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Ces eaux qui quittent clandestinement la Suisse

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Academic year: 2022

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Ces eaux qui quittent clandestinement la Suisse

SESIANO, Jean

Abstract

Dans les bassins-versants de Barberine et de Susanfe en Valais (Suisse), l'hydrologie de surface montre de nombreuses pertes. Les calcaires de cette région, très solubles et fissurés, laissent s'échapper les eaux en direction du Fer-à-Cheval, en Haute-Savoie (France). Cette perte se fait au détriment des barrages de Salanfe et d'Emosson qui ont ainsi un manque à turbiner.

SESIANO, Jean. Ces eaux qui quittent clandestinement la Suisse. Les Alpes , 2005, no. 7, p.

25-29

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41732

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1 / 1

(2)

Scienza

e

mondo atpino Wissenschaft und Bergwelt

Sef,emae

et moqlqgne_

Recherches en

hydrogéologie

Ces eaux qui quittent clandestinement la Suisse

Bas-Valais:

des

barrages ont

été

pris sous

la

loupe par une équiPe d'hq- drogéolog

ues. Des

recherches

min u-

tieuses

et

I'utilisation

de

colorants -

heureusement inoffensifs Pour

la

nature - ont permis

de Percer les

secrets

de ces eaux

qui s'échaPPent avant d'atteindre

les

barrages.

Comment

?

Réponse dans

le

texte

ci-après.

Durant

plusieurs années, des recherches en hydrogéologie

-

la science qui s'occupe

des eaux souterraiues

-

ont été menées

en Bers-Valais oùr trois barrages ont été édifiés : celui de Salanfe, celui du Vier-rx- Emosson et ceh,ri de Barberine, noyé de- puis une trentaine d'années dans la rete- nue d'Ernosson. Dès le départ,les barra- gistes ont toujours été conscients du fait qu'une partie de l'eau tombant sur les bassins versants de ces ouvrages, voire dans des vallées voisines reliées par des galeries d'addr-rction, n'atteignait pas les barrages. D'une part, il s'agit évidem- ment de l'eau qui s'évapore et retourne directement dans l'atmosphère. D'autre part, il y a les eaux qui s'infrltrent dans le sol, en

proportion

variable selon le type de roches.

Types de roches

fréquentes

en

Bas-Valais

Dans les roches de nature cristalline comme les granites ou les gneiss,les fis- sures sont en général bouchées et il n'y a

que peu ou pas de fuites. Dans des roches sédimentaires telles que les argiles, on n'a généralement pas de fissures, elles sont donc imperméables. Par contre, dans les calcaires, il y a des fissures que

l'eau est capable de nettoyer et surtout, à

la longr-re, d'élargir par clissolution (cor- rosion). Les calcaires peuvent être plus ou rnoins purs, ph-rs ou tnoius argileux, donc plus ou moins perrnéables. C'est en grande partie ces divers types de roches que I'on trouve en Bas-Valais.

Un lac sans

fuite

Pour ce qui est du barrage du Vier-rx- Emosson,le mur de la retenue est édifié sur des gneiss, alors que la plus grande partie du lac est contenue dans des cal- caires argileux qui, eux, sont imperméa- bles. Sur la rive droite du lac, on rencon- tre des grès, ceux-là rnême sur lesquels on peut observer, un peu plus haut dans le vallon,les fameuses empreintes lais- sées par les dinosaures. Ce lac ne perd donc en principe pas d'eau.

En ce qui concerne le barrage d'Emos- son,la situation est différente. Alors que le lac lui-même se loge dans un type de roches identique à celui du lac précédent,

Le lac du barrage d'Emosson vu de ta Pointe des Rosses (2965 m)' sur la chaîne frontière entre la vallée de Barberine et celle du

Fer-à-Cheval, en France.

