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SEMINAIRE DU GRETS
Mardi 6 décembre 2011 de 9h30 à 12h30
Maison Suger/ FMSH1, 16-18, rue Suger, Paris 5èmeLa précarité contemporaine.
Une faiblesse cumulative des liens sociaux ?
Serge Paugam
CNRS, EHESS, ENS
Séance introduite par Elodie Merle, ingénieur-chercheur à EDF R&D
Cette séance des séminaires du GRETS est consacrée aux causes sociales de la précarité.
Cette question intéresse fortement une entreprise comme EDF, acteur historiquement engagé dans une politique de solidarité à l’égard de ses clients les plus précaires, et d’autant plus interpellée aujourd’hui par les effets de la crise sur ses clients et la mise à l’agenda des symptômes multiformes couverts sous le terme de « précarité énergétique ».
Au tournant des années 1980, les transformations profondes du monde du travail ainsi que l’émergence d’un chômage de masse ont (re)placé la pauvreté au centre du débat public, après que la période des Trente Glorieuses semblait l’avoir contenu, et un peu oublié, dans les marges du tissu social. Des pauvres de la croissance, considérés comme une frange résiduelle de personnes inadaptables au monde moderne, la société découvrait alors un phénomène d’appauvrissement durable d’individus jusque là intégrés. Sans que la pauvreté ne constitue un champ en soi de la sociologie, nombre de chercheurs ont, depuis, étayé, approfondi, documenté les formes et les causes des processus de précarisation à l’œuvre.
Dans une démarche résolument comparatiste, tant qualitative que quantitative, le travail de Serge Paugam s’est efforcé de qualifier et de comprendre cette « nouvelle pauvreté » à travers la relation d’interdépendance, et ses évolutions dans la durée, qui se joue entre la société et ses pauvres. S’appuyant sur le paradigme décrit par Georg Simmel au tournant du XXème siècle, il a défini la pauvreté, en France, avant tout par un statut social, inférieur et dévalorisé, marqué par la relation d’assistance qui s’instaure entre le pauvre et la société. La
1http://www.msh-paris.fr/fondation/maison-suger/
« disqualification sociale » peut ainsi se comprendre, selon lui, comme l’épreuve que fait un individu ou un groupe d’individus de cette identité négative conférée par l’octroi de l’aide et l’entrée dans une carrière morale d’assisté.
Le séminaire fera le point sur les évolutions les plus récentes de ce parcours de recherche, telles qu’elle ont été tracées, notamment, dans les séminaires dispensés à l’EHESS ces dernières années. Retravaillant globalement l’ensemble des liens sociaux en articulant de manière réflexive les concepts de reconnaissance et de protection, revisitant l’analyse des formes de solidarité menée par Durkheim et repérant une nouvelle injonction d’autonomie des individus dans divers secteurs d’intervention sociale, analysant les inégalités et les ruptures sociales à l’œuvre dans les territoires urbains, cette recherche tend aujourd’hui vers l’analyse des formes contemporaines de la solidarité et la construction progressive d’une théorie des liens sociaux.
Serge Paugam est directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), directeur de recherche au CNRS, responsable de l’Equipe de Recherche sur les Inégalités Sociales (ERIS) du Centre Maurice Halbwachs (CMH), (UMR 8097, CNRS- EHESS-ENS). Il dirige la collection « Le lien social » et la revue « Sociologie » aux Presses Universitaires de France.
Il est l’auteur d’une abondante publication sur la pauvreté, la précarité et la solidarité, parmi laquelle les ouvrages suivants:
- La disqualification sociale, Paris, PUF, 1991, coll. « Quadrige », 2000.
- Le salarié de la précarité, PUF, 2000.
- La société française et ses pauvres, PUF, 1993, coll. « Quadrige », 2002.
- Les formes élémentaires de la pauvreté, PUF, coll. « Le lien social », 2005.
- Repenser la solidarité, l’apport des sciences sociales, PUF, coll. « Le lien social », 2007.
- Le lien social, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2009.