les vers suppriment la finalisation ils nemanquent pas de poser la même question. Cela conduit à postuler uneautre hypothèse: le désir renouvelé de ne plus être cloué à l’identité desoi qui recherche la vraie altérité s’est déplacé vers un nouvel espace, un espace « neutre » qui ne peut plus se contenter de la logique duaut / aut91

29 Mais cela nous conduit à une considération qui ne manque pasd’intérêt. Il y a dans la poésie de Montale deux catégories d’images92 quifigurent le vide. La première catégorie habille le langage d’obscurité,de silence, d’absence, précipite la disparition dans des gouffres: « Ilsilenzio che ingoiava tutto…il fosso si allargava troppo fondo / per l’ancora eper

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noi…il vallo chiuse / le valve, nulla e tutto era perduto93 » [Le silence quiengloutissait tout…le trou qui s’agrandissait trop profond… pourl’ancre et pour nous…la corbeille fermée / les valves, rien et tout étaitperdu94]. C’est ce vide n’est pas encore le vide physique, l’absence detoute matière, mais « un intervalle ouvert, un vide complémentaire duplein95 », qui n’en constitue pas moins un premier signal de détresse.Ce vide-là est celui du fantasme, auquel la raison peut encore donnerforme, il fait encore parti, si cela peut-être dit ainsi, d’une possiblereprésentation diégétique!

30 La seconde catégorie des figurations du vide est à l’inverse un défià l’entendement. C’est un vide terrorisant qui n’a pas de forme quile figure, on ne lui connaît aucun référent et aucune détermination,il ne peut-être représenté dans l’univers du récit: « Il nulla alle mie spalle, il vuoto dietro di me96 »: « l’arduo nulla97 »: « Le nocche delle Madri s’inaspriscono, / cercano il vuoto98 »: « E il gesto rimane / misura / il vuoto, nesonda il confine99 ». Il s’agit du vrai vide en somme, qui rejoint la listedes « absolus » comme le « vrai néant », le « vrai être » d’hégéliennemémoire et Montale invoque de manière comminatoire: « il vuoto è ilpieno100 » [le vide c’est le plein]: un vide qui se superpose au plein, unnéant qui se superpose à la totalité, le recouvre parfaitement et tient lieu de satisfaction provisoire, car enfin, qu’importent les distinctionspuisque les paramètres physiques du réel ont disparu: « Da quandoil tempo-spazio non è più / due parole diverse per una sola entità / pare nonabbia più senso la parola esistere101. » [Depuis que le temps-espace n’est plus / deux mots différents pour une seule entité / le mot exister nesemble plus avoir de sens]. Ces images vides du vide (!) ne seraientellespas celles du nouvel infini qui ne se laisserait capturer par aucune totalité102?

31 Ajoutons à cela que dans la recherche esthétique du poète, les dires nouveaux qui jalonnent ses recueils dans leurs moments de majeuresignification, pointent chaque fois le désir de satisfaire la connaissancehors des thèmes et des manières dans lesquels ils se montrent déjà.Cette recherche esthétique que Montale mène à travers ses poétiques successives n’est sans doute pas étrangère à la recherche de l’autrementqu’être, pour le dire avec E. Lévinas.

32 Tout est question de langage, de forme et de référence culturelleet plus précisément philosophique: mais si ce qui différencie vide etplein, être et néant, être et non être, tient bien à la forme, n’oublionspas que la forme renvoie aussi à l’identité et à l’être et par conséquentau devenir, et qu’être et néant pris en dehors du devenir sontidentiques103. L’un, le tout, a le devenir dans son prolongement, l’autre,le rien, le vide, à la mort comme perspective de vraie vie! N’étaitcepas ce que Montale augurait déjà obscurément, ou secrètement,dans ce vers des Occasioni, en parlant obscurément de « la morte lamorte che vive104 » et qui levait l’angoisse du doute: « Eppure non mi dàriposo / sapere che in uno o in due noi siamo una sola cosa105 » [Et pourtant neme laisse pas en repos / l’idée que, seul ou à deux, nous ne sommesqu’une seule chose]?

