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Des modèles artistiques et de leur usage à la fin du Moyen Âge

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Academic year: 2022

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Des modèles artistiques et de leur usage à la fin du Moyen Âge

BORLÉE, Denise, TERRIER ALIFERIS, Laurence

BORLÉE, Denise, TERRIER ALIFERIS, Laurence. Des modèles artistiques et de leur usage à la fin du Moyen Âge. In: Brepols. Les modèles dans l'art du Moyen Âge (XIIe-XVe siècles) - Models in the Art of the Middle Ages (12th-15th Centuries). Turnhout : 2018. p. 11-12

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106302

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Les modèles dans l’art du Moyen Âge ( xii

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siècles)

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ÉTUDES RILMADU

RÉPERTOIRE ICONOGRAPHIQUE DE LA LITTÉRATURE DU MOYEN ÂGE LES ÉTUDES DU RILMA

Les modèles dans l’art du Moyen Âge (xii e -xv e siècles)

Models in the Art of the Middle Ages (12 th -15 th Centuries)

Denise BORLÉE

Laurence TERRIER ALIFERIS (éd.) 10

F

Le RILMA est un programme d’histoire de l’art fondé sur une recherche collective, internationale et interdisciplinaire. Le noyau en est constitué par la collection des volumes du Corpus, dans laquelle sont présentés, reproduits dans leur intégralité, et commentés, les cycles d’illustrations des œuvres de la littérature du Moyen Âge, tous domaines confondus. Dans une perspective plus large, les Études du RILMA confrontent les enluminures à tous les autres champs de la création artistique, et examinent leur place dans l’histoire culturelle du Moyen Âge. La création du RILMA a bénéficié d’un projet de recherche retenu par l’Institut Universitaire de France, dans le cadre de la chaire d’iconographie médiévale.

Ce volume réunit, pour la première fois sur le sujet, un ensemble de contributions qui abordent les diverses problématiques liées à l’usage des modèles dans la création artistique à l’époque gothique. Les modalités de la circulation des formes artistiques en Occident entre le xiie et le xve siècle sont examinées à travers quatre axes : l’œuvre-modèle ; les carnets de modèles ; les modèles tridimensionnels qui amènent à interroger la notion de polyvalence artistique ; les procédés techniques des transferts, en particulier dans l’art du vitrail et de l’orfèvrerie. Les auteurs se fondent, dans des études de cas très concrètes, sur des exemples précis et variés touchant aux différents domaines artistiques et, de la sorte, permettent au lecteur d’appréhender au plus près une telle pratique, souvent pressentie, mais qu’il reste malgré tout assez difficile de saisir au sein de la production artistique médiévale.

This publication brings together, for the first time on the subject, a collection of works that address various issues relating to the use of models in artistic creation in the Gothic era. The methods of circulating artistic forms in the West between the twelfth and fifteenth centuries are examined from four different angles: the model, model books, three-dimensional models that challenge the notion of artistic versatility, and the technical processes of transfers, particularly in the art of stained glass and goldsmithery. Drawing upon very concrete case studies, the authors base their work on specific, wide-ranging examples covering a variety of artistic fields, and in so doing, provide readers with valuable insight into these practices, which, although often presumed, still remain relatively difficult to understand within the context of medieval artistic production.

ISBN 978-2-503-57802-6

9 782503 578026

Volumes parus dans les Études du RILMA Qu’est-ce que nommer ? L’image légendée entre monde monastique et pensée scolastique, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2008), éd. par Christian Heck, 2010 (Études du RILMA, 1)

L’allégorie dans l’art du Moyen Âge. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2010), éd. par Christian Heck, 2011 (Études du RILMA, 2)

Des signes dans l’image. Usages et fonctions de l’attribut dans l’iconographie médiévale (du Concile de Nicée au Concile de Trente), Actes du colloque de l’EPHE (Paris, 2007), éd.

par Michel Pastoureau et Olga Vassilieva- Codognet, 2014 (Études du RILMA, 3) Thèmes religieux et thèmes profanes dans l’image médiévale : transferts, emprunts, oppositions, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2011), éd. par Christian Heck, 2013 (Études du RILMA, 4) Le Pèlerinage de l’âme de Guillaume de Digulleville (1355-1358). Regards croisés, Actes du colloque de Paris-Nanterre (2012), éd. par Marie Bassano, Esther Dehoux, Catherine Vincent, 2014 (Études du RILMA, 5) La Cour céleste. La commémoration collective des saints au Moyen Âge et à l’époque moderne, Actes du colloque de Villetaneuse et Paris (2012), éd. par Olivier Marin et Cécile Vincent-Cassy, 2014 (Études du RILMA, 6)

