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L'écriture universitaire dans la formation des enseignants de langues : des représentations aux pratiques

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Jun 2017

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L’écriture universitaire dans la formation des

enseignants de langues : des représentations aux

pratiques

Omaïra Vergara Luján

To cite this version:

Omaïra Vergara Luján. L’écriture universitaire dans la formation des enseignants de langues : des représentations aux pratiques. Linguistique. Université Sorbonne Paris Cité, 2016. Français. �NNT : 2016USPCF005�. �tel-01531929�

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Institut National des Langues et Civilisations

Orientales

École doctorale N°265

Langues, littératures et sociétés du monde

Laboratoire Pluralité des langues et des Identités : Didactique, Acquisition, Médiations

THÈSE

présentée par

Omaira VERGARA LUJÁN

soutenue le 5 septembre 2016

pour obtenir le grade de Docteur de l’INALCO

Discipline : Sciences du langage - linguistique et didactique des langues

L’écriture universitaire dans la formation des enseignants

de langues : des représentations aux pratiques

Thèse dirigée par :

Claire BOURGUIGNON Professeure émérite, INALCO RAPPORTEURS :

Lucile CADET Professeure des universités, ESPE/Université Paris Est Créteil

Sophie BABAULT Maître de conférences HDR, Université Lille 3

MEMBRES DU JURY :

Claire BOURGUIGNON Professeure émérite, INALCO

Céline PEIGNÉ Maître de conférences, INALCO

Lucile CADET Professeure des universités, ESPE/Université Paris Est Créteil

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REMERCIEMENTS

Je remercie madame Claire Bourguignon pour la confiance qu’elle m’a témoignée dès le début en acceptant la direction de ce travail de thèse, pour ses conseils et ses relectures qui m’ont permis de préciser mon propos.

Je remercie les membres du jury qui ont accepté aimablement de lire mon travail.

Je tiens à remercier l’École de sciences du langage de l’Université del Valle, ses étudiants et ses professeurs. C’est en tant que membre de cette communauté que j’ai eu l’occasion de remettre constamment en question mon rapport à l’écriture et à son enseignement, ainsi que de constater l’intérêt de l’écriture universitaire comme objet d’études. Je remercie les étudiants d’avoir accepté de participer de l’enquête et des observations ainsi que de demander, dès qu’ils avaient l’occasion, comment allait mon travail. Je remercie également les collègues de leur participation généreuse, ceux qui m’ont consacré du temps pour me livrer leurs expériences et leurs points de vue et ceux qui se sont intéressés à la progression de mon travail. Mes étudiants et mes collègues m’ont fait reprendre conscience de la responsabilité que j’ai envers la licence, sans eux ce travail n’aurait pas pu être réalisé.

Un merci tout spécial à mes collègues Martha Berdugo, qui m’a toujours encouragée à entreprendre des études de doctorat et qui m’a fait croire que c’était possible d’y parvenir, à Elizabeth Lager présente dès la genèse même de cette entreprise et avec qui j’ai pu partager les bonheurs et les doutes de l’écriture, à Carmen Faustino, garante solidaire et amie fraternelle. Un grand merci à tous les amis qui m’ont encouragée, soutenue et qui, surtout, ont cru en moi.

Je tiens également à exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à ma famille de m’avoir soutenue pendant ces années d’études. À mes parents toujours bienveillants, même si je les ai un peu délaissés, à Mauricio pour sa solidarité et son soutien affectif indéfectible, à Rosana et Carlos pour mettre en épreuve leur patience enfantine en attendant maman.

Finalement, un tel projet n’aurait pu voir le jour sans support financier. J’exprime ma gratitude à l’Université del Valle ainsi qu’au Programme de formation doctorale de l’Ambassade de France, ASCUN, Colfuturo et le ministère colombien de l’Éducation nationale.

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ... II SOMMAIRE ... III

INTRODUCTION ... 1

PARTIE I : L’ÉCRITURE UNIVERSITAIRE AU CARREFOUR DE TROIS ORIENTATIONS DE RECHERCHE ... 6

CHAPITRE 1 :DES RECHERCHES EN ÉCRITURE AUX LITTÉRACIES UNIVERSITAIRES ... 8

L’horizon anglophone ... 9

L’horizon francophone ... 19

L’horizon hispanophone ... 26

Synthèse ... 41

CHAPITRE 2 :L’ÉCRITURE DANS LA FORMATION PROFESSIONNELLE À L’ENSEIGNEMENT DE LANGUES ... 44

Écriture et culture professionnelle ... 46

Écriture en langues étrangères ... 59

Synthèse ... 83

CHAPITRE 3 :QUELQUES NOTIONS CLÉS ... 86

Qu’est-ce donc l’écriture académique ? ... 87

Représentations sociales ... 94

Rapport à l’écriture ... 101

Synthèse ... 105

PARTIE II : UN TERRAIN ET DEUX DÉMARCHES EN COMPLÉMENTARITÉ ... 107

CHAPITRE 4 :LA DÉMARCHE ETHNOGRAPHIQUE ... 108

De l’ethnographie à l’ethnographie éducative ... 108

Positionnement du chercheur ... 111

De la définition des instruments à l’analyse des données ... 114

Synthèse ... 127

CHAPITRE 5 :LA DÉMARCHE DE RECHERCHE-ACTION ... 130

La recherche-action en didactique de langues... 130

Étapes de la recherche-action ... 133

Synthèse ... 137

CHAPITRE 6 :LE TERRAIN DE LA RECHERCHE ... 139

Formation des enseignants en Colombie ... 139

La Licence en langues étrangères de l’université du Valle ... 141

Synthèse ... 155

PARTIE III : DES REPRÉSENTATIONS AUX PRATIQUES ... 156

CHAPITRE 7 :REPRÉSENTATIONS D’ÉCRITURE ACADÉMIQUE À TRAVERS UNE DÉFINITION ... 158

Le descripteur-représentation ... 160

Contraintes : les normes et la méthodologie ... 163

Contexte : un lieu commun ... 165

Contenu : lié à discipline ... 167

Fonctions : la disparité ... 169

Conclusions et possibles implications didactiques ... 173

CHAPITRE 8 : LE TRIPLE RAPPORT DES ÉTUDIANTS À L’ÉCRITURE ... 177

L’investissement ... 181

Les opinions et les attitudes ... 189

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Conclusions et possibles implications didactiques ... 218

CHAPITRE 9 :LE RAPPORT DES PROFESSEURS À L’ÉCRITURE ... 222

L’investissement ... 224

Le rapport aux langues ... 225

Capacité pour écrire et préférence de langue ... 226

Autoperception en tant que scripteurs ... 229

Fréquence dE L’écriture... 231

Les opinions et les attitudes ... 234

Les conceptions et les représentations ... 256

Conclusions et possibles implications didactiques ... 265

CHAPITRE 10 :TROIS REGARDS SUR LES PRATIQUES ... 269

Les pratiques à travers les discours ... 271

Pratiques déclarées vs pratiques observées... 275

Les pratiques en action ... 279

Conclusions et possibles implications didactiques ... 296

PARTIE IV : UNE PROPOSITION D’ACTION DIDACTIQUE ... 300

CHAPITRE 11 :UN OUTIL POUR L’ACTION ET LA RÉFLEXION... 302

Qu’est-ce qu’un référentiel ? ... 304

Démarche de construction ... 306

Description de l’instrument ... 309

Mise en évaluation ... 313

Synthèse ... 315

CHAPITRE 12 :UNE VALIDATION COLLABORATIVE ... 316

Évaluation du référentiel ... 317

Réflexion sur la didactique de l’écriture ... 326

Évaluation de la démarche ... 335

Conclusion et implication didactiques ... 338

CHAPITRE 13 :POUR UNE DIDACTIQUE DE L’ÉCRITURE ... 341

Une question centrale ... 342

Des repères théoriques et méthodologiques ... 344

Un dispositif pour une construction collective ... 353

Synthèse ... 355

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 357

BIBLIOGRAPHIE ... 363

INDEX DES AUTEURS ... 378

LISTE DE TABLEAUX ... 381 LISTE DE FIGURES ... 381 LISTE D’ANNEXES ... 382 ANNEXES ... 383 TABLE DE MATIÈRES ... 415 RÉSUMÉ ... 419