33 Philosophie du Tout ou philosophie du Rien, les concepts nesemblent pas si cloisonnés et l’on a beau changer de signe, on nechange finalement que de référence culturelle sans abandonner leprincipe qui ordonne la motivation du questionnement. Montale nousa conduit au seuil d’une nouvelle métaphysique, une anti-métaphysiquequi serait l’image en creux de la précédente, image scotomisée de la totalité dont l’écriture s’origine désormais dans une absence, celle du« non essente / essere106 » [l’être inexistant] qui répond toujours à cettenostalgie démesurée de l’être que le poète avait manifesté. L’écriture

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poétique s’origine désormais dans cette absence, celle qui a perdule fondement suprême qui garantissait l’espoir de la rationalité del’univers, elle instaure une béance, celle du vide universel, que la parolesollicite désormais, en lieu et place du tout.

34 Contrairement à ce que la tonalité désabusée et le propos indifférentpourraient laisser croire, le poète ne se situe pas totalement dans unespace qui constaterait la perte de volonté du sujet. Satura rappelle à sa manière la question initiale: « Che mastice tiene insieme / questiquattro sassi107? »[Quel est donc le mastic qui fait tenir ensemble cesquatre pierres?] et Montale a beau clamer son indifférence, cela n’enconstitue pas moins une protestation encore plus vive, que rappellentici où là quelques vers qui remettent en selle le souvenir du désir et lamanière incantatoire de la jeunesse propre à la poésie et à la poétiquede Montale: « Servire, anche sperarlo, sarebbe ancora la vita108 », [Servir, enavoir l’espoir, ce serait encore la vie].

35 11/ Comme on le voit, la parole poétique de Montale, en se tournantet se retournant ne parvient pas séparer la poésie de l’énigme del’être. Elle parvient même à retrouver et en tous cas à ne pas négligercette différence ontologique heideggerrienne qui différencie l’être etl’étant. Les vers de Satura dédiés à sa femme « Mosca » qui est morte:« di te che non sei più forma, ma essenza109 » [de toi qui n’est plus formemais essence] confirment la présence de cette idée que la poésie enprose, « Visita a Fadin », lui avait déjà permis de clarifier: « E ora direche non ci sei più vuol dire solo che sei entrato in un ordine diverso110… » [Et maintenant, dire que tu n’y es plus veut dire seulement que tu es entrédans un ordre différent].

36 Le poète a eu beau écouter, embrigader le monde dans son expérience, peupler son parcours de fantasmes, accueillir en sademeure l’Altérité comme volonté de vivre, il n’est pas parvenu àentendre cette parole de l’être qui, si l’on en croit Bodei n’est qu’: « unsogno fugace … un’apparenza che pretende avere realtà111 » [Un rêve fugace…une apparence qui prétend avoir une réalité]. Ainsi, en passant del’autre de l’être à l’autrement qu’être et en n’acceptant plus de jouerle rôle de marionnette de l’altérité, le « je » a épuisé la veine de lasubjectivité et met fin à l’activité fondatrice de l’être. Alors, renouantavec la froide nostalgie du vide112, il s’y précipite suivant la tentationde « Arsenio »: « Ti protendi / a un vuoto risonante di lamenti / soffocati »[tu te penches / vers un vide résonnant de plaintes / étouffées113]ou de « l’agave sullo scoglio » de sa jeunesse, rappelant périodiquement le doute qui entoure son être: « una qualche improbabile identità114 » [une quelconque et improbable parole]: une « Dubbiosa identità115 »[l’identité douteuse]: la « spenta identità116 » [l’identité éteinte].

