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Beyrouth-Dubaï. Circulations culturelles et nouvelles formes d’urbanité

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97 | 2016

Marchés et nouveaux territoires de l'art dans le villes du Sud

Beyrouth-Dubaï

Circulations culturelles et nouvelles formes d’urbanité Beirut-Dubai: cultural circulations and new forms of urbanity

Sophie Brones et Amin Moghadam

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/4385 DOI : 10.4000/gc.4385

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 octobre 2016 Pagination : 113-138

ISBN : 978-2343-12698-2 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Sophie Brones et Amin Moghadam, « Beyrouth-Dubaï », Géographie et cultures [En ligne], 97 | 2016, mis en ligne le 22 janvier 2020, consulté le 21 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/gc/4385 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.4385

Ce document a été généré automatiquement le 21 janvier 2021.

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Beyrouth-Dubaï

Circulations culturelles et nouvelles formes d’urbanité Beirut-Dubai: cultural circulations and new forms of urbanity

Sophie Brones et Amin Moghadam

1 Depuis le milieu des années 2000, dans les villes du Moyen-Orient, à Beyrouth, au Caire, à Téhéran et dans certains pays du Golfe, des institutions culturelles telles que des galeries, musées, fondations, centres de formation et de diffusion des pratiques artistiques se développent et se structurent. Si plusieurs de ces institutions existent depuis longtemps déjà dans certaines de ces villes, leur insertion dans une économie régionale apparaît comme un fait relativement nouveau. Leur dynamisme actuel tient notamment à un marché de l’art en plein essor (Mermier, 2002 ; Mermier, Choron-Baix, 2012). La multiplication des circulations régionales d’artistes et d’individus appartenant aux « mondes de l’art » (Becker, 2006), mais aussi des modèles esthétiques et institutionnels, génère, à l’échelle des villes elles-mêmes, de nouveaux développements ayant un effet notable sur les processus de métropolisation. Le plus souvent, en investissant des espaces urbains périphériques ou marginalisés, artistes et institutions culturelles participent à leur requalification et à leur revalorisation matérielle et symbolique, comme c’est d’ailleurs le cas dans divers contextes, dans les pays du Nord comme du Sud (Florida, 2002 ; Markusen, 2006 ; Vivant, 2009, Pacquot, 2010, Zukin 1995).

2 Tout à fait caractéristiques de ces évolutions, les aires urbaines de Corniche al-Nahr à Beyrouth et d’al-Quoz à Dubaï accueillent un développement récent d’institutions culturelles en lien avec les scènes artistiques locales et le marché régional de l’art. De ce fait, les deux villes sont connectées entre elles tout comme elles le sont aussi à d’autres polarités culturelles dans la région proche et au-delà.

3 Cet article se fonde sur les résultats d’enquêtes ethnographiques menées dans les deux villes à propos de l’évolution de ces quartiers beyrouthins et dubaïotes, dans leur relation au contexte régional1. De ce point de vue, il rend compte de l’émergence de modalités « translocales » de production du lieu (Brickell, Data, 2011). Par

« translocalité », nous entendons ici la construction de relations interurbaines, voire de

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lieux à lieux, qui accompagne les circulations des hommes et des choses, souvent en connivence avec les relations interétatiques. La dimension comparative de cette enquête, du fait de la mise en perspective des deux villes, ouvre une réflexion sur l’économie politique de l’art (Codell, 2008) tant ses lieux de production et de commercialisation constituent des sphères propices au développement d’un capital économique (Harvey, 2001).

Géographies du marché moyen-oriental de l’art

4 Parmi les signes d’un processus de régionalisation au Moyen-Orient auquel l’économie participe en premier lieu (Vignal, 2017), l’art, et plus précisément les arts visuels, jouent un rôle non négligeable dans la structuration de réseaux d’échanges et de zones d’influences. Particulièrement dynamique depuis le milieu des années 2000, le marché régional de l’art contemporain met en circulation une production artistique du Maghreb et du Moyen-Orient. La ville de Dubaï a joué un rôle important dans la constitution de ce marché, en tant que hub pour la promotion et la vente des œuvres des artistes de la région. Des maisons de ventes aux enchères comme Christie’s y sont implantées depuis 2006 : elles polarisent ce marché à partir des Émirats Arabes Unis, tout en accompagnant la formation de collections privées et la multiplication de galeries d’art commerciales – les galeristes ayant vu à Dubaï une opportunité d’exposition des artistes des pays environnants.

5 La multiplication des foires d’art contemporain atteste notamment de la vitalité du marché et de la façon dont des villes comme Beyrouth, plus centrées jusqu’aux années 2000 sur la production artistique que sur la diffusion, se dotent d’une nouvelle fonction marchande. Pour autant, une foire comme Art Dubai (foire annuelle d’art contemporain fondée à Dubaï en 2006) reste plus importante que la Beirut Art Fair, du fait notamment du nombre de galeries qui y sont représentées. En dix ans, le nombre de galeries de la foire de Dubaï est passé de 10 à 94 en 2016, tandis que la foire de Beyrouth en comptait une cinquantaine en 2015. Depuis sa première édition en 2006, Art Dubai marque un moment important du calendrier culturel et artistique régional. Son importance relève d’une part des ventes qui y ont lieu mais surtout des possibilités de rencontre qu’elle offre aux acteurs des mondes de l’art. Une attention portée aux galeries de la région a succédé à la stratégie initiale d’extraversion vers d’autres régions du monde, qui caractérise les premières années d’existence de la foire. Son visage actuel est fortement lié au rôle qu’elle joue pour les scènes locale et régionale.

6 Des ventes importantes y ont été réalisées, et l’attractivité de la foire vis-à-vis des collectionneurs a exercé une influence sur des acteurs institutionnels occidentaux qui s’y rendent tous les ans. La foire de Dubaï accueille aussi les représentants des foires et institutions culturelles des pays voisins (à l’instar de la Beirut Art Fair, de la foire d’Istanbul et du Musée d’art contemporain de Téhéran) pour qui elle constitue un espace de promotion de leurs propres activités culturelles. En polarisant une grande partie de la circulation régionale d’œuvres, de personnes (artistes, galeristes, commissaires d’expositions, etc.) et de capitaux investis dans l’art, elle constitue un nœud essentiel dans les réseaux marchands et stimule les connexions entre les villes de la région et d’au-delà, dans un rapport d’émulation et de concurrence.