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INTRODUCTION

L’éducation supérieure est confrontée à de nouveaux défis à cause de l’amélioration des conditions des échanges académiques et de la création de réseaux académiques interinstitutionnels dans le domaine international. L’insertion, entendue comme la participation effective des individus et des institutions dans les cultures académiques, dépend alors du développement des compétences communicatives et de la contribution apportée aux discours et aux savoirs dans les différentes disciplines par ces communautés. La consolidation d’une culture académique pour l’appropriation, la production et la divulgation de la connaissance constitue l’une des principales préoccupations des universités latino-américaines.

Étant donné que l’écriture est à la fois un outil d’apprentissage, de construction de la pensée, de transmission des savoirs et de construction identitaire, le défi que représente la consolidation d’une culture académique place l’écriture universitaire au centre du processus. Dans les études supérieures, de solides compétences en lecture et en écriture s’avèrent nécessaires, voire indispensables pour le partage et la diffusion des connaissances, l’insertion dans la communauté scientifique et la mobilité éducative et professionnelle. Le développement de la compétence à produire des écrits, compétence qui permettra aux étudiants d’accéder à la culture académique et de s’insérer professionnellement dans des communautés plus larges, suppose une intervention didactique en écriture académique universitaire dans la langue maternelle et au moins dans une langue étrangère. Or, l’élaboration de propositions didactiques conformes à ces attentes requiert un travail important pour cerner au plus près les besoins, les possibilités et les limites de cette didactique dans des contextes particuliers déterminés par les disciplines.

Cette thèse de doctorat présente une étude de terrain effectuée dans un programme de formation d’enseignants de langues au sein d’une université colombienne. Dans cette licence, l’apprentissage des deux langues étrangères (anglais et français) se déroule parallèlement à la formation professionnelle et dans des conditions d’égalité quant au

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nombre de cours et d’heures tout au long du cursus. L’autoévaluation du programme a montré quelques déficiences en relation étroite avec les niveaux de compétences en écriture atteints à la fin de la formation. Le déséquilibre entre le niveau requis et le niveau obtenu nous oblige donc à repenser l’écriture – aussi bien ses contenus que ses pratiques – afin de promouvoir la participation effective des étudiants et des jeunes professionnels dans les pratiques discursives des communautés académiques.

Nous partons de l’hypothèse qu’en didactique de l’écriture, les histoires personnelles et l’interprétation que font les participants des objets et des pratiques doivent d’être reconnus dans l’élaboration et la mise au point des dispositifs de formation. Cela est dû au fait que cet ensemble de phénomènes détermine des systèmes d’idées qui à leur tour génèrent les conditions favorisant ou contrecarrant la mise en place d’actions, dans ce cas d’actions didactiques. Il est donc important d’identifier les caractéristiques des professeurs et des étudiants, leurs besoins et leurs profils académiques et professionnels ainsi que de décrire les pratiques pédagogiques installées. Puisque les programmes responsables de la formation des enseignants ont une grande responsabilité vis-à-vis du développement des compétences langagières dans tous les niveaux de l’éducation, la mise en place d’une didactique de l’écriture universitaire dans une licence de formation d’enseignants de langues est un choix stratégique. En effet, les étudiants de notre licence seront des enseignants de langues chargés d’orienter les processus de littéracie des futures générations d’étudiants.

L’enjeu de la réflexion est donc la didactique de l’écriture dans les cursus de formation à l’enseignement de langues. Dans la licence choisie comme terrain d’études, nous cherchons à identifier le rapport à l’écriture des professeurs et des étudiants, le rapport à l’enseignement et à l’apprentissage des langues et de l’écriture. Nous cherchons à repérer l’importance de l’écriture académique dans la formation scientifique et dans la production et la diffusion des savoirs, ainsi que celle des pratiques d’enseignement. Pour ce faire, nous adoptons une perspective émique et un mode de recherche descriptif et interprétatif au moyen de données empiriques obtenues avec une enquête, des entretiens et des observations de classes. Cette perspective peut se justifier non seulement à cause des avantages qu’elle offre quand il s’agit de mieux comprendre et de décrire des

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phénomènes dans des contextes éducatifs, mais aussi à cause de la portée des résultats escomptés qui devraient permettre d’ouvrir d’autres voies d’investigation pour aboutir à des propositions didactiques concrètes. Une connaissance en profondeur de l’état de l’enseignement de l’écriture académique universitaire et des représentations qui lui sont liées permettrait la construction de propositions didactiques en adéquation avec les besoins et les spécificités du contexte. Nous proposons aussi une visée praxéologique : la description nous a amenée à réaliser une intervention participative dans le but de sensibiliser les professeurs au besoin de travailler ensemble et d’établir des directives pédagogiques fondamentales pour l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture académique universitaire dans la formation des enseignants de langues.

Cette thèse s’organise en quatre parties. Chacune d’entre elles se subdivise en plusieurs chapitres. La première partie aborde les champs d’études convoqués par la didactique de l’écriture universitaire située dans une formation d’enseignants de langues étrangères, elle comprend trois chapitres. Le premier chapitre est consacré à un panorama des études de littéracie universitaire qui adoptent comme objet d’étude la culture de l’écrit dans les études supérieures. Le deuxième chapitre situe l’écriture universitaire dans le contexte de la formation des enseignants de langues. Il présente les tendances de l’enseignement de l’écriture orienté par la formation professionnelle à l’enseignement et par la didactique des langues étrangères. Le troisième chapitre présente des notions essentielles pour l’élaboration de l’ensemble du travail.

La deuxième partie est dédiée aux démarches méthodologiques de construction et développement du travail et à au contexte de la recherche. À partir d’une démarche ethnographique, on aboutit à une recherche-action menée sur le terrain de la licence en langues étrangères. Le chapitre 4 présente la démarche ethnographique en éducation ainsi que notre positionnent en tant que chercheuse, la construction des instruments de collecte et d’analyse des données. Le chapitre 5 définit la recherche-action et met en relief la valeur et les caractéristiques associées à cette méthodologie dans notre contexte. Il présente aussi les étapes accomplies dans cette démarche. Le chapitre 6 présente le contexte général de la formation des enseignants de langues en Colombie et le contexte plus particulier de la licence en étude.

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La troisième partie du travail présente le compte-rendu analytique de la recherche entreprise sur le terrain. Cette partie structurée en quatre chapitres essaie d’établir l’état de la didactique de l’écriture académique universitaire dans le contexte étudié. Le chapitre 7 explore les représentations de l’écriture académique universitaire à travers les définitions recueillies auprès de 248 participants. Le chapitre 8 place le rapport à l’écriture des étudiants dans une triple dimension en tenant compte des répertoires linguistiques et culturels qu’ils construisent dans le cadre de leur formation en tant qu’usagers des langues et futurs enseignants. Le chapitre 9 approfondit l’étude du rapport des professeurs à l’écriture en explorant l’expérience personnelle d’apprentissage, l’exercice actuel de l’écriture et le rapport à son enseignement. Pour finir cette partie, le chapitre 10 analyse les pratiques d’enseignement de l’écriture à travers les discours des professeurs et les observations directes des cours. Les pratiques sont ainsi étudiées depuis des perspectives diverses. À travers ces quatre chapitres, la démarche ethnographique permet de construire une vue d’ensemble qui met en évidence le besoin d’intervention afin de construire une didactique des littéracies universitaires.