37 Le sujet est devenu un lieu déshabité, spectral, et ne peut représenterce qui est absence de représentation. La voie de la connaissance quipassait à travers soi est bloquée: « E di me? La speranza è che siadisperso / il visibile e il tempo che gli ha dato / la dubbia prova che questa voceÈ117. », [Et de moi? L’espoir est que s’effacent / le visible et le tempsqui lui a fourni la parole douteuse que cette parole est]. Mais si celuiqui continue de parler est un être vide, cela ne veut pas dire que lepoète n’éprouve plus d’intérêt, ne soit plus à l’écoute du langage del’origine. Seul ce qu’ il entend est en cause, et ce qu’il entend est unevoix sans son: « Non dava suono il giorno … il silenzio ingoiava tutto118 »[Le jour ne donnait aucun son…le silence engloutissait tout], dit-ildans la poésie qui très emblématiquement s’intitule « Il vuoto » [« Levide »]. Le vide est donc cette sortie de secours qui offre bien desavantages. Débarrassé du poids du choix et de la détermination àl’action et s’il est

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vrai que la possession par l’unique serait la fin de lapensée, le vide, le néant, est le vrai futur, le support de toute possibletentative119. C’est ce qui lui concède de poursuivre l’exercice de lapensée sur le monde et sur les êtres en dépit des propos désabusés surle futur précisément: « il futuro altresì disappetente120 »[le futur est aussi sans appétit]: « l’avenire è già passato da un pezzo121 » [l’avenir est passédepuis longtemps].

38 Voilà alors le futur complètement inversé et le chemin auguré àrebours. La pensée toujours vigilante, est prête à s’adapter à la nouvelle situation: « La nostra mente fa corporeo anche il nulla122 » [Notre espritdonne corps même au néant] et Montale rencontre fortuitement laformulation de la pensée du philosophe E. Lévinas, qui sonne commeun commentaire de la sienne, en tendant l’oreille vers les premièresmanifestations de l’être:

« Vides et pleins interchangeables, commesi le vide était plein, comme si le silence était bruit... non qu’il y aitceci ou cela : mais la scène de l’être est ouverte: il y a123. » L’» il y a »a cet autre avantage, celui de remplir le vide que laisse la négation del’être », car « l’il y a » qu’il découvre c’est tout le poids que pèse l’altéritésupportée par une subjectivité qui ne la fonde pas, [et] derrière lebruissement anonyme de « l’il y a », la subjectivité atteint la passivitésans assomption124 » ramenant le poète à la satisfaction de sa vraienature, tels que les vers anciens en confessaient l’indétermination : « Sparir non so ne riaffacciarmi125 »[je ne sais ni disparaître ni reparaître].Cela semble faire augurer au poète dans le Quaderno di traduzioni, paremprunt et traduction de Maragall interposés, une nouvelle vie queseule la mort peut concéder: « e la morte mi sia un più gran nascere126 »,[et la mort me soit un plus grand naître].

39 Puisque désormais, il faut feindre, parce que le monde est uneblague, une baliverne, comme la poésie « Realismo non magico127 »le dit, il faut se faire une raison et feindre: « Così bisogna fingere / chequalcosa sia qui / tra i piedi tra le mani / no atto né passato / né futuro / e menoancora un muro da varcare / bisogna fingere / che movimento e stasi / abbianoil senso / del non senso / per comprendere / che il punto fermo è un tutto /nientificato128 », [Ainsi il faut feindre de croire / que quelque chose soitlà / entre les pieds entre les mains / ni acte ni passé / ni futur / etencore moins un mur / à franchir// il faut feindre de croire que / le mouvement et la stagnation / aient un sens / du non-sens / pourcomprendre / que le point fixe est un tout / néantifié], car enfin celasemble clair pour le poète: « non è morte dove mai fu nascita129 »[il n’y apas mort lorsqu’il n’y a jamais eu naissance]!