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Figure 1 – Cartes des galeries représentées à Art Dubaï en 2007 et 2017

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7 En outre, si une partie de la production artistique des espaces arabe et iranien2 s’expose aujourd’hui en Europe et aux États-Unis, cela s’explique en partie par le rôle des foires du Golfe – Art Dubai et Abu Dhabi Art Fair notamment – dont le rayonnement international garantit le passage des œuvres des artistes de la région vers le marché global3. Pour autant, pour de nombreux artistes, ces foires ne constituent pas un lieu de passage obligé dans la mesure où nombre d’entre eux trouvent plus prestigieux d’exposer leurs travaux en Europe et aux États-Unis plutôt que dans le Golfe.

L’historicité de ces processus mérite donc d’être rappelée puisque l’émergence de ces dispositifs de « diffusion » de l’art est relativement récente. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, la production artistique des anciens foyers culturels du Moyen-Orient (Le Caire, Damas avant 2011, Téhéran, Beyrouth) est de plus en plus dépendante des pays arabes du Golfe, essentiellement des Émirats Arabes Unis et du Qatar où il existe de nombreuses structures institutionnelles publiques et privées d’aide à la production et à la diffusion (Mermier 2017). Les prix annuels qui y sont décernés, comme le prix Jameel (Sharjah) ou le prix de l’Abraaj Group Art (Dubaï), apportent revenus et notoriété aux artistes.

8 Dubaï joue également un rôle important dans la diffusion de modèles et de dispositifs d’exposition : le modèle du white cube (espace régulier et conventionnel développé dès les années 1930 aux États-Unis) (O’Doherty, 1999) est largement adopté par les nouvelles galeries de la région. En privilégiant de vastes espaces non cloisonnés, les galeries disposent d’une grande plasticité des aménagements internes et la possibilité d’exposer des œuvres monumentales comme c’est le cas de la galerie Mohsen à Téhéran ou de la Townhouse Gallery au Caire. Ces deux exemples, bien qu’ils ne concernent pas directement les terrains explorés au cours de l’enquête, indiquent aussi l’intégration de galeristes et d’entrepreneurs culturels iraniens et égyptiens à ce même champ de pratiques et de références globalisées.

9 L’essor régional des galeries et des lieux de commercialisation de l’art accompagne aussi la multiplication des collections privées dans la région, qui tendent à diversifier et à intégrer différentes figures de professionnels de l’art, au-delà des seuls artistes et galeristes. En effet, le plus souvent, pour certaines familles aisées des pays du Moyen- Orient, comme c’est le cas pour bien des investisseurs dans d’autres régions du monde, l’achat d’œuvres d’art répond à une logique financière et on peut y voir des stratégies de distinction et de prestige qui associent accumulation d’un capital économique et culturel. Figures importantes de ces réseaux, des « experts » souvent diplômés des beaux-arts ou familiers du marché, sont alors engagés par ces nouveaux collectionneurs pour enrichir leurs collections. Ce sont souvent eux qui voyagent entre les différentes centralités du monde de l’art contemporain afin d’y repérer des artistes et d’investir dans leur production. En introduisant de nouveaux artistes (notamment émergents, de la diaspora des pays du Moyen-Orient et, depuis peu de temps, les artistes occidentaux) dans les marchés locaux et régionaux, ils participent à la légitimation de leurs productions et facilitent l’acquisition d’œuvres par les

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collectionneurs privés et les musées. La mobilisation de leur capital culturel et social est donc mise ici au service de la création de nouvelles ressources pour un marché qui autrement risquerait de s’épuiser. En cela, l’internationalisation du marché local se construit tout autant sur la distribution géographique des activités artistiques à différentes échelles que sur la promotion d’une communauté de valeurs et de pratiques au prisme, bien souvent, de nouvelles relations sociales exclusives (Harvey, 2001).

Figure 2 – La Galerie Mohsen, Téhéran

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© Amin Moghadam, 2016

11 Sous l’effet du développement du marché de l’art régional, en gagnant en influence et en visibilité, les musées, galeries et autres institutions liées à la conservation ou à la diffusion des arts visuels contemporains participent au rayonnement régional et global des villes où elles sont situées. En ce sens, les institutions culturelles renforcent l’attractivité des villes et constituent un facteur de métropolisation et d’intégration mondiale de ces villes à un large réseau de relations complémentaires et concurrentielles (Sassen, 1991 ; Di Méo, 2010 ; Scott, Leriche, 2005 ; Scott, 2006). À Beyrouth et à Dubaï, les enquêtes que nous avons menées ont permis de repérer qu’aux circulations d’œuvres ou de personnes au sein du marché régional et global s’ajoute celle de modèles urbains, de références esthétiques, architecturales et de modes de consommation. Ce sont eux qui retiennent ici notre attention dans la mesure où ils contribuent tout autant à la transformation des paysages qu’à la revalorisation symbolique de territoires urbains.

Production culturelle et métropolisation

12 Dubaï a connu un développement urbain très rapide depuis la découverte du pétrole en 1966, et l’organisation de son espace reflète l’évolution des hiérarchies sociales, statutaires et ethniques qui a accompagné ce développement. Le déséquilibre démographique entre la population nationale (citoyens émiriens), qui représente environ 12 % des résidents du pays, et les étrangers reconnus sous la catégorie de

« travailleurs temporaires », se traduit dans l’espace par une ségrégation des quartiers de résidence, à laquelle se conjuguent de fortes disparités économiques au sein de chacune des deux catégories de population. La ville d’abord développée autour de sa baie (Creek) s’est étendue à partir des années 1960 en suivant le trait de côte en direction d’Abu Dhabi. C’est dans ces espaces d’extension vers l’ouest que se trouve le quartier d’al-Quoz.

13 L’urbanisation contemporaine de Beyrouth forme une conurbation qui s’étend du littoral à la montagne. Ce tissu continu, plus ou moins dense, est ponctué de secteurs qui se sont développés de façon informelle durant la guerre civile (1975-1990), notamment aux marges des limites municipales. Durant cette période, l’ancien centre- ville a été coupé de ses fonctions traditionnelles et une forte ségrégation spatiale a favorisé une autonomisation des quartiers de la ville sur des bases communautaires, distinguant quartiers chrétiens d’autres quartiers à majorité musulmane. La reconstruction partielle des années 1990 et 2000 a accentué les disparités entre certains secteurs de la ville et conduit à la formation d’un paysage hétérogène, reflet des

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frontières sociales et confessionnelles. Dans ce contexte d’une urbanisation discontinue où le secteur immobilier prospère et où les pouvoirs publics ne contrôlent que partiellement le développement urbain, il est fréquent de voir des portions de ville privatisées à des fins de développement, de rentabilité, et d’affirmation d’un pouvoir symbolique (Verdeil, 2002 ; Brones, 2012 ; Fawaz, 2014).