A I'arrière-plan, la région du glacier du Trient et du Tour, ainsi que I'Aiguille Verte

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LESALPEStlzoos

2'

(3)

SCIEilCE ET MOÊ{TAGhIE

Dominant te tac d'Emosson, [a paroi orientate de ta Pointe de la iinive (zele m) aPrès une chute de neige automnale

une partie des apports d'eau Provient et circule sur des roches plus jeunes'

Ces roches

qui laissent

Passer

['eau

Les roches Plus jeunes du barrage d'Emosson sont formées de calcaires très purs, donc très solubles dans I'eau conte- nant un peu de gaz carbonique' Ce gaz est acquis par les précipitations traver- sant l'atmosphère, puis lors de

I'infiltra- tion

de l'eaudans le sol, au contact des racines du couvert végétal' Cette eau' maintenant légèrement acide,

pourra

corroder en surface la roche en créant des lapiaz (ou lapiés), puis descendre en

proforrd.rrr

grâce à l'élargissement des

firr.tt.t.

En se rassemblant, ces eaux sou- terraines

pourront

donner naissance à

de véritables rivières.

La disposition et ia nature des cou- ches rocheuses ainsi que la direction des fractures vont déterminer la destinée des eaux infiltrées. Dans Ie cas présent'

l'in-

clinaison des strates en direction de I'ouest va conduire les eaux vers la France' Au lieu donc de s'écouler vers le barrage' elles passeront sous la frontière franco-

suisse et reverront le

jour

dans la vallée du Fer-à-Cheval, en amont de Sixt'

Infil-

trées à une altitude d'environ 2500

m'

elles réapparaissent vers 1950 m' au con- tact d'une couche argileuse imperméable' avant de cascader sur Près de i000 m pour rejoindre le fond de la vallée' Elles

àonn..ont

naissance au Giffre' affluent de l'Arve, qui se jette dans le Rhône à Genève. Ces nombreuses cascades sont du reste

l'atout

touristique du cirque du Fer-à-Cheval.

La quantité d'eau perdue ainsi par ia retenuà d'Emosson peut sembler

impor-

tante en termes de litres: quelques

mil-

liards par année, mais cela ne représente guère qr.r.

d.,t*

jours de turbinage par la

I.rrttul.

de La Bàtiaz,près de Martigny' lorsqu elle tourne à son régime maximum' C'est pourtant une somme importante qui manquera à I'aPPel

"'

Eaux

qui s'échapPentvels

[a France

Venons-en maintenant au troisième bar- rage, celui de Salanfe

1920 m

d'aiti-

tuàe, sur le versant sud-est des Dents du

Midi.Il

est dominé par la Tour Sallière'

Son cas est Pius comPlexe' Le mur du barrage et une partie de la cuvette sont situés sur les mêmes roches que les autres barrages. Cependant' I'amont du lac s'appuie sur un vaste delta issu du glaciei Noir, lui-même glacier régénéré àu glacier suspendu de la Tour Sallière' Ce àelta est forrné cle sédiments et de moraines lessivées, dont les élérnents

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nt"o" a" I'lorcles, Parautodttone et Autoùtone

""'- i7'ouitt du'l'lassif des Algutlles Rouges FIttdt

Piltboil.n Lutétlèi lacust.e Lutéllèn û.iln 1lùûûulltlqùa ên générâl

I eo.aro stdércïthlquè céaoûanlen - Alblcn (aault) -

Apllèn suPérlèut @'@a't'^) llrgontên (Apilen inl. 'aânênl'hsup )

Soorce Enaoonolr' dollnc

Coudtêt vèrllcslcs Fa t I tè, d, èv au dt êû c n t,

zonè frYlonlalquè Catsùrê béanlc

Lzûa d. cilstallln dc Satt1fè [fi2'3]1oe'91

Lames de cilstalllî du Col de Barbèrtoe I5605lto5'5 ot tæ'qlto5'ôl Cilstaltln dcs P.ltys (F'nêlrc du F r à Chenl) [553'7lto2'j]

Signes conventionnels

Po rt It n d I en -S éq ! t n I èn Arggvlèn

Otfordl.a .itllovlèn - Bathonl'n Baloclên tuPérlcur Etloclcn lalérlcur Atlénlên-Toarclcn Ctlcrltas dolomllt4u"

êt co'lnêÙles Arylll,.t Outfttltcs' .n d'5'ÔÉàacc

sùt tê cilslallln d.5 algvlllca Rouges ârêc dês btnct d. cal"lêt à lâ bà'c' dâns ta églon du Vlaux Emotson

g Soutcè caPtée

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Dhêcttonetplongèmêotdèscoudtcs' 4/ Chantèrc tlstblè .hlllm: Dlâng.mcnt en dêg'êt

