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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'expérience de Sciences Physiques : argument scientifique ou contrat didactique ?

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Academic year: 2021

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L’EXPÉRIENCE DE SCIENCES PHYSIQUES :

ARGUMENT SCIENTIFIQUE OU CONTRAT DIDACTIQUE ?

Olfa et Mohamed SOUDANI

IUFM de Lyon et LIRDHIST-UCB Lyon1

MOTSCLÉS : DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE CONCEPTIONS SCIENCES PHYSIQUES - CONTRAT DIDACTIQUE

RÉSUMÉ : Quelle conception de l’expérience l’école est-elle supposée transmettre aux futurs citoyens ? Selon la manière dont les enseignants conçoivent la science et son enseignement, le statut de l’expérience dans l’enseignement des sciences physiques en sera largement influencé. Quel impact cela peut-il avoir sur le statut de l’élève lors des séances de TP supposées favoriser l’apprentissage d’une démarche scientifique ?

ABSTRACT : What idea of the experience does school transmit to the future citizens ? According to the manner teachers conceive the science and its teaching, the experience status of the physical science teaching will be largely influenced. What impact can it induce on the status of the pupil during sessions of practical work which are supposed favouring the learning of a scientific method ?

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1. THÉORIE ET EXPÉRIENCE : QUELS RAPPORTS ?

Doit-on croire ce que l'on voit ou plutôt voir ce que l'on croit ? Autrement dit, la théorie découle-t-elle d’une observation neutre ou bien n’est-découle-t-elle que le reflet de nos a priori ? Bacon (Popper 1985), soutient que "la nature est un livre ouvert. Qui l’étudie avec un esprit pur ne saurait se méprendre.

Il succombera à l’erreur seulement si son esprit est entaché de préjugés". Par contre Liebig

(Hacking 1989) affirme de son côté que "Il n'existe pas de mode empirique de recherche au sens où

on l'entend d'habitude. Une expérience qui n'est pas devancée par la théorie, c'est-à-dire par une idée, a autant de rapport avec la recherche scientifique qu'un râteau d'enfant avec la musique". Si

sur le plan épistémologique le débat reste ouvert, qu’en est-il au niveau de l’enseignement des sciences physiques ?

2. QUELLE TRANSPOSITION POUR L’ENSEIGNEMENT ?

Les instructions officielles proclament que la physique et la chimie sont des sciences expérimentales et qu’il doit en être ainsi de leur enseignement. Pourtant, le « recours à l’expérimental » ne semble pas faire l’unanimité ni chez les épistémologues ni au niveau de la noosphère. La question qui se pose serait : comment les enseignants sont-ils censés interpréter ce recours à l’expérimental ? Et quel est l’impact de cette interprétation sur leur pratique ? Ce questionnement nous semble des plus importants étant donné que l’enseignant est l'interface entre la classe et la noosphère. C’est donc lui qui traduit les objectifs du système éducatif et qui véhicule une épistémologie implicite susceptible d’influer sur le rapport des élèves au savoir. "Si on a

conscience que toute réussite d'une innovation dépend d'abord des maîtres, si plus généralement on veut s'appuyer sur leur capacité d'innovation et leur initiative, il faut d'abord chercher à savoir ce qu'ils font vraiment, ce qu'ils disent, comment ils reprennent, rejettent ou transforment ce qui leur est proposé" (Martinand, 1986). La façon qu'ont les enseignants de "voir" le monde influence

inconsciemment leur façon de considérer les rapports entre les lois et les théories d'une part, l'observation et l'expérimentation d'autre part. Leurs pratiques s'en trouvent nécessairement influencées. C’est ce que nous avons tenté d’approcher à travers des questionnaires proposés à des enseignants que nous avons également observés lors de TP de physique et de chimie.

3. LES SÉANCES DE TP DE SCIENCES PHYSIQUES

3.1 Quel constat ?

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empirico-réaliste, axée sur des activités de transmission de concepts et de modèles et entretenant une pratique de la « devinette » et une pédagogie de la « réponse sans questionnement ».