14 Malgré des évolutions récentes et des contextes historiques, économiques et politiques distincts, on observe à Dubaï comme à Beyrouth une forte hétérogénéité de l’espace bâti qui résulte de la conjonction d’une obsolescence des plans d’aménagement et d’une forte spéculation sur le foncier. Depuis la fin des années 2000, les aires de Corniche al- Nahr et d’al-Quoz, longtemps restées en marge de l’évolution urbaine, se transforment progressivement en « quartiers d’art » qui se caractérisent part la concentration des lieux de création, de diffusion et de consommation des œuvres (Lorente, 2008 ; Debroux, 2013). Dans les deux cas, leur développement tient en partie au renforcement du domaine culturel à l’échelle régionale. En s’établissant dans d’anciens bâtiments industriels, les institutions culturelles ont trouvé des espaces conformes à leurs besoins.

De « Corniche al-Nahr » à « Soho Beirut »

15 Le secteur de Corniche al-Nahr tient son nom de sa situation en bordure du fleuve de Beyrouth (Nahr Beyrouth), en contrebas de la colline d’Achrafieh, aux limites orientales des frontières municipales et à la lisière de la commune voisine et fortement urbanisée de Sin el-Fil. Cette zone semi-industrielle était jusqu’à il y a peu essentiellement occupée par la gare désaffectée du chemin de fer qui reliait le sud et le nord du pays, des hangars et des entrepôts liés à des activités de manufacture et de stockage. Cernée par des voies rapides d’un côté et le fleuve de l’autre, il s’agit d’une zone interstitielle, au tissu peu dense. Dans ce paysage encore en chantier en 2016, des immeubles en cours de construction coexistent avec d’anciens bâtiments semi-industriels construits dans les années 1950-1960. Certains d’entre eux ont été partiellement rénovés par des institutions culturelles privées qui les louent entièrement ou en partie. C’est le cas du Beirut Art Center, centre d’art contemporain consacré à des expositions temporaires, de l’association Askhal Alwan, centre de formation et résidence d’artistes, dont l’immeuble abrite aussi une agence d’architecture, ou encore de The Station, espace où sont produits des événements culturels et des expositions. Ils ont trouvé là de grands espaces à des prix encore peu élevés jusqu’au milieu des années 2000.

Figure 3 – Carte de Beyrouth indiquant la situation du quartier SOHO

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© Google Maps

17 Dans le sillage de ces institutions culturelles, des projets immobiliers se développent dans le secteur. On estimait en 2012 les surfaces résidentielles qui y étaient projetées à plus de 180 000 m2 4. Plusieurs de ces projets, comme Achrafieh 4748, Bella Casa, Trilium Beirut, et the Pearl s’y sont développés depuis 2008. Il s’agit majoritairement de projets mixtes, résidentiels et de bureaux, dont certains prennent la forme de tours de très grande hauteur déconnectées de leur environnement urbain, tandis que d’autres s’organisent en « gated communities » comprenant salles de sport, piscines, jardins

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intérieurs et divers services. Si la plupart d’entre eux ne se distinguent pas vraiment, du point de vue du style comme des fonctions, de la standardisation qui concerne la majeure partie des projets architecturaux dans le reste de la ville, un projet, Soho Beirut, s’en démarque toutefois. Initié par plusieurs promoteurs immobiliers constitués en association, il concerne plusieurs parcelles mitoyennes ou voisines dont certaines appartiennent toujours à leurs anciens propriétaires et d’autres ont été rachetées par des promoteurs immobiliers5. Le nom Soho réfère au quartier de South Houston Street à Manhattan – et à son homonyme londonien plus ancien – auquel ces promoteurs se plaisent à comparer le secteur de Corniche al-Nahr : une zone semi industrielle revalorisée par la présence d’artistes, dont le rayonnement international tient notamment au développement d’activités « créatives » au sein de bâtiments industriels réhabilités. Le choix du nom « Soho Beirut, the new Achrafieh » s’inscrit ici dans une perspective de communication et de visibilité du projet pour ses potentiels clients : cette référence culturelle internationale résume « l’esprit » du projet pour des promoteurs dont beaucoup ont développé une expérience professionnelle en Europe ou aux États-Unis6. À Soho Beirut, les projets de logement collectif mais aussi de bureaux et de commerces de proximité visent à faire de cette aire urbaine un lieu où espaces privés et publics restent connectés, qui se démarque par la recherche d’une forme d’harmonie paysagère et d’un mode de vie résolument « contemporain », valeur notamment définie dans sa capacité de rupture, architecturale et d’usage, avec celles qui prévalent dans l’urbanisme beyrouthin « traditionnel ». Les promoteurs critiquent en effet les principes de rentabilité et d’exploitation maximale des coefficients disponibles qui sont les mots d’ordre du développement architectural et urbain beyrouthin. Ils promeuvent un quartier alternatif, du fait notamment de son aura culturelle, qui ambitionne de créer des lieux atypiques pour le travail ou l’usage résidentiel des acteurs des scènes créatives émergentes de Beyrouth. La qualité architecturale revendiquée dans les projets associe les futurs « lofts », studios et ateliers d’artistes à l’héritage des débuts de la période moderne7. Les promoteurs affirment contribuer à la fabrication d’une nouvelle identité urbaine dans ce secteur de la ville jusqu’alors déprécié par les habitants des quartiers centraux.

Figure 4 – Immeubles en cours de construction à Soho Beirut en 2014

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Les projets « Factory 4376 » à gauche et « Artists lofts » (architecte Bernard Khoury) à droite

© Sophie Brones, 2014

Al-Quoz à Dubaï : la réinvention de l’entrepôt

19 Aux Émirats Arabes Unis, la mise en place d’institutions culturelles et artistiques remonte aux années 1980. Celles-ci se sont d’abord consacrées à la valorisation de la culture locale comme un élément de l’identité nationale. Cette vision s’est traduite en politiques de préservation de la culture d’avant l’ère pétrolière. Une grande partie des institutions culturelles des Émirats est donc orientée vers le secteur du patrimoine (musées, fondations de sauvegarde de patrimoine, etc.). En 2008, le cheikh Mohammed bin Rashid Al‑Maktoum, émir actuel de Dubaï et vice-président des Émirats arabes unis, infléchit cette approche avec l’instauration du Dubai Culture and Arts Authority.

