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Intolérance contre les intolérants ? : microhistoire des violences religieuses du XIXe siècle, Genève 1870-1900

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Academic year: 2022

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Intolérance contre les intolérants ? : microhistoire des violences religieuses du XIXe siècle, Genève 1870-1900

SCHOLL, Sarah

Abstract

Entre 1870 et 1890, à Genève, le conflit entre catholiques romains et libéraux anticléricaux, le plus souvent protestants, se matérialise dans ce que l'on appelle le Kulturkampf. Chaque camp dénonce les violences de ses adversaires : refus du fonctionnement démocratique et désobéissances civiques pour les uns, confiscations d'églises, sacrilèges et destitutions de curés pour les autres. Les violences, dans ce cas, sont tant structurelles et symboliques que matérielles et physiques. Elles mettent en scène les désaccords profonds concernant la liberté religieuse, la coexistence confessionnelle et le rôle de l'État. Par le biais de la microhistoire, cet article trace une géographie politique et mentale des violences religieuses au xixe siècle en Europe.

SCHOLL, Sarah. Intolérance contre les intolérants ? : microhistoire des violences religieuses du XIXe siècle, Genève 1870-1900. Cahiers d'études du religieux , 2018, no. 19, p. 1-14

DOI : 10.4000/cerri.2131

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:151989

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Intolérance contre les intolérants ? Microhistoire des violences

religieuses du XIX e siècle, Genève 1870-1900

Sarah Scholl

Préambule. « Le baptême à la baïonnette »

1 Genève, janvier 1875 : un certain Etienne Maurice demande à ce que son fils nouveau-né soit baptisé dans sa paroisse d’origine, Compesières, par le curé Victor Marchal1. La requête est atypique car l’ecclésiastique demandé venait de rompre avec Rome et d’opter pour l’Église « catholique nationale et libérale » mise en place en Suisse deux ans plus tôt.

La demande est refusée par les maires responsables de l’église de Compesières mais acceptée par l’instance supérieure, le gouvernement du canton de Genève. La cérémonie est fixée au 20 janvier 1875. Partie de Genève en voitures, la famille avec l’enfant, quelques proches et le curé sont accueillis sur place par les villageois et les autorités communales, réunis au son du tocsin. Ils refusent d’ouvrir l’édifice et montrent leur colère. Des coups partent, une femme lance du poivre aux yeux du curé libéral et, lorsque la délégation décide de s’enfuir, des pierres sont lancées contre les voitures. À partir de là, il ne s’agit plus d’un baptême mais d’une « question de principe » et une nouvelle cérémonie est fixée par les autorités cantonales au 25 janvier. Les troupes sont levées – 500 hommes – pour assurer la sécurité de l’événement. Il s’agit de venger « l’honneur national si inconsidérablement compromis »2. Plus de trois mille citadins, selon la presse, se déplacent à Compesières. Arrivée sur place, cette foule découvre l’église barricadée de l’intérieur. Une pancarte est accrochée sur la porte déclarant : « la propriété est inviolable ». Un drapeau noir flotte sur le clocher. La porte ne cède pas. Un trou est alors fait sur le côté de l’église pour pouvoir entrer et ouvrir. Le baptême a lieu, puis les

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protagonistes et la foule repartent. L’église, déclarée souillée, est abandonnée par les paroissiens qui se réfugient dans un hangar.

Introduction

2 Le « baptême à la baïonnette de Compesières » est resté dans les mémoires genevoises comme l’épisode paroxysmique du conflit entre État moderne et Église catholique. Mais de quoi s’agissait-il ? L’Europe de la seconde moitié du XIXe siècle est le théâtre de nombreux affrontements sur le terrain religieux, tant à l’intérieur des communautés chrétiennes qu’entre les responsables politiques et ecclésiaux. Contemporains et historiens ont donné à ces conflits des noms aux résonances diverses selon les régions : Guerre des deux Frances, Kulturkampf, lutte pour la civilisation, Culture Wars3. Toutes ces expressions décrivent un champ de bataille ouvert au sein d’un espace territorial, le plus souvent national, mettant face à face des représentations et des pratiques divergentes concernant la place de la religion, de ses autorités, de son culte dans la société. Dans chaque cas, le rapport à la modernité est en cause tant du point de vue des nouvelles hiérarchies institutionnelles et de la réécriture des constitutions nationales que de celui de la morale et des valeurs individuelles. La violence est perçue, subie ou générée par les acteurs selon des modalités très diverses. À travers l’étude de cas, ici le Kulturkampf suisse tel qu’il se met en place à Genève entre 1870 et 1890, il est possible de décrire les différents types de violence à l’œuvre et leurs interrelations : violence d’État et policière, violence institutionnelle, violence symbolique et verbale ou encore violence populaire, désobéissance civile et résistance à l’établissement d’un nouvel ordre politique4. L’intérêt principal de la perspective de microhistoire est ici de pouvoir suivre pas à pas, dans son contexte politico-social, la montée en puissance de la crise et les phases de sa résolution, au plus près du vécu et de la perception des acteurs. Cela permet de mieux comprendre les mécanismes aboutissant aux éventuels moments de violence physique, épisodes qui marquent le plus durablement les esprits mais sont loin de résumer l’ensemble des phénomènes à l’œuvre.

3 Au départ, notre objet d’étude n’était pas la violence religieuse elle-même mais l’évolution des rapports entre religion et politique ainsi qu’entre théologiens conservateurs et progressistes à Genève dans les décennies qui précède le vote de la loi de Séparation des Églises et de l’État en juin 1907, quelque deux ans après la France5. La dimension en partie violente du processus n’est apparue que dans un second temps.

Autrement dit, nous n’avons pas cherché a priori à associer violence et religions mais cela nous a été imposé par les sources comme une problématique à prendre en charge. À Genève, cette dimension conflictuelle est étroitement liée à la question de la coexistence confessionnelle et des rapports complexes et subtiles entre minorité et majorité, entre ceux qui se disent dominés ou dominants. Le Kulturkampf est un conflit « à tiroir » opposant à la fois protestants et catholiques, libéraux et conservateurs, ruraux et urbains, population et personnel étatique. Il part d’un contexte de marginalisation sociale et politique de la population catholique, prend corps en un rapport de force entre autorités et culmine dans la violence physique et matérielle. Après une brève mise en contexte, nous examinerons – en trois actes – les différents types de violence qui se répondent dans le conflit et nous terminerons en montrant comment s’opère la sortie de crise.

