• Aucun résultat trouvé

LA RELANCE DES RELATIONS CULTURELLES EXTERIEURES DE LA FRANCE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "LA RELANCE DES RELATIONS CULTURELLES EXTERIEURES DE LA FRANCE"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

JACQUES RIGAUD

LA RELANCE

DES RELATIONS CULTURELLES EXTERIEURES DE LA FRANCE

I

Nos lecteurs trouveront, ci-dessous, le p r é a m b u l e d'une é t u d e c o n s a c r é e par M . Jacques Rigaud, administrateur d é l é - g u é de R a d i o - T é l é - L u x e m b o u r g .

L ' é t u d e e l l e - m ê m e paraîtra dans la livraison de juin.

L

es relations culturelles extérieures de la France sont depuis quelque temps à l'ordre du jour. Une relance a en effet été décidée par le gouvernement, à l'initiative du ministre des Affaires étrangères, M . François-Poncet. Pour avoir été associé à sa réflexion et à son action, je voudrais apporter aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes un témoignage sur la genèse, le sens et la portée de cette réforme.

A son arrivée au Quai d'Orsay, en décembre 1978, M . Fran- çois-Poncet a exprimé clairement la volonté de poursuivre et d'accélérer la modernisation de l'instrument diplomatique de la France, afin de donner à la présence de notre pays dans le monde, en tous domaines, sa pleine signification et tout son rayonnement. Ses prédécesseurs avaient mis justement l'accent sur les aspects classiques de l'instrument diplomatique : admi- nistration centrale des Affaires étrangères et ambassades ; mais la direction générale des relations culturelles, scientifiques et

(2)

LA RELANCE DES RELATIONS CULTURELLES 277 techniques, qui absorbe pourtant près de la moitié des moyens budgétaires du Département avait été laissée en dehors de cette relance, ce qui n'avait d'ailleurs pas empêché son responsable, M . Roger Vaurs et ses collègues, d'amorcer avec les moyens du bord une rénovation des méthodes et des actions, continuant par là les efforts soutenus accomplis par M . Pierre Laurent de 1969 à 1974. C'est ici l'occasion de noter le paradoxe de cette direc- tion générale : puissante par ses moyens d'intervention, presti- gieuse par sa vocation même qui la met en rapport avec ce que la France compte de plus brillant, en matière d'institutions et de personnalités culturelles, cette administration était cependant regardée comme quelque peu marginale dans un ministère où les aspects politiques et — depuis la guerre — économiques de la diplomatie sont jugés comme plus nobles. Et il fallut toute l'autorité personnelle des grands commis qui, de Louis Joxe à Roger Vaurs en passant par Roger Seydoux, Jacques de Bour- bon-Busset, Jean Basdevant, Pierre Laurent et Jean Laloy, eurent en charge cette direction générale pour le « cinquième étage », comme on disait, ne fût pas considéré tout à fait comme la cinquième roue du carrosse diplomatique.

En me confiant les fonctions de chargé de mission auprès du ministre, M . François-Poncet m'assigna entre autres tâches celle de réfléchir à une relance des relations culturelles. Sans vouloir donner un tour trop personnel à ce témoignage, je peux même dