« Comprendre l’Economie »
#ComprendreEco
Rémi Bazillier
Remi.bazillier@univ-orleans.fr http://remi.bazillier.free.fr
Maitre de Conférences à l’Université d’Orléans
Chapitre 4: La monnaie, les banques, la finance.
Financement de l’économie, politiques monétaires et inflation
Monnaie et confiance
• Trois situations:
– Chambar (Pakistan)
• Les agriculteurs doivent emprunter pour acheter fertilisants et autres produits nécessaire à la production
• Prêteurs informels: 78% taux d’intérêt annuel. Prêt sur 4 mois (100->126 roupies)
• Enquêtes approfondies sur le sérieux des agriculteurs et effet de réputation
– New York
• Prêts « payday »: court-terme. 350-650% taux d’intérêt annuel
• Condamnation (taux d’intérêt maximum autorisé: 25%)
– Irlande (1970)
• Grève des banques – fermeture totale pendant 6 mois
• Pas de conséquences sur l’économie grâce aux… pubs irlandais
• Echanges de chèques
• Mais comment s’assurer que les comptes étaient approvisionnés?
• La confiance! Et l’information fournie par le temps passé au pub
Monnaie et confiance
• Points communs entre les prêteurs informels à Chambar et les tenanciers de pubs irlandais?
– Création monétaire (informelle) et fourniture d’un service essentiel au fonctionnement de
l’économie
– Cela repose sur la confiance entre le préteur et l’emprunteur
Monnaie et patrimoine
• Prêter et emprunter de l’argent: dimension temporelle
• La monnaie:
– Moyen d’échange (billets, chèques, dépôts bancaires, ou tout autre moyen d’échange) accepté parce qu’il peut être utilisé par d’autres pour les mêmes
utilisations
– Différence avec le troc: j’accepte de la monnaie car elle me permet de faire autre chose.
– La monnaie permet de multiplier les échanges: plus facile de trouver quelqu’un acceptant de la monnaie qu’un bien spécifique pouvant être troqué
• La monnaie:
– Pour qu’elle fonctionne, tout le monde doit être convaincu que la monnaie reçue permettra d’acheter un autre bien – Les individus doivent croire que les autres individus
accepteront cela comme moyen de paiement – Les banques et l’Etat assurent généralement cela
• Mais d’autres institutions informelles peuvent émerger (les pubs irlandais)
– Tout le système repose sur la confiance
– La monnaie permet de transférer du pouvoir d’achat entre individus, de manière à ce qu’ils puissent échanger des biens et services, même quand le paiement prend place dans le futur.
• Le patrimoine (capital)
– Le niveau maximum de consommation possible, une fois toutes les dettes payées et tous les remboursements
perçus, sans avoir à emprunter
– Stock: pas de dimension temporelle. Il est juste là à un moment donné.
– Somme de tous les biens et actifs détenus – dettes – Réduction de la valeur du patrimoine: dépréciation
• Le revenu
- Revenus (profits, salaires, et tout autres paiements) reçus au cours d’une période donnée
- Flux: mesuré sur une période (annuelle par ex.)
Emprunter: transférer de la consommation dans le temps
• Arbitrage entre consommer aujourd’hui et consommer demain
• Le coût d’opportunité d’avoir plus de biens à consommer aujourd’hui est d’en avoir moins demain
• Si Julia sait qu’elle va être payée 100$ demain, combien peut-elle consommer aujourd’hui?