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Contexte et situation à l’entrée en Kulturkampf : une population entre métissage et hostilité

4 Après avoir été l’une des citadelles réformées des guerres de religions de l’époque moderne, Genève s’ouvre aux catholiques au XIXe siècle. Les élites genevoises y sont d’abord forcées au moment de l’Annexion française (1798) puis, à la chute de l’empire napoléonien, elles décident d’œuvrer à agrandir le territoire pour pouvoir former un canton suisse6. Des communes sardes et françaises, dont les populations sont entièrement catholiques, sont adjointes au territoire7. Les traités internationaux garantissent le libre exercice et le financement du culte catholique dans les communes cédées ainsi que dans la ville de Genève. La population genevoise passe alors de 30 000 à 46 000 habitants environ.

5 L’identité de Genève reste néanmoins profondément protestante et urbaine. Durant toute la période de la Restauration et de la Régénération (1814-1842/46), le système politique est une démocratie censitaire avec cooptation des élites dirigeantes. Les catholiques sont donc tenus à l’écart des centres du pouvoir. À partir de la révolution démocratique de 1846, les catholiques deviennent citoyens et acquièrent peu à peu des droits égaux mais ce n’est qu’en 1868 que les différences entre « anciens » et « nouveaux » Genevois, entre les ressortissants des communes catholiques et ceux des communes protestantes, sont abolies par une loi8. La division confessionnelle se double – et se complique – durant tout le siècle d’un clivage entre progressistes et conservateurs. Ainsi, protestants conservateurs et catholiques intransigeants sont parfois alliés, par exemple pour maintenir des écoles confessionnelles privées contre l’instauration de l’école publique, laïque et obligatoire. Mais nombre de catholiques genevois soutiennent aussi les progressistes, réunis sous l’appellation de « radicaux » et leur volonté d’étendre les droits et les libertés individuels. L’instauration du suffrage universel leur permet en effet d’espérer peser dans la vie politique genevoise.

6 Depuis 1860, du fait d’une immigration importante, les catholiques sont légèrement plus nombreux que les protestants dans le canton de Genève9. Majoritairement étrangers ou ressortissants d’une commune rurale, ils restent cependant très en marge de la vie publique. Il y a donc un déséquilibre effectif entre l’importance de la communauté et sa présence officielle. Un exemple : la principale école du canton de Genève, le Collège, première voie d’accès à l’Académie (deux institutions créées à la Réforme), est fréquentée par moins de 20 % de catholiques entre 1870 et 1880 (ils sont 34 % dans la filière industrielle, moins élitiste que la filière classique)10. Qu’un élève sur cinq soit de confession catholique est néanmoins une situation complètement nouvelle dans la longue histoire de la Genève calviniste. Parallèlement, le nombre de mariages mixtes augmente et, en 1880, environ 13 % des couples vivants ensemble sont formés d’époux de religions différentes11.

7 Le Kulturkampf, qui commence dans les années 1870-1871, n’intervient donc pas comme une lutte entre des communautés complétement divisées, mais dans un contexte où les mélanges de populations vont croissant, obligeant les élites de chaque confession à clarifier, voire modifier leurs discours sur l’autre religion et sur la mixité dans son ensemble.

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Premier acte : penser le rapport à l’autre

8 Comment les élites des deux confessions énoncent-elles leur rapport à l’autre ? Chez les protestants, les désaccords sont importants quant à la manière de gérer l’afflux de catholiques, même si, au quotidien, l’immense majorité des Genevois est plutôt indifférente à l’appartenance religieuse de ses concitoyens. Politiciens, pasteurs, intellectuels protestants n’ont quant à eux de cesse de se positionner par rapport au catholicisme12. Suivant les personnes et les moments, il est question soit de rejet et d’hostilité, avec une volonté d’exclure ou de convertir les catholiques, soit d’assimiler au plus vite – par l’instruction – ces populations que l’on juge incultes et peu éclairées13. Ces deux positions ne permettent pas de rapport égalitaire au catholicisme et elles portent, tant l’une que l’autre, une certaine violence à l’égard des individus de religion catholique.

Dans la presque totalité des discours sur le sujet, la possibilité d’être à la fois Genevois et catholique intransigeant ou ultramontain est niée dans son principe même. L’essence de la nationalité genevoise est constituée par les libertés républicaines14. Ces positions justifient et expliquent une forme de violence institutionnelle ou structurelle du système genevois envers les catholiques. Ces derniers sont acceptés mais uniquement en tant que subalternes : domestiques, ouvriers, paysans15.

9 Les catholiques, de leur côté, adoptent au moins trois stratégies différentes d’insertion dans la communauté genevoise : la première, comme chez les protestants, est une forme d’indifférence et de désintérêt des questions religieuses, politique et nationale. Elle est peu documentée mais très vraisemblablement majoritaire, surtout dans la population étrangère. En ville, les sources ecclésiastiques font état d’un certain absentéisme dans les pratiques religieuses catholiques16.

10 À l’inverse, la deuxième stratégie consiste en un investissement important de l’identité catholique, tant dans sa dimension culturelle que politique. Dans cette optique, l’intégration catholique passe par une forme de « reconquête » de Genève, de manière plus ou moins virulente. Après avoir été surtout polémique, par les controverses de l’abbé Jean-François Vuarin envers les protestants, au milieu du siècle, cette stratégie se matérialise dans la volonté de la hiérarchie catholique de construire une grande église dans les nouveaux quartiers de la ville, sur un terrain mis à disposition par les autorités cantonales. Cette initiative rencontre le plein soutien des fidèles catholiques, notamment des populations rurales qui viennent participer au chantier. Achevée en 1857, Notre- Dame de Genève, qui deviendra une basilique en 1954, fait office de cathédrale de substitution face à la cathédrale Saint-Pierre, devenue protestante à la Réforme. L’église Notre-Dame est conçue dans l’esprit du catholicisme porté par le pape intransigeant Pie

IX. Elle est dédiée à la Vierge et à l’Immaculée conception. À travers la construction de ce bâtiment, financée par des fonds récoltés dans tous les pays européens par le curé Gaspard Mermillod, les autorités catholiques genevoises et vaticanes se préparent à la nomination d’un évêque de Genève, que nous verrons intervenir dans le deuxième acte de cette histoire.

