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Attribution de notes et débat de normes dans la formation des chargés d'enseignement du supérieur

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Academic year: 2021

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Nicole Mencacci MCF HdR

ADEF, Aix Marseille Univ, Marseille, France.

Attribution de notes et débats de normes dans la formation de chargés d’enseignement du supérieur

Résumé : l’article s’intéresse aux situations authentiques d’attribution de notes dans le cadre de la formation à l’évaluation des chargés d’enseignement du Centre d’Innovation Pédagogique et d’Évaluation (CIPE) d’Aix-Marseille Université (Mencacci, 2014). Elle met en évidence la mise en œuvre des débats de normes (Schwartz, 2009) entre normes standardisées et normes hors-dispositif rencontrées ou privilégiées par l’évaluateur à l’examen d’une production. Ces débats de normes sont à l’origine d’écarts entre les notes, au même titre que les effets psychologiques étudiés par Bonniol (1972) Noizet & Caverni (1978), Gilly (1980) et Abernot (1996).

Introduction

Du début du siècle passé jusqu’à nos jours, l’évaluation scolaire a été l’objet de nombreux travaux, principalement en Europe, aux USA et au Canada. Depuis les études de Piéron (1922) sur le Certificat d’Études en France, puis celles de Laugier & Weinberg (1936) sur les méthodes des examens et concours pour le compte de l’enquête internationale de la Fondation Carnegie à New York, en passant par celles de Leclercq, Nicaise & Demeuse (2004) sur la docimologie critique, jusqu’à celles récemment publiées à partir des conférences sur l’évaluation scolaire (Merle, 2018), les difficultés d’attribuer des notes et le manque de fiabilité de la notation sont régulièrement pointés et réinterrogés. Un point y est notamment examiné : l’importante dispersion des notes qu’entraîne la multi-correction de copies d’examen de disciplines différentes, malgré un barème précis et identique pour tous les évaluateurs. L’objet de l’article est d’une part de mieux comprendre ces divergences de notation, avec pour perspective d’améliorer la fiabilité de l’évaluation par le biais de l’analyse du travail de l’évaluateur et d’autre part de mettre ces analyses au service de la formation.

Les travaux sur la psychologie de l’évaluation scolaire

Pour ce faire, l’article a fait le choix de revisiter d’abord les recherches en psychologie de l’évaluation scolaire de Bonniol (1972), de Noizet & Caverni (1975, 1978), de Gilly (1980) et d’Abernot (1996). Car ces travaux intéressent notre propos en ce qu’ils ont visé la connaissance et l’analyse « des processus cognitifs mis en œuvre par l’évaluateur [lesquels ont permis la construction d’] un modèle général du fonctionnement de l’évaluation. » (Noizet, & Caverni, 1978, p. 10).Ils ont eu pour résultat la mise au jour, d’une part d’un modèle de référence de l’évaluateur, et d’autre part d’effets psychologiques producteurs d’écarts de notes sur lesquels nous allons revenir.

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Le modèle de référence de l’évaluateur

Dans ces recherches, l’évaluation a été conçue comme « une activité de comparaison » (Noizet,

& Caverni, 1978, p. 68) entre la production d’un étudiant (écrite, orale ou autre) et les attentes de l’évaluateur. Attentes organisées en un système auquel l’évaluateur se réfère pour attribuer une appréciation. C’est ce que les auteurs ont appelé « modèle de référence » (Ibid.) Quatre éléments composent le modèle qui est reproduit plus bas.

- Le produit norme, i.e. le produit qui répond à toutes les normes (critères) pouvant être attendues à un niveau donné, (e.g. une dictée écrite lisiblement et sans erreur) mais qui, selon les cas, est plus ou moins difficile à définir,

- Le produit attendu, celui que l’évaluateur s’attend à rencontrer concrètement pour un étudiant ou pour un groupe d’étudiants particuliers en fonction des informations a priori dont il dispose sur eux (leurs études antérieures, le diplôme qu’ils visent, le temps donné pour la réalisation du produit…),

- L’échelle de mesure, numérique (note) ou ordinale (e.g. lettre, couleur, niveau d’acquisition, mention, appréciations qualitatives…),

- Les repères sur l’échelle (barème ou niveaux d’exigence pour déterminer respectivement la note ou le niveau de maîtrise…)

Figure n°1 : le modèle de référence selon Noizet & Caverni (1978, p.70)

On constate qu’en fonction de la façon dont sont conçus le produit norme, les produits attendus et les repères sur l’échelle, tous les évaluateurs n’évaluent pas avec le même modèle de référence de départ. Ce qui est une première source d’écart de notes. Cependant Noizet &

Caverni (Ibid.) ont mis en évidence une deuxième source de divergence : la variation du modèle de référence au cours de la correction.