(1+taux d’intérêt): taux marginal de transformation d’un bien du futur au présent
Impatience et les rendements marginaux décroissants de la consommation
• Le niveau d’impatience définira le choix intertemporel:
– On peut préférer lisser la consommation plutôt que de consommer l’intégralité demain et rien aujourd’hui
– On peut être intrinsèquement impatient
• Lissage de la consommation:
– Rendements marginaux décroissants: plus je consomme, moins cela augmente mon utilité
Pente courbe d’indifférence: taux marginal de substitution (combien d’unités échanger entre aujourd’hui et demain sans changer mon utilité)
Pente courbe d’indifférence: taux d’escompte
Taux d’escompte
• Mesure de l’impatience d’un individu:
– Combien d’unités additionnelles aujourd’hui contre une unité additionnelle demain
• Il dépend de:
– La volonté de lisser la consommation
– De l’impatience intrinsèque (taux psychologique)
L’investissement: transférer de la consommation dans le futur
• Exemple précédent: emprunt pour consommer plus aujourd’hui
• Raisonnement similaire si le revenu est
disponible aujourd’hui et l’individu prête pour pouvoir consommer demain
• Mais si les ressources sont disponibles aujourd’hui, il peut aussi investir
De multiples options possibles
• Stockage / Prêt / Investissement / Emprunt
Banques, monnaie, et banque centrale
• Cas des prêteurs informels à Chambar, leur profitabilité dépend:
– Coût de l’emprunt
– Le taux de défaut sur les prêts accordés – Le taux d’intérêt
• Cas irlandais:
– Cela montre comment la monnaie peut être créée et comment cela dépend sur la confiance
• Il faut introduire deux acteurs: les banques et les banques centrales
– Il y a d’autres acteurs financiers (investisseurs institutionnels…)
– Mais les banques ont une relation particulière avec le gouvernement (Too big to fail)
• Une banque fait des profits en prêtant et empruntant (aux firmes et aux ménages)
– Lorsque les ménages déposent de l’argent, ils « prêtent » à la banque qui s’engage à les rembourser quand les ménages le demandent
– Le taux d’intérêt est plus faible sur les dépôts que sur les emprunts – Transformation de maturité: dépôts à court-terme / prêts à long-
terme – risque de « bank run »
• Différents types de monnaie:
– Monnaie fiduciaire: pièces, billets
– Monnaie scripturale: dépôts bancaires
– Monnaie de banque: monnaie créée par les banques commerciales lorsqu’elles accordent des crédits aux firmes et aux ménages
• Banque centrale:
– La seule banque qui créée de la monnaie fiduciaire – Détenue par le gouvernement
– Elle sert de banque pour les banques commerciales (réserves) – Elle contrôle donc le stock total de masse monétaire (monnaie
fiduciaire et monnaie créée par les banques)
Banque centrale, marché de la monnaie et taux d’intérêt
• Demande de monnaie:
– Nombre de transactions nécessaires pour l’économie
• Offre de monnaie (masse monétaire):
– Décision de la banque centrale
• Marché de la monnaie:
– Fixation du taux d’intérêt
– En augmentant la masse monétaire, la banque centrale réduit le taux d’intérêt
– Quand le nombre de transactions (et donc le niveau d’activité) augmente, cela augmente le taux d’intérêt
• Les banques
– Elles appliquent un taux d’intérêt plus élevé (3%) que le taux de base (0,5%)
La politique monétaire et les dépenses
• Les ménages et les entreprises empruntent pour dépenser
– Plus le coût de l’emprunt est élevé, moins ils dépensent
• La Banque centrale peut donc avoir un impact sur le chômage et l’inflation
La politique monétaire
• La Banque Centrale se fixe un objectif de demande agrégée
• Elle en déduit un niveau de taux d’intérêt réel
• Elle calcule un taux d’intérêt de marché permettant d’atteindre cet objectif
• Elle calcule le taux nominal de base
• Un taux nominal de base plus faible
augmentera l’investissement et la demande agrégée
– Cela renforce les perspectives de profit et la confiance des investisseurs
– Cela réduit l’attractivité pour les capitaux
étrangers, ce qui réduit le taux de change et améliore la compétitivité
Limites de la politique monétaire
• Le taux d’intérêt nominal de court-terme ne peut être inférieur à 0
• Un pays sans sa propre monnaie ne peut définir sa politique monétaire
Le « zero lower bound »
• Si le taux d’intérêt est négatif, les individus préfereront garder leur argent, plutôt que de
déposer à la banque, car ils devraient payer pour cela
• C’est une limite forte à l’efficacité de la politique monétaire car quand l’économie est en récession, le taux d’intérêt peut être très proche de 0,
laissant peu de place à la politique monétaire
• Politiques monétaires non-conventionnelles:
assouplissement quantitatif (quantitative easing)
Le quantitative easing
• La Banque centrale accepte des obligations et autres actifs financiers, ce qui augmente leur prix
• Cela crée de la demande pour les actifs financiers
• Augmentation du prix des obligations et baisse du taux d’intérêt
• Cette baisse du taux d’intérêt augmentent les dépenses et la demande globale
Absence de politique monétaire nationale
• Exemple de la zone euro
• La Banque Centrale Européenne (Francfort)
• Le taux d’intérêt peut être plus adapté pour certains pays que pour d’autres
– Après la crise financière: le chômage était bas en Allemagne mais très élevé en Espagne ou en
Grèce
– La BCE a adopté une politique trop restrictive pour l’Espagne et la Grèce
L’inflation
• Un objectif important des banques centrales est de contenir l’inflation (objectif unique
pour la BCE)
• Inflation: augmentation du niveau général des prix
• Déflation: baisse du niveau général des prix
Quel est le problème avec l’inflation?