Rebaptisée « Dubai Culture » en 2009, cette institution publique s’est donné pour

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mission le soutien aux activités artistiques et culturelles en lien avec les Dubai Strategic Plan 2015 et 2021 mis en place par le gouvernement de Dubaï, qui organisent le développement urbain de l’émirat. Le manque d’espaces adaptés à la promotion des arts visuels et l’absence de soutien public comme privé ont en effet longtemps contraint les quelques acteurs de la scène des arts visuels à exposer les œuvres dans des hôtels ou dans les deux galeries de la ville. Cette situation change depuis le milieu des années 2000 du fait de mécènes et de galeristes, nouveaux acteurs des mondes artistiques et culturels. De nouveaux espaces dédiés à l’art contemporain émergent, notamment dans l’un des quartiers industriels de Dubaï.

Figure 5 – Dubaï. Espaces artistiques, culturels et éducatifs

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21 Al-Quoz est l’un de ces quartiers d’art qui s’est développé à Dubaï depuis les années 2000, et le seul situé dans une zone industrielle. Elle abrite aussi des camps de travailleurs et les hangars de stockage des grands centres commerciaux comme celui du fameux Mall of the Emirates. Situé à l’origine à l’extérieur de la ville, al-Quoz en fait aujourd’hui intégralement partie bien que son accès à partir de l’artère principale de Cheykh Zayed Road ne soit pas toujours aisé, même en voiture. Yasser Elsheshtawy décrivait ainsi cette aire urbaine en 2010 : « Al-Quoz n’a pas d’espace public, pas de domaine public clairement défini permettant des rencontres, ni même un parc, mais est plutôt composé de routes disposées en quadrillage » (Elsheshtawy, 2010, p. 185). Cette description d’al-Quoz correspond toujours à l’image de la zone lorsqu’on y pénètre, mais de nouvelles pratiques de sociabilité y prennent place notamment autour des activités artistiques et dans les cafés et restaurants qui y ont récemment ouvert leurs portes. C’est un architecte iranien, Dariush Zandi, qui a été à l’origine de la mise en place du premier ensemble de galeries d’art du quartier d’al-Quoz. Ancien étudiant à New York, il y fréquentait le quartier de Soho et, lorsqu’il s’installe à Dubaï en 1978, il travaille d’abord à la municipalité entre 1981 et 1994 avant de décider de fonder un complexe comptant plusieurs espaces dédiés à l’art visuel. Celui-ci voit le jour entre 1997 et 1998. Il s’appelle d’abord « Soho » puis il est rebaptisé « Courtyard ».

22 Le prix accessible des hangars et le caractère industriel de ces espaces ont progressivement attiré d’autres « entrepreneurs culturels » pour les transformer en galeries d’art à partir de la seconde moitié des années 2000. Sunny Rahbar, une Iranienne trentenaire, née aux USA de parents architectes, membre d’une deuxième génération de migrants iraniens à Dubaï, a ainsi créé en 2005 la première galerie d’art contemporain d’al‑Quoz, la galerie Third Line, dont elle est copropriétaire. Elle arrive aux Émirats après des études supérieures en management des métiers de l’art à New York, encouragée par sa famille à quitter les États-Unis après le 11 septembre 2001, à Dubaï où selon elle, « il n’y avait rien » en termes d’art contemporain8. Elle s’associe alors à sa partenaire américaine qui connait le marché de l’art de Singapour. Elle est également soutenue par Omar Saif Ghobash, émirien influent, ambassadeur des Émirats Arabes Unis en Russie, et plus tard membre du comité d’acquisition des œuvres du futur musée du Louvre-Abu Dhabi. Depuis son ouverture, la galerie Third Line a connu un certain succès qui a encouragé l’arrivée de nouvelles galeries à al-Quoz, et en particulier dans une nouvelle enceinte appelée al-Serkal.

23 Malgré leur situation de marges urbaines, al-Quoz et Corniche al-Nahr se différencient par la forme de leur urbanisation – zone d’entrepôts pour la première, et ancien secteur

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lié aux activités industrielles pour la seconde, par l’intensité ainsi que la nature de leur fréquentation. Le quartier d’al-Quoz a vu progressivement se multiplier cafés, marchés, galeries, fondations et événements culturels et il apparaît désormais sur la carte touristique de la ville. Le « quartier » de Corniche al-Nahr est quant à lui encore en chantier, et se destine à un usage mixte, mais essentiellement résidentiel. Les galeries et centres d’art qui s’y trouvent jouent un rôle de premier plan sur la scène culturelle locale et ont un impact déterminant sur l’esprit donné aux projets de logements. Mais elles restent toutefois beaucoup moins nombreuses qu’à al-Quoz.

Figure 6 – La galerie Third line, Al-Quoz, Dubaï

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© Amin Moghadam, 2016

Vers une nouvelle topographie culturelle?

25 Ces processus inscrivent Beyrouth et Dubaï au premier plan d’une réflexion sur les conséquences urbaines de la globalisation. Corniche al-Nahr et al‑Quoz peuvent en effet être envisagés comme deux « aires urbaines » dont la forme et les usages dépendent en grande partie des effets des circulations culturelles à l’échelle régionale. Anne Raulin propose avec l’usage de ce terme « aire » de décrire « la formation d’un monde urbain éminemment plastique, mouvant, en évolution permanente, connaissant des phases d’émergence, de croissance, de plénitude, de déclin, sans que cela soit consigné par la loi autre qu’immobilière, c’est-à-dire du marché, sans que cela constitue une revendication territoriale pérenne » (Raulin 2009, p. 37)9. Elle est particulièrement appropriée pour décrire ici la « géométrie variable » de ces zones urbaines ainsi que des nouvelles formes d’urbanité fondées sur la création d’un entre soi culturel et social. Ces

« aires » urbaines donnent ainsi à lire les nouveaux « paysages de la globalisation » (Bayart, 2012) où l’interconnexion des mondes, des formes d’hybridité et d’extraversion caractérisent la production de la « localité » (Abélès, 2008) et de ces nouvelles cultures urbaines. Il est à noter à ce propos qu’en intégrant les réseaux mondialisés de l’art, les villes atteignent un rayonnement au-delà de leurs frontières. Pour autant, le développement et la requalification symbolique de ces « aires urbaines » contribuent au renforcement des champs culturels nationaux.