D’un côté [disent-ils, le modèle] est constitué antérieurement à la tâche, c’est-à-dire à l’acte d’évaluation et, d’un autre côté, [il]se modifie au fur et à mesure que la tâche d’évaluation se poursuit. [De sorte que] le modèle de référence n’est pas resté stable pendant toute la durée de l’acte d’évaluation. [En d’autres termes] pour expliquer qu’une même production soit évaluée différemment par des évaluateurs différents […] il est logique de supposer […qu’] ils ne se sont pas référés au même modèle.

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Mais alors comment le modèle se déstabilise-t-il progressivement ? Les auteurs ont montré que des informations particulières traitées pendant l’évaluation par le correcteur viennent déstabiliser le modèle de référence de départ. Ces informations sont de plusieurs types : des informations a priori, des informations séquentielles et des variables choc et de débordement.

Elles font l’objet des paragraphes prochains.

Des informations a priori

Ce sont des informations qui concernent un étudiant ou un groupe d’étudiants particuliers. Elles préexistent à l’évaluation et ne figurent pas dans la production évaluée : ce sont des informations externes à la production. Elles ne peuvent parvenir au correcteur que si, de quelque manière, il connaît les étudiants et si la correction n’est pas anonyme. Lorsque c’est le cas, elles s’imposent à l’évaluateur sans qu’il en ait tout à fait conscience. Le correcteur prend alors en considération ces informations a priori dans l’évaluation des produits, ce qui entraîne trois effets :

- effet de contamination (Caverni, 1975), lorsque l’(les) avis du(des) confrère(s) qui influe(nt) le jugement du correcteur

- effet de stéréotypie (Caverni, 1975) lorsque le correcteur systématise l’appréciation établie

- effet de halo (Gilly, 1980) lorsque des considérations informelles (habillement, verbalisation, attitudes face à l’université…) influencent la notation.

Des informations séquentielles

Ces informations, elles, ne préexistent pas à la correction mais sont générées au fur et à mesure du travail d’évaluation. Ce sont des informations prélevées dans la série de productions évaluées i.e. ce sont des informations internes. Elles parviennent au correcteur même en cas d’anonymat.

Là aussi, ces informations séquentielles s’imposent plus ou moins inconsciemment au correcteur qui les traite. Elles sont à l’origine de trois effets :

- effet d’ordre (Bonniol, 1972), i.e. la note dépend place de la copie dans la série - effet de contraste (Bonniol, 1972), i.e. la note d’une copie dépend des copies qui l’ont

précédée

- effet d’ancre (Bonniol, 1972), lorsque la copie est sur ou sous-estimée après une copie ancre basse ou haute

Des variables choc et de débordement

Ces variables sont des informations internes aux productions, qui peuvent ne pas être rattachées à un critère d’évaluation annoncé, et qui déclenchent de façon plus ou moins consciente chez le correcteur une réaction catégorique, répercutée de façon conséquente sur la notation.

(Abernot, 1996, p. 35).

Les variables choc sont des informations sur lesquelles l’attention du correcteur est directement portée. Elles peuvent être positives (e.g. rencontre d’une idée originale) ou négative (e.g.

présence d’une idée qui choque le correcteur). Tandis que les variables de débordement, sont des informations qui ne sont prises en compte par l’évaluateur que lorsqu’elles sont exagérément présentes dans une production (e.g. manque de ponctuation, mots illisibles…) (Ibid.)

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La combinaison des informations prises en compte par l’évaluateur : seule source d’écarts d’appréciations ?

On l’a vu, la psychologie de l’évaluation a produit une compréhension des divergences de notes en rendant compte « de la nature des informations prises en compte par l’évaluateur et de la façon dont il les combine pour décider de la note ou de l’appréciation qu’il donne à telle production scolaire » (Noizet, & Caverni, 1978, p. 10). Selon ces recherches, le correcteur traite de façon plus ou moins consciente trois types d’informations internes ou externes occasionnant d’importantes variations interindividuelles et intra-individuelles du modèle de référence. Mais sont-elles les seules sources d’écarts d’appréciations ?