40 Montale s’est-il pour autant installé dans une certitudeinébranlable? Pas tout à fait, et sa pensée oscille encore si l’on encroit ces vers de la poésie de Satura « l’Eufrate »: « Non ripetermiche anche uno stuzzicadenti, / anche una briciola o un niente può contenereil tutto. / È quello che pensavo quando esisteva il mondo ma il mio pensierosvaria, si appiccica dove può / per dirsi che non s’è spento. Lui stesso non ne sanulla », [ne me répète plus que même un cure- dents, même une mietteou un rien peut contenir le tout. / C’est ce que je pensais quand lemonde existait mais ma pensée varie, s’appuie où elle peut / pourdire qu’elle ne s’est pas éteinte. Lui-même n’en sait rien]. Les efforts de la volonté sont difficilement récompensés: « Fu detto che non si puòvivere senza la carapace / di una mitologia130 » [Il a été dit l’on ne peutvivre sans la carapace d’une mythologie] et la vérité a changé de lieuet de camp si l’on peut dire, mais pas de fonction. La vérité n’est plusdans l’affirmation ni dans la recherche de ses effets, mais dans soncontraire, dans la négation consentie et elle advient « là où elle estniée, là où on la fait coincider avec la non-vérité, ou elle est ramenéeau « non » comme le dit le philosophe131. C’est même pour cela que lemonde est devenu une vaste blague, pour que la vérité advienne, carla vérité advient là où elle est

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soustraite à la nécessité, quand elle s’estlibérée de l’identité, retirée dans son propre

« fondement infondé »,si bien que le vide, le rien c’est Dieu lui-même132, sa profondeur abyssale, sa liberté: « Ancora una volta è il nulla a far sì che l’esseresia convertito nella libertà133. » L’ontologie négative est finalement la seule liberté et c’est pour cela que Montale l’a tant aimée: « Nonc’è stato/ nulla, / assolutamente nulla dietro di noi / e nulla abbiamodisperatamente amato più di quel nulla134 » [Il n’y a rien eu / absolumentrien derrière nous / et n’avons désespérément rien aimé plus que cerien.135]

Se dio è il linguaggio, l’Uno che ne creò tanti altriper poi confonderli136 [Si dieu est langage, l’Un qui en créa tant d’autrespour les confondre ensuite]

NOTES

1. « Botta e risposta II 2» », Satura.

2. « Marezzo », Ossi di seppia , [le titre apparaîtra désormais sous sa forme abrégée Ossi].

3. « In Limine », la première poésie, place l’expérience poétique sous le patronage de la connaissance. Le regard s’attache à traquer les signes d’un destin paresseux. Au cœur du tumulte le poète est à la recherche d’une évidence qui se dérobe et qu’il ne parvient pas à désigner.

4. « In limine », Ossi.

5. J. Gonin, L’expérience poétique de Eugenio Montale, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1996 ; p. 106-107.

6. Ossi.

7. « Crisalide », Ossi.

8. « Dove se ne vanno le ricciute donzelle », Ossi.

9. « I limoni », Ossi.

10. « Ossi di seppia », Ossi.

11. « Maestrale », Ossi 12. « In Limine» » Ossi.

13. E. Lévinas, Altérité et transcendance, Cognac, Fata Morgana, 1995, p. 30.

14. « Dove se ne vanno le ricciute donzelle », Ossi.

15. « Giorno e notte », La Bufera ed altro.

16. « Iride » est selon Montale lui-même, cette « ebrea che io chiamo cristofora o portatrice di cristo »

17. Car, l’intuition et la connaissance furent les maîtres mots de son premier recueil Ossi di seppia, dans lequel le poète cherche : « lo sguardo fruga, d’intorno/ la mente indaga accorda disunisce » (« I limoni ») [le regard fouille tout autour, / l’esprit enquête accorde sépare / autour]. Deux démarches, souligne Jean Gonin, qui conditionnent « l’expérience

poétique : l’observation et la réflexion, la reconnaissance du réel par le regard et cette pénétration par l’esprit » (in J. Gonin, cit., p. 74). La fin du parcours est plus désenchanté

« Nel buio e nella risacca più non m’immergo, resisto / ben vivo vicino alla proda, mi basto come mai prima / m’era accaduto » [Dans l’ombre et le ressac je ne plonge plus, je résiste / bien vivant sur la rive] (« Diafana come un velo… »), Satura.