26 Au Liban, le soutien public à la création contemporaine reste très limité en dépit de l’existence d’un ministère de la Culture depuis 1993. Le musée Sursock, récemment rénové, demeure le seul musée public d’art contemporain. La majorité des institutions culturelles du pays vit en conséquence du mécénat privé local et étranger. Les années 1990 de l’après-guerre civile ont vu l’émergence de plusieurs galeries commerciales et les années 2000 et 2010 celle de plusieurs projets de musées privés (comme par exemple la collection Salamé ou le projet de Musée d’art contemporain dans le secteur de la Quarantaine, porté par le groupe Artistic Cultural Events). D’autres institutions, qui sont à la fois des lieux de production artistique (résidences, workshops, etc.), d’exposition et de ressources, sont financées par des fondations culturelles arabes10, européennes11 ou américaines12 qui les inscrivent de fait dans des réseaux culturels transnationaux. Dans ce paysage culturel local, on peut noter l’importance des festivals comme Ayloul, festival artistique pluridisciplinaire (1997-2001) et Home Works, festival

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initié par Ashkal Alwan, dans la diffusion de la création plastique et visuelle locale mais aussi dans le développement d’une pensée critique sur l’art, en particulier sur le statut de l’artiste et ses implications politiques et sociales. Si différents quartiers centraux de Beyrouth abritent des galeries d’art, des galeries commerciales se sont récemment implantées dans le secteur de la Quarantaine13 et de Corniche al-Nahr, qui accueille, avec Ashkal Alwan, le Beirut Art Center et The Station, des institutions culturelles à but non lucratif parmi les plus actives au Liban dans la promotion des arts visuels contemporains libanais et arabes.

Figure 7 – Le bâtiment abritant l’association Askhal Alwan

27 [Image non convertie]

© Sophie Brones, 2014

Figure 8 – Le Beirut Art Center, vu depuis la voie rapide qui longe le fleuve de Beyrouth

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© Caroline Tabet, 2015

29 Le Beirut Art Center, « musée sans collection permanente »14, comme le précise Sandra Dagher, l’un de ses membres fondateurs, est un espace polyvalent qui accueille des expositions temporaires, des concerts, des projections et des événements culturels variés essentiellement liés à la production artistique libanaise et arabe, mais aussi, depuis peu, européenne ou américaine. L’association libanaise pour les arts plastiques Ashkal Alwan, née en 1993, produit quant à elle tous les deux ou trois ans le festival Home Works, premier festival dédié aux arts contemporains du monde arabe et d’au- delà. Elle propose aussi des expositions temporaires résultant de projets individuels ou collectifs d’artistes accueillis en résidence.

30 À Dubaï, le succès financier et la visibilité que les artistes de la région ont pu acquérir grâce aux galeries d’art ont aussi donné lieu à des formes de projets à but non lucratif visant à pallier le manque d’initiative publique. En 2007, un compound réunissant plusieurs galeries s’est développé, nommé Al‑Serkal Avenue du nom du propriétaire et homme d’affaires émirien reconnu, Abdelmonem Bin Eisa Al-Serkal. En 2012, Al-Serkal Avenue comptait déjà une vingtaine de hangars dédiés aux activités dites créatives, des espaces de travail, et quelques cafés. Ramin Salsali, d’origine iranienne et ayant vécu en Allemagne, a été le premier à y ouvrir en 2011 un espace non-lucratif appelé le « Musée Privé de Salsali » (SPM). Projet d’abord initié à Berlin, Salsali décide finalement de le réaliser à Dubaï : « on rencontre peut-être beaucoup d’obstacles sur le papier mais tu y vas et tu leur parles [aux autorités] et ensuite tu peux faire ce que tu veux »15. Pour obtenir l’autorisation d’ouvrir un musée privé, il fit valoir aux autorités de Dubaï la nécessité de diversifier les sources d’attractivité touristique de la ville :

« Je leur ai expliqué comment faire du tourisme rentable. Le tourisme classique n’apporte plus d’argent. Tu dois rendre une région plus attractive. Il y avait un temps où c’était les terrains de golf et les plages [qui apportaient de l’argent] mais ils ne sont plus exclusifs dans la région. Tu as de meilleures plages en Turquie. Je leur ai suggéré de créer un musée, un hub culturel. »16

31 Le projet fut accepté par les autorités locales avec le statut de « collection privée », pour le distinguer d’un musée qui désigne selon elles une institution publique. La visite du musée est gratuite. Des expositions temporaires sont organisées qui présentent des

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artistes d’origines variées. Son ambition déclarée est de mettre en place un « hub culturel » où les collectionneurs de la région du Moyen-Orient se rencontrent et échangent. Ayant d’autres activités économiques, Salsali insiste sur le fait que, pour lui, fonder une institution culturelle dans une ville qui l’a accueilli en tant que migrant relève d’une « responsabilité sociale ».

Figure 9 – La nouvelle extension d’Al-Serkal Avenue vue de l’extérieur, Al-Quoz, Dubaï

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© Amin Moghadam, 2016

Figure 10 – L’espace entre les hangars de la nouvelle extension d’Al-Serkal Avenue, Al-Quoz, Dubaï

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© Amin Moghadam, 2015

34 Le succès de fréquentation des premières galeries du compound d’Al-Serkal a conduit à l’extension du périmètre. En 2015, un nouvel espace d’une superficie de 76 200 m², constitué de nouveaux hangars, est venu doubler la superficie du compound existant.