L’intention de l’article est de montrer que les écarts d’appréciation proviennent également d’autres sources que de la combinaison d’informations a priori, d’informations séquentielles et de variables choc ou de débordement. Pour cela, une expérimentation menée dans le cadre du Centre d’Innovation Pédagogique et d’Évaluation (CIPE) d’Aix-Marseille Université est présentée ci-dessous.

Attribution de notes et renormalisation du dispositif d’évaluation : une expérimentation à l’Université dans le cadre du CIPE

Le contexte

Étant données l’importance et la complexité des enjeux ainsi que la difficulté des exigences nouvelles, le CIPE a pris l’option de préparer les Chargés d’Enseignements (C.E.) de différentes disciplines à l’exercice de l’évaluation : doctorants contractuels, enseignants dans le supérieur, enseignants-chercheurs. Ainsi, chaque année depuis 2013, 75 C.E. environ sont formés à l’évaluation des acquis et des productions. La première étape est une formation aux principaux résultats des recherches sur la mesure des acquis dont les déterminants psychologiques de l’évaluation qui ont été précédemment exposés.

L'expérimentation avec les Chargés d’Enseignement

Dans un second temps, une situation d’évaluation ‘authentique’ est proposée, à savoir « une situation complexe qui simule, à une échelle plus réduite ou avec des contraintes complémentaires, une situation de vie exigeant la mobilisation d’une compétence » (Allal, 2013, p. 25). La situation consiste d’abord à noter individuellement une seule et même production photocopiée – qui n’est pas identique pour tous les groupes : une trame de mémoire réelle et anonymée, élaborée par un étudiant préparant un master professionnel d’enseignement.

Une trame est un projet de mémoire, plus ou moins opérationnalisé, de cinq pages maximum.

Il s’agit d’y exposer l’avancée de la construction du mémoire avec, dans le cas présent, une centration sur la méthodologie.

Les quatre critères d’évaluation et le barème sont les suivants : - présentation de la question à l'étude : 20% de la note ; - présentation du dispositif d'étude : 20 % ;

- méthodologie (présentation et justification des choix) : 30% ; - outils d'analyse du corpus (théorique, conceptuels) : 30%.

Préalablement, les objectifs des trames ainsi que le contexte de formation qui a entouré la production des trames ont été précisés aux C.E. afin de les familiariser au mieux avec les

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questions de formation à l’enseignement. Les choix des modalités évaluatives standardisées ont été explicités, afin que les critères et le barème soient appropriés. Chaque C.E. a alors examiné la trame et attribué une note, qui a ensuite été communiquée au groupe sous la forme d’un tableau qui en présentait la décomposition par critère (voir supra). Dans une deuxième phase, les C.E. ont comparé les notes et discuté les écarts.

Les écarts ne pouvaient être expliqués par le traitement d’informations a priori ni séquentielles puisque les C.E. ne connaissaient pas l’étudiant et n’avaient qu’une seule trame à évaluer. Seules les variables choc ou de débordement n’avaient pu être neutralisées.

L’hypothèse de cette étude est que des écarts de notes vont être observés et qu’ils procèdent de débats de normes et d’arbitrages internes (Schwartz, 2009).

Une analyse des renormalisations du dispositif d’évaluation

Les données de cet article ont été recueillies sur deux groupes de 16 C.E., groupes appelés 1 et 2, qui devaient respectivement évaluer la trame A et la trame B. Les résultats ont été consignés sur les deux tableaux suivants.

TRAME A ÉVALUÉE PAR LE GROUPE 1 Prénom

C.E.

Évaluateurs

Présentation question à l’étude

20% note : 4 pts

Présentation dispositif

d’étude 20% note : 4 pts

Méthodologie

30% note : 6 pts

Outils d’analyse

30% note : 6 pts

Total

Pascal 2 3,5 4 0 8,5

Rémi 2 3 3 0 8

Violette 2 3 4 0 9

Cassandra 3,5 3,5 3 0 10

Katawoura 3 3 4 0 10

Moktar 4 3 3 0 9(+2)

Mohamed 2 2 4 0 8

Térésa 1 3 2 0 6

Bernard 3 4 3 0 10(+2)

Myriam 3 4 3 0 10

Yoan 2,5 3 3,5 0 9

Nicolas 3 3 4 0 10

Adrien 1 2 2 0 5

Loriane 2 2,5 2,5 0 7

J. Baptiste 3 3 5 0 11

Emeline 2 2,5 4 0 8,5

Figure n°2 : notes attribuées à la trame A par les C.E. du groupe 1

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TRAME B ÉVALUÉE PAR LE GROUPE 2 Prénom

C.E.