Orlèntatlon des Jotats Imporltnfs x Ftuorln. ct Bary'tnc (- - - -'6 Eastln d'accumutatton Prolêté' avâc b'ilas'

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- - - - Darlvà?ilon tcté.utéc ên co^sttucuoh Ôu otoEtéê) qârréûl.n lnférl.!r

lTaulêrlricn Câtcalret suPêrleuû I --'-- --

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valanglnlcn êo générdl Bêftlaslen

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sont de taille variable. Ces dépôts, qur combleront du reste progressivement toute la cuvette lacustre, sont gorgés d'eau et représentent une véritable éponge.Ils sont en contact aérien, mais surtout souterrain, avec une roche va- cuolaire à base de calcaire,les cornieules, assez solubles dans l'eau. Au cours des milliers d'années,l'eau s'y est creusé un chemin en suivant

I'inclinaison

des cou- ches. Passant sous les Dents du

Midi,

elle revoit maintenant le jour, mélangée à des eaux plus froides, aux bains thermaux de Val

d'llliez, environ

1000 m plus bas que lazone

d'infiltration.

Comme la tempé- rature croît en général de 1o C par palier de 30 m en profondeur, c'est son passage

à près de 2500 m sous les Dents du

Midi

qui lui vaut d'atteindre une température d'environ

30'C

aux sources thermales.

Une perte d'eau qui n'est

pourtant

pas le seul déboire du lac de Salanfe. En effet, une partie des eaux du bassin ver- sant du vallon voisin de Susanfe est cap- tée pour être dirigée par une galerie dans le vallon de Salanfe. Or,les eaux de ruis- sellement, issues du Ruan entre autres, circulent sur les mêmes calcaires très purs, donc très solubles, observés dans le vallon d'Emosson.Infiltrées dans des frs-

Extrait de I'Atlas géologique de [a Suisse, feuille 24, Barbe- rine. Les flèches indiquent la

direction de l'écoulement des eaux souterraines vers la France.

sures, elles vont suivre la direction

prln-

cipale de

fracturation

et la pente des couches pour revoir le jour, après Passage sous la frontière, au... Fer-à-Cheval ! Qui pourra prétendre après cela que le Giffre est une rivière typiquement haut- savoyarde ? Presque toutes ses eaux sont d'origine helvétique !

L'origine d'une source

Pour être complet, il faudrait encore re- lever qu'une autre partie de I'eau circu-

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LESALPESTlzoo5

(5)

sEIËO'|EE ET' MCINT'AGNE

lant dans le vallon de Susanfe

s'infiltre

avant d'être captée. Cepenclant, celle-ci ne fera pas d'escapade en France voisine:

elle reverra le

jour

ar,r fond de la gorge d'Encel, sous le Pas hornonyme. On Y observe en effet deux grosses sources qui

se font face: Source verte, à cause des al- gues et autres ûIousses qui la tapissent, et Source blanche, dénuée de végétaux' Alors que la seconde draine

plutôt

les

pentes sud des Dents du

Midi,la

pre- mière évzrcue les eaux usées du vallon de Susanfe, oÙt se trouvent une cabane et un refuge,

d'où

des eaux riches en

nutri-

ments et un

important

développement d'algues.

Finalement, comment peut-on mettre

er-r évidence de tels transits ? D'abord, une observation attentive du terrain pour y détecter les zones d'ir-rfiltration et les points potentiels d'émergences. Ensuite,

l'utilisation

de puissants colorants,

inof-

fensifs pour I'environnement, comme let

fluorescéir1e, d'autres méthodes existernt, qui sont en général plus cofiteuses. Ce colorant teinte l'eau en jaune-vert, et la solutior-r est fluorescente sous le rayon- nement ultraviolet.

Il

est clair qr-re les quantités utilisées sont telles qtte, dans la ph-rpart des cets, cette coloration est

invi-

sible à

l'æil

nu. Grâce à des instruntents de terrain ou de laboratoire,le passage du traceur est mis en évidence. Ceh'ri-ci nécessite de quelques heures à qr-relques jours pour réapparaître, selon la distance

Le gtacier des Fonds, dans le haut dr.l vallon de Barberine. La rareté des émissaires de surface montre bien qu'un imPortant drainage souterrain, ieune et donc exigu, s'est mis en Place.