Le nouveau compound comprend désormais un centre pour les événements culturels et une cour dédiée à des performances, des projections de films et l’organisation de débats. De nombreux espaces de consommation sont également présents : des cafés, des restaurants, mais aussi des « concept shops and pop-up shops » qui louent de façon temporaire une partie d’un hangar pour vendre leurs produits. Ces lieux de consommation proposent également des produits qu’on ne trouve pas dans les grands centres commerciaux et les malls. Du fait de la multiplication de galeries et de centres culturels à caractère non-lucratif et d’événements artistiques en son sein, le compound d’Al-Serkal est devenu une institution culturelle et artistique, et l’ensemble de ses établissements est désormais recensé, notamment sur un site web17. Par ce rôle, il contribue à définir qui sont les acteurs du monde de l’art et de la culture à Dubaï. Par exemple, les projets retenus pour la nouvelle phase de développement du compound doivent témoigner d’activités explicitement « créatives ». De fait, la définition de ce qui est créatif est large : des galeries d’art et des résidences d’artistes aux agences d’architectes ou aux start-up consacrées aux nouvelles technologies. Comme le reconnaît l’un des responsables d’Al-Serkal Avenue : « Dubaï est une très petite ville si on la compare à New York ou à Londres. On ne peut pas se limiter qu’à l’art. Bien sûr, on peut aussi avoir des cafés et des librairies parce que si on veut attirer plus de monde et avoir une vie sociale ici, on doit aussi avoir une offre alimentaire »18.

Renforcement des scènes nationales et professionnalisation des milieux de l’art

35 Le renforcement des scènes culturelles et artistiques locales et nationales apparaît comme l’une des conséquences directes de la structuration d’un marché régional. En particulier, l’émergence de ces quartiers culturels témoigne de l’affirmation d’un champ de pratiques artistiques et de son institutionnalisation. L’exposition que consacre en 2011 le Beirut Art Center à l’œuvre du photographe libanais Fouad Elkoury constitue un exemple particulièrement pertinent pour décrire ce renforcement des scènes locales. En effet, elle apparaît à une date relativement tardive dans la carrière du

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photographe qui jouit depuis longtemps déjà d’une renommée internationale (son travail est montré depuis 1985 en Europe, aux États-Unis et aux Émirats Arabes Unis).

Fouad Elkoury explique lui-même la date tardive de cette rétrospective dans son pays d’origine par l’absence, avant la fondation du Beirut Art Center, d’un lieu adéquat à Beyrouth pour programmer une exposition d’envergure19. Avec cette exposition, et bien d’autres qui suivirent, la photographie documentaire se donne à voir dans des lieux dédiés à l’art contemporain. Cela renforce l’affirmation d’un nouveau statut du médium, une légitimation en tant qu’art. La photographie restant le plus souvent associée, hors des milieux cultivés, à une pratique journalistique ou commerciale.

36 Cette porosité d’une pratique d’un monde à l’autre trouve d’ailleurs son pendant dans la reconversion très fréquente et souvent tardive d’entrepreneurs issus des milieux de la finance en acteurs des mondes de l’art. C’est notamment pour cette raison que nous les appelons ici « entrepreneurs culturels ». En outre, l’institutionnalisation et la professionnalisation des pratiques artistiques (Moghadam, 2012) doivent aussi au rôle joué par les professionnels de la ville et les promoteurs du développement urbain. On perçoit ici la façon dont des stratégies de marketing intègrent les mondes de l’art, tout comme la dimension collective de la production artistique et de ses cadres (Becker, 2006). Les « entrepreneurs culturels » à l’origine du développement des activités artistiques dans le secteur de Corniche al-Nahr et d’al-Quoz depuis la fin des années 2000 participent de ce mouvement. Issus de milieux aisés, les fondateurs des nouvelles institutions culturelles se sont en partie formés à l’étranger, en Europe ou aux États- Unis. Associant leur connaissance de l’art contemporain, leur expertise et leurs compétences managériales à la vision d’artistes locaux, leur objectif affiché est d’accompagner la production artistique contemporaine en palliant le manque d’infrastructures publiques, notamment au moyen de la création de plateformes artistiques aux échelles locale et régionale.

Des « aménageurs » de la ville

37 À Dubaï comme à Beyrouth, ces acteurs « privés » se perçoivent comme des aménageurs de la ville face à des acteurs publics jugés impuissants ou incompétents. Ils revendiquent leur action « sur le terrain » en faveur de la requalification de quartiers délaissés, de la valorisation des ressources artistiques et de l’attractivité des villes.

38 En investissant des marges urbaines, entrepreneurs culturels et promoteurs immobiliers s’enorgueillissent de leur propre audace à investir des terrains peu consensuels, attirant leurs publics dans cette idée d’un dépassement des frontières habituelles de la ville. Ils valorisent leur originalité supposée dans l’expression de la recherche d’une certaine « authenticité » et une préoccupation pour une relation harmonieuse à l’espace public, dans un contexte marqué à Beyrouth comme à Dubaï par un « urbanisme de tours ». Pour les promoteurs notamment, cette revendication d’authenticité constitue à la fois un argument de promotion commerciale et une forme d’auto-légitimation du projet (Bendix, 1997). Elle caractérise des manières alternatives d’habiter, à Beyrouth, et de consommer à Dubaï, qui apparaissent comme constitutives de ces nouvelles urbanités. En s’ouvrant au champ culturel à travers la production d’objets et d’espaces, cet « entrepreneurialisme urbain » s’inscrit dans un nouveau registre d’action qui procure à ses initiateurs davantage de flexibilité dans l’accumulation du capital (Harvey, 2001).

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39 À Dubaï, en l’absence de législation ou de registre préétabli par les autorités publiques pour encadrer ce type d’activité, le développement des espaces culturels est en effet le fruit de négociations permanentes entre autorités publiques et ces nouveaux entrepreneurs culturels. Généralement, ces développements sont rendus possibles par la modification du plan d’urbanisme pour transformer des zones industrielles en zones commerciales. Par exemple, alors que la plupart des galeries d’art ont commencé leur activité au milieu des années 2000 avec une licence d’activité commerciale (trading licence), les responsables d’Al-Serkal Avenue ont négocié le statut juridique des nouveaux espaces du projet de l’extension d’Al-Serkal Avenue en créant une licence intitulée

« mixed zones », qui permet de conjuguer des activités commerciales, telles qu’un coffee shop, une galerie, et des espaces industriels. Al-Serkal Avenue travaillait en 2015 à la mise en place d’un statut juridique unique pour l’ensemble de l’espace ainsi désigné. Ces dynamiques artistiques et commerciales ont par conséquent donné lieu à l’émergence d’une zone urbaine d’exception qui déroge au plan d’urbanisme de la ville. Un cabinet de conseil privé – spécialisé dans le domaine culturel et impliqué dans le projet d’extension d’Al Serkal Avenue – a par ailleurs négocié la création d’un statut juridique nouveau, celui de « zone culturelle », qui bénéficierait ainsi d’exemptions, ou du moins de réductions des taxes urbaines.