11 Certains catholiques refusent d’adhérer à ce mouvement de reconquête spirituelle de Genève. Ils cherchent à s’émanciper du catholicisme traditionnel, de l’autorité du curé et ils développent un libéralisme théologique et de pratique, souvent associé à un anticléricalisme militant, avec de fortes sympathies pour les protestants et le protestantisme17. Ces catholiques développent une troisième stratégie d’intégration à

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Genève, par l’assimilation. Cette stratégie est surtout portée par la génération née dans les années 1840, qui a bénéficié de l’école publique naissante, des droits démocratiques et des idées nouvelles, dont la liberté religieuse inscrite dans la Constitution depuis 1846. Ce sont eux qui demandent et obtiennent l’égalité entre tous les ressortissants du canton en 1868. Leur anticléricalisme est étroitement et explicitement lié à la question de l’intégration à la nation. Ils affirment que les curés, de par leur haine du protestantisme, nuisent à la cohésion interne au canton de Genève et à la Suisse. Ils rejettent le renouveau de la piété catholique comme incompatible avec l’esprit national18. Ils œuvrent à la laïcisation des espaces publics et à la promotion de la mixité religieuse. À l’occasion, leur combat prend des allures violentes, par exemple en 1869 lorsqu’ils gagnent les élections dans une commune catholique suburbaine et décident d’arracher la croix marquant l’entrée du village (et la frontière avec la commune voisine protestante)19. Ces catholiques s’allient dans leur démarche et leur vision du monde aux politiciens radicaux d’origine protestante.

Deuxième acte : les institutions en conflit ou une nouvelle querelle des investitures

12 Dans ce contexte, un conflit éclate entre la hiérarchie de l’Église catholique et le gouvernement genevois au sujet de la nomination d’un évêque pour Genève. Pour comprendre la montée en puissance de l’affrontement entre 1870 et 1873, il faut reconstituer autant que possible le poids et la force des différentes institutions, tant dans la réalité que dans les représentations qu’en ont les acteurs en présence.

13 D’un côté, nous avons donc l’État, dominé par des radicaux et des libéraux, promoteurs des libertés individuelles. Ce courant politique domine en Suisse durant presque toute la seconde moitié du XIXe siècle, disposant de l’appareil d’État, qu’il a lui-même façonné, contre les conservateurs protestants et catholiques. Cependant, ce pouvoir des radicaux, par l’État, est étroitement dépendant de leurs élections ou réélections et fluctue donc au gré des législatures20. En outre, tous les changements constitutionnels doivent être soumis au peuple par voie de référendum. Autrement dit, leur domination, bien que forte, n’est en aucun cas stabilisée.

14 Le système d’élection en vigueur depuis 1846, dit « à la majoritaire », est tout particulièrement défavorable aux catholiques car ils ne peuvent entrer dans le parlement qu’en se faisant inscrire sur l’une des deux listes principales, radicales ou conservatrices, l’une et l’autre dominées par les protestants. Cependant, le vote catholique – bien que minoritaire (environ 6 000 électeurs catholiques contre 10 000 protestants en 1874) – est souvent déterminant pour gagner une élection.

15 De l’autre côté, l’institution catholique. Comment et pourquoi les autorités ecclésiales deviennent-elles les adversaires de cet État libéral ? À Genève, dans les années 1870, les laïcs catholiques n’ont de réel pouvoir qu’au niveau communal, dans les mairies. Nous l’avons vu, ils sont très peu nombreux au parlement cantonal et encore plus rare dans l’exécutif (le Conseil d’État). Par contre, leur organisation ecclésiale permet d’imposer une certaine cohérence, une homogénéité de pensées et de pratiques à l’ensemble de la communauté et, surtout, elle rattache cette communauté locale à une communauté internationale disposant d’autorités reconnues et solides, tout particulièrement le pape.

Dès 1868, les autorités catholiques genevoises se dotent d’un journal, Le Courrier, qui

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relaie les problèmes rencontrés par la communauté genevoise, les informations nationales et internationales ainsi que les prises de position des évêques et du pape. Cet outil complète et renforce le dispositif paroissial qui permet aux informations et aux directives de circuler dans la communauté catholique. Cela permet de mobiliser une partie importante des catholiques sur les questions d’actualité et, plus largement, de mieux publiciser l’arsenal théologique mis en place par le Vatican dans les années 1860-1870 tout comme de renouveler la spiritualité et la pratique religieuse en un temps de modernisation et de sécularisation accélérée21.

16 Parmi les sujets discutés à Genève durant la période, Le Courrier prend fait et cause pour le Syllabus, pour l’agenda du concile Vatican I et le dogme de l’Infaillibilité pontificale. Cette puissance idéologique, son intransigeance et ses aspects réactionnaires font extrêmement peur aux libéraux, qui, de plus, opèrent – volontairement ou non – un amalgame avec la

« question italienne » et le pouvoir politique du pape, auxquels s’ajoute encore la mémoire exacerbée des Guerres de religions et de l’Inquisition. Plus précisément, les protestants et les libéraux (dont les radicaux) genevois réfléchissent, dès 1865, aux incidences des (ré)affirmations de l’encyclique Quanta Cura et de son Syllabus, qui admet pour l’Église un pouvoir temporel, l’usage de la force (proposition XXIV) et le monopole de la vérité22. Dès 1870, ils juxtaposent ces éléments à leur compréhension du dogme de l’Infaillibilité pontificale pour affirmer la toute-puissance du pape en matière de foi et de politique ecclésiale et l’opposer à l’autonomie des États nationaux23. Ils ne font pas une interprétation théologique fine des textes de la curie, pour eux, la conclusion est claire : si on laisse les autorités catholiques retrouver un pouvoir temporel, elles vont imposer par la force les dogmes et principes catholiques.