Laurence Terrier Aliferis, L’imitation de l’Antiquité dans l’art médiéval (1180-1230), Turnhout, Brepols, 2016 (Études du RILMA, 7) Merveilleux et marges dans le livre profane à la fin du Moyen Âge (xiiexve siècle), Actes du colloque de Lille et Rennes (2014), éd. par Adeline Latimier-Ionoff, Joanna Pavlevski-Malingre et Alicia Servier, 2017 (Études du RILMA, 8)

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LES MODÈLES DANS L’ART DU MOYEN ÂGE (xii

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SIÈCLES)

MODELS IN THE ART OF THE MIDDLE AGES

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th

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CENTURIES)

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RÉPERTOIRE ICONOGRAPHIQUE DE LA LITTÉRATURE DU MOYEN ÂGE

LES ÉTUDES DU RILMA 10

Collection dirigée par Christian Heck

ancien Membre senior de l’Institut Universitaire de France (chaire d'iconographie médiévale)

Le RILMA est un programme d’histoire de l’art fondé sur une recherche collective, internationale et interdisciplinaire. Le noyau en est constitué par la collection des volumes du Corpus, dans laquelle sont présentés, reproduits dans leur intégralité, et commentés, les cycles d’illustrations des œuvres de la littérature du Moyen Âge, tous domaines confondus. Dans une perspective plus large, les Études du RILMA confrontent les enluminures à tous les autres champs de la création artistique, et examinent leur place dans l’histoire culturelle du Moyen  Âge.  La création du RILMA a bénéficié d’un projet de recherche retenu par l’Institut Universitaire de France, dans le cadre de la chaire d’iconographie médiévale.

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Les modèles dans l’art du Moyen Âge (xii e -xv e siècles)

Models in the Art of the Middle Age (12 th -15 th Centuries)

Actes du colloque

Modèles supposés, modèles repérés : leurs usages dans l’art gothique Conference Proceedings

Supposed Models, Identified Models: Their Uses in Gothic Art Université de Genève

(3-5 novembre 2016)

édités par Denise BORLÉE et Laurence TERRIER ALIFERIS

avec une préface de Fabienne JOUBERT

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Table des matières

Fabienne Joubert

Préface 7

Denise Borlée et Laurence Terrier Aliferis

Des modèles artistiques et de leurs usages à la fin du Moyen Âge 11

Laurence Terrier Aliferis

Les modèles gothiques : un état des questions 13

Partie I L’œuvre modèle

Alain Salamagne

« Pour adviser et mémorisier en eulx et par escript » : les modèles dans l’architecture

de la fin du Moyen Âge 29

Anna Kónya

From Copying to Adaptation. The Uses of Prints in Transylvanian Wall Paintings

from the Late Gothic Period (c. 1450-1520) 43

Thomas Bohl

Giovanni di Paolo : sources, usages et significations d’un répertoire de modèles singulier 55

Alessandra Costa

De l’usage du modèle autour de 1400 : le cas de Giacomo Jaquerio 75

Nicolas Bock

Des dalles et des modèles. Les origines françaises de la sculpture funéraire napolitaine 85 Partie II

Les carnets de modèles

Anna Pozhidaeva

À propos de la variété des sources iconographiques des Jours de la Création au xiie siècle

en Europe occidentale : tentative de reconstitution d’un modèle perdu 99

Anne Ritz-Guilbert

Les modèles du Bréviaire de Marie de Savoie par le Maître des Vitae Imperatorum 109

Joris C. Heyder

Intermediate Remains. What Unfinished Miniatures Tell us about the Use of Pattern Sheets in

Late Medieval Manuscript Illumination 121

Dominic E. Delarue

The ‘Mental Models’ of the Montbastons. An Essay on the Illustrated Legendary Paris, BnF, ms. fr. 185 and the Problem of Model Use in Early Commercial Book Production 133

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Partie III

Modèles et polyvalences artistiques

Denise Borlée

Du dessin à la ronde-bosse : la tête de saint Pierre de Villard de Honnecourt en 3D 151

Pascale Charron

La question de la circulation des modèles de Jean Fouquet dans la sculpture tourangelle

de la fin du Moyen Âge 165

Marc Gil

Sources et circulation des modèles dans les arts figurés champenois, vers 1160-1180 :

le cas de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne 179

Michele Tomasi

Commanditaires et artistes, pratiques d’atelier et création : les modèles dans l’orfèvrerie française

du xve siècle d’après les documents 193

Partie IV

Transferts de modèles et procédés techniques

Daniel Parello

Transformation, Recombining, Updating: Creative Processing from Pictorial Models in Stained Glass 207