La quatrième et dernière partie de ce travail comprend trois chapitres. Elle est consacrée à la présentation des résultats de l’intervention réalisée à travers la recherche-action. Il s’agit d’un premier cycle de recherche-action menée dans le but de sensibiliser les professeurs au besoin d’entreprendre un travail de plus grande portée en didactique de l’écriture. Le chapitre 11 décrit la construction et l’évaluation d’un référentiel de compétences pour l’enseignement-apprentissage de l’écriture académique à l’École de sciences du langage. Le chapitre 12 présente le compte-rendu analytique de l’expérimentation de recherche-action. Ces résultats sont pris en compte en ce qui concerne l’évaluation du référentiel, la réflexion des sujets sur les pratiques d’enseignement de l’écriture et sur le besoin d’y intervenir pour les faire évoluer. La fin de ce chapitre montre une évaluation de la recherche-action afin de reconnaitre ses avantages et la possibilité de son utilisation dans le futur. Finalement, le chapitre 13 dégage des pistes potentielles d’investigation et propose une démarche de recherche-action comme moyen de formation continue des professeurs universitaires. Cette formation serait orientée vers la mobilisation d’approches didactiques des littéracies universitaires dans le contexte de formation des enseignants des langues.

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L’apprentissage et l’enseignement de l’écriture des textes académiques en langue maternelle et en langue étrangère à l’université constituent un enjeu important. Nous proposons de faire évoluer les pratiques vers un enseignement de l’écriture académique située et transversale à la formation des enseignants de langues. À long terme, nous espérons que cette recherche nous permettra de mettre en place des projets pédagogiques et des recherches-actions participatives et collaboratives portant sur les littéracies universitaires.

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PARTIE I : L’ÉCRITURE UNIVERSITAIRE AU CARREFOUR DE

TROIS ORIENTATIONS DE RECHERCHE

L’écriture universitaire peut être comprise comme une compétence ou comme un objet d’enseignement et d’apprentissage, comme un outil de formation ou de transformation identitaire, comme un processus ou comme un moyen de construction et de communication de la pensée. Nous la considérons ici en tant que notion-objet pour la placer à l’intersection de trois orientations de recherche qui traversent la formation des enseignants de langues. En choisissant comme lignes de force les littéracies universitaires, la didactique des langues étrangères et la formation d’enseignants, nous prétendons discerner une confluence de notions clés pour la construction et l’élaboration de notre travail.

Dans cette première partie, nous présentons d’abord les champs d’études convoqués par la didactique de l’écriture universitaire située dans une formation d’enseignants de langues étrangères et des notions clés pour l’élaboration du travail. Trois champs d’études ont été retenus : les littéracies universitaires qui prennent pour objet la culture de l’écrit dans les études supérieures avec ses multiples facettes, la formation d’enseignants et la didactique des langues. Trois notions clés extraites des champs présentés terminent cette première partie.

Le premier chapitre présente un panorama des études de littéracie universitaire : recherche autour des écrits, de l’écriture et de sa présence dans différents horizons géographiques de l’éducation supérieure. Nous avons défini trois horizons en concordance avec les langues du cursus qui est notre terrain d’études : l’anglais et le français comme langues étrangères et l’espagnol langue maternelle nous mènent à discerner un horizon anglophone, un horizon francophone et un horizon hispanophone. Le deuxième chapitre explore les tendances de l’enseignement de l’écriture dans la formation des enseignants de langues. En premier lieu, nous présentons l’écriture en formation professionnelle à l’enseignement. Il s’agit ici de trouver les relations entre les orientations théoriques de la formation à l’enseignement et l’importance accordée aux pratiques

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scripturales de et pour la formation. En second lieu, nous présentons l’écriture en langue étrangère, objet de la didactique des langues étrangères, contenu et objectif disciplinaire de la licence en étude. Le troisième chapitre définit des notions/concepts1 en provenance des orientations présentées dans les deux chapitres antérieurs et dont nous nous sommes servie pour construire nos hypothèses de travail, entreprendre les analyses et avancer la proposition de réponse aux besoins identifiés. Il s’agit de l’écriture académique, des représentations sociales et du rapport à l’écriture.

1 Tout au long du travail nous utiliserons notion et concept au sens commun comme des synonymes. La

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CHAPITRE 1 : DES RECHERCHES EN ÉCRITURE AUX LITTÉRACIES UNIVERSITAIRES

Dans les sociétés modernes, l’un des principaux objectifs de l’école, si ce n’est le principal, a été de munir les individus de l’écriture en tant qu’outil culturel. L’écrit donne accès aux autres savoirs scolaires et tend le pont vers les différentes disciplines, patrimoine des sociétés humaines. L’écrit important en tant que technologie intellectuelle rend les individus autonomes pour aborder une quantité virtuellement infinie de savoirs. En cela, nul autre moyen ne peut substituer l’écriture. Les caractéristiques du discours oral, par exemple, limitent de manière importante la quantité d’informations qu’une personne peut recevoir, ne serait-ce que pour les conditions de temporalité. Dès l’école primaire et secondaire, les savoirs disciplinaires, à de différents niveaux de spécialité, se construisent, se sauvegardent et se mettent en circulation principalement par écrit. Les pratiques de l’écrit et de leur enseignement deviennent donc aussi incontournables dans la formation professionnelle dans tous les champs du savoir et des activités spécialisés.

L’importance primordiale de l’écrit pour ce qui est de la connaissance, la construction des individus et les sociétés a fait que les textes et l’activité d’écriture deviennent des objets d’étude en eux-mêmes. Néanmoins, malgré l’importance reconnue de l’écriture dans l’institution éducative, la préoccupation pour la didactique de l’écriture dans les études supérieures ne date pas de beaucoup plus d’une trentaine d’années, pour les courants les plus anciens, et d’un peu plus de quinze ans pour l’Amérique latine. Le développement de la recherche sur l’écrit à l’université a été précédé par celui qui a eu lieu à l’école primaire et secondaire et a suivi un parcours similaire pour les objets concrets en étude ainsi que les approches conceptuelles et méthodologiques. En effet, on peut constater d’une part, un intérêt initialement centré sur la lecture, suivi plus tard par la vague actuelle d’études sur l’écriture. D’autre part, on observe une évolution des approches qui vont des processus individuels de cognition aux perspectives sociolinguistiques, aux perspectives socioculturelles et aux multimodalités, sans que cela signifie une progression linéaire, mais plutôt des emboitements progressifs et des complémentarités qui répondent aux nouvelles compréhensions des phénomènes sociaux

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et de leur évolution. Actuellement, l’existence d’une quantité importante de concepts et d’orientations de recherche qui dialogue dans des publications écrites et dans des rencontres académiques témoigne de l’intérêt croissant pour l’écriture à l’université.

Les perspectives disciplinaires et théoriques pour les études de l’écriture étant multiples, nous voulons adopter dans cette partie une perspective historique pour tracer un parcours de l’évolution de la recherche en écriture et de son arrivée dans l’éducation supérieure. Pour entreprendre ce voyage, nous tenons compte de trois horizons définis de la façon suivante : d’abord un recensement de la littérature en anglais rendant compte de l’origine et de l’évolution des études principalement aux États-Unis et en Angleterre. Cet horizon nous permet d’identifier une trajectoire plus longue et soutenue dans quelques régions ainsi que leur influence sur la recherche dans d’autres latitudes. Ensuite, un recensement d’auteurs francophones qui nous permet de comprendre les particularités du champ d’études des littéracies universitaires tel qu’il se constitue en France et en Belgique. Il nous permet aussi de mieux cerner les termes et les concepts en français, langue de la rédaction de notre travail. Notre itinéraire s’achève avec le parcours de l’horizon hispanophone afin d’explorer l’origine et l’évolution, plus récents, des études de l’écriture dans le contexte de l’université en Espagne et en Amérique latine. L’exploration de chacun de ces horizons est une description de l’évolution des études qui se présente en fonction de trois objectifs. Le premier est d’identifier des étapes et des tendances de la recherche en écriture ; le deuxième est de clarifier la notion de littéracies universitaires dans laquelle nous voulons inscrire notre proposition de recherche ; le troisième est de rendre compte de l’état de la question dans le contexte où nous voulons intervenir.

L’HORIZON ANGLOPHONE

Dans le contexte international, l’évolution des études portant sur l’écriture et son enseignement à l’université témoigne d’une grande influence anglo-saxonne. Nous prendrons le panorama anglophone comme point de départ, car il possède la tradition la plus longue et la mieux documentée. Il ne s’agit pas toutefois d’une frontière géographique

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stricte. L’anglais ici est plutôt une passerelle pour une revue des perspectives et des intérêts qui ont orienté dans le passé et orientent actuellement la recherche en écriture. Nous verrons principalement la tradition des États-Unis et celle de la Grande-Bretagne.

Selon Schultz (2006), entre 1900 et 1970 l’intérêt pour l’écrit était fortement déterminé par la grammaire et la rhétorique. L’analyse de textes modèles et des stratégies pour les reproduire avait une vocation prescriptive pour l’enseignement de la langue et des textes. La prise en considération de l’écriture en tant qu’objet d’étude empirique a marqué un virage décisif au début des années 70. D’après plusieurs auteurs (Nystrand, 2006 ; Schultz, 2006 ; Prior, 2006 ; Russell, 2012), c’est à partir de ce moment-là que la quantité et la diversité des publics universitaires ainsi que le nombre d’institutions ont augmenté de manière importante aux États-Unis2. Ces changements sociaux ont déclenché une remise en question de l’habileté d’écriture désormais analysée depuis la perspective du déficit des étudiants. Dans la plupart des cas, le besoin d’aider ce nouveau public à se mettre à niveau pour qu’il ne soit pas obligé d’abandonner les études aurait ouvert la voie à la recherche de solutions pour les insérer dans la communauté académique. Sous l’influence des disciplines comme la psycholinguistique et la psychologie cognitive, le regard sur l’écrit s’est dirigé vers les processus de composition et l’écriture a été comprise en tant que tâche individuelle et de résolution de problème. Le travail de Emig3 est largement reconnu comme ayant inauguré une perspective cognitive des études sur l’écriture avec une conception de cette dernière en tant que processus de composition.

L’étude des processus cognitifs des individus ne tenait pas compte du contexte social au-delà de la considération de la consigne d’écriture et des textes préalables. En suivant Nystrand (2006), sous l’influence des théories sociocognitives, les travaux de Hayes et Flower (1980, 1986, 1989 et 1990), de Shaugnessy (1977) et des Canadiens Bereiter et Scardamalia (1987, 1989) ont contribué à opérer un deuxième mouvement entre les années 70 et 80. L’importance du contexte dans l’activité d’écriture, la prise en compte des

2 Pour une révision en détail des transformations sociodémographiques des EU dans cette période voir

Nystrand (2006).

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types de tâches, des représentations et de leur rapport avec l’acte d’écriture se sont ajoutées aux processus de pensée des scripteurs. Le modèle formel de Flowers et Hayes (1980) comprenait les composantes et l’organisation du processus d’écriture. Avec ce modèle, il était possible d’identifier les caractéristiques des modes de composition des individus experts et de développer des stratégies pour les enseigner aux apprentis. C’est aussi dans les années 80 que se sont constituées les études de composition, appelées initialement composition theory, college composition ou writing studies. L’écriture est sortie du domaine des études de l’anglais, champ disciplinaire scolaire et universitaire auquel elle appartenait jusqu’alors, tout comme d’autres habiletés de la langue : la lecture, la grammaire, etc. (Donahue, 2008; Nystrand, 2006). Ces programmes de composition ont reçu une influence importante des programmes anglais dans lesquels avaient travaillé James Britton4 et Nancy Martin, qui ont, par la suite, intégré des universités nord-américaines où ils ont continué leurs recherches.

Nystrand (2006) signale que dès le début des années 1980, l’écriture était habituellement acceptée comme un processus dynamique de signification ; écrire est dorénavant considéré comme un acte social, comme l’a soutenu pour la première fois Shaughnessy (1977 dans Nystrand, 2006). L’anthropologie et la sociolinguistique ont contribué du point de vue épistémologique, théorique et méthodologique à cette vision de l’écriture qui concernait non la langue en tant que système, mais les discours et l’écriture en tant que pratiques sociales. Vers les années 1990, le modèle d’écriture est devenu plus complexe au fur et à mesure que le contexte prenait de l’importance. L’écriture, plus qu’une habileté, se concevait comme un acte social qui tissait des rapports entre les membres d’une communauté dans les différents contextes. Nystrand (1986, 1989) a proposé un modèle social interactif d’inspiration bakhtinienne5. Cette nouvelle perspective

4Plusieurs auteurs attribuent à Britton (1970) le début des mouvements WAC, WID aux État-Unis et des

Academic Literacies au Royaume Uni. Il montrait le besoin pour les étudiants d’écrire de textes fonctionnels

au sein des disciplines et le pouvoir épistémique de l’écriture. Selon Durst (2015), l’importance de Britton dans la constitution du champ d’études de composition est paradoxale car il s’intéressait au rôle du langage dans l’enseignement et l’apprentissage mais s’opposait à le considérer comme une discipline.

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connue comme socioculturelle s’est aussi inspirée des théories sociohistoriques, socioculturelle et de l’activité développées par des auteurs comme Vigostky, Luria, Leontiev, Engeström.

Deux mouvements pédagogiques et d’importants programmes ont été développés en parallèle à cette perspective de l’écriture : l’écriture dans toutes les matières (Writing Across de Curriculum-WAC) et l’écriture dans les disciplines (Writing in the disciplines-WID) stratégie née dans les années 70 en Angleterre pour aider à construire les contenus conceptuels et l’écriture à travers le curriculum. Il s’agit des manières d’enseigner les particularités des écrits dans les différentes disciplines. Ces deux mouvements se sont fortement développés aux États-Unis. De nombreux centres d’écriture ont aussi été créés. L’enseignement de la composition6 est devenu un plan d’envergure nationale : Le projet national d’écriture7 pour la promotion de la lecture et de l’écriture en tant que composante de la formation universitaire.

Selon Schultz (2006), le terme literacy, venu des études anthropologiques anglaises, se développe dans la décennie des 80 pour désigner les pratiques de lecture, d’écriture et d’oralité ainsi que leur relation avec les contextes sociaux, culturels, économiques, historiques et politiques. Il est parfois utilisé au pluriel pour rendre compte de la diversité de pratiques d’écriture à l’université et des relations de pouvoir impliquées (Lea & Street, 1998). Il est aussi employé pour faire référence aux dispositifs didactiques des institutions universitaires pour enseigner à écrire en accord avec les traditions des disciplines. Néanmoins, le terme le plus fréquemment utilisé dans la littérature des Amériques est encore aujourd’hui academic writing.

Dans ce modèle, l’écriture est plus qu’un mode de communication ; elle devient un véritable mode d’action sociale : elle modèle la construction d’un certain type de personnes, d’un certain type d’institutions et de cultures ; elle est entendue en tant que pratique étroitement dépendante de la culture institutionnelle et des disciplines

6 The composition studies 7 The National Writing Projet.

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(Bazerman, 1988 ; Russell, 1997) avec une hybridation entre école et lieu de travail (Prior, 2006). Les recherches s’intéressent à l’écriture dans une variété de contextes en dehors des institutions éducatives et explorent les dimensions sociales, historiques et politiques (Nystrand, 2006). Ce même auteur signale l’augmentation du nombre de recherches en Europe, ce qui a créé un panorama très varié du point de vue socioculturel.

En ce qui concerne la Grande-Bretagne, les études de l’écrit à l’université ont été initialement réalisées dans le champ de la didactique de l’anglais sur objectifs spécifiques. Dans ce courant, la linguistique appliquée a exercé une énorme influence, notamment ce qui concerne les théories de genre (Hyland, 1996 ; Swales, 1990, 2004). L’analyse de textes en tant qu’objets constituait un apport à la didactique de la langue, surtout celle de l’anglais langue étrangère, dans une perspective sociolinguistique. L’approche était normative : identifier les conventions avait comme propos d’intégrer cette connaissance aux pratiques et aux matériels d’enseignement pour aider les apprenants à devenir des experts. Lillis et Scott (2007) opposent à ce mouvement l’émergence des New Literacy Studies. Brian Street est amplement reconnu pour sa contribution à la conformation nettement socioculturelle de la recherche qui a déplacé le regard porté sur les textes vers les pratiques. Comme nous venons de le mentionner, dans cette perspective, la lecture et l’écriture sont considérées comme des pratiques sociales et culturelles qui sont donc situées dans des contextes spécifiques8 , avec des participants (réels et immanents) particuliers, contraints par des conventions sociohistoriquement élaborées. La position idéologique est très importante : « une position critique envers le discours dominant dans les médias et les institutions académiques qui souligne les déficits culturels de la population étudiante et fournit des outils pour regarder au plus près et interroger ces discours dominants » (Lillis & Rai, 2012, p.53).

8 En cela cette orientation converge avec les mouvements WAC et WID d’enseignement de l’écriture : les

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Unies à cette position critique, les notions théoriques liées au débat qui oposse une conception autonome de la littéracie à une conception idéologique (Lea & Street, 1998) 9 ont permis l’exploration de l’écriture avec la prise en considération de la nature éminemment socioculturelle des pratiques et des facteurs de pouvoir qui leur sont inhérents. Méthodologiquement, c’est l’anthropologie sociale qui explique la prédilection pour les démarches ethnographiques. La caractéristique principale de ces démarches est de mettre en valeur le point de vue des acteurs en proposant de comprendre l’activité selon leurs propres cadres et perspectives.

Les littéracies académiques ont conduit les recherches sur l’écrit et sa relation avec la culture à mettre l’accent sur les questions de pouvoir institutionnel, d’identité et de justice sociale en rapport avec l’activité d’écriture (Lillis, 2001). Lillis signale une « pratique institutionnelle du mystère » (1999, p. 144) pour ce qui concerne l’écriture exigée aux universitaires. Le fait que les constructions culturelles, c’est-à-dire les conceptions et les attentes autour de l’écriture, bien que partagées ne soient pas explicites dans la communauté, entraine une situation défavorable à l’insertion des étudiants en provenance des milieux qui ne sont pas familiers avec les conventions institutionnelles dominantes. Lillis et Scott (2007, p. 12) attribuent aux academic literacies une position idéologique qu’ils qualifient d’« explicitement transformatrice ». Les études explorent les difficultés des étudiants pour participer aux pratiques discursives, les perspectives des étudiants et des enseignants vis-à-vis des contenus et des exigences d’écriture dans l’enseignement supérieur. Brian Street (2001) en Angleterre et Kate Chanock (2003a, 2003b) en Australie dévoilent comment les différences entre la culture des professeurs et celle des étudiants sont source de conflit, car les attentes des uns et les réponses des autres ne coïncident pas. Cela va au détriment des étudiants à cause de la relation asymétrique de pouvoir entre les parties (Lea & Street, 1998 ; Lea & Street, 1999). C’est un enjeu important du fait que parmi les étudiants défavorisés, en plus de ceux qui proviennent de classes ouvrières sans antécédents universitaires, il se trouve des immigrants et des étrangers. Ceux-ci sont de

9 Alors que le modèle autonome suggère que la littéracie est une habileté stable, sans lien avec le contexte et

facilement transférable, le modèle idéologique accorde une importance majeure au contexte social et à la nature située des pratiques.

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plus en plus présents dans les universités des pays où l’éducation n’est pas étrangère aux politiques éducatives comme celles de la couverture éducative et de l’internationalisation. Même si l’université a été le lieu préféré des recherches en littéracies académiques, d’autres contextes éducatifs sont aussi explorés pour comprendre la signification des pratiques académiques tout au long de la vie des individus (Lillis & Scott, 2007).

L’évolution des perspectives que nous avons passées en revue pour la recherche en écriture n’est évidemment pas linéaire. Force est de constater, avec Nystrand (2006) par exemple, qu’une grande partie de la recherche en Europe entre la fin des années 80 et les premières années 2000 est encore plus cognitive que socioculturelle. Pourtant, à la même époque, Prior (2006) affirme que la théorie socioculturelle est la plus utilisée. Dans ce mouvement de la recherche qui est parti de la langue matérialisée dans les textes pour aller vers l’écriture comme fait culturel, la méthodologie a joué un rôle de premier ordre. Dès le début des années 70, la variété d’outils et de méthodes employées dans les études atteste une forte préférence pour les approches qualitatives. Pour parvenir à l’écriture en tant qu’action sociale, les recherches se sont inspirées des positionnements épistémologiques et théoriques ainsi que des outils méthodologiques de l’anthropologie et de la linguistique, intéressées par les pratiques culturelles quotidiennes des individus et des groupes, notamment les pratiques du langage avec l’ethnographie de la communication (Hymes, 1962 ; Gumperz & Hymes, 1964). Ces deux traditions allient cognition et culture, insistent sur la nature sociale de la langue écrite et renforcent l’importance des interrelations entre la langue orale et écrite centrées dans le contexte social des pratiques (Schultz, 2006). Les tendances des études les plus récentes continuent de montrer une préférence pour les procédés ethnographiques ; elles sont parfois menées par des chercheurs qui au départ étaient anthropologues (Chanock et Street, par exemple). La recherche-action a été utilisée comme méthodologie sous diverses latitudes pour construire et mettre en marche des programmes institutionnels qui s’attachent à intégrer l’enseignement de l’écriture à l’enseignement universitaire (en Australie Skillen et Mahony, 1997;en Norvège Dysthe, 1998, 2001; au Venezuela Espinoza et Morales, 2001, dans Carlino, 2005). Il est peut-être important de rappeler ici que la recherche-action est aussi reconnue pour son pouvoir de réflexion critique et les possibilités de transformation avec lesquels elle peut contribuer à outiller les individus et les groupes.