17 Latent pendant une décennie, le conflit explose sur une question d’organisation ecclésiastique. Le Vatican œuvre en effet à cette même période, en continuité avec une politique intransigeante offensive à l’échelle internationale, à la restauration de l’évêché de Genève supprimé à la Réforme. Depuis 1819, Genève est rattaché au diocèse de Lausanne, dont le siège est à Fribourg. L’évêque est Mgr Marilley à partir de 1846. En 1864, la cure de la ville de Genève est remise à Gaspard Mermillod, une personnalité brillante au charisme particulier, très aimée du Saint Père et de ses paroissiens genevois24. Il est nommé très rapidement évêque d’Hébron, in partibus infidelium, auxiliaire de Genève. Dès lors, il devient, dans les faits, évêque de Genève. Dans un premier temps, les gouvernements genevois et suisses ne se préoccupent pas de cette question de répartition des pouvoirs entre le curé de Genève et l’évêque officiel mais, sous la pression des anticléricaux, dont les catholiques libéraux décrits ci-dessus et des protestants inquiets de l’évolution du catholicisme, le gouvernement demande des comptes à Mgr Mermillod et Mgr Marilley.

18 Il apparait alors qu’un nouvel évêché a été créé à l’insu des pouvoirs publics. C’est le cauchemar des protestants genevois, transmis de génération en génération, qui se réalise : la Cité de Calvin est à nouveau pourvue d’un évêque ! Justifiée officiellement par la taille et l’importance de la population catholique genevoise, cette décision n’en reste pas moins une provocation, qui a été nécessairement pensée comme telle par les différents responsables catholiques. Pie IX ne pouvait pas ignorer la réaction qu’il susciterait. En ce sens, en 1864 déjà, Mgr Mermillod décrivait en ces termes le projet devant le clergé convoqué en assemblée générale : « Le Souverain Pontife m’a déclaré que sa pensée était de reprendre les villes conquises par l’hérésie, Londres, La Haye, Berlin, Genève… »25.

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19 La suite relève du dialogue de sourd. Gouvernement et hiérarchie catholique se parlent et s’écrivent mais en usant de langue diplomatique différente, voir même de Weltanshauung inconciliables : deux visions du monde se confrontent. Le nœud de cette divergence est bien entendu la hiérarchie des autorités. Le gouvernement demande à Mgr Mermillod de renoncer à sa fonction d’évêque ; celui-ci répond qu’il ne peut obéir qu’au pape. Les hommes de gouvernement affirment que le pouvoir de l’Etat s’étend à tout ce qui concerne le canton de Genève et ses habitants. Mgr Gaspard Mermillod réplique que les questions religieuses ne sont du ressort que de l’Église.

20 La violence est ici avant tout symbolique et verbale, dans l’impossible reconnaissance de l’autre, de son autonomie et de sa marge de manœuvre. Les expressions utilisées dans l’échange de lettres sont tout à fait révélatrice. Du côté de l’État on affirme : « le pouvoir civil est souverain », « le droit naturel du pouvoir civil », « la reconnaissance de l’autorité », mais aussi « la dignité du gouvernement », la lutte contre la « sujétion du pouvoir civil au pouvoir religieux, omnipotent et infaillible » et contre « la liberté pour l’ultramontanisme seul »26. Les représentants du gouvernement en font une question qui mêle honneur et principe. En ce sens, il en va pour eux de la sauvegarde de l’État et de son autorité en tant que puissance personnifiant le corps social dans le cadre de la nation.

L’État est compris comme l’organe de la collectivité des citoyens genevois. La démocratie a ici un sens fort. Autrement dit, dans cette optique, Gaspard Mermillod et Pie IX nient l’autonomie décisionnelle du peuple genevois. Ils mettent en péril la souveraineté nationale elle-même.

21 Du côté catholique romain, on parle de : « l’autorité absolue de l’Église », des « droits sacrés de l’autorité ecclésiastique » : « […] l’autorité du pape et les lois du pays sont deux choses totalement distinctes, et, dans leur appréciation rationnelle et historique, l’autorité du pape tient le degré supérieur »27. Le conflit est pleinement assumé. Dans une lettre à Mgr Mermillod reproduite dans l’Univers, Louis Veuillot scande : « Nous maintiendrons dans Genève le feu vivant qui tôt ou tard la délivrera de son iniquité. Le but sera atteint d’autant plus tôt que ce feu sera plus avivé par la persécution »28.

22 Aucune des deux parties ne concède quoi que ce soit à l’autre. Le rapport de force conduit à une impasse. Le 16 janvier 1873, Mgr Mermillod est nommé vicaire apostolique, le canton de Genève devient diocèse. En réponse, l’État décide de l’expulser du territoire suisse (alors qu’il est Genevois). Ce qui est fait le 17 février. La police vient le chercher à Notre-Dame et le conduit à la frontière. Mgr Mermillod continue son ministère depuis la France voisine.

23 Les éléments de l’ancienne « querelle des investitures » sont présents dans cette lutte entre les pouvoirs spirituels et temporels29. Mais le contexte démocratique transforme la problématique. La lutte entre « prince » et « pape » devient en partie celle de la souveraineté du peuple. Les catholiques les plus convaincus par les principes démocratiques et libéraux prennent en effet fait et cause pour l’État genevois contre une Église qu’ils qualifient d’ultramontaine, au sens fort, puisqu’elle prend ses directives au- delà des Alpes et dans laquelle ils ne se reconnaissant pas. Ils contribuent alors, en quelques semaines, à faire émerger un nouveau modèle d’Église à travers une loi constitutionnelle dont l’objectif est de permettre aux catholiques genevois de se passer complètement d’un évêque et du pape. La loi instaure l’élection des prêtres et d’une direction d’Église de type synodal par les fidèles catholiques ainsi qu’un serment d’allégeance à l’État obligatoire pour tous les ecclésiastiques. La loi est rapidement soumise à votation. Elle est approuvée le 24 mars 1873 par l’immense majorité des votants

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(9 081 oui, 151 non). Le mot d’ordre des autorités catholiques était l’abstention. Ces dernières ont vraisemblablement été suivies par environ 2 000 électeurs catholiques.

24 Le choix de l’abstention par les catholiques romains est un aspect très important du Kulturkampf. Les catholiques refusent toute légitimité à un vote concernant leur religion puisque la majorité de l’électorat est protestante. Le refus de l’élection des prêtres en découle, justifié par le fait que le cadre constitutionnel régissant le catholicisme dans le canton est considéré comme illégitime30. Cet abstentionnisme fait rupture, délibérément.

Il est une forme de violence contre le système, de réponse ou de résistance à ce que la loi de la majorité, fondamentale dans toute démocratie, a elle aussi de violent contre la minorité. Cette position de refus du jeu démocratique fonctionne comme une sorte de rupture du contrat social.

25 À la croisade des libéraux pour le droit de l’État, sa suprématie et celle des libertés modernes, les catholiques romains vont opposer une guerre sainte contre la démocratisation de l’Église et le libéralisme théologique. Les protestants sont en outre accusés de se comporter comme les « maîtres », désireux de conquérir les terres catholiques. Dans leurs discours et leurs écrits, les autorités catholiques mettent en place un récit sur l’oppression dont les catholiques sont les victimes à Genève, mêlé à une remémoration très française de la Révolution, de la Constitution civile du clergé et de la Terreur. Les prêtres réaffirment que l’autorité hiérarchique est l’essence du catholicisme.

En outre, ils mettent en place une rhétorique de combat dont le cœur est la négation de la christianité de l’adversaire. Les catholiques libéraux, comme les réformés, ne sont plus ni chrétien ni catholique, ils sont « hérétiques », « renégats », « profanateur », « intrus »31. Le principe du « Hors de l’Église point de salut » est fortement réactivé. Cette position renforce les autorités libérales dans leur conviction que le catholicisme est porteur des valeurs d’Ancien Régime et qu’il est foncièrement réactionnaire et intolérant.

26 Outre la dimension institutionnelle, ce conflit on le voit reste fortement idéologique et symbolique, mais il a aussi de lourdes conséquences juridiques et financières. En refusant la nouvelle loi constitutionnelle et ses conséquences, l’Église catholique romaine se retrouve séparée de l’État. Si elle n’est plus financée par le budget des cultes, elle n’est cependant jamais interdite. La liberté religieuse et d’association demeure largement respectée à Genève32. Le problème majeur se situe dès lors dans les espaces/lieux revendiqués par les deux camps, en particulier les bâtiments du culte.

Troisième acte : Violences policières, réformes religieuses et résistances catholiques

27 Une fois le salaire retiré au curé catholique romain et remis au curé catholique libéral acceptant la loi de 1873, l’enjeu est de savoir qui peut disposer des églises et des presbytères. Ceux-ci sont officiellement la propriété des communes. Les catholiques libéraux, qui s’affilient au mouvement vieux-catholique (appelé aussi catholique- chrétien) né en parallèle en Allemagne et en Suisse, et mettent en place un diocèse suisse, revendiquent la totale légitimité de leur catholicité. Par la voie politique, ils demandent donc à pouvoir utiliser les églises dans les paroisses où se forme un groupe de catholiques libéraux.

28 Les catholiques romains refusent catégoriquement de partager les lieux de culte ou d’en remettre les clés. Dans un premier temps, ils résistent physiquement à l’« invasion » de

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l’église. Les bâtiments ecclésiaux sont considérés comme appartenant à la communauté33. Dans un second temps, les catholiques romains organisent un nouveau lieu de culte – une

« église de la persécution » – pour continuer à pratiquer leur foi et prévenir tout rapprochement avec les curés libéraux. L’organisation de défense de la paroisse par les fidèles a donc une dimension à la fois patrimoniale, identitaire et communautaire. Les fidèles n’hésitent pas à saccager le matériel lorsque celui-ci n’est plus entre les mains de leur curé. Les serrures sont brisées, des serpents morts déposés à la poignée de la porte.

Toutes ces désobéissances civiles sont cautionnées par les autorités ecclésiastiques34. Les autorités laïques des communes catholiques alimentent elles aussi ce mouvement de résistance :

Jurons de soutenir notre intrépide clergé dans ses luttes et de lui rester fidèles dans ses malheurs. […] quoi qu’il advienne, nous ne faiblirons pas. Si l’on nous ravit nos églises, on ne prendra que des murs, mais on ne prendra pas nos âmes ; nous suivrons nos autels proscrits et dépouillés jusque dans la pauvreté d’une grange ou l’obscurité d’une cave. […] L’Église, messieurs, n’a jamais eu peur de la liberté. Ce qu’elle demandait, aux jours des catacombes, par la voix et le sang de ses martyrs, c’était la liberté35 !

29 Plusieurs éléments énoncés ici doivent d’être relevés, en particulier l’attachement profond au clergé et à la foi catholique traditionnelle ainsi que la référence à la liberté.

Cette citation est sans équivoque : l’importance du curé et de la tradition catholique a été complètement sous-estimée par les tenants du Kulturkampf. Nombre de paroissiens, surtout dans les communes rurales, considère que cette religion fait partie de leur identité propre. Il est par exemple inconcevable pour eux qu’un curé puisse se marier, ce que feront nombre de curés libéraux dans la nouvelle Église. Ces derniers sont très mal accueillis dans les villages. Ils sont décrédibilisés par ce qui apparait comme des transgressions très graves : avoir rompu avec Rome, avec l’évêque, donner la communion sous les deux espèces, supprimer la confession auriculaire ou avoir une épouse. Certains fidèles catholiques, en particulier des femmes, rivalisent d’inventivité pour rendre la vie des curés libéraux impossibles. Elles les insultent ou refusent de leur vendre du lait par exemple.

30 À chaque étape, le conflit violent devient inévitable car l’État, mis en cause dans son autorité et sa légitimité « ne peut pas reculer », pour reprendre une expression de Jérôme Grévy concernant les Inventaires français36. Il fait donc usage de la force publique. Ainsi, les résistances catholiques romaines sont parfois durement réprimées. Une jeune femme, la fille du sacristain, est incarcérée huit jours pour avoir saccagé le jardin du presbytère dans la paroisse de Versoix en 187637. Les autorités cantonales agissent par des arrestations, des expulsions de curés français et par la destitution de 32 maires et adjoints de communes catholiques.