40 À Corniche al-Nahr, l’association SOHO Beirut formée par le regroupement des promoteurs finance l’intégralité des travaux d’infrastructure et l’aménagement des espaces publics compris dans le périmètre du projet20. Elle est devenue l’interlocuteur unique de la municipalité. À travers ce projet, il s’agit d’offrir toutes les qualités d’un nouveau quartier et des logements atypiques, de petite taille, en loft ou en duplex. Les noms des immeubles projetés – Urban Dreams, Artists Lofts, Factory 4376, Wearhouse Loft – évoquent la proximité d’institutions culturelles et un style industriel qui s’exprime dans le répertoire des formes (lofts, duplex, terrasses et jardins), des matériaux (briques, verre, béton), la distribution intérieure des appartements (des cuisines à l’américaine) et le décor (les tuyauteries apparentes). En choisissant de travailler avec des architectes connus pour l’originalité de leurs projets (Bernard Khoury, Charles Hadifé, Issam Barhouche), les promoteurs de SOHO Beirut suggèrent de nouvelles manières d’habiter : « Ce qui est vendu ici, c’est un style de vie. Ce qui veut dire que ça ne plaît pas à tout le monde. Par exemple, à une cliente qui demandait où elle allait pouvoir loger sa domestique, nous avons répondu de chercher quelque chose de plus traditionnel »21. En outre, la volonté de rompre avec un mode d’appropriation

« communautaire » de l’espace beyrouthin est sensible dans les discours des promoteurs. Bien qu’ils soient comme leur clientèle majoritairement chrétiens, ce n’est pas cette appartenance qui est valorisée par les promoteurs mais plutôt l’idée d’un vivre ensemble fondé sur des affinités culturelles, passant par la reconnaissance d’une esthétique et d’un style de vie communs. La clientèle est essentiellement libanaise – « il faut connaître Beyrouth pour oser investir ici » – et plutôt aisée22. D’après les statistiques établies par les promoteurs, elle est principalement constituée par de jeunes couples hétérosexuels, mais aussi homosexuels, des célibataires, et par une dominante d’activités « créatives » (artistes, photographes, architectes, etc.). D’après un promoteur, cette clientèle se caractérise par un esprit cosmopolite et un goût pour l’aménagement et la décoration intérieure des espaces domestiques. Aussi, ces valeurs définissent les contours d’un entre soi susceptible de diffuser de nouvelles normes, qui ne semble pas entrer en contradiction la recherche d’une certaine mixité confessionnelle dont se réclament certains des promoteurs.

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41 À Dubaï, la recherche de cet entre soi se manifeste notamment dans les modes de consommation développés dans l’environnement des galeries d’art. Si ces dernières constituaient auparavant des lieux de rencontre pour les acteurs de la commercialisation des œuvres, leur regroupement et l’organisation collective de soirées de vernissage et d’autres événements ludiques ont attiré de nouveaux publics.

Étudiants ou expatriés se rendent ainsi aux soirées de l’Art Night-Gate Village au sein du complexe financier du Dubai International Financial Center et d’Al-Serkal Avenue. Des groupes de musique se produisent dans les espaces qui relient les différentes galeries au sein de chacun de ces sites, et des buffets invitent à la conversation. Tous les samedis, la cour centrale de la galerie Courtyard à al-Quoz accueille un marché qui vend des produits d’artisanat européens, arabes, asiatiques ainsi qu’un large éventail de produits alimentaires et vestimentaires adaptés au goût des familles des classes moyennes et aisées, pour lesquelles il constitue une alternative à l’omniprésence des malls. Elles profitent aussi des ateliers artistiques qui leur sont proposés ou d’un restaurant labellisé « bio » installé dans un hangar voisin, et valorisent ces pratiques ludiques et ces formes de consommation para-culturelles qui sont autant de moyens de distinction sur le plan individuel et social. En effet, la valorisation de la dimension cosmopolite et globalisée de ces espaces tient ainsi en partie à leur caractère socialement exclusif.

42 De ce point de vue, la coexistence entre anciens usagers (principalement des employés des industries et entreprises voisines) et nouveaux venus implique un questionnement sur la façon dont ces voisinages peuvent produire une nouvelle culture urbaine, voire une nouvelle forme d’urbanité dont les caractéristiques résident dans des décalages d’usages, de rythmes, vis-à-vis d’un style de vie dominant ou majoritaire mais aussi au sein du quartier lui-même, mettant en jeu de nouvelles formes d’anonymat et de cosmopolitisme.

Figure 11 – Le stand d’un marchand de glace dans la zone industrielle d’Al-Quoz, entre les galeries d’Al-Serkal Avenue, Dubaï

43 [Image non convertie]

© Amin Moghadam, 2015

Déconnectés ici, mais connectés au-delà

44 Deuxième effet notoire de cette intégration à des réseaux mondialisés, la déconnexion partielle de ces quartiers de leur environnement urbain immédiat apparaît comme le corollaire de leur extraversion. Des ruptures physiques marquées par des voies rapides qui enserrent aussi bien Corniche al‑Nahr que al-Quoz accentuent ce statut marginal.

En outre, les deux secteurs ne se prêtent pas à la flânerie, et on n’y vient pas par hasard : leur fréquentation, plutôt intentionnelle, résulte le plus souvent de la capacité des institutions culturelles, des commerces ou des projets architecturaux à mobiliser et à attirer le public. À s’inscrire, en travaillant leur réputation, dans une topographie médiatique et virtuelle (sites Internet), donc délocalisée, où l’information circule dans des milieux d’interconnaissance, des réseaux spécialisés de professionnels ou d’amateurs. On peut donc s’interroger sur le rapport d’Al-Quoz et de Corniche al-Nahr aux autres centralités de Dubaï et de Beyrouth. En effet, si ces deux cas constituent bien des nœuds incontestés des réseaux régional et global de l’art contemporain, ils

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s’inscrivent aussi à l’échelle locale dans une forme de concurrence entre plusieurs aires urbaines pour l’obtention d’un monopole ou d’une plus grande visibilité du point de vue de l’offre culturelle. La question se pose donc de savoir si ces quartiers

« émergents » sont vraiment susceptibles de supplanter d’autres centralités urbaines plus anciennes. Ce glissement qui s’opère entre différentes centralités tient notamment à ce que les nouveaux territoires de l’art, en mettant en réseau les villes du Moyen- Orient, contribuent aussi à redéfinir les marges urbaines, à les requalifier de façon à ce qu’elles se retrouvent en position de centralité du point de vue des réseaux régionaux et transnationaux. À ce titre, il ne semble pas impossible que le rayonnement de ces

« quartiers d’art » vienne à long terme sensiblement modifier la perception habituelle des villes de Beyrouth et Dubaï, ville en guerre où plane le spectre de la destruction pour la première, ville artificielle et verticale caractérisée par ses méga projets urbains pour la seconde.