Pour des fins pédagogiques, la transposition qui est faite de la démarche expérimentale véhicule une épistémologie inversée. En principe, l'enseignant construit son protocole expérimental à partir de résultats théoriques qu'il connaît déjà et qu'il désire illustrer à l'aide d’une manipulation. N'ayant pas les mêmes références cognitives, enseignant et élèves peuvent ne pas "voir" la même chose lors d'une même observation. Ils mobilisent des grilles de lecture différentes. "La distinction entre

phénoménologie et phénoménographie signale un des pièges majeurs pour les enseignants : les objets restant les mêmes, ils ne se rendent pas compte qu'eux-mêmes et les élèves ne les « lisent » pas de la même façon" (Martinand, 1994). Ce sont leurs conceptions qui constituent la "charge

théorique" mobilisée par les élèves pour l'interprétation de l'observation. Toutefois, l'enseignant est loin de vouloir (ou de pouvoir ?) interpréter sous cet angle l'échec éventuel de l'élève à rendre compte de la même interprétation lors de l'observation d'une expérience. Si l'on en croit les réprimandes des enseignants en TP, c'est plutôt la minutie de l'observation qui semble décisive.

3.2 Une fonction survalorisée de l’expérience de classe : « La monstration »

À elle seule, la monstration est supposée désigner les éléments pertinents pour la situation. Elle est supposée présenter un phénomène sans aucune ambiguïté possible : le message est clair et sans équivoque ; il est aisé à la classe de reconnaître, dans la monstration, le phénomène à étudier et d'y voir, "comme en filigrane" (Caillot, 1994), le concept ou la loi, "comme si les faits ou les données

de la tâche allaient transmettre d'eux-mêmes leur charge cognitive aux élèves" (Désautels et al,

1993). Elle tend à entretenir le mythe de l'évidence, laissant entendre par la même occasion que toute connaissance est ainsi « construite ».

4. CONCLUSION

La confrontation des « dires » des enseignants à leurs « faire » laisse entrevoir des incohérences et des réticences, révélatrices d’un conflit, d’un dérangement épistémologique. Cela provient, à notre sens, d'un malaise face à un domaine peu ou mal exploré par ces derniers, à savoir la recherche scientifique et les réflexions épistémologiques (Soudani, 1999).

Instaurer des démarches expérimentales qui se rapprochent de l'activité du chercheur nous semble indispensable, mais exige que les enseignants aient eu une initiation à la recherche (Vérin, 1998). Comment sinon initier les élèves à une démarche scientifique si l'enseignant lui-même n'a reçu qu’un enseignement exclusivement disciplinaire ? Peut-on donner ce qu'on ne possède pas soi-même ?

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la prise de conscience par les élèves de leurs limites, il nous semble urgent que la didactique en fasse autant pour les conceptions des enseignants. En l'absence d'une prise en compte explicite et critique des conceptions des enseignants, par les enseignants eux-mêmes, et en l'absence d'une confrontation à d'autres possibles, il est illusoire d'attendre que les enseignants adhèrent de leur propre chef aux innovations didactiques. Il est nécessaire que les enseignants et les futurs enseignants aient des occasions qui favorisent une remise en question de leur part de leurs propres conceptions et les problématisent. C'est à ce niveau que les propositions didactiques devraient venir heurter les conceptions des enseignants, leur faire prendre conscience des limites de leurs pratiques et de l'existence d'autres possibilités. C'est à ce niveau que les innovations doivent provoquer le dérangement épistémologique et tenter de briser le cercle vicieux "qui va du primaire à l'université

pour y revenir, lequel cycle assurerait la pérennité d'une certaine idée de science, tant dans l'institution scolaire que dans la société en général" (Desautels et al., 1993).

BIBLIOGRAPHIE

CAILLOT M., Des objectifs aux compétences dans l'enseignement scientifique : une évolution de vingt ans, in ROPPE F. et TANGUY L. (dir.) Savoirs et compétences. De l'usage de ces notions

dans l'école et l'entreprise, Paris : L'Harmattan, 1994.

DESAUTELS J., LAROCHELLE M., GAGNÉ B., RUEL F., La formation à l'enseignement des sciences : le virage épistémologique, Didaskalia, 1993, 1, 49-67.

HACKING I., Concevoir et expérimenter, Paris : Christian Bourgois, 1989.

MARTINAND J.-L., Connaître et transformer la matière, Berne : Peter Lang, 1986.

MARTINAND J.-L., Quels enseignements peut-on tirer des travaux dans la perspectives du développement de curriculum ? Notes pour la recherche, in MARTINAND J.-L. (dir.) Nouveaux

regards sur l'enseignement et l'apprentissage de la modélisation en sciences, INRP/LIREST, 1994.

POPPER K., Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique", Édition Payot, 1985 , 3e édition.

SOUDANI O., Analyse épistémologique et didactique de la démarche expérimentale en sciences

physiques. Mise en place d'une démarche hypothético-déductive en TP de 4e, Thèse de Doctorat, ENS de Cachan, 1999.

Références

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