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Les Temps Modernes Scène de Charlot à l usine Dossier complet sur la première scène. PARTIE 1 : points de repères généraux

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Academic year: 2022

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Les Temps Modernes – Scène de Charlot à l’usine Dossier complet sur la première scène

Problématique : Peut-on critiquer la société en faisant rire ?

PARTIE 1 : points de repères généraux

1) Cinéma muet et musique : quelques repères

La création du cinéma, dit cinématographe est due aux Frères Lumière, en 1895 ; le premier film dure à peine une minute : c’est une sortie d’usine, qui est photographiée puis filmée, suivie de l’entrée en gare d’un train. Le premier film de fiction, c'est-à-dire une histoire racontée, ce que n’étaient pas les deux premiers films des Frères Lumière est précisément un film comique : l’arroseur arrosé.

Puis viendront (entre autres) les films d’Abel Gance (Napoléon), de Fritz Lang (Metropolis), Louis Feuillade (les Vampires), Murnau (Nosferatu), Keaton et de Charlie Chaplin dont voici les principaux films

Le cinéma est d’abord muet. Pour donner plus de vie à l’image, un pianiste improvise en bas de l’écran ; la musique présente dès le début des projections de film, joue un rôle privilégié dès le début du cinéma. Elle permet de remplacer les dialogues, de souligner l’action, de donner une tonalité au film, de renforcer les émotions.

Le cinéma sonore s’impose à partir des années 1930, mais la musique ne disparaît par pour autant !

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2) Charlie Chaplin, courte biographie (né en 1889 – mort en 1977)

Il faut déjà souligner que Chaplin est à la fois : le scénariste, le réalisateur, l’acteur de ses propres films et que c’est lui-même qui en invente les thèmes musicaux.

Voici une liste de ces longs métrages les plus largement connus

1921 : le Kid

1923 : la rue vers l’or 1925 : le cirque

1931 : les lumières de la ville 1936 : les temps modernes 1940 : le dictateur

1952 : les feux de la rampe

Il est tout à fait remarquable que Chaplin continue de réaliser des films muets jusqu’en 1936 alors que le cinéma est devenu parlant, mais il y a plusieurs raisons à cela :

D’abord, il a créé un double de lui-même, Charlot, qui est nommé en anglais « the tramp », le vagabond.

Pour comprendre ce personnage, il faut remonter dans l’enfance de Chaplin. Sa mère dépressive vit séparée de son mari, violent alcoolique, qui ne lui apporte aucune ressource et mourra d’une cirrhose du foie ; tous deux étaient des artistes de music-hall. La plupart du temps, sa mère vit parfois dans la misère ; elle a des troubles psychiatriques, et lui et son frère lui sont régulièrement enlevés et placés dans des foyers pour enfants, où la vie est douloureuse. De temps en temps, elle va mieux, elle reprend ses enfants, mais les rechutes sont fréquentes : à 14 ans, Chaplin connaît même une période de sa vie où il dort dans la rue, plusieurs nuits d'affilée, car il n’a aucun foyer où dormir.

Plus tard, Chaplin fera sortir sa mère de l’asile et la fera installer dans une maison en bord de mer où elle vivra ses 7 dernières années.

Ce tissu familial nourrit largement ses films : thème de l’enfant séparé de ses parents, pauvreté, faim, misère apparaissent dans Les lumières de la Ville, La ruée vers l’or, Les Temps modernes, mais sont déjà présents dès ses premiers courts métrages.

Très tôt Chaplin abandonne l’école (à 13 ans) pour s’initier à la danse, à l’acrobatie, et fait partie de différentes troupes d’acteurs comiques dans les années 1902-1905. Il joue aussi du violon. Il est un vrai bourreau de travail pour lui-même et un perfectionniste hors pair. Il

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développe son jeu d’acteur comique, utilisant toutes les ressources d’un corps rompu à l’acrobatie et la danse, et à 18 ans, il est déjà un artiste accompli.

C’est en 1913 qu’il découvre les studios de cinéma de Los Angeles, et après une période pendant laquelle il est acteur, il va apprendre à réaliser lui-même ses films. Il crée alors son double, Charlot :

« Je voulais que tout soit une contradiction : le pantalon ample, la veste étriquée, le chapeau étroit et les chaussures larges… J'ai ajouté une petite moustache qui, selon moi, me vieillirait sans affecter mon expression. Je n'avais aucune idée du personnage, mais dès que j'étais habillé, les vêtements et le maquillage me faisaient sentir qui il était. J'ai commencé à le connaître et quand je suis entré sur le plateau, il était entièrement né »

Trois ans plus tard, il a son propre studio de cinéma.