Évaluateurs

Présentation question à l’étude

20% note : 4 pts

Présentation dispositif

d’étude 20% note : 4 pts

Méthodologie

30% note : 6 pts

Outils d’analyse

30% note : 6 pts Total

Adrien 3 4 6 4 17

Karima 3 4 6 3 16

Manon 4 4 4 4 16

Elodie 4 4 6 4 18

Aurélie 3 4 4 3 15(-4) = 14

Zilacène 3 3 4 3,5 13,5

Camille 3 3 5 4 15

Olivier 3 3 4 4 14

Julie 3 3 6 5 17

Simona 4 3 6 5 18

Thomas 4 4 6 5 19(-1) = 18

Louis 2 2 3 3 10

Florence 4 2 6 5 17

Javiera 4 3 5 5 17

Pierre 4 4 5 4 17

Sarah 4 3 5 6 18

Figure n°3 : notes attribuées à la trame B par les C.E. du groupe 2

Dans les deux cas, on observe de nombreux écarts dans la note finale, allant jusqu’à 8 points sur 20 pour une même production. Ces écarts ont déstabilisé plusieurs C.E. qui procédaient à la notation avec un tel dispositif pour la première fois. Pour eux, un rapport aussi explicite aux critères clarifiait leur travail, alors que les nombreux désaccords sur les notes semblaient l’obscurcir. Les C.E. ont alors été invités à justifier l’attribution de leur note. Il ne s’est pas agi ici de dire que la note de l’un était meilleure que la note de l’autre, mais de la discuter, de faire surgir les débats de normes qui l’ont produite.

Dans cette perspective, cet article s’est référé à l’ergologie c’est-à-dire à étude de l’activité humaine, et à deux de ses concepts principaux : « débat de normes » et « renormalisation » (Schwartz, 2004). La démarche ergologique considère qu’une norme est une manière de faire, d’agir, une prescription, un savoir. Pour cette dernière « l'individu au travail est pris dans un débat de normes, il doit arbitrer entre des prescriptions, c'est-à-dire des normes qui le précédent, et des normes qu'il doit se donner lui-même pour vivre son travail. » (Schwartz, 2009). Le fait de se donner d’autres normes pour agir y est appelé « renormalisation ». L’analyse suivante montre que la situation d’évaluation authentique a suscité des débats de normes qui sont à l’origine de renormalisations du modèle de référence et par suite d’écarts d’appréciations.

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Renormalisations dans l’évaluation de la trame A

On le constate, les notes de la trame A sont peu élevées : 9 C.E. sur 16 ont mis une note inférieure à 10, la moyenne étant de 8,93. On observe néanmoins que la dispersion des notes finales est importante : 7 points (notes de 5 à 12).

La raison de ces notes, selon les C.E., est le peu d’avancée dans les choix méthodologiques de l’étudiant et dans l’élaboration d’outils d’analyse des corpus recueillis. On note d’ailleurs que tous les C.E. n’ont donné aucun point à la qualité des outils d’analyse. Pourtant trois C.E.ont évalué la trame avec une note assez supérieure aux autres (notes allant de 11 à 12). Interpellés sur ce point, deux des trois C.E. le justifient par leur souhait de valoriser deux nouvelles normes.

La première est l’originalité du thème choisi (l’éducation des mineurs incarcérés) qu’ils pensent très peu appréhendé d’ordinaire par les étudiants. Ils supposent que la recherche bibliographique est peu aisée et que des efforts supplémentaires dans ce sens ont dû être consentis par l’étudiant. Certes, ils reconnaissent les insuffisances méthodologiques, mais ils optent pour mettre également en valeur une seconde norme : la qualité des premières données recueillies (rares et précieuses car l’accès au milieu pénitentiaire pour les mineurs est coûteux en temps et en opiniâtreté). Or, l’originalité du thème et la qualité des données recueillies ne faisaient pas vraiment partie des critères choisis, ont objecté les autres C.E. Ils sont hors référentiel. Bien que ces derniers reconnaissent finalement qu’elles participent effectivement de la qualité de la production. Les deux C.E. indiquent que dans un souci de conformité, ils n’ont pas officiellement modifié le référentiel d’évaluation : ils n’y ont pas ajouté les deux critères qu’ils ont privilégiés. Mais ils ont quand même renormalisé le modèle de référence. Ils ont masqué la renormalisation du référentiel de critères en augmentant de deux points la note initialement attribuée répartis sur les quatre critères.