18. « Dissipa se tu lo vuoi », Ossi

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19. « I Limoni », Ossi.

20. « Marezzo » Ossi.

21. « La Bufera », La bufera e altro.

22. « Lungomare », Ibid.

23. « Su una lettera non scritta », Ibid.

24. L’impuissance éprouvée est telle qu’il s’en remet au dialogue silencieux avec les morts et au rite de la prière : « I miei morti che prego perché preghino / per me […] non

resurrezione ma / il compiersi di quella vita ch’ebbero / inesplicata e inesplicabile ». [Mes morts que je prie pour qu’ils prient / pour moi […] pour eux non point la résurrection mais / l’accomplissement de la vie qu’ils menèrent, inexpliquée et inexplicable]. « Proda di versilia », ce qui fait écrire à Jean Gonin, fort à propos, que le poète réélabore les fondements du christianisme en mythes poétiques.

25. « Sul muro grafito », Ossi.

26. « L’orto », La Bufera ed altro.

27. « Tentava la vostra mano la tastiera », Ossi

28. Cette ignorance sera revendiquée jusqu’au bout, ou presque, et en tout cas dans le Diario del’71 : « Mai fu gaio / né savio né celeste il mio sapere » [Jamais ne fut gai / ni sage ni céleste mon savoir] , « A Leone Traverso ».

29. J. Gonin, cit., P. 189.

30. « Avrei voluto… », Ossi.

31. E. Lévinas, Altérité et transcendance, cit, p. 14.

32. « Riviere », Ossi.

33. « Svanire / è dunque la ventura delle venture / Portami tu la pianta che conduce / dove sorgono bionde trasparenze / e vapora la vita quale essenza ;/ portami il girasole impazzito di luce », [S’effacer / est donc le destin suprême. / Apporte-moi la plante qui nous mène là où surgissent de blondes transparences / et s’évapore la vie telle une essence ; / apporte-moi le tournesol affolé de lumière.]

34. « Eastbourne », Le Occasioni.

35. « Delta », Ossi.

36. « Quasi una fantasia », Ossi.

37. « Poiché la vita fugge », Altri versi.

38. E. Lévinas, Totalité et infini, Paris, Livre de poche, 1974, pp. 229-231.

39. Ossi

40. « A questo punto », Diario

41. E. Lévinas, Totalité et infini, cit., p. 146.

42. D’ailleurs cet Autre était-t-il cette absolue altérité dont parlent les philosophes ou un autre soi-même cloué à son double ? La question n’est pas tranchée comme V. Vitiello dans son ouvrage Filosofia teoretica, (Milano, Mondadori, 1997, p. 206-207) le suggère.

43. Dans laquelle le poète s’interrogeait en termes qui ne laissent pas de doute sur la nature de l’incertitude : « Forse riavrò un aspetto », Ossi.

44. Ossi.

45. L’homme étant pour S. Fanti finalement la résultante de ses «tentatives ou ensemble de tentatives», pp. 29-30.

46. E. Levinas, L’Utopie de l’Humain, Paris, Livre de poche, 1974, p. 143.

47. « Ti dono anche l’avara mia speranza », « Va, per te l’ho pregato », « scontare la vostra gioia con la mia condanna , Ossi

48. Dans tous les cas, il y a une prérogative à laquelle le poète ne renoncera jamais, c’est celle de la double noblesse de la poésie et du savoir, même quand il n’y a rien à savoir : «

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Essere sempre tra i primi a sapere, ecco ciò che conta, anche se il perché della rappresentazione ci sfugge, » et cela pour Montale est la leçon de « decenza quotidiana » qu’il a reçu de son ami Fadin, ( « Visita a Fadin », La Bufera e altro.)