31 Par ailleurs, la presse libérale et protestante montre une forme d’étonnement, voire d’embarras, face à la virulence des réactions catholiques. Elles sont toujours jugées disproportionnées. Lors du baptême de Compesières, mentionné en entrée d’article, le Journal de Genève accuse les catholiques d’user de « moyens révolutionnaires », de

« barbarie des mœurs », d’avoir une religion qui « surexcite les passions les plus dangereuses de la nature humaine »38. Au parlement, des députés parlent de

« sauvagerie », de « rébellion »39. Une brochure dresse un tableau terrible de la vision protestante des événements :

Après trois siècles de contact avec le protestantisme, après le grand mouvement des idées et des croyances qui s’est fait dans toute l’Europe et dont Genève a été un des

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foyers les plus importants, les populations de Compesières, d’Hermance, de Saconnex ont conservé la même dureté pierreuse qu’elles avaient au temps de Calvin. On y trouve la même croyance aveugle, la même absence de raisonnement, la même dévotion mécanique, le même fanatisme haineux et colère40.

32 Les catholiques affirment pourtant en nombre lutter au nom d’un principe supérieur : la liberté. Mais cette revendication n’est prise en considération que par une minorité d’acteurs, notamment quelques députés athées ou libres penseurs et des personnalités protestantes évangéliques. Deux conceptions de la liberté s’affrontent pourtant bel et bien durant le Kulturkampf. D’une part, l’idée d’introduire au sein même du catholicisme (et du protestantisme) les idées de libertés individuelles, c’est-à-dire de libéraliser, nationaliser et démocratiser le catholicisme. D’autre part, l’idée que la liberté est celle, pour les communautés, d’édicter leur propre règle de fonctionnement interne et leur propre morale sociale41. Cette tension dans la conception de la liberté religieuse est restée présente jusqu’à aujourd’hui. Elle est fondamentale pour saisir les mécanismes d’apaisement du conflit genevois et suisse.

La normalisation

33 En 1892, lors d’une séance au parlement, le Conseiller d’État Gustave Ador, protestant du parti conservateur, œuvre à rendre aux catholiques romains les églises saisies durant les années 1873‑1875. Il affirme : « Si l’on admet que l’Église romaine est intolérante, la meilleure manière de l’encourager à la tolérance, c’est de la pratiquer à son égard, et qu’ainsi peut-être on la lui enseignera… »42. La génération précédente avait affirmé la nécessité de l’intolérance envers le catholicisme romain « qui est l’adversaire le plus acharné, le plus convaincu, et le plus ancien de toutes espèces de tolérance »43. Mais cette politique n’avait pas atteint le but escompté. La « manière forte », selon une expression de l’époque, est de plus en plus rejetée par les politiciens des années 1880-1890. Les autorités ont donc changé de stratégie face aux résistances des fidèles catholiques et à la ferveur religieuse déclenchée en certains endroits par la « persécution ». Elles prennent acte aussi de l’échec numérique du mouvement catholique libéral, qui, s’il se maintient jusqu’à aujourd’hui sous le nom d’Eglise catholique-chrétienne, n’est jamais parvenu à se rallier la population, en particulier dans les campagnes.

34 Mais il faut dire aussi que, parallèlement, les catholiques romains ont fait évoluer leur mode d’engagement. Ils se sont organisés au niveau cantonal et ont formé un embryon de parti politique, qui devient par la suite le Parti démocrate-chrétien44. Le fait qu’ils défendent leurs intérêts au sein de la communauté nationale en s’organisant politiquement devient une forme de ralliement au « contrat social » de la démocratie. De plus, en mars 1883, Mgr Gaspard Mermillod est nommé évêque de Lausanne et de Genève par le pape Léon XIII. Cette nomination équivaut à renoncer à l’évêché spécifique pour Genève.

35 Par ailleurs, la phase aigüe du Kulturkampf a convaincu un certain nombre de protestants de la nécessité de faire des réformes dans deux champs : les rapports entre Églises et État et le système politique. En 1892, les Genevois vont ainsi introduire les élections à la proportionnelle. Ce qui permet aux petites formations politiques d’avoir des députés et permet donc l’entrée des catholiques romains, en tant que groupe, dans le parlement. En 1907, la suppression du budget des cultes est acceptée à une courte majorité et avec le soutien décisif des catholiques romains. L’argument clé est la nécessité de désengager

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l’État des questions religieuses pour éviter tout nouveau conflit. Les Églises et l’État sont donc séparés et le pluralisme religieux est appelé à faire son œuvre librement dans la société civile.

36 Tout à la fois crise de l’apprentissage de la coexistence confessionnelle et crise de la modernité, le Kulturkampf genevois et sa flambée de violence sont donc le résultat conjoint d’un refus d’ouverture (ou de pluralisme) des élites libérales genevoises et d’une crispation religieuse et identitaire catholique romaine. C’est le mélange de violences structurelles et symboliques qui débouche sur le conflit physique. Celui-ci ne trouve sa solution qu’au prix de modifications institutionnelles, en particulier le désengagement de l’État en matière ecclésiastique, et identitaire, avec l’acceptation par chaque confession de la possibilité de cohabiter avec l’autre.

NOTES

1. Pour un récit catholique romain de cette histoire, lire P. Blanc (abbé), J. Delétraz, Le baptême à la baïonnette de Compesières : un épisode du Kulturkampf, Compesières, [s.n.], 1975 et L. Jeantet, Histoire de la persécution religieuse à Genève. Essai d’un schisme par l’État, Paris, Librairie Lecoffre, 1878. Voir aussi pour plus de références à des sources : S. Scholl, En quête d’une modernité religieuse.

La création de l’Eglise catholique-chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870-1907), Neuchâtel, Alphil, 2014, p. 165-185.

2. Selon les termes du politicien radical genevois Moïse Vautier, cité par L. Jeantet, Histoire de la persécution…, p. 305.

3. C. Clark, W. Kaiser (éd.), Culture Wars. Secular-Catholic Conflict in Nineteenth-Century Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 ; V. Conzemius, « Le Kulturkampf en Suisse, un cas particulier ou paradigmatique », dans G. Bedouelle et F. Walter (éd), Histoire religieuse de la Suisse, la présence catholique, Fribourg, Éditions universitaires de Fribourg, 2000, p. 297-320 ; C. Langlois,

« La fin des guerres de religion : la disparition de la violence religieuse en France au XIXe siècle » et « De la violence religieuse », French Historical Studies, vol. 21/1 (1998), p. 3-25 et p. 113-123.