Renormalisation de la trame B

On constate que les notes de la trame B sont plutôt élevées avec une moyenne de 15,96. Onze C.E. sur 16 ont mis une note supérieure à 15, aucune n’étant inférieure à 10. On observe là aussi que la dispersion des notes finales est importante : 8 points (notes de 10 à 18).

Tous les C.E. reconnaissent la qualité de l’étude en référence aux critères choisis. Néanmoins certains reprochent à la trame d’être trop longue à amener la problématique par rapport aux exigences de leur propre discipline. D’autres en revanche, apprécient la qualité de la description du contexte, la précision du questionnement d’où naît la problématique. Ce qui explique des écarts de notes. De plus, 4 C.E. ne perçoivent pas, dans la trame, de projection de l’étudiant vers son futur métier d’enseignant. En d’autres termes, ils voient plutôt la trame d’un futur chercheur et pas vraiment celle d’un enseignant. La projection dans l’enseignement est un critère de métier qui, là non plus, ne fait pas partie du référentiel proposé mais reste un critère de qualité d’un mémoire professionnel d’enseignement. Cet argument a d’ailleurs fait l’objet d’un accord des autres C.E. Ce critère, ajouté implicitement au référentiel, a eu pour effet une baisse de la note finale de 1 à 4 points, soustraits « équitablement » aux quatre critères. Là non plus, en apparence, le référentiel n’a pas été explicitement remanié. La renormalisation a été masquée.

Résultats pour les deux groupes de C.E.

Dans les deux groupes, certains C.E. ont évalué en prenant la décision de modifier ponctuellement le choix et le poids de certains critères. Trois types de dispositifs ont alors coexisté pour eux : le dispositif standardisé, le dispositif interne individualisé (trames A et trame B) et le dispositif externalisé (trame A et trame B) comprenant des renormalisations masquées. Ce que formalise le schéma ci-dessous, avec en italique les critères hors référentiel.

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DÉBATS DE NORMES :

RENORMALISATION CRITÈRES ET BARÈME

MASQUAGE DES RENORMALISATIONS (CRITÈRES ET BARÈME)

Figure n° 4 : Renormalisations individualisées sous couvert de dispositif standardisé

Conclusion

Lorsque chaque C.E. a été invité à justifier l’attribution de ses notes (décomposition et total), les échanges ont dévoilé qu’une mise en débat intérieure des critères proposés a présidé à l’attribution des notes, d’où ont parfois surgi des critères et barèmes ‘nouveaux’. Ces débats se sont d’ailleurs parfois poursuivis au cours d’échanges avec les autres CE. Au même titre que

Dispositif standardisé : référentiel et barème Présentation de la question à l'étude : 4 points

Présentation du dispositif d'étude : 4 pts

Méthodologie (présentation et justification des choix) : 6 pts Outils d'analyse du corpus (théorique, conceptuels) : 6 pts

Dispositif interne individualisé trame A

Présentation de la question à l'étude : 4 Originalité du thème : ajout de 1 point à répartir sur le barème

Présentation du dispositif d'étude : 4 Méthodologie : 6

Qualité des premières données recueillies : ajout de 1 point réparti sur le barème

Outils d'analyse du corpus : 6

Dispositif interne individualisé trame B

Présentation de la question à l'étude : 4 Présentation du dispositif d'étude : 4 Méthodologie : 6

Outils d'analyse du corpus : 6

Mises en liens avec le futur métier d’enseignant : retrait de1 à 4 points à répartir sur le barème

Dispositif externalisé trame A Présentation de la question à l'étude : 4 Présentation du dispositif d'étude : 4

Méthodologie (présentation et justification des choix) : 6

Outils d'analyse du corpus (théorique, conceptuels) : 6

+2 points sont répartis sur le barème après notation

Dispositif externalisé trame B Présentation de la question à l'étude : 4 Présentation du dispositif d'étude : 4

Méthodologie (présentation et justification des choix) : 6

Outils d'analyse du corpus (théorique, conceptuels) : 6

- 1 à - 4 points sont répartis sur le barème après notation

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les informations a priori, les informations séquentielles et les variables choc et de débordement, les débats de normes ont été donc à l’origine d’écarts de notes.