45 Un nouveau rapport à la centralité se dessine ainsi, qui invite à interroger localement la définition de ces nouvelles marginalités, ou urbanités marginales. En effet, si la fabrication de ces espaces résulte de négociations entre acteurs publics et privés dont les intérêts se rejoignent dans la promotion culturelle et la valorisation d’espaces urbains, l’économie politique de ces régions urbaines émergentes agit dans la relation entre différentes localités à l’échelle régionale, mais ne semble avoir que peu d’effet sur l’aménagement urbain d’ensemble des villes considérées.

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NOTES

1. Recherches en partie menées dans le cadre du programme de recherche SYSREMO (ESO Rennes 2), dirigé par L. Vignal (2010-2015).

2. C’est aussi le cas de la production des pays du Maghreb dont cet article ne traite pas.

3. Notamment à la Tate Modern (Londres), au centre Pompidou (Paris), dans les grandes foires et les biennales comme Frieze, la Documenta, Art Basel, la Biennale de Venise, la Fiac ou encore la Whitney Biennal (New York). Voir Velthuis & Baia Curioni, 2015.

4. D’après la brochure publiée par l’agence immobilière Ramco (The Quartely) mars 2012.

5. Les promoteurs sont les groupes libanais CGI (projet Urban Dreams), Loft Investment (projets Wearhouse Loft, Artists Lofts), Bear (projet Factory 4376), Har Properties (projet U Park), et les propriétaires des membres des familles Canaan, Choueiri, Homsi, Karam, Jabre. Les bâtiments occupés par le Beirut Art Center et Askhal Alwan sont la propriété de cette même famille Jabre.

6. L’un des promoteurs de Soho Beirut indique s’être inspiré pour son projet à Corniche al‑Nahr d’opérations de réhabilitation d’architecture industrielle à Baltimore.

7. Description du projet Artists Lofts sur la page Internet du promoteur : http://www.loft- investments.com/projects.php?pid=2 (consultée en novembre 2016).

8. Entretien avec Sanny Rahbar, Dubaï, 2012.

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9. Le terme d’« aire » est emprunté aux sociologues de Chicago, et notamment à Robert Park (Park 1984 [1926]).

10. Notamment la Sharjah Art Foundation (EAU), la Robert A. Matta Foundation (Liban), l’Association Philippe Jabre (Liban), la Collection Saradar (Liban), le Arab Fund For Arts and Culture (Liban).

11. Par exemple la Fondation Abdel Mohsin Al-Qattan (UK), la Fondation Ousseimi (Suisse), le Fonds pour le jeune théâtre arabe (Belgique), la Heinrich Böll Foundation MEO (Allemagne).

12. En particulier la Ford Foundation et la Andy Warhol Foundation for the Visual Arts.

13. Zone voisine à usage mixte, industriel, résidentiel, et commercial, où se sont installées dans le courant des années 2000 plusieurs galeries commerciales.

14. Entretien avec Sandra Dagher, Beyrouth, 2012.

15. Entretien avec Ramin Salsali, Dubaï, 2012.

16. Entretien avec Ramin Salsali, Dubaï, 2012.

17. Source : Site Internet Al-Serkal Avenue. <http://alserkalavenue.ae/en/index.php>

18. Entretien avec l’un des responsables d’Al-Serkal Avenue, Dubaï, 2012.

19. Entretien avec Fouad Elkoury, Paris, 2014.

20. Entretien avec un promoteur de Soho Beirut, janvier 2014.

21. Idem.

22. D’après un entretien avec un membre de la société immobilière Ramco, le prix du m2 est passé de 1 000 $ avant 2009 à 6 000 $ en 2014, faisant de Corniche al-Nahr le secteur de Beyrouth où les prix des terrains ont connu la plus forte hausse.

RÉSUMÉS

Depuis le milieu des années 2000, l’émergence d’un marché de l’art contemporain au Moyen- Orient a généré une recomposition des polarités culturelles à l’échelle régionale. Cet article met en perspective deux villes, Dubaï et Beyrouth, dont les développements récents, du point de vue de la structuration des institutions culturelles et de l’urbanisation de zones marginales, témoignent de façons distinctes mais non moins comparables de l’émergence de nouvelles formes d’urbanité. Leur cohérence tient au partage d’affinités culturelles (modèles esthétiques, formes architecturales et de consommation) ainsi qu’à l’extraversion de ces régions urbaines vers les marchés régional et global de la culture.

Since the mid-2000s, the emergence of a contemporary art market in the Middle East has resulted in a recomposition of cultural polarities on a regional scale. This article focuses on two cities, Dubai and Beirut, whose recent developments in terms of structuring cultural institutions and the urbanization of marginal areas show distinct but nonetheless comparable aspects. In these contexts, one witnesses the emergence of new forms of urbanities based on the shared cultural affinities (aesthetic models, architectural and consumer forms) and an extraversion of these urban regions towards the regional and global economies of culture.

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INDEX

Index géographique : Beyrouth, Liban, Dubaï, Émirats Arabes Unis

Mots-clés : requalification urbaine, marché de l’art, galeries d’art, Beyrouth, Dubaï, Soho Beirut, Al-Quoz, translocal, urbanité, entrepreneuralisme urbain, mondes de l’art

Keywords : urban regeneration, art market, art galleries, Beirut, Dubai, Soho Beirut, Al-Quoz, translocal, urbanity, urban entrepreneurialism, art world

AUTEURS

SOPHIE BRONES

École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles LéaV / LAUM (IIAC, EHESS-CNRS)

sophie.brones@versailles.archi.fr AMIN MOGHADAM

Sharmin and Bijan Mossavar-Rahmani Center for Iran and Persian Gulf Studies Princeton University

aminm@princeton.edu

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