49. E. Levinas, Altérité et transcendance, op. cit., p. 33.

50. Ibid, p. 36.

51. « Casa sul mare », Ibid. Le vers programmatique qui affirme dès l’abord une certitude négative : « Non chiederci la parola » (« Non chiederci… », Ossi di seppia), sanctionne cette impuissance par une série d’images poétiques, souvent catamorphes : « voli senz’ali » (« Vento e bandiere », Ossi...), le « il timone/ nell’acqua non scava una traccia ( « Fuscello teso dal muro », Ossi…) ou encore « vietava il limpido cielo/ solo un sigillo » (« Ciò che di me sapeste », Ossi…), puis l’ignorance « il fuoco che si smorza / per me si chiamò : l’ignoranza » ( Ibid ), et le vide métaphysique « la divina indifferenza » ( « Spesso il male di vivere ho incontrato », Ossi…), et la lassitude, l’indifférence qui répond à l’incertitude permanente :

« Mia vita, a te non chiedo lineamenti/ fissi, volti plausibili o possessi. Nel tuo giro inquieto ormai lo stesso/ sapore han miele e assenzio» ( « Mia vita… », Ossi…).

52. E. Levinas, Altérité et transcendance, cit., p. 37.

53. « Vento e bandiere », Ossi.

54. Le Occasioni.

55. Mais on ne peut pas dire que l’apothéose volontariste de façade de la poésie

« Riviere » qui se termine par un « rifiorire »[refleurir], n’occulte pas le froid sidéral de « Il vuoto alle mie spalle con un terrore d’ubriaco » [Le vide à mes épaules avec une terreur d’ivrogne] (« Forse un giorno », Ossi ). Il en va ainsi de ce qu’il est convenu d’appeler

« l’oxymoron permanent » chez Montale. Le poète continue d’une certaine manière à privilégier le regard de tous les signes qui indiquent que « la vita che si sgretola » [la vie qui se désagrège] (« Non rifugiarti nell’ombra », Ossi), jusqu’à ce qu’il formule la question péremptoirement dans Satura : « Che mastice tiene insieme / questi quattro sassi ? » [Quel mastic fait tenir ensemble ces quatre pierres ?]

56. «Visita a Fadin », La Bufera.

57. Quaderno di quattro anni.

58. « Gli uomini che si voltano », Satura.

59. « Il dono ».

60. « Rebecca », Satura.

61. « Il primo gennaio », Satura.

62. « La vita in prosa », Poesie disperse 63. « Il Tu », Satura.

64. « Le stagioni », Satura.

65. « Si andava… », Satura.

66. « Pasqua senza weekend », Satura.

67. L’expérience négative se situe dans le droit fil de la nietzschéenne mort deDieu dont le poète ne fait pas mystère, puisqu’il écrit une poésie qui s’intitule « Lamorte di Dio » ( Satura).

68. « Déconfiture non vuol dire… », Satura.

69. J. Gonin, cit., p. 204.

70. « Ho sceso dandoti il braccio… », Satura..

71. « Il terrore… », Diario del’71 e del’72.

72. « E ridicolo credere », Satura.

73. L’on ne peut ignorer à ce propos, les vers de la poésie programmatique desOssi di seppia, « In limine » dans lesquels le poète essayait de réveiller le « pomario »dans lequel «

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affonda un morto / viluppo di memorie » [le verger… où s’enfonce unmort / fouillis de souvenirs].

74. « L’altro », Satura.

75. « La morte di Dio », Satura.

76. « La storia 1 », Satura 77. « La storia 2 », Satura 78. « Fanfara », Satura.

79. « Quando si giunse.. », Satura.

80. « Fine del 68 », Satura..

81. « Piove », Satura.

82. « Botta e risposta II », Satura..

83. « Fine dell’infanzia », Ossi.

84. « Botta e risposta I, 2 », Satura.

85. J. R. Searle, Déconstruction, Paris, L’Éclat, 1992, p. 24.

86. « Diafana come un velo… », Satura.

87. J. Gonin, cit. p. 269.

88. Ibid, p, 181.

89. « Ho appeso nella mia stanza… », Satura 90. « Ho appeso il dagherròtipo », Satura 91. V. Vitiello, Filosofia teoretica, cit., p. 207.