Sofia Gans

Wood and Wax, Models and Molds: The Vischer Workshop of Nuremberg

and Late Medieval German Casting Models 223

Joanna Olchawa

Multiple Bronze Objects and the Use of Moulds in Hildesheim (c. 1220-1250) 233

Xavier Barral i Altet

Conclusions 245

Table ronde, Université de Genève, samedi 6 novembre 2016 257

Présentation des auteurs 263

Illustrations en couleurs 267

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Préface

Il s’agit bien d’un thème de réflexion central pour les historiens de l’art médiéval. Certes, le terme « modèle » n’apparaît dans la langue française qu’au milieu du xvie siècle, dési- gnant alors soit une œuvre destinée à être copiée soit, le plus souvent, les projets prépa- ratoires, dans le domaine de la sculpture. Ce faisant, il renvoie à des pratiques bien plus anciennes, évoquées au Moyen Âge avec des termes concrets tels que « patrons » et « moles », et à une quantité de démarches allant de la re- production d’une œuvre à l’élaboration d’une nouvelle. La question concerne ainsi toutes les techniques et toutes les réalisations artis- tiques. Elle est naturelle lorsqu’on s’intéresse à des domaines dont les processus impliquent l’usage de guides matériels tels que la tapisse- rie, le vitrail et ceux, comme le bronze, dont l’objectif est clairement celui d’une produc- tion multiple. Mais la question des modèles s’impose rapidement aussi dès qu’on aborde des domaines prolifiques, comme l’est parfois celui du livre enluminé. Et désormais, elle se voit souvent soulevée à propos des chan- tiers monumentaux, entreprises complexes et chaque fois uniques, ou même devant des œuvres dont la technique implique une in- tervention de l’artiste sans intermédiaire : une sculpture en pierre, un panneau peint...

Un des intérêts majeurs de l’ouvrage dirigé par Denise Borlée et Laurence Terrier Alife- ris vient précisément de la diversité des situa- tions analysées : chez des enlumineurs, qu’ils oeuvrent dans les officines commerciales des grands libraires parisiens, ou dans une cour comme le maître des Vitae Imperatorum chez les Visconti ; chez les bronziers d’Hildesheim ou, deux siècles plus tard dans l’atelier des Vischer à Nuremberg ; sur les chantiers mo- numentaux de Champagne, de Naumburg ou encore de Strasbourg ; dans l’œuvre proli- fique d’un Giovanni di Paolo, celle, plus origi- nale, d’un Giacomo Jaquerio ou encore celle,

supérieure, d’un Jean Fouquet ; auprès des échevins et du Conseil de la ville de Douai et de leurs architectes, des tombiers de Naples, des orfèvres français, des peintres de Transyl- vanie… La question des modèles y est récur- rente, et si elle soulève des problématiques bien différentes selon les cas, elle voit aussi se dessiner quelques constantes.

S’agissant des œuvres prises elles-mêmes comme modèle, le rôle joué par les comman- ditaires ne fait pas de doute et leur intervention peut parfois être précisément cernée grâce à des documents d’archives qui désignent claire- ment leur souhait dans le choix de références, celles-ci dûment indiquées dans les contrats.

La richesse des informations qu’on peut en attendre se vérifie une fois encore, avec l’étude de l’orfèvrerie française au xve siècle (Michele Tomasi). Mais l’examen des œuvres suggère aussi l’importance d’accords ou amendements décidés oralement, comme la part prise dans ces dialogues par l’expérience des uns et des autres. L’étude de chaque commande appelle donc une connaissance précise du contexte qui permet d’enrichir l’éclairage des sources écrites comme l’analyse de l’œuvre.