A I'arrière-plan, I'arête sud du Ruan $o57 m) sous laquelle les eaux transitent avant de revoir le iour en France

Le versant français des laPiés du gtacier de Prazon. Très fissu' rés à I'origine, ces calcaires ont été distoqués Par les alter-

nances gel-déget. lls ne sol pas propices à des oPératio traçage, les infiltrations s'1 sant d'une manière diffuse

rassique qui sont perméables à ['e par leurs fissures. Eltes reposent sl une formation d'âge iurassique ég lement, mais argileuse et donc im;

méable au passage de ['eau (vire h beuse). D'où les sources à ce nivea Sur [e sentier menant à [a

cabane de Susanfe' vers 196o m, I'iniection du traceur dans un point d'absorption de I'eau: une perte. Le colorant réaPParaît au fond de la gorge d'Ence[, sous le Pas homonyme

Sur [a vire de Prazon (altitude rgoo m) dominée par le glacier homonyme, au fond du cirque du Fer-à-Chevat, d'abondantes Pré- cipitations s'aioutent aux eaux de fonte glaciaire Pour mettre

en crue les nombreuses résur- gences. La maieure Partie de ces eaux provient du versant suisse de [a chaîne frontière. On re- marque en haut les imPression- nantes falaises de calcaire iu- LES ALPES t lzoos

(6)

i\

parcourir

et le débit des ezrux souterrart- nes. Ces tratçages représentent donc uue techrriqr-re intéressante pour préciser

l'origine

d'une sotlrce à I'heure oùr les ressoLlrces en eau deviennent de plus er-r

plus préciellses.

Relevons enfin qLle ce phénornène est fréquent dans les endroits oùr une chaîne calcaire forme la frontière entre deux pays. Et c'est le célèbre spéléologr-re fran- çais

Norbert

Casteret qui, dans les an- nées 1930, avait dérnontré

pollr

la pre- mière fois un tel passage, avec la réappa-

rition

d'eaux espagnoles sur le versant français des Pyrénées clonnant ainsi naissance à la Garonne.

I

Jean Sesiano,Genève

BibliOgraphie

Sesiano J.,Traç'nge urtrc lc hc dc borrogc ic

Scsiarro 1., Dix atrs tlc raclre rcltes sttr

I'lrytlrogéo-

Solatlc c/ /e'ç sotttrc-ç tlte rrttalcs dc \hl d'llliaz (Vtltis' I.gic dc Io réci0rr d'Errtossorr (\rtrtais) et du

Fer-t\-

Srrisse) : tcctotrirlttc, litltologic ct géotlrcrrtric' 2003' Clreyttl (Htrttte -Snyoic, Frarrce ),2002.

Rapport

Karstologia N" 4l ' pp' 't9-54'

interne potrr le Comité scientifique des

Résen,es

Collet, L' \\t' et al' ( l95l )' fètrille 132'l Barbe - ruatr-rrelles cle Har-rte-Sayoie, 28

p.

r'ir-re' Atlas géologiqLre de la Suisse 1 : 25 000' carte 24

Le lac de barrage de Salanfe,

sur

celui de Susanfe. Des eaux le versant sud-est des Dents

du

perdues par infiltrations à ce Midi. A I'arrière-plan, [a

Tour

barrage revoient [e iour, entre Saltière (3zzo m). A gauche,

[e

autres, aux sources thermales col d'Emaney et, vers [a

droite,

de Va[ d'llliez

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g

;

o Eo d

Après une opération de traçage à la fluorescéine sur le versant suisse, le Giffre, rivière haute- savoyarde draine [e Fer-à-Cheval

Le guide M. Vaucher iette un couP d'ceiI sur une des résurgences de ta vire de Prazon, au Fer-à-Chevat. Les eaux proviennent du va[[on de Barbe- rine. Les dimensions exiguës de ces conduits souterrains [aissent suppo- ser qu'ils sont ieunes, ['eau n'ayant pas encore eu le temps de les élargir par corrosion

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