• Les individus ayant une dette vont en bénéficier: le taux d’intérêt réel baisse
– Taux d’intérêt réel= taux d’intérêt nominal - inflation
• Les individus ayant des actifs vont en pâtir:
baisse de la valeur réelle des actifs
• Redistribution des créditeurs vers les endettés
Quel est le problème avec l’inflation?
• Lorsque l’inflation est élevée, elle est
généralement aussi volatile: cela crée de l’incertitude pour les individus
• « Coûts des menus » pour les entreprises:
elles doivent fréquemment changer leurs prix
• Baisse du pouvoir d’achat pour les salariés si les hausses de salaires ne compensent pas l’inflation
D’où vient l’inflation?
• Deux sources:
– Une hausse du pouvoir de négociation des firmes sur les consommateurs
• Baisse de la consommation, hausse de la rente
– Une hausse du pouvoir de négociation des salariés sur les entreprises
• Hausse de la courbe de salaires (cf. chapitre précédent).
Par ex. hausse des indemnités chômage
• Hausse de l’emploi
Bill Phillips (1914 – 1974)
• Economiste néo-zélandais atypique
• Chasseur de crocodiles, réalisateur, prisonnier de guerre en Indonésie puis professeur
à la London School of Economics
• Créateur d’un ordinateur représentant les
équations économiques sous forme colorées et liquides
• Mais surtout connu pour un graphique
représentant la relation entre taux de chômage et inflation
Quel mécanisme?
• Lorsque le chômage est faible:
– les entreprises doivent augmenter les salaires. Le coût lié à la perte d’emploi est faible et les travailleurs attendent un salaire plus élevé pour travailler efficacement.
• Des plus hauts salaires entraînent des coûts plus élevés
– Les entreprises augmenteront leurs prix (si les conditions de marché le permettent) pour maintenir leur profitabilité
• Le niveau général des prix augmente
– Les salaires réels n’augmentent donc pas – Salaire réel = salaire nominal – inflation
Pouvoir de négociation et inflation
• Si le chômage est inférieur au « chômage
d’équilibre »: pouvoir de négociation positif et inflation
• Si le chômage est supérieur au « chômage d’équilibre »: pouvoir de négociation négatif et déflation
• Chômage d’équilibre: pas d’inflation
Mais cela ne fonctionne pas tout le temps…
• Cas des « chocs d’offre » et de l’inflation importée
– L’inflation ne provient pas de la hausse du pouvoir des négociations de travailleurs ou des entreprises mais de la hausse des coûts (liée à la hausse des produits importés)
– Pas de relation entre chômage et inflation – Phénomène de stagflation: inflation élevée,
chômage élevé, croissance faible
Comment les banques centrales réduisent l’inflation?
• Politique monétaire restrictive
• Baisse de la masse monétaire et augmentation du taux d’intérêt
• Baisse des dépenses et baisse de l’activité:
– Baisse du pouvoir de négociation des travailleurs et/ou de l’emploi
– Baisse de l’inflation anticipée
• Baisse de l’inflation
Pour conclure…
• La monnaie est un moyen d’échange:
– Certaines théories économiques considèrent que la monnaie est
« neutre » (théories monétaristes)
– D’autres mettent en avant une « préférence pour la liquidité » (thésaurisation)
• Transfert inter-temporel de consommation:
– Via l’emprunt, le prêt mais aussi l’investissement
• Les banques centrales déterminent la masse monétaire en circulation et donc le taux d’intérêt
– Cela a un impact sur la demande agrégée (PIB) mais aussi l’inflation
• Politiques monétaires
• Arbitrage inflation-chômage (courbe de Phillips)
Prochaine séance
• La politique budgétaire : impôts et dépenses publiques. Quel impact sur le chômage ?
Mercredi 9 Mars