4. Pour une typologie précises des formes de violence, X. Crettiez, Les formes de la violence, Paris, La Découverte, 2008.

5. F. Amsleret S. Scholl, L’apprentissage du pluralisme religieux. Le cas genevois au XIXe siècle, Genève, Labor et Fides, 2013 ; M. Grandjean et S. Scholl, L’État sans confession. La laïcité à Genève (1907) et dans les contextes suisse et français, Genève, Labor et Fides, 2010.

6. O. Perroux, Histoire de Genève, t. 3, De la création du canton en 1814 à nos jours, Neuchâtel, Alphil, Presses universitaires suisses, 2014 ; Herrmann, Irène, Genève entre République et Canton : les vicissitudes d’une intégration nationale (1814-1846), Québec, Éditions Passé présent, Presses de l’Université Laval, 2003 ; Encyclopédie de Genève, t. 5 : Les religions, Genève, Association de l’Encyclopédie de Genève, 1986 ; P. Guichonnet (éd.), Histoire de Genève, Lausanne, Paris, Payot, 1974, en particulier p. 256-391.

7. A.Dufour, I.Herrmann, « Communes réunies », dans S. Christian, P. Guichonnet (éd.), La Savoie et l’Europe. Dictionnaire historique de l’Annexion, Montmélian, La Fontaine de Siloé, 2009, p. 44-49 ; P.

Guichonnet, P. Waeber, Genève et les Communes réunies. La création du canton de Genève (1814-1816),

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Genève : Comité d’organisation des fêtes du 175e anniversaire du rattachement des communes réunies au canton de Genève, 1991.

8. M. Marcacci, « L’égalité des Genevois devant l’assistance : la création de l’Hospice général (1847-1869) », dans B. Lescaze, Sauver l’âme, nourrir le corps. De l’hôpital général à l’hospice général de Genève 1535-1985, Genève, Hospice Général, 1985, p. 359-381.

9. Le recensement de 1860 compte une population totale de 82 876 personne, dont 40 926 Genevois, 13 200 Suisses d’autres cantons, 28 750 étrangers, et de 40 069 protestants, 42 099 catholiques, 377 juifs et 331 « autres » (P. Bairoch et J.-P. Bovée, Annuaire statistique rétrospectif de Genève, Genève, Département d’histoire économique, Université de Genève, 1986).

10. C. A. Muller, Christian Alain, Le Collège de la République : enseignement secondaire et formation de

« l'élite » à Genève, 1814-1911, Genève, Slatkine, 2009, p. 266.

11. Bureau fédéral de statistique, Recensement fédéral de la population 1er décembre 1960, 9e volume, Canton de Genève, Berne, Statistiques de la Suisse, 1963, p. 31.

12. Pour une analyse plus détaillée de ces positions, S. Scholl, En quête, op. cit., p. 89-106 ; F.

Amsler, « Regards pluriels des protestants sur les catholiques romains », dans L’apprentissage du pluralisme, op. cit., p. 155-175.

13. Quelques voix protestantes, très minoritaires, se font aussi entendre pour affirmer qu’il est possible de cohabiter dans le respect des différences, cf. G. Aubert, « Des pasteurs en marge des luttes confessionnelles : l’œcuménisme d’Ernest Naville », dans L’apprentissage du pluralisme, op. cit., p. 177-188.

14. A.Roget, La question catholique à Genève de 1815 à 1873, Genève, 1874. p. 7.

15. Une organisation semi-secrète voit même le jour en 1842 pour repousser les catholiques hors du canton : P.‑A. Friedli, « L’Union protestante genevoise (1842-1847) : une organisation de combat contre l’envahissement des catholiques », BSHAG, t. XVII (1982), p. 315-371.

16. Voir par exemple, P. Guichonnet, « Le curé Vuarin et les Savoyards à Genève », dans L. Mottu- Weber et D. Zumkeller (éd.), Mélanges d'histoire économique offerts au professeur Anne-Marie Piuz, Genève, Université de Genève, 1989, p. 95-109 ; F. Walter François, Une paroisse dans la ville : Saint- François de Sales (Plainpalais, Genève), Genève, Presses d’histoire suisse & Paroisse Saint-François, 2004, p. 26-32.

17. C’est l’objet de notre thèse de doctorat, publiée sous le titre En quête d’une modernité religieuse.

La création de l’Eglise catholique-chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870-1907), Neuchâtel, Alphil, 2014.

18. Sur cette question, lire V.Petit, Église et nation. La question liturgique en France auXIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

19. M. Héridier, Genève de 1846 à 1870. Mémoires, Genève, Impr. de la Tribune de Genève, 1908, p. 128-129. Sur la destruction des signes religieux, lire J. Lalouette, La libre pensée en France : 1848-1940, Paris, Albin Michel, 1997, p. 300-307 et La république anticléricale, XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, 2002, p. 380-391.

20. F. Ruchon, Histoire politique de la République de Genève de la Restauration à la suppression du budget des cultes, tome II, Genève, Alexandre Jullien, 1953.

21. Sur l’Église catholique à Genève, E. Ganter, L’Église catholique de Genève, seize siècles d’histoire, Genève, Slatkine, 1986.

22. F. Bungener, Rome à Genève et l’Encyclique. Lettre à M. l’abbé Mermillod, évêque d’Hébron, Genève &

Paris, J. Cherbuliez, 1865 ; J.‑M. Hornung, Genève et le séparatisme, Genève, Impr. Carey, octobre 1866.

23. Par exemple : F. Bungener, Le Syllabus. Texte officiel et quelques notes, Genève, 1873, mais la thématique est présente dans toute la presse protestante et libérale.

24. L. Jeantet, Le cardinal Mermillod. 1824-1892, Paris, P. Lethielleux, 1906. Sur toute cette question F. X. Bischof, « Kulturkampf », dans DHS, vol. 7 (2008), p. 431-433, disponible sur http://www.hls-

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dhs-dss.ch; P. Stadler, Der Kulturkampf in der Schweiz. Eidgenossenschaft und katholische Kirche im europäischen Umkreis 1848-1888. Erweitere und durchgesehene Neuauflgage, Zurich, Chronos, 1996.