Son premier long métrage, The kid (68 minutes ce qui en fait l’un des plus longs du cinéma de l’époque) est réalisé en 1921. C’est le premier film dans lequel drame et comédie se fondent l’un à l’autre. Il a puisé dans ses propres souvenirs d’enfant pour écrire et réalisé ce film.

En 1930, Chaplin réalise les Lumières de la ville à une époque où les films muets sont devenus anachroniques, mais il ne peut se résoudre à faire parler son double, Charlot, qui selon lui, est bien plus éloquent avec le langage du corps, les expressions du visage, qu’avec la voix. Charlot ne peut parler, sinon, il n’existe plus en tant que tel.

Puis sort quelques années plus tard en 1936 les Temps modernes, film politique et satirique qui critique la montée et la puissance du capitalisme et la déshumanisation du travail.

C’est en 1937 que, effrayé par la montée du nationalisme, il écrit le scénario du Dictateur, qu’il commencera à réaliser en 1939, lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclatera. Il renonce aux films muets.

Suivra un peu plus tard une période assez agitée de sa vie, avec toutes sortes de procès pour toutes sortes de raisons : différentes affaires de mœurs, sympathie soi-disant pour le communisme en pleine guerre froide, etc… lors d’un voyage en Europe, il apprend son expulsion des États-Unis en 1957 ; il ne peut donc plus rentrer chez lui et s’établira en Suisse.

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Partie II : Les Temps modernes

1) Présentation générale

Les Temps Modernes, réalisés en 1936, sont une comédie dramatique dans laquelle Charlot apparaît pour la dernière fois qui emprunte au registre burlesque. Bien que le cinéma sonore soit devenu courant, Chaplin ne peut se résoudre à faire parler Charlot ; d’ailleurs, dans la première séquence de ce film qui dure une vingtaine de minutes, seul le patron de l’usine parle. Le représentant de l’automangeoire s’exprime à travers un disque et mime ce qui est dit et les autres ont leur voix remplacée par des instruments de musique. Le tournage a duré près d’un an, ce qui était considérablement long, même à l’époque.

Le film retrace l’histoire d’un ouvrier, qui fait un « burn-out » dirait-on aujourd’hui, en tout cas une dépression après avoir travaillé à une cadence effrénée sur une chaîne de production, gavé sans ménagement par une machine destinée à améliorer la chaîne de production, et traité sans aucune humanité par son patron. Bien sûr, tout cela est traité de façon comique et poétique, comme seul Chaplin sait le faire, mêlant drame, burlesque et poésie.

La suite de ce film raconte toutes les péripéties de ce malheureux qui cherche juste à être heureux et tranquille.

Les sources : Chaplin a été très affecté par la crise de 1929 et ses millions de chômeurs à travers les États-Unis. En même temps, il connaît bien la politique des usines : les ouvriers sont payés selon leur capacité de production. L’automatisation des chaînes les soumet à une cadence effrénée, et pour rester dans la compétitivité et distancer la concurrence, les patrons des usines de production cherchent à produire le plus possible en réduisant le plus possible les coûts de production. Les ouvriers qui ne sont pas assez rentables sont renvoyés.

2) Les différentes scènes ( les lettres sont les mêmes pour l’analyse musicale) Voici le découpage de la scène qui se déroule à l’usine

• A) Le début du film : sortie du métro

• B) Le bureau du patron qui surveille tout mais joue au puzzle et lit des comics

• C) La chaîne : première accélération de la cadence

• D) La pause dans les toilettes : remise au travail

• E) La reprise et la pause déjeuner

• F) l’automangeoire

• G) Fin de la journée et folie de Charlot : il disparaît dans la chaîne de production ;

• H) Il en ressort ; il se met à danser

• I) il poursuit la secrétaire puis la grosse dame.

• J) Finale magistral ! Il dérègle tous les rouages de la chaîne de production. Il finit dans un fourgon en route vers l’hôpital.

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Introduction : La fin du générique s’ouvre sur cette annonce, comme c’était le cas pour le cinéma muet : « temps moderne, l’histoire de l’industrie, de l’entreprise individuelle, et de la croisade de l’humanité dans sa poursuite du bonheur. »

Tout de suite après, on voit des moutons qui se suivent, tassés les uns derrière les autres, avec au milieu un mouton noir, qui annonce déjà que de l’un d’eux va venir les problèmes, et tout de suite après, la sortie du métro matinal des gens qui se pressent pour se rendre au travail.