Les réseaux de commanditaires, en parti- culier ceux qui résultent des liens de parenté, permettent souvent de rendre compte d’imi- tations identifiées d’un milieu à l’autre – comme on le suggère ici encore à propos de la relation qui unissait Amédée de Savoie à son aïeul Jean de Berry, une des clés sans doute de la connaissance particulière des réalisations berruyères par Giacomo Jaquerio (Alessandra Costa). Des mouvements plus larges révèlent aussi le prestige que revêtent durablement pour les amateurs certains modèles : il en fut ainsi des créations des grands maîtres siennois ou florentins du Trecento, qu’on fit imiter au début du siècle suivant, alors qu’il devenait difficile d’en acquérir. L’oeuvre d’un peintre tel que Giovanni di Paolo révèle des emprunts

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FABIENNE JOUBERT 8

de tous ordres et d’ailleurs nullement confinés à sa seule pratique : son usage de détails ren- contrés chez les sculpteurs Jacopo della Quer- cia ou Donatello atteste une insatiable curio- sité qui a largement contribué à forger une personnalité artistique originale, passée maître dans l’art de la citation, et sans doute large- ment encouragée dans ce sens par sa clientèle (Thomas Bohl).

Dans le domaine monumental, le besoin de références sur lesquelles asseoir un projet engendra aussi certains scénarios particulière- ment suggestifs, tel ce voyage organisé par les maîtres d’œuvre de la ville de Douai en 1463, conduisant deux maçons accompagnés d’un responsable des finances à la découverte des hôtels de ville de Bruxelles, Louvain, Mons, puis Valenciennes… (Alain Salamagne).

D’autres démarches particulièrement signi- ficatives peuvent parfois se voir restituées, grâce au hasard des conservations. Dans le contexte de la cour des Visconti, nourrie de culture arthurienne, la source des modèles septentrionaux utilisés dans le Bréviaire de Ma- rie de Savoie par le maître des Vitae Imperato- rum se découvre, motifs après motifs, dans les marges d’une Histoire du Graal probablement enluminée à Thérouanne vers 1290 et bien présente alors dans la bibliothèque de Pavie.

La suggestion faite pas le commanditaire à son enlumineur d’y puiser quelque inspiration ne fait guère de doute (Anne Ritz-Guilbert).

Sans donc minimiser le rôle, indéniable, des commanditaires et de leur milieu, les enquêtes s’attachent aussi ici, plus largement, à décryp- ter les gestes précis, les comportements ou en- core les dispositions d’esprit des artistes et des artisans : on notera qu’elles ne se limitent plus au seul examen de quelques précieux carnets de modèles, conservés en petit nombre pour le Moyen Âge, ni à des analyses strictement techniques des procédés de reproduction.

Si l’on considère l’acception du terme « mo- dèle » comme objet de référence, la première difficulté réside dans le tracé de la frontière qui le distingue de la culture visuelle propre- ment dite, et il faut reconnaître qu’il est bien souvent impossible d’affirmer si l’on a affaire à une mémoire précise et performante, riche d’expérience, ou/et à un modèle concret. Les sources écrites montrent d’ailleurs, pour un même milieu et à la même époque, un éventail de situations bien différentes. Dans le domaine

de l’architecture, il s’agit souvent de juger d’un monument, de ses proportions, de ses espaces, pour s’en inspirer, ou non. Pour la façade de leur futur hôtel de ville, les échevins de Douai demandaient à leurs maçons de « mémorisier en eulx et par escript » les œuvres d’architec- ture et de sculpture qu’ils allaient voir, mais le temps imparti permettait seulement de relever les principales données des monuments pris comme modèles. D’autres entreprises seront quant à elles beaucoup plus exigeantes sur le plan technique, et conduiront à des rele- vés en plan ou à des dessins d’élévation (Alain Salamagne).

On peut gager qu’un bon nombre de voyages d’artistes furent aussi organisés pour prendre connaissance des chantiers presti- gieux, comme celui bien attesté de Claus Sluter à Bourges, et l’on peut imaginer (avec Alessandra Costa) Amédée  VIII de Savoie encourageant son peintre Giacomo Jaquerio à s’y rendre également, pour visiter la Sainte- Chapelle et la cathédrale où de spectaculaires programmes monumentaux venaient d’être mis en place. Ainsi, la nature des souvenirs tangibles rapportés par chacun restant à défi- nir, la question des modèles rejoint plus lar- gement celle de la mobilité des artistes et de l’enrichissement de leur culture, reconnus de longue date comme fondamentaux pour la construction de leur personnalité.

Le rôle de la culture visuelle se pose en des termes différents dans des contextes de production abondante et quelque peu routi- nière. La librairie parisienne, dont les rouages sont désormais bien connus pour le xive siècle, constitue sans doute un des plus sug- gestifs laboratoires d’analyses en offrant un nombre particulièrement riche de manuscrits et d’images bien contextualisées. On y ren- contre des peintres appelés par une forte de- mande à renouveler leur discours et sollicitant principalement un solide bagage d’images mémorisées, parmi lesquelles beaucoup de motifs conventionnels et de schémas icono- graphiques courants ; mais d’autres peuvent aussi recourir à des modèles concrets, suivant des processus renouvelés et adaptés à la com- mande en cours (Dominic E. Delarue).