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Les études de l’écriture à l’université se sont également orientées vers la relation évaluation-écriture-apprentissage. Paula Carlino (2005 b) identifie deux groupes dans ces recherches. D’une part, il existe des recherches comme celles menées en Australie (Chalmers et Fuller, 1996 ; Biggs, 1996, 1998 et 1999) et en Angleterre (Gibbs et coll., 2003 ; Rust, 2002) qui montrent comment le paradigme de l’évaluation et de la certification définissent les contenus effectifs des formations. Les étudiants apprennent en fonction de ce qui va être évalué et écrivent pour pouvoir rendre compte de l’apprentissage. Les conclusions signalent que paradoxalement l’écrit qui est le moyen le plus utilisé pour l’évaluation n’est pas considéré en tant qu’objet d’enseignement ou d’apprentissage. On trouve d’autre part, les recherches qui analysent les formes d’évaluation de l’écriture qui sont utilisées par les professeurs universitaires et leurs effets sur la formation et l’apprentissage des étudiants (Spinks, 2000 ; Storch et Tapper, 2002 ; Woodward-Kron, 2004 ; Straub, 1997, 2000 ; Sommers, 1982 ; White, 1994 dans Carlino, 2005c). Kruse (2013) signale que l’écriture universitaire en Europe est un champ peu exploré, car cachée sous nombreuses langues et systèmes éducatifs. Il suggère que les modèles d’enseignement de l’écriture pour répondre aux multiples facteurs communs qui demandent des transformations sont à construire sans ignorer la richesse méconnue des traditions européennes dont il identifie et présente trois (la tradition française avec les genres type essai, la tradition anglaise avec le tutorat qui rapproche l’oral et l’écrit et la tradition allemande avec le séminaire). Cet auteur propose une alternative pour approcher le défi que signifie utiliser un langage partagé pour écrire et pour analyser l’écriture universitaire en Europe. Sa proposition nous fait penser à l’intérêt de garder une perspective socioculturelle pour la construction de la didactique des littéracies universitaires.

La vigueur et l’ampleur géographique de ce champ de recherches sont mises en évidence, entre nombreux autres travaux, dans le livre Writing Programs Worldwide.

Profiles of academic writing in many places (Thaiss et coll., 2012), ouvrage qui rassemble

des profils et des initiatives développées ou en cours de développement dans divers contextes institutionnels de 28 pays dans les six continents. Ces aspects apparaissent également dans le projet European Research Network on Learning to Write Effectively

(ERN-LWE) qui rassemble des chercheurs de 23 pays européens (Castelló & Mateos, 2015). C’est

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– EEEA10. Kruse (2013) fait également mention, pour ce qui concerne l’Europe, de quatre associations au niveau européen (Special Interest Group Writing, the European Association

for Research in Learning and Instruction-EARLI, European Association for the Teaching of Academic Writing -EATAW, European Writing Centre Association - EWCA), deux conférences

(Writing Development in Higher Education Conference en Angleterre et la Conference of the

Swiss Forum for Academic Writing, une annuelle et l’autre biannuelle), deux journaux et

autres initiatives qui ont contribué à la construction d’une base méthodologique et théorique pour la recherche et l’enseignement de l’écriture.

Malgré les manques et les terrains encore à défricher, l’analyse des publications ainsi que celle d’autres types de manifestations académiques 11 permettent de faire au moins trois constatations. D’abord, la recherche en écriture, et particulièrement en écriture dans les études supérieures, ainsi que les moyens pour l’intégrer dans les cours et les programmes sont présents un peu partout dans le panorama international depuis quelques années. Ensuite, l’état de la question et les implications qui en découlent coïncident dans plusieurs pays et institutions12 et finalement, l’écriture et son enseignement dans la formation académique et professionnelle se constituent en enjeux d’importance pour l’éducation supérieure13.

Pour terminer ce panorama des études anglophone, nous ne pouvons pas manquer de reconnaitre un dernier mouvement en pleine évolution. La nature sociale des pratiques d’écriture et de leur fonctionnement mis en relation avec l’oralité, les systèmes sémiotiques autres que le langage articulé, les modalités et les supports des nouvelles technologies de

10 European Writing Survey - EUWRIT

11 Comme les trois conférences internationales WRAB (2008, 2011 et 2014) de la Société internationale pour

l’avancement des recherches sur l’écriture (ISAWR) et Le projet International WAC/WID Mapping.

12 Signalons notamment une tendance à demander certains types d’écrits qui ne sont pas enseignés ; la

croyance que l’université n’est pas un lieu pour enseigner à écrire ; l’ignorance que les genres demandés à l’université sont particuliers aux disciplines et aux programmes d’études ; les différences de perceptions et d’expectatives entre professeurs et étudiants.

13 La création de centres d’écriture, de centres pour le développement professionnel, les reformes

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l’information et de la communication semblent à la fois demander et suggérer de nouvelles lignes de recherche pour les études de l’écriture. S’il est vrai que dans la formation universitaire, l’écrit est encore prépondérant par rapport à d’autres ressources concernant la construction de sens, la communication et l’évaluation de l’apprentissage, il est certain aussi et même inévitable que d’autres modes de signification et de communication ainsi que de nouveaux supports s’intègrent à la vie académique. Le terme littéracies multiples utilisé par The New London Group14 tient compte de la variété des formes que prend la littéracie à cause de la mondialisation, de la diversité culturelle et sociale en augmentation et surtout à cause des technologies (Cazden, Cope, Fairclough, Gee, et coll., 1996). Ce groupe a proposé un cadre pour décrire les activités d’identification, de lecture et de création de textes qui ont recours à des codes sémiotiques divers (audio, gestuel, linguistique, visuel, spatial...) et la multiplicité possible de combinaisons entre eux. Selon Kress (2010), les pratiques de communication sont passées du fait de lire et écrire à celui de concevoir et distribuer. Cela n’est pas sans effets dans les relations et les structures sociales :

Les textes multimodaux demandent de nouvelles manières de lire : la signification de chaque mode présent dans le texte (multimodal) doit être comprise de manière individuelle et dans la relation avec les autres modes présents pour produire une lecture d’ensemble cohérent. Les demandes d’écriture ont changé et se sont multipliées. Socialement, il y a maintenant une majeure diversité sociale et culturelle et des attentes vis-à-vis de la reconnaissance de cette diversité. Écrire aujourd’hui doit être considéré en relation avec l’audience, en relation avec les autres modes qui peuvent être présents dans l’ensemble textuel et avec leurs fonctions de communication. Écrire fait maintenant partie d’un effort de conception plus large et englobant de la fabrication de textes. (p. 6)

De nouvelles pratiques d’enseignement et d’apprentissage devraient correspondre aux transformations de l’écriture. Ces pratiques aussi se transforment et se diversifient par l’intermédiaire des nouvelles technologies. Il est clair, comme l’affirme Barré-De Miniac (2011), que l’audiovisuel et la diversité de supports technologiques multiplient et

14 Une équipe de dix chercheurs de différents domaines et pays anglophones engagés dans la collaboration

pour mettre en synergie leurs connaissances, leurs expériences et leurs positions dans le but de contribuer à optimiser les conditions de l’éducation.

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complexifient les usages de l’écrit, qu’il émerge de nouvelles formes et de nouveaux genres, que de nouveaux besoins s’ajoutent ou remplacent ceux déjà existants. Au premier abord, les pratiques discursives écrites les plus attestées à l’université semblent plutôt résister en ce qui concerne le code, cependant il surgit de nouvelles questions. En tout état de cause, en ce qui concerne les positionnements épistémologique et méthodologique, les nouveaux défis sont encore traités sous les perspectives des théories socioculturelles et critiques.

Jusqu’ici, nous avons identifié les traditions d’études d’écriture reconnues en provenance du monde anglophone. Nous avons compris le sens des influences qui se tissent dans le travail des chercheurs individuellement ou dans les initiatives à caractère interinstitutionnel et international. Nous avons aussi reconnu, entre autres, les dénominations academic writing, literacy et literacies que nous avons traduites par écriture académique, littéracie et littéracies dans le cadre de ce travail. Nous passons au panorama francophone pour caractériser les grandes lignes de ce mouvement dans d’autres pays et pour intégrer de nouvelles notions à notre recherche.