Puis viennent les images de la chaîne de production : première scène

Charlot sert des boulons tandis que ses deux collègues donnent des coups de marteau, l’un à droite et l’autre à gauche, leurs gestes sont répétitifs et rapides, ils ne peuvent rien faire d’autre, pas même chasser une mouche, ils sont enchaînés à leur chaîne. De son bureau, le patron qui surveille tout sur ses écrans « chaîne numéro 20, j’aperçois un écrou mal serré ! » (Ce qui était impossible à l’époque) donne sans cesse l’ordre à Max d’accélérer les cadences.

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Même lors de sa pause, tandis que tranquillement il se détend un peu, le patron apparaît sur le mur du fond pour le remettre au travail.

C’est ensuite l’heure de la pause déjeuner, mais le pauvre Charlot a des tics dus à la répétition incessante des gestes. Chaplin utilise une gestuelle née dans le théâtre burlesque qu’il a peaufinée toute sa vie. Il tressaute, renverse la soupe, à des mouvements de jambes et d’épaules incontrôlés, mais le pire arrive : l’automangeoire, machine destinée à faire manger l’ouvrier tout en continuant à le faire travailler et qui vise aussi à lui faire

économiser son énergie pour la production.

Dans cette scène, il est traité comme un cobaye, un animal de laboratoire.

Enchaîné à sa machine, il n’a plus sa liberté de mouvement, et tandis que la machine se dérègle, personne ne lui accorde la moindre attention, ni quand la soupe se renverse, ni quand le rouleau de maïs le blesse, ni quand il avale les boulons. Seule, la machine est importante et mérite tous les égards ; il finit assommé par le tampon prévu pour

essuyer la bouche. La machine qui sert à produire ou à manger est toute puissante et retire toute humanité à ceux qui l’utilisent.

Et le travail reprend l’après-midi.

C’est là que le pauvre Charlot va perdre la raison, car la cadence va reprendre de plus belle.

3) Le Burlesque : un genre à part entière

Quand Chaplin se forme en tant qu’acteur au début des années 1900 en Angleterre, il rejoint une troupe théâtre rompue au genre burlesque. Mais qu'est-ce que le burlesque ?

À l’origine, c’est un genre littéraire qui vient du mot italien Burla, et qui désigne au 17e siècle une farce ou une plaisanterie. Ce genre évolue ensuite au cours des siècles et selon les arts. Dans le théâtre, le burlesque est utilisé pour désigner une comédie qui traite de sujets sérieux en utilisant de nombreux gags physiques, tels que le coup, la chute, la tache, la glissade, la collision, la poursuite, pour citer les plus courants.

Le burlesque fait rire grâce à tous ces gags, mais aussi parce que les situations sont souvent absurdes. Le récit s’inscrit dans le quotidien, mais toutes les situations sont exagérées, souvent jusqu’à l’absurde.

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C’est donc bien dans ce genre que se classent les scènes à l’usine : à la chaîne, les employés se donnent sans cesse des coups, volontaires ou non ; pendant la pause déjeuner, nombreuses sont les situations dans lesquelles les aliments finissent sur les dîneurs ; ensuite, on assiste à différentes poursuites (secrétaires, grosse dame, Charlot lui-même dans l’usine poursuivi par tout le monde vers la fin de la scène) et on retrouve les taches avec les pipettes à huile.

Mais Charlot va bien plus loin que le burlesque simple, car il utilise aussi largement la poésie et le drame.

4) Poésie, dimension onirique et drame.

Avec la sensibilité qui est la sienne, Chaplin ne pouvait s’enfermer dans le seul burlesque ; il utilise aussi largement la poésie comme lorsque par exemple, il disparaît dans la machine. C’est comme si tout à coup, un univers parallèle apparaissait.

En même temps, on comprend que la machine a eu raison de son ouvrier puisqu’elle l’a avalé, comme la baleine avale Gepetto, Pinocchio ou Jonas.

Mais cette poésie se double d’un effet dramatique et c’est le climax de la scène, puisque la machine avale Chaplin au moment où la cadence est à son maximum.

Cela lui permet de critiquer ce que l’on appelle le Taylorisme, du nom de son inventeur Frédérik Taylor, qui explique de manière rigoureuse, détaillée, pour ainsi dire « scientifique » la meilleure façon de produire, ce qui sous-entend de produire le maximum avec les coûts les plus bas possible, et ce, en pleine industrialisation.

Cette façon de produire déshumanise les ouvriers, soumis à des cadences infernales, qui n’exécutent en général qu’une seule et même action tout au long de la journée.

À sa sortie de la machine, Charlot a perdu l’esprit et visse tout ce qu’il voit : nez, bouton, pompe à incendie, etc… jusqu’à ce qu’il devienne le mouton noir du début qui va complètement dérégler les mécanismes bien huilés de l’usine.