92. Les images poétiques occupent dans la poésie de Montale le rôle qui leurest dévolu dans toute poésie. Ce que nous voulons souligner ici tient à leur degréd’iconicité très faible. La représentation dans la poésie de Montale est pleinementmétonymique elle agit par contiguïté, puisque les images ont du mal à subordonner leréel et à revendiquer pleinement cette identité entre les choses et leur représentation.C’est à la lumière de cette constatation que les images, les figurations du videomniprésentes dans la poésie de Montale prennent un relief particulier.

93. « Nel vuoto », Poesie disperse.

94. Ces formes du vide sont suggérées comme étant toujours le vide dequelque chose : absence/ présence ; gouffre / montagne ; silence / bruit ; obscurité / lumière ;

95. E. Souriau, Vocabulaire d’esthétique, Paris, PUF, 1990, pp., 1387-1388.

96. « Forse un mattino », Ossi.

97. « Il balcone », Le occasioni.

98. « Nel parco di Caserta », Le occasioni.

99. « Derelitte sul poggio », Le occasioni.

100. « Dicono che la mia », Satura.

101. « Tempo e tempi II », Altri versi 102. V. Vitiello, cit., p. 206.

103. Ibid, p. 109.

104. « E tu seguissi le fragili architteture ».

105. « dicono che la mia », Satura.

106. « Divinità in incognito », Satura.

107. Satura.

108. « Il repertorio », Satura.

109. « Dicono che la mia… », Satura.

110. La Bufera e altro.

111. R. Bodei, Scomposizioni. Forme dell’individuo moderno, Torino, Einaudi, 1987,p. 217.

112. S. Fanti, cit., p. 53.

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113. Ossi di seppia.

114. « Il terrore di esistere », Diario del’72 e del’73.

115. « Proteggimi », Quaderno di quattro anni 116. Quaderno di quattro anni.

117. « Poiché la vita fugge », Altri versi.

118. Poesie disperse.

119. « La synapse constitue le dispositif le plus caractéristique du vide et en mêmetemps le prototype de sa capacité créatrice » observe S. Fanti, cit., p. 43.

120. « Soliloquio », Quaderno di quattro anni.

121. « Rimuginando », Altri versi.

122. « Tra chiaro e oscuro », Diario del’ 71 e del’72.

123. E. Levinas, Totalité et infini, op. cit. p. 109.

124. E. Lévinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, op. cit., p. 15 et p. 255.

125. « Su una lettera non scritta », La Bufera ed altro.

126. Maragall, « Il cant espiritual » Quaderno di traduzioni.

127. Satura.

128. « Che mastice tiene insieme… », Satura.

129. « Non c’è morte », Diario di quattro anni.

130. « Non c’è morte », Ibid.

131. S. Givone, La questione romantica, Laterza, Roma-Bari, 1995, p. 38

132. « Solo il divino è totale nel sorso e nella briciola.» , [« Seul le divin est total dansla gorgée et dans la miette » et il ajoute : « Solo la morte lo vince se chiedi l’ interaporzione »,[Seule la mort le vaincra si on réclame toute la portion]. « Rebecca »,Satura.

133. S. Givone, Storia del nulla, Roma-Bari, Laterza, 1995, p. 66.

134. « In negativo », Quaderno di quattro anni.

135. Cela n’est pas nouveau et rappelle un des messages (« La più vera ragione è dichi tace » [la meilleure raison est celle qui se taît], « So l’ora in cui », Ossi.) que le poètea semé dès le premier recueil. Le silence étant, si l’on en croit S. Fanti, l’expressionpsychologique du vide ( cit. p. 53.), Montale pose alors dès le début de sa carrièrepoétique le silence, ici sous sa forme psychologique, comme un principe actif.

136. « La lingua di Dio », Diario del’ 71 e del 72.

AUTEUR

MICHEL CASSAC

Enseignant de littérature italienne à l’Université de Nice.

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