25. Notes de Mgr Mermillod, citées par P. Frochaux, Une tentative de restauration de l’Evêché de Genève 1859-1865, d’après les archives ecclésiastiques, mémoire de licence dactylographié, Université de Fribourg, 1984, p. 82.

26. La Patrie, 1er août 1872, p. 1.

27. Courrier de Genève, 15 novembre 1873, p. 1.

28. Cité dans La Patrie, 10 octobre 1872.

29. B. Lescaze, « Quelques réflexions sur le Kulturkampf… », op. cit., p. 67. Voir aussi P. Stadler, Der Kulturkampf…, op. cit., p. 21-24.

30. Ailleurs en Suisse, les ecclésiastiques peuvent être soumis à l’élection, avec l’accord du Vatican. Voir G. Libero et R. PahuddeMortanges (éd), Église catholique et État en Suisse, Zürich, Schulthess, 2010.

31. Ces expressions sont principalement issues du journal Le Courrier, pour l’année 1873.

32. Les processions et le port de l’habit religieux sur la voie publique sont toutefois interdits par des lois en 1875, ainsi que les congrégations religieuses.

33. Lire P. Cabanel, « La révolte des inventaires », dans J.-P. Chantin et D. Moulinet (éd.), La Séparation de 1905. Les hommes et les lieux, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, 2004, p. 91-108.

34. L. Jeantet, Histoire de la persécution, op. cit. ; A. Thorens, Collonge-Bellerive sous l'orage du Kulturkampf. (1873-1894), Fribourg, Impr. Saint-Paul, 1943.

35. L. Jeantet, Histoire de la persécution, op. cit., p. 295-296, discours du 30 août 1874 lors de la fête de l’Union des campagnes.

36. « Face au refus d’ouvrir les portes pour laisser se faire l’inventaire, le gouvernement choisit la démonstration de force. Il ne peut pas reculer. Ce serait un signe de faiblesse vis-à-vis de ses électeurs de gauche. Ce serait la porte ouverte à une surenchère incontrôlable. La décision est politique. Il s’agit de ne pas laisser bafouer l’autorité de l’État. La loi a été votée par les représentants du peuple, elle doit être appliquée », dans J. Grévy, Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi !, Paris, Armand Colin, 2005, p. 195. Voir aussi P. Cabanel, « La violence républicaine : les intellectuels face à la politique de la IIIe République (1875-1904) », dans M. Bertrand (éd.), Violences et pouvoirs politiques, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1996, p. 31-51. L’auteur réfléchit sur les possibilités pour nous aujourd’hui de comprendre ces violences, en comparant notamment les mesures prises par la IIIe République avec la question des « sectes » et des

« intégrismes » aujourd’hui, p. 48-51.

37. J.‑P. Ferrier, Histoire de la commune de Versoix des origines à nos jours, Versoix, Commune de Versoix, 1942, p. 172-173.

38. Le Journal de Genève met en doute la légitimité du Conseil d’État à faire ouvrir de force une église, propriété communale, mais il juge que la faute des catholiques romains est « beaucoup plus grave » (21 janvier 1875, p. 1).

39. Mémorial du Grand Conseil, Genève, 1875, p. 288-289.

40. Le patriotisme et les ultramontains. Souvenirs de l’histoire pour les électeurs, Genève, 1875, p. 10.

41. Sur cette idée de la liberté, C. Langlois, « La fin des guerres de religion… » op. cit., p. 21.

42.Mémorial du Grand Conseil, Genève, séance du 18 mai 1892, p. 847. À ce sujet, pour la France, C. Langlois, « La fin des guerres de religion… », op. cit.

43. Mémorial du Grand Conseil, 18 mai 1892, p. 814.

44. D. Hiler et G. PerretBari, Le parti démocrate-chrétien à Genève, un siècle d’histoire, Genève, PDC, 1992.

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RÉSUMÉS

Entre 1870 et 1890, à Genève, le conflit entre catholiques romains et libéraux anticléricaux, le plus souvent protestants, se matérialise dans ce que l’on appelle le Kulturkampf. Chaque camp dénonce les violences de ses adversaires : refus du fonctionnement démocratique et désobéissances civiques pour les uns, confiscations d’églises, sacrilèges et destitutions de curés pour les autres. Les violences, dans ce cas, sont tant structurelles et symboliques que matérielles et physiques. Elles mettent en scène les désaccords profonds concernant la liberté religieuse, la coexistence confessionnelle et le rôle de l’État. Par le biais de la microhistoire, cet article trace une géographie politique et mentale des violences religieuses au XIXe siècle en Europe.

INDEX

Keywords : XIXe siècle, histoire du christianisme, anticléricalisme, histoire de la démocratie, Kulturkampf

AUTEUR

SARAH SCHOLL

Université de Genève, Histoire du christianisme Chargée d’enseignement

Champs de recherche : sécularisation, histoire du protestantisme, histoire du catholicisme, histoire culturelle du religieux

Publications :

En quête d’une modernité religieuse. La création de l’Eglise catholique-chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870-1907), Neuchâtel, Alphil, Presses universitaires suisses, 2014.

« Gestion du religieux et construction de l’État moderne. Les hésitations du XIXe siècle au prisme de l’expérience suisse », Histoire, monde et cultures religieuses, 2017/3 (n° 43), p. 65-78. Lien direct : https://www-cairn-info.acces.bibl.ulaval.ca/revue-histoire-monde-et-cultures-

religieuses-2017-3-page-65.htm

« “Nous sur notre montagne... ” Le jubilé de 1917 et l’identité réformée helvétique », Chrétiens et Sociétés

XVIe-XXIe siècles (dossier : Les anniversaires de la Réforme), no 23 (2016), p. 47-64 (évalué par les pairs).

Lien direct : https://chretienssocietes.revues.org/4070

« Les enjeux religieux de l’instruction morale et civique au XIXe siècle en Suisse romande », Zeitschrift für Religionskunde - Revue de didactique des sciences des religions, no 2 (2016), p. 53-62 (évalué par les pairs). Lien direct : www.zfrk-rdsr.ch

« Honore ton père et ta mère soumise à son mari », Journal des Anthropologues, no 144-145 (2016), p. 77-99 (évalué par les pairs). Lien direct : https://jda.revues.org/6374

https://unige.academia.edu/SarahScholl

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