La part majeure assumée, dans l’utilisation d’un modèle et son interprétation, par la culture visuelle et l’expérience de l’artiste est aussi l’une des principales leçons que l’on doit

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Préface 9

retenir de la belle aventure initiée par Denise Borlée et menée à bien avec le sculpteur Vincent Cousquer au sein de la Fabrique de la cathédrale de Strasbourg. Ce projet original a permis de mener une réflexion fructueuse, où les raisonnements de l’historienne de l’art et ceux du plasticien s’imbriquent étroite- ment et s’enrichissent mutuellement. En outre, le dessin figurant la tête de saint Pierre, dans l’album de Villard de Honnecourt, a pu être considéré depuis les deux points de vue reconnus au modèle : il a été réalisé à partir d’une sculpture – très probablement antique – mais il a également pu servir à des sculpteurs comme ceux de la cathédrale de Strasbourg.

L’appropriation et par là-même la trans- formation du modèle paraissent avoir été une constante, bien plus que sa copie ser- vile. L’analyse est très probante lorsque l’on retrouve les sources tangibles, comme ces gravures dont la diffusion à la fin du Moyen Âge a offert aux artistes, on le sait bien, des moyens commodes d’enrichir leurs moyens d’expression : ce faisant, l’éventail des usages et leur ingéniosité pouvaient être très diversifiés.

Chez les peintres de Transylvanie, la nécessaire monumentalisation des schémas empruntés permettait aussi de renouveler un langage pic- tural (Anna Kónya).

Le Bréviaire de Marie de Savoie offre un autre champ d’observations fructueux puisqu’il permet de suivre pas à pas l’attitude créatrice du peintre face au manuscrit dont il s’inspire – ou doit s’inspirer : il ne s’est pas seulement agi pour lui d’actualiser des motifs vieux de plus d’un siècle, mais bien de les travestir, pour remplacer un univers comique et facétieux et se fondre au mieux dans le raffinement d’un art de cour (Anne Ritz-Guilbert).

Le processus de transformation des modèles peut aussi s’observer sur toute l’ampleur d’une production artistique, comme celle des tom- biers de Naples, au début du xive siècle où, une fois encore, le rôle des commanditaires et celui des artistes sont imbriqués ; on y voit comment le poids des modèles, d’abord fran- çais, puis enrichis de formules toscanes et ro- maines, va s’estomper en quelques années au bénéfice de formules locales qui s’imposent, à leur tour, comme références (Nicolas Bock).

Si l’on s’intéresse finalement à l’usage du modèle lors d’une étape préparatoire à la ré- alisation d’une oeuvre, l’hypothèse que leur

forme pouvait parfois être assez vague et im- précise, peu contraignante, paraît bien plau- sible. Les réflexions proposées à partir des enluminures inachevées vont dans ce sens (Joris Heyder) – et nous avions – nous-même abouti à une conclusion voisine en étudiant les voussures du portail de Bourges et leur descendance au portail de Bordeaux. La ma- jorité des enquêtes réunies ici insiste en tout cas sur l’ingéniosité des solutions apportées dans leur utilisation (en particulier Anna Po- zhidaeva), même dans des cadres de produc- tion multiple comme le bronze (Sofia Gans, Joanna Olchawa), et plus encore sur la com- binaison des pratiques utilisant des modèles matériels, avec des inventions héritées de la mémoire visuelle. Les textes suggèrent d’ail- leurs continuellement la liberté des artistes et des artisans, par rapport aux modèles dont ils se servent cependant beaucoup, et les analyses des œuvres le démontrent bien  aussi : leur usage n’a en rien bridé ou asséché les modes d’expression artistique. Bien au contraire, par- tout s’affirment de grandes facultés d’adap- tation, le modèle n’agissant en rien comme facteur d’immobilisme, ou de passéisme, mais bien plutôt comme une source d’inspiration fertile. Partout se révèle une étroite imbrica- tion entre mémoire, copie, et création.