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Partie III : La musique, les dialogues, le bruitage

De très nombreux thèmes ponctuent cette première scène, souvent inventés par Chaplin lui-même. Il jouait du violon, mais ne composait pas. Il chantait ou sifflait les mélodies à son compositeur attitré qui les prenait en note et les orchestrait. Toutes sont jouées par un orchestre symphonique.

• Associés à ces thèmes musicaux, les bruitages sont très nombreux, exagérés, et renforcent l’aspect burlesque de la scène.

Enfin, les personnages voient leur voix remplacée par des instruments suivant leur corpulence ; Charlot, petit gringalet, est doté d’un hautbois qui couine dans l’aigu, son collègue, gaillard costaud, d’un basson grondant dans le grave.

A) La scène d’ouverture (métro) s’ouvre sur une fanfare de cuivres, qui jouent un thème sombre, en accords, ponctué de nombreux contretemps qui donne un aperçu du temps accéléré de ce début du 20e siècle, chaotique et assourdissant.

B) Viennent tout de suite après les premiers bruitages du film : on est dans le bureau du patron qui surveille les ouvriers sur ses écrans qui grésillent désagréablement ; on entend alors une première sonnerie, stridente et stressante pour appeler Max qui doit régler les vitesses de production. Cette sonnerie retentira souvent, pour rappeler à tous qu’ils sont là pour travailler et produire.

C) Vient ensuite le thème musical de la chaîne :

Le thème contraste avec tout ce que l’on a déjà entendu avant ; il est vif, léger, enjoué, véloce ; il est joué dans les aigus par les cordes frottées, les xylophones et le basson qui lui donnent un petit côté champêtre, complètement en contradiction avec ce que font les ouvriers ; des métallophones marquent la pulsation en accord avec les coups de marteau des ouvriers sur la chaîne comme si ceux-ci faisaient partie de l’orchestre

Disney saura s’en rappeler dans Blanche-Neige, lorsque les nains travaillent à la mine.

Ce thème est un leitmotiv, c'est-à-dire un motif musical associé à une idée ; il est en contradiction avec la pénibilité du travail, mais en accord avec le burlesque.

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D) Puis c’est la pause dans les toilettes qui ne dure pas longtemps :

On retrouve alors le premier thème de la chaîne, mais accéléré, car le patron fait accélérer la cadence.

E) Lors de la pause déjeuner, quand Charlot s’assoit sur la soupe de son collègue, le thème est inspiré par la musique de cirque, avec une basse claudicante qui accompagne un thème chromatique descendant et ascendant, ce qui renforce les gags de ce passage.

F) Puis vint la scène de l’automangeoire qui associe de très nombreux bruitages à un thème très vif, qui suit une marche harmonique qui se reproduit de quinte en quinte

G) Ensuite, c’est la reprise du travail, accéléré jusqu’à la disparition de Charlot dans la machine ; ce qui rend la scène particulièrement onirique est précisément la musique qui utilise un célesta, instrument qui évoque toujours un univers féerique ou merveilleux, comme dans la danse de la Fée Dragée dans Casse-Noisette de Tchaïkovski, ou bien encore dans

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H) A sa sortie, Chaplin va se mettre littéralement à danser tout en vissant tout ce qui se présente. Il emprunte le langage du ballet, tout en tenant ses clés à la main. Il fait des pirouettes, lever les bras, presque en 5ème, se dresse sur les demi-pointes : on a alors une référence très nette à la Valse des Heures de Ponchielli, ou le Sylvia de Léo Delibes, qui sont des musiques de ballet. Le thème où domine la flûte traversière est léger, aérien, comme si Charlot était devenu aussi léger qu’un petit oiseau.

Des références musicales au compositeur Richard Strauss (et pas Johann !) sont faites dans les différents thèmes très lyriques, où les intervalles dépassent parfois la 9ème.

I) Puis il va se mettre à poursuivre la secrétaire puis la grosse dame, et là, la musique rappelle le french-cancan d’Orphée aux Enfers de J. Offenbach. De poursuivant, il devient pourchassé et retourne dans l’usine qu’il va complètement dérégler.

J) Le finale est digne d’une fin d’opérette d’Offenbach en un magistral et très enjoué crescendo de tout l’orchestre.

D'ailleurs, tout le monde est présent à l’écran

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En résumé, on peut dire que

:

• Musiques et bruitages s’associent en permanence pour créer un univers sonore très particulier et tout à fait original qui restitue l’hyper-industrialisation de cette époque, tout en mettant en valeur les différents gags de cette première scène.