L’HORIZON FRANCOPHONE

Dans l’horizon francophone, nous proposons de considérer la France et la Belgique dont nous avons trouvé suffisamment de documentation. Nous ferons aussi mention des initiatives en cours au Canada. L’essor des recherches en relation avec l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture se produit dans les années 80 avec une notable augmentation depuis 1985 (Barré-De Miniac, 1995 ; Lahanier-Reuter & Delcambre, 2010). Les disciplines qui abordent l’étude de l’écriture conforment un territoire pluridisciplinaire et donnent un certain caractère à ce courant de recherche. Lahanier-Reuter et Delcambre (2010, p. 3) signalent que « l’analyse des pratiques d’écriture à l’université est, au sein des champs de recherche linguistiques et didactiques, un phénomène récent (et déjà complexe) ». Actuellement, la recherche en écriture prend sa place en tant que champ d’études et évolue en partageant ses caractéristiques avec d’autres traditions, mais aussi en conservant une identité propre. Pendant ce court survol, nous nous arrêterons sur les définitions de

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littéracies et de littéracies universitaires, concepts qui contribuent à contextualiser notre proposition de travail.

À première vue, nous pouvons identifier dans ce panorama des études sur l’écriture (en plus du fait qu’elles débutent postérieurement aux études anglophones) deux éléments importants. Premièrement, la longue dépendance de l’écriture comme sous-discipline du français en tant que discipline scolaire, deuxièmement, la nature des disciplines qui ont le plus contribué à la réflexion et à la constitution de l’objet en champ d’études. En effet, il est important de considérer que la didactique de l’écriture s’est façonnée dans les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire, qu’elle était inscrite sous l’enseigne du français qui tient une place importante dans le cursus scolaire en tant que discipline (Barré-De Miniac, 1995 ; Boch & Frier, 2012), sans oublier la didactique du français langue étrangère.

Jusque dans les années 80, l’écriture était un thème mineur en didactique de l’écrit. (Barré-De Miniac, 1995, p.94). Nous apprenons avec l’auteure que nous venons de citer que dès la fin des années 70 et le début des années 80, l’intérêt pour la recherche en écriture a surgi dans des « champs disciplinaires et des cadres théoriques dissociés ». Elle identifie trois axes de recherche : les recherches centrées sur le sujet, les recherches qui centraient les activités d’écriture sur le contexte historique et social et les recherches inscrites entre théorie et pratique, dans une ligne didactique. Les recherches placées dans le premier axe suivaient l’influence de la psychologie cognitive, de la psycholinguistique et de la psychologie génétique. Ces travaux ont contribué à la constitution de l’écriture en champs de recherche dans le même sens que celui que nous avons vu pour l’horizon anglophone. Les recherches situées sur le deuxième axe appartiennent disciplinairement à l’histoire et à l’anthropologie, à la sociolinguistique et à la sociologie dont elles se nourrissent du point de vue théorique et méthodologique. D’après Delcambre et Lahanier-Reuter (2012), cela correspond à la dimension culturelle et sociohistorique britannique présente dès la fin des années 70 (avec les travaux de Goody, 1979, 1986 ; De Certeau, 1990 et Chantier, 1980 dans Delcambre & Lahanier-Reuter, 2012). L’objet d’intérêt central de ces recherches s’est déplacé de l’enseignement de l’écriture vers les contextes et leur rapport avec l’apprentissage ; elles ont apporté aux didactiques et ouvert de nouveaux champs d’investigation. L’articulation de la psychosociologie et de la sociolinguistique revêt une

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importance particulière. Ces recherches se proposent comme objet les représentations que se font les scripteurs des pratiques, des situations et des contextes ; en même temps, elles ont fourni bon nombre de notions-outils15 pour les questionnements et les analyses qui en dérivent. Enfin, les recherches du troisième axe se caractérisent par leur relation directe avec les situations d’enseignement. Les travaux, qui présentent souvent des intersections avec les lignes de recherche antérieures, ont en commun le fait d’interroger les pratiques dans leur fonctionnement et d’intervenir à différents niveaux et avec des modalités diverses, parfois en modalité de recherche-action. Dans ce groupe, l’auteure classe les travaux qui considèrent l’écriture comme pratique sociale. Ces travaux abordent également la conceptualisation et l’appropriation de l’écriture, les procédures de travail des scripteurs, les types et genres de textes, l’articulation lecture-écriture, l’écrire pour apprendre, l’utilisation des nouvelles technologies, l’écriture en dehors de l’école. En 2002, Barré-De Miniac identifiait trois directions pour ces recherches : un courant cognitif s’intéressant à l’écrit comme transformateur de la pensée, un courant de description qualitative des pratiques dans les différents contextes et un continuum à travers l’éducation à tous les niveaux. Elle signalait que dans le niveau supérieur les littéracies étaient un secteur en émergence.

Les débats du début du siècle (Barré-De Miniac, 2003 ; Barré-De Miniac, Brissaud & Rispail, 2004 ; Chiss, 2004 ; Fijalkow & Vogler, 2000 ; Jaffré, 2004) tournaient plutôt autour de l’orthographe du terme littéracie16 et de sa réception que de la reconnaissance de son intérêt ou de la légitimité du terrain que l’on essayait de cerner. Aujourd’hui, un nouveau champ de recherche s’est constitué, avec une certaine flexibilité dans l’orthographe du mot, employé soit au singulier soit au pluriel. Ce nouveau champ prend sa place dans la

15 Les notions d’insécurité scripturale, de rapport à l’écriture, d’identité du sujet scripteur et d’identité

professionnelle.

16 Delcambre et Lahanier-Reuter (2012) qui ont travaillé dans la recherche sur l’écriture dans ses différents

aspects, ont proposé le terme littéracies universitaires pour désigner le champ de recherches qu’elles contribuent elles-mêmes à construire avec leurs programmes de recherche dans des laboratoires et des réseaux assez féconds

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didactique des langues (Blanchet & Chardenet, 2011 ; Delcambre & Lahanier-Reuter, 2012 ; Pollet, 2012 ; Reuter, 2012).

Comme on peut le voir, depuis le départ, les littéracies se construisent à l’intersection de plusieurs disciplines et elles restent aujourd’hui pluridisciplinaires. Chiss (2004) définit la littératie comme un lieu transdisciplinaire (dont le centre est l’enseignement/apprentissage de la lecture et de l’écriture) où se gèrent les tensions entre cognition, savoirs sur les dimensions culturelles, savoirs sur les dimensions éducatives et spécificités linguistiques des objets traités. Pour sa part, Fijalkow, Fijalkow et Pasa (2004, p. 53) le présentent « comme un concept capable de circonscrire de manière économique un champ de recherches et de pratiques aux contours variables, en fonction des choix théoriques de ceux qui le travaillent et qu’il travaille d’ailleurs en retour ». Selon Lahanier-Reuter et Delcambre (2010), les littéracies sont un domaine nécessairement pluridisciplinaire : la didactique apporterait des concepts et des méthodes et la linguistique des méthodes et des concepts d’analyse des textes. Reuter (2012) attire particulièrement l’attention sur cette condition. Cet auteur reconnait les contributions de disciplines comme l’histoire de l’éducation, la sociologie, l’anthropologie, les sciences du langage ou la psychologie. Cependant, il signale des limites concernant les questionnements de ces disciplines, leurs analyses des éléments isolés du contexte, les dissociations qui mésestiment la part du langage dans la structuration des savoirs et dans les pratiques d’enseignement-apprentissage et à la non-articulation des éclairages disciplinaires multiples. Ce sont autant de raisons pour lesquelles Reuter défend la didactique comme un terrain apte pour avancer les recherches en littéracies. Pour lui, les articulations entre contenus, enseignement et apprentissages, d’une part, et entre contenus et pratiques langagières, d’autre part, sont fondamentaux pour la didactique. Selon lui, ce fait marque deux différences majeures par rapport aux autres disciplines et justifie l’inscription des littéracies au sein de la didactique et de son projet de connaissances. Cependant, Reuter avertit aussi sur les difficultés de la démarche en didactique. Par exemple, il trouve qu’il est difficile de réussir une collaboration effective entre les disciplines, car il existe la tendance à la juxtaposition d’interventions sans reconnaissance mutuelle.