La question des modèles invite finalement à revenir aussi sur la porosité entre les techniques, et donc sur la polyvalence des artistes. On ne s’étonne plus désormais de voir proposer qu’un peintre comme Jaquerio, dont l’œuvre s’étend dans tous les champs, de la peinture murale, au panneau de bois et à l’enluminure, ait pu aussi posséder des compétences dans le domaine du vitrail (Alessandra Costa) : outre la perti- nence du raisonnement proposé, le fait est bien démontré chez d’autres peintres de la fin du Moyen Âge. Mais la situation est plus complexe dans les chantiers monumentaux du Moyen Âge central, qu’aucun texte ne vient éclairer, et où seules les réalisations attestent des affinités précises entre des domaines aussi éloignés que la sculpture, le vitrail, les manuscrits enlumi- nés, et les objets précieux. Des exemples ana- lysés dans les grands chantiers de Champagne (Marc Gil) ou à Naumburg (Daniel Parello) conduisent alors peut-être à entrevoir, au-delà d’une utilisation de modèles, l’implication di- recte d’artistes dans des réalisations bien diffé- rentes, quelle que soit la technique sollicitée.

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FABIENNE JOUBERT 10

Il est ainsi des cas, parfaitement troublants, où il devient difficile, voire impossible de percevoir une distinction entre le modèle et l’œuvre. En abordant le dossier Fouquet (Pas- cale Charron), c’est bien une personnalité de stature artistique exceptionnelle qu’il faut alors considérer. La question de l’intimité de son rapport à la sculpture – clamée par son œuvre peinte – connaît bien des résistances et la question avait même été esquivée lors de la mémorable exposition de 2003 consacrée à l’artiste. L’observation de quelques sculptures du Val de Loire oblige pourtant à se demander si Fouquet a « seulement » fourni des modèles dessinés. Doit-on se priver d’une réflexion où

l’artiste est considéré non comme un praticien – auteur, en l’occurrence, d’œuvres en deux dimensions et en couleur – mais comme un visionnaire, qui apprivoise les techniques en fonction de la demande, sans se renier jamais ? Devant un chef-d’œuvre tel que le petit saint Cyr de l’église de Jarzé, faut-il écarter cette possibilité que Fouquet – comme Tuotilo, Francesco di Giorgio Martini, Michel-Ange ou Primatice, pour s’en tenir à une période ancienne – ait lui-même tenu le ciseau ? sans modèle.

Fabienne Joubert

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Des modèles artistiques et de leurs usages à la fin du Moyen Âge

Denise Borlée et Laurence Terrier Aliferis

La question des modèles, dont l’utilisation est intrinsèque au processus de création artistique, se trouve depuis longtemps au centre des pré- occupations des historiens de l’art. Pour le Moyen Âge, le recours à des modèles variés est récurrent. Ceux-ci n’en sont pas moins difficiles à repérer lorsqu’il s’agit de citations ponctuelles d’œuvres chronologiquement et géographiquement parfois très éloignées. En outre, l’interprétation du prototype augmente encore la difficulté d’analyse du phénomène et d’appréciation de son importance réelle. L’ar- tiste médiéval procède en effet le plus souvent par sélection de certains motifs, qu’il assemble ensuite dans une composition nouvelle. Les quelques carnets de modèles médiévaux qui nous sont parvenus montrent le procédé : on n’y trouve guère de composition entière, mais plutôt un assortiment de figures, voire même de parties de figures. Cette attitude vise le dépassement du modèle par l’apport créatif du sculpteur, de l’orfèvre, du peintre ou de l’architecte, par la manière de manipuler et d’agencer les différents emprunts. La diversité des modèles employés est un élément clé pour la formation de l’art médiéval – gothique en particulier, mais il n’est pas toujours aisé de déterminer pour une œuvre donnée leur pro- venance et la façon dont ceux-ci ont circulé.

À la suite de la publication en 1963 de l’im- portant ouvrage de Robert W. Scheller, révisé et réédité en 1995 sous le titre A Survey of Medieval Model Books et Exemplum. Model-book Drawings and the Practice of Artistic Transmission in the Middle Ages, le recours à des modèles bi- ou tridimensionnels qui auraient pu servir d’intermédiaires entre deux œuvres offrant un ou plusieurs points de similitude est systéma- tiquement avancé par les historiens pour ex- pliquer la transmission formelle. Néanmoins, de nombreuses interrogations et divergences de vues demeurent sur leur importance et leur utilisation effective, tant les documents

conservés sont rares et leur destination origi- nelle incertaine.

La question souvent débattue de la nature des modèles s’impose d’emblée, même s’il est souvent difficile, en l’état actuel de la docu- mentation et de la conservation des œuvres, d’y répondre de façon assurée. Il convient encore de questionner les manières dont les artisans et les artistes ont pu employer ces mo- dèles. Qu’il s’agisse de reprises intégrales ou partielles, l’artiste adapte, complète, ajuste et interprète. L’usage de modèles, que ce soit par le biais de croquis ou d’œuvres de référence, participe à la formation visuelle et technique de l’artiste, tout en orientant le choix des commanditaires en fonction de critères esthé- tiques ou idéologiques.