• Les machines sont plus bavardes que les ouvriers ; elles ont une voix propre qui interfère sans cesse dans leur travail. On peut

citer : la machine à pointer, les écrans de la direction, le disque de la société de Vendeur mécanique qui a le son des vieux 78 tours, les réglages des cadences via toutes sortes de manettes et boutons, dont s’occupent Max, les différents bruits de l’automangeoire.

Le représentant utilise un disque et mime ce qui est dit. Le disque grésille.

• La plupart des thèmes joués par un orchestre symphonique sont inspirés par les compositeurs du 19èmesiècle. Ce ne sont nullement des plagiats, ni des citations, mais des styles musicaux qui viennent illustrer ce que Chaplin souhaite faire dire à tel ou tel passage. Cela montre aussi la grande culture musicale du réalisateur.

• Seul, le patron parle. Les autres sont muets et s’expriment à travers la voix d’instruments.

Ce qui fait que musique et bruitage occupent toute la place.

• La musique a souvent un caractère joyeux, léger, enfantin, enjoué, vif, ou onirique pour une action qui ne l’est nullement dans la réalité, mais le devient par les différents gags qui l’émaillent ; elle souligne l’action et renforce le burlesque des situations.

• Dans le finale, la musique devient pour ainsi dire une musique de ballet qui permet à

Chaplin de

chorégraphier toute cette scène : elle devient un ballet des Temps Modernes entre lui et les machines. Il finit par s’envoler dans les airs pour un court

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Conclusion :

Peut-on critiquer la société en faisant rire ?

A : burlesque et parodie : ridiculiser pour dénoncer, une vieille recette.

Le burlesque (voir plus haut) a connu un vrai succès dès le 17èmesiècle ; il s’agit de faire rire grâce à des situations grotesques, exagérées, souvent sans finesse ; le théâtre développera ce genre deux siècles après la littérature en utilisant les gags, surtout physiques.

Associé à la parodie, le burlesque permet de faire rire en critiquant les modèles dont on se moque, tel le Vendeur Mécanique qui utilise un disque et mime son propre discours au lieu de parler lui-même afin de vanter les mérites de la machine, ainsi que sa ridicule automangeoire.

Pour prendre un autre exemple, dans le Dictateur de Chaplin, Mussolini et Hitler sont parodiés et moqués à travers leur gestuelle, leurs vêtements, leurs voix, leurs discours.

Se moquer permet une mise à distance de l’objet et un regard différent via le sujet, ce qui favorise la prise de conscience d’éléments qu’on ne percevait peut-être pas sans le rire.

Enfin, le rire permet de rire de tout, sous prétexte que ce n’est pas sérieux, sans craindre la censure. Malgré tout, celle-ci, selon les époques et les pays, met tout de même des limites aux sujets dont on rit.

Le rire permet aussi de se voir en miroir.

B : Se voir en miroir.

À travers la situation qui fait rire, il n’est pas rare qu’on rie de soi-même, car on se voit en miroir ; la situation renvoie à quelque chose qu’on a vécu, ou bien qu’on a déjà rencontré ou vu dans notre vie, notre quotidien, et qui nous limite, ou limite notre liberté, et au final, on rit d’abord de soi-même.

Si l’on se réfère à la première scène des Temps Modernes, qui par exemple n’a jamais été en prise avec des objets rebelles, n’a pas cherché à échapper à l’obligation du travail pour se la couler douce (pause dans les toilettes) ou n’a pas été à un moment donné confronté à une situation qui le ridiculise (l’automangeoire), toutes proportions gardées ?

En riant de soi à travers l’autre, on se dédouble, ce qui permet une analyse sous un jour nouveau : on porte alors un regard différent sur la situation et on accède à une conscience plus précise des éléments qui asservissent, entravent, déshumanisent, comme c’est le cas pour cette scène. Car dans les Temps Modernes, on ne rit pas de Charlot, mais des conditions de travail, des machines qui sont supposées, outre apporter un meilleur rendement, à long terme

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« esclavagisent ». Et lorsque Charlot dérègle l’usine, on est de son côté, ravi de voir tout ce système de rendement non humain, s’écrouler.

Ce film qui a presque 100 ans garde son étonnante modernité dans une société qui veut toujours que tout aille plus vite, que chaque seconde soit rentable, qu’il n’y ait aucun temps mort, que le temps soit productif ! Même les loisirs des enfants doivent l’être ! Même les vacances, tout est soumis à la loi de la production. Et en rire permet de réaliser à quel point le film de Chaplin reste le miroir de notre société.

Références

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