Il ne s’agit pas de montrer que les renormalisations du modèle de référence sont spécifiques au supérieur. Nous supposons qu’elles existent dans tous les milieux qui procèdent à des attributions de notes. Ce qui distingue le supérieur, c’est la fréquence des situations d’évaluation en collectif (jurys de soutenance de mémoire, de portfolio, de VAE, co-évaluation d’un projet professionnel, jurys de recrutement…) où les renormalisations du dispositif standard dans l’attribution de notes sont portées à la parole, et sont donc débattues à plusieurs voix. Ce qui confère la particularité de mettre en confrontation plusieurs dispositifs internes. Mais la plupart du temps, ces débats sont soumis à la confidentialité. Les situations d’évaluation authentiques ou semi-authentiques apparaissent comme un mode possible de saisie des débats de normes généralement peu accessibles, dans l’espace un peu en retrait qu’offre le CIPE.

L’article a également montré que l’évaluation d’une production est la construction d’un point de vue (Romainville, 2013) sur cette production, et parfois même la reconstruction. La figure 4 montre que le point de vue construit est partiel, même s’il espère cerner l’objet au mieux.

D’abord, parce que la détermination exhaustive des critères d’un objet complexe est impossible.

Ensuite parce que la recherche d’exhaustivité aboutit à une dérive analytique qui dissipe l’évaluation.

Évaluer consiste donc toujours à choisir parmi des critères, à choisir un petit nombre de critères, et à les hiérarchiser en fonction du ‘poids’ qu’on décide de leur donner en référence à un monde de valeurs. Et ceci qu’il s’agisse de l’évaluation des productions et des acquis, ou des évaluations des programmes, des enseignements, des universités…

Il s’ensuit que les référentiels sont par essence lacunaires. Ils invisibilisent certaines facettes de l’objet à évaluer, lesquelles pourtant en restent des critères (Mencacci, 2014). Car les critères hors-référentiel ne deviennent pas ‘inopérants’ de n’avoir pas été choisis. Même si le référentiel les rend inapparents, ils sont toujours agissants en ce qu’ils continuent de dire la qualité de l’objet (par exemple dans les trames A et B, l’originalité du thème, la qualité des données recueillies, le lien avec le métier). Ils ne peuvent être abandonnés même s’ils n’ont pas été choisis. Ce qui explique le surgissement de débats de normes voire de tensions à propos de critères hors-référentiel, aboutissant parfois à la reconstruction du point de vue initial.

Évaluer de façon valide et fiable implique de considérer ce qui a été choisi, mais aussi ce qui ne l’a pas été. Dans un souci démocratique, c’est apprécier les normes du référentiel collégialement privilégiées. Et, en même temps, dans un souci de justice, lorsque des critères hors-référentiel disent fortement la qualité de l’objet, c’est pouvoir remettre les normes en débat, voire recomposer partiellement les hiérarchies de critères, tout en respectant globalement le dispositif standardisé. L’évaluation engage ainsi un effort analytique combiné à un effort synthétique, entre le sens donné par le référentiel et le sens à chercher hors référentiel. Il ne suffit pas de participer à un jury de mémoire pour savoir évaluer collectivement un mémoire.

Une formation aux débats de normes apparaît être une voie prometteuse pour la formation des enseignants du supérieur.

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Bibliographie

Abernot, Y. Les méthodes d’évaluation scolaire. Bordas, Paris : France, 1988

Bonniol, J.J., Les comportements d’estimation dans une tâche d’évaluation d’épreuves scolaires. Étude de quelques-uns de leurs déterminants, Aix en Provence, Université de Provence, Département de Psychologie, thèse de doctorat de 3° cycle, 1972.

Caverni, J.P., Fabre, J.M., Noizet, G. Dépendance des évaluations scolaires par rapport à des évaluations antérieures : études en situation simulée. Le Travail Humain, 38(2), 1975, 213-222 Gilly, M. Maître-élève, rôles institutionnels et représentations, PUF, Paris : France, 1980.

Leclercq, D., Nicaise, J. & Demeuse, M., Docimologie critique : des difficultés de noter des copies et d’attribuer des notes aux élèves. Introduction aux théories et aux méthodes de la mesure en sciences psychologiques et en sciences de l’éducation, Les éditions de l’Université de Liège, 2004, 273-292.

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Mencacci, N., Les apports de recherches en évaluation et de l'ergologie, à l'efficacité des pratiques en éducation scientifique, technologique et professionnelle, Note de synthèse en vue de l’obtention d’une Habilitation à Diriger les Recherches, Aix-Marseille Université, France, 2014.

Piéron, H, Étude psychotechnique de quelques tests d'aptitude. In: L'année psychologique. 1922 vol. 23. pp. 144-175; doi : https://doi.org/10.3406/psy.1922.29785

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Références

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