Par-delà les modèles graphiques ou plas- tiques, dont le rôle et l’importance doivent sinon être relativisés du moins soigneusement examinés, la transmission des formes, des mo- tifs et des compositions pouvait être assurée par différents vecteurs. Le voyage des artistes, des maîtres d’œuvre ou des commanditaires, la mobilité de petits objets tels les manuscrits, les statuettes, les pièces d’orfèvrerie, les sceaux et l’envoi de cadeaux diplomatiques sont autant d’autres canaux de diffusion qui permettent aussi d’expliquer les ressemblances observées entre des œuvres parfois très distantes les unes des autres.

Constatant qu’aucun travail d’ampleur n’avait encore été effectué sur ces points pré- cis, il nous est apparu opportun d’organiser un colloque international susceptible de ras- sembler des chercheurs d’horizons divers tra- vaillant sur ces questions. Sous le titre Modèles supposés, modèles repérés : leurs usages dans l’art gothique, ce dernier s’est tenu à l’université de Genève du 3 au 5 novembre 2016 (www.

unige.ch/colloque-modeles). Notre intention était guidée par la conviction qu’interroger et mettre à l’épreuve aussi méticuleusement

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DEniSE BorLéE ET LAurEncE TErriEr ALifEriS 12

qu’il est permis les aspects propres à définir la notion de modèle, leur nature, leurs emplois et les vecteurs de leur diffusion apporterait quelques éléments de réponse à un certain nombre de questions trop brièvement soule- vées jusqu’alors, tout en fournissant des don- nées plus claires et plus précises sur l’un des modes de transmission des formes de l’art gothique.

La réunion autour d’une problématique aussi cruciale, sise au cœur du processus créa- tif, d’une trentaine d’historiens de l’art mé- diéval provenant d’institutions européennes et américaines, fut une réussite et l’occasion de faire progresser les connaissances et la re- cherche. Le colloque donna lieu à trois belles et riches journées. Les communications, aussi nombreuses que variées, furent l’occasion de débats enrichissants et de discussions stimu- lantes qui permirent aux participants non seulement d’aboutir à des résultats convain- cants ainsi qu’à une meilleure appréciation du processus de reprise et d’imitation de modèles durant le Moyen Âge, mais aussi de progres- ser sur les questions d’utilisation et de circula- tion des modèles, des transferts entre les tech- niques, de polyvalence des artistes et du rôle de la mémoire.

Les contributions de ce volume sont le fruit de ces communications. Les articles sont regroupés en quatre parties qui mettent en exergue les problématiques soulevées par les usages de modèles durant la période gothique.

L’œuvre consciemment retenue pour devenir

modèle, que le choix résulte de l’initiative du commanditaire ou de l’artiste, constitue le premier volet. Y sont envisagées des ques- tions liées à la mémorisation des formes et à l’adaptation du prototype. En seconde partie est abordée l’épineuse question des carnets de modèles. Leur existence est le plus sou- vent supposée, même si à la fin du Moyen Âge, plusieurs cas confirment leurs usages à l’intérieur d’un atelier de manière parfois continue sur plusieurs décennies. Évoquer les modèles, c’est également rappeler que les intermédiaires entre le prototype et sa copie pouvaient être tridimensionnels. Or, quand on questionne les rapports entre des œuvres de techniques différentes, c’est surtout sur les possibilités de polyvalences artistiques qu’il faut s’interroger. Les textes proposés en troi- sième partie soulèvent justement de manière pertinente les rapports qui peuvent exister entre les media bidimensionnels et tridimen- sionnels et permettent de supposer un même artiste travaillant dans des techniques variées.

Finalement, la dernière partie, qui touche davantage aux aspects techniques, examine à travers trois contributions les modalités de transferts des modèles et des modes de repro- duction en orfèvrerie.

Souhaitons que le présent ouvrage, consacré à une question centrale de la production artis- tique de la fin du Moyen Âge restée pourtant jusque-là peu traitée, puisse, par le matériau nouveau et les exemples aussi nombreux et variés qu’il propose, offrir aux chercheurs un outil utile et une solide base de réflexion.

