CAS CLINIQUE /CASE REPORT
Tamponnade après plaie cardiaque : intérêt de l ’ utilisation de l ’ échocardiographie transthoracique par l ’ urgentiste
Tamponade after cardiac wound: use of transthoracic echocardiography by the emergency physician
N. Chouaib · M. Rafai · Y. Aissaoui · L. Belyamani · M. Dimou
© SFMU et Springer-Verlag France 2011
L’évaluation initiale des blessés hospitalisés pour plaie thoracique a beaucoup évolué avec le développement de l’échocardiographie doppler. Les plaies cardiaques sont des urgences graves dont la mortalité est liée essentiellement aux délais de prise en charge [1]. L’échocardiographie est un outil de diagnostic de plus en plus utilisé aux urgences et qui peut être utilisé même en extrahospitalier [2]. Cette observation montre l’intérêt de l’utilisation par l’urgentiste de l’échocardiographie à l’instar du protocole FAST (Focus Abdominal Sonography for Trauma) pour raccourcir le délai et améliorer le pronostic de la prise en charge des plaies cardiaques aux urgences.
Un jeune patient âgé de 21 ans, sans antécédents particu- liers, a été admis aux urgences pour plaie thoracique lors d’une agression par arme blanche une heure auparavant.
À l’admission, le patient était conscient, eupnéique, stable sur le plan hémodynamique avec une pression artérielle à 115/82 mmHg et une fréquence cardiaque à 88 battements par minute. L’examen clinique a montré la présence d’une plaie mesurant 1 cm au niveau de la région parasternale gau- che à hauteur du quatrième espace intercostal sans saigne- ment en regard. Le reste de l’examen somatique était sans particularités. Une radiographie pulmonaire faite en position couchée montrait l’absence d’épanchement pleural et une rectitude de l’arc inférieur gauche. Le patient allait faire l’objet d’un scanner thoracique pour compléter le bilan lésionnel, ce qui nécessite le transport du patient de la salle de déchoquage vers le service de radiologie. La durée de ce transport se fait généralement en moyenne en 20 minutes.
Avant le début de ce transport, le patient commençait à pré- senter une instabilité hémodynamique (collapsus tensionnel à 70/40 mmHg) avec un accès d’agitation. Un remplissage
par sérum physiologique était débuté, et devant l’impossibi- lité de transporter le patient pour faire le scanner et la dispo- nibilité de l’appareil de l’échocardiographie portable à la salle de déchoquage, le médecin urgentiste réalisait simulta- nément une échocardiographie transthoracique. Cette der- nière a montré sur une coupe apicale quatre cavités un épan- chement péricardique de grande abondance avec des signes de tamponnade (compression diastolique des cavités droi- tes). Devant la suspicion de plaie cardiaque, le patient a été conduit rapidement au bloc opératoire, et le chirurgien car- diaque a été averti rapidement. Le patient a fait l’objet d’un cathétérisme veineux central jugulaire avec mise en place d’une ligne artérielle radiale. Le remplissage vasculaire a été poursuivi (3 000 ml de sérum physiologique au total).
Devant la persistance de l’instabilité hémodynamique et afin de réaliser une induction anesthésique confortable, l’adréna- line a été administrée en perfusion continue. Le patient a été installé en décubitus dorsal. Après réalisation d’une thoraco- tomie latérale gauche et d’une péricardotomie, l’exploration chirurgicale a montré une plaie du ventricule droit mesurant 1,5 cm de diamètre. Celle-ci a été rapidement fermée à l’aide d’un patch, ce qui a permis d’obtenir une stabilité hémo- dynamique avec arrêt progressif de la perfusion d’adrénaline.
En postopératoire, le patient a été admis en réanimation chirurgicale. Les suites étaient simples, et le patient est sorti de l’hôpital à j7.
Les lésions cardiaques graves peuvent être responsables de troubles du rythme sévère, voire de choc cardiogénique.
Les traumatismes ouverts posent des problèmes diagnos- tiques et pronostiques [1]. L’échocardiographie doppler per- met d’identifier rapidement le mécanisme de défaillance cir- culatoire, le plus souvent secondaire à une tamponnade par hémopéricarde. Les patients stables, ou après stabilisation, doivent être évalués par échocardiographie, dès lors qu’ils ont une plaie thoracique située dans l’aire cardiaque, car les signes cliniques d’une tamponnade ne sont pas toujours tous présents à l’admission en cas de plaie du cœur. Le risque de tamponnade est très élevé en cas de plaie par arme
N. Chouaib (*) · M. Rafai · Y. Aissaoui · L. Belyamani · M. Dimou
Pôle des urgences, hôpital militaire d’instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc
e-mail : naoufal_chouaib@hotmail.com Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:51-52 DOI 10.1007/s13341-011-0138-9
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blanche. La présence d’un hémopéricarde est le témoin d’une plaie d’une paroi libre du cœur et suffit à poser l’indi- cation opératoire. Ce diagnostic précoce permet une inter- vention chirurgicale dans les meilleures conditions, avant qu’une tamponnade ou qu’un choc hémorragique cataclys- mique ne surviennent [3].
Cette observation souligne l’intérêt de l’utilisation de l’échocardiographie transthoracique par l’urgentiste pour raccourcir le délai de prise en charge et améliorer le pro- nostic à l’instar du protocole FAST pour l’échographie abdominale chez les polytraumatisés. L’apprentissage de cet outil de diagnostic doit faire partie du cursus de forma- tion des médecins urgentistes telle la formation faite à l’échographie FAST. L’objectif n’étant pas de réaliser une échocardiographie exhaustive dite « cardiologique », mais de recueillir des éléments simples pouvant conduire à des
prises de décision qui pourront améliorer la prise en charge des patients graves.
Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
Références
1. Vignon P (2003) Utilisation de l’échocardiographie doppler dans la prise en charge des lésions cardiovasculaires traumatiques.
Réanimation 12:134–44
2. Lapostolle F, Pétrovic T, Catineau J, et al (2004) Out-of-hospital ultrasonographic diagnosis of a left ventricular wound after pene- trating thoracic trauma. Ann Emerg Med 43:422–23
3. Chan SSW (2002) Emergency physician use of ultrasonography to evaluate hypotension: a case report. Honk Kong J Emerg Med 9:226–30
52 Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:51-52
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