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En ce qui concerne l’origine de l’intérêt pour l’écriture à l’université et selon Lahanier-Reuter et Delcambre (2010), c’est vers la fin des années 90 que se situent les débuts de ces études. Ces auteures identifient deux vecteurs de développement : d’un côté, celui des recherches sociologiques sur les universités (ouvrage de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron) qui depuis le début de cette décennie, étudiait la vie, les conditions matérielles et les aspects sociaux politiques liés à la massification des études supérieures. D’un autre côté, on trouve celui des études psychologiques portant sur les activités cognitives et métacognitives des étudiants. Lahanier-Reuter et Delcambre (2010) reconnaissent que la didactique du français et les sciences du langage ont réalisé des travaux en littéracie dans d’autres niveaux éducatifs et que des recherches sociologiques et psychopédagogiques se sont occupées antérieurement des pratiques d’étude à l’université. Cependant, elles associent les études de littéracie dans ce contexte à la didactique comme discipline et les situent vers la fin des années 9017. Selon ces auteures « Depuis la fin des années 90, en France et en Belgique, des chercheurs, linguistes ou didacticiens, travaillent à analyser et décrire les difficultés des étudiants face à l’écriture (et face à la lecture), qu’elle soit académique ou de recherche » (p. 2). Elles signalent aussi une augmentation de manifestations scientifiques (ouvrages, revues, colloques) qui attestent de la conformation d’un vrai champ de recherches.

D’après ces auteures et d’autres comme Donahue (2008), il n’y aurait pas de point de comparaison entre les littéracies universitaires et les études de composition américaines, car ces dernières n’existent pas en France, le français n’étant pas une discipline à l’université au même titre que l’anglais dans les universités nord-américaines18 . Il y a d’autres différences importantes entre la recherche française en écriture et celle des

17 En 1995, dans un recensement assez minutieux des recherches centrées sur les écrits et l’écriture et dans

le cadre des différentes sciences sociales (Barre-De Miniac, 1995), l’écriture universitaire n’est abordée que très tangentiellement, et seulement du point de vue de son intersection avec les écrits professionnels.

18 « Aux Etats-Unis le champ des Composition Studies s’est constitué en rupture avec le champ de

l’enseignement de l’anglais comme discipline scolaire et universitaire. Sa dénomination, qui était à l’origine

Composition Theory, a eu cette fonction de démarcation et d’identification d’un nouveau champ ». (Donahue,

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Unis selon Russell (2012, p. 31). D’une part, l’ancrage disciplinaire dans la didactique, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis où cette recherche appartient à « une variété de pratiques éducatives au sein de plusieurs disciplines », d’autre part, l’intérêt pour la mise en place des dispositifs d’enseignement19. La recherche en France et en Belgique aurait plutôt reçu l’influence des academic literacy anglaises comme le suggère Pollet (2012).

Le cadre le plus général des études de littéracie à l’université est constitué par la relation entre écriture et construction de savoirs. C’est dans ce cadre que l’on s’interroge sur les pratiques et les difficultés de lecture et d’écriture des étudiants face aux savoirs disciplinaires. Par conséquent, l’objectif de la didactique de l’écriture à l’université est de prendre les disciplines comme point de référence pour analyser les pratiques et les représentations et aborder les pratiques d’écriture. Ces dernières étant considérées comme les discours qui caractérisent les programmes et qui détiennent les clés pour la compréhension des codes et des modes implicites de réflexion à l’intérieur de chaque discipline. Delcambre et Lahanier-Reuter (2012, p. 6-7) définissent les littéracies comme :

des pratiques (de lecture et/ou d’écriture) situées, mettant en jeu des outils (matériels ou intellectuels) et des opérations (d’inscription, de décontextualisation...), tributaires de l’histoire des institutions et des sujets, et sujettes à des variations selon les contextes géographiques, historiques, culturels, institutionnels où elles se déploient. Et puisqu’il s’agit ici particulièrement de littéracies universitaires, nous spécifions que les contextes diffèrent également selon les fonctions des écrits étudiés (évaluation, transcription à usage personnel, construction de connaissances, etc.) et selon les disciplines universitaires.

Selon Delcambre et Reuter (2010), la recherche française sur l’écriture à l’université est hétérogène et reflète des contrastes que ces auteurs attribuent aux pratiques pédagogiques universitaires et aux tendances de la didactique de l’écriture. De leur point de vue, il y a une coexistence d’approches basées sur des techniques de production et d’approches basées sur la didactique. Les premières font référence à la conception dominante des années 70 qui porte un regard transversal sur l’écriture et cherche à améliorer les habiletés communicatives sans tenir compte des disciplines, son but étant

19 Dans la tradition américaine, les dispositifs de littéracie universitaire sont en place depuis longtemps (WAC,

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d’éviter l’abandon scolaire20 . Les secondes, basées sur la didactique, s’orientent vers l’analyse et la description des difficultés des étudiants face à l’écriture en tenant compte des disciplines et du type d’écriture, avec un intérêt marqué pour la théorisation de l’écriture dans les études universitaires en tant que formatrice de l’identité des acteurs et des institutions. Les travaux interrogent concrètement les relations entre écriture et construction de connaissances (Barré-De Miniac et Guernier, 2009), les représentations que se font les étudiants des activités d’écriture et des écrits (Delcambre et Reuter, 2002 ; M-C Pollet, 2004), les difficultés avec certains genres textuels, le positionnement des sujets et la construction d’identité (Crinon et Guigue, 2002 ; Delcambre, 2007 ; Pollet et Piette, 2002). La prise en compte des disciplines, telle qu’elle est spécifiée dans la définition de littéracies universitaires, est présente dans les problématiques. Cette présence souligne le caractère culturel et situé qui est attribué par la perspective socioculturelle aux activités scripturales (Daunay & Treignier, 2004 ; Guern, 2012 ; Lahanier-Reuter & Delcambre, 2010 ; Lillis & Rai, 2012).

Sur les mêmes lignes théoriques ci-haut exposées et dans une perspective didactique, nous retrouvons au Canada « un large programme de recherche en cours depuis quelques années à propos du développement de la compétence d’écriture tant en langue première qu’en langue seconde et étrangère dans des contextes variés » (Dezutter, 2015). Il s’agit de recherches interinstitutionnelles qui se posent comme objectif de contribuer aux littéracies universitaires en matière de théorie et de pratiques dans de différentes langues. Ces recherches adoptent une perspective comparative et rendent compte de l’état de la situation dans de différentes institutions. Elles identifient des pistes d’action dans les différents contextes. Elles conçoivent des pratiques de formation et du matériel pour la formation des étudiants et des formateurs dans le but de contribuer à la formation des étudiants universitaires en ce qui concerne la maitrise des différents genres écrits. Les genres visés sont ceux demandés dans les cursus universitaires pour favoriser la réussite et l’intégration dans la communauté universitaire et scientifique.

20 Les auteurs citent en exemple l’initiative en vigueur depuis 2008 : « Réussir en Licence ». Boch et Frier

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