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Les modèles dans l’art du Moyen Âge ( xii

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ÉTUDES RILMADU

RÉPERTOIRE ICONOGRAPHIQUE DE LA LITTÉRATURE DU MOYEN ÂGE LES ÉTUDES DU RILMA

Les modèles dans l’art du Moyen Âge (xii e -xv e siècles)

Models in the Art of the Middle Ages (12 th -15 th Centuries)

Denise BORLÉE

Laurence TERRIER ALIFERIS (éd.) 10

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Le RILMA est un programme d’histoire de l’art fondé sur une recherche collective, internationale et interdisciplinaire. Le noyau en est constitué par la collection des volumes du Corpus, dans laquelle sont présentés, reproduits dans leur intégralité, et commentés, les cycles d’illustrations des œuvres de la littérature du Moyen Âge, tous domaines confondus. Dans une perspective plus large, les Études du RILMA confrontent les enluminures à tous les autres champs de la création artistique, et examinent leur place dans l’histoire culturelle du Moyen Âge. La création du RILMA a bénéficié d’un projet de recherche retenu par l’Institut Universitaire de France, dans le cadre de la chaire d’iconographie médiévale.

Ce volume réunit, pour la première fois sur le sujet, un ensemble de contributions qui abordent les diverses problématiques liées à l’usage des modèles dans la création artistique à l’époque gothique. Les modalités de la circulation des formes artistiques en Occident entre le xiie et le xve siècle sont examinées à travers quatre axes : l’œuvre-modèle ; les carnets de modèles ; les modèles tridimensionnels qui amènent à interroger la notion de polyvalence artistique ; les procédés techniques des transferts, en particulier dans l’art du vitrail et de l’orfèvrerie. Les auteurs se fondent, dans des études de cas très concrètes, sur des exemples précis et variés touchant aux différents domaines artistiques et, de la sorte, permettent au lecteur d’appréhender au plus près une telle pratique, souvent pressentie, mais qu’il reste malgré tout assez difficile de saisir au sein de la production artistique médiévale.

This publication brings together, for the first time on the subject, a collection of works that address various issues relating to the use of models in artistic creation in the Gothic era. The methods of circulating artistic forms in the West between the twelfth and fifteenth centuries are examined from four different angles: the model, model books, three-dimensional models that challenge the notion of artistic versatility, and the technical processes of transfers, particularly in the art of stained glass and goldsmithery. Drawing upon very concrete case studies, the authors base their work on specific, wide-ranging examples covering a variety of artistic fields, and in so doing, provide readers with valuable insight into these practices, which, although often presumed, still remain relatively difficult to understand within the context of medieval artistic production.

ISBN 978-2-503-57802-6

9 782503 578026

Volumes parus dans les Études du RILMA Qu’est-ce que nommer ? L’image légendée entre monde monastique et pensée scolastique, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2008), éd. par Christian Heck, 2010 (Études du RILMA, 1)

L’allégorie dans l’art du Moyen Âge. Formes et fonctions. Héritages, créations, mutations, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2010), éd. par Christian Heck, 2011 (Études du RILMA, 2)

Des signes dans l’image. Usages et fonctions de l’attribut dans l’iconographie médiévale (du Concile de Nicée au Concile de Trente), Actes du colloque de l’EPHE (Paris, 2007), éd.

par Michel Pastoureau et Olga Vassilieva- Codognet, 2014 (Études du RILMA, 3) Thèmes religieux et thèmes profanes dans l’image médiévale : transferts, emprunts, oppositions, Actes du colloque du RILMA, Institut Universitaire de France, Paris (2011), éd. par Christian Heck, 2013 (Études du RILMA, 4) Le Pèlerinage de l’âme de Guillaume de Digulleville (1355-1358). Regards croisés, Actes du colloque de Paris-Nanterre (2012), éd. par Marie Bassano, Esther Dehoux, Catherine Vincent, 2014 (Études du RILMA, 5) La Cour céleste. La commémoration collective des saints au Moyen Âge et à l’époque moderne, Actes du colloque de Villetaneuse et Paris (2012), éd. par Olivier Marin et Cécile Vincent-Cassy, 2014 (Études du RILMA, 6)

Laurence Terrier Aliferis, L’imitation de l’Antiquité dans l’art médiéval (1180-1230), Turnhout, Brepols, 2016 (Études du RILMA, 7) Merveilleux et marges dans le livre profane à la fin du Moyen Âge (xiiexve siècle), Actes du colloque de Lille et Rennes (2014), éd. par Adeline Latimier-Ionoff, Joanna Pavlevski-Malingre et Alicia Servier, 2017 (Études du RILMA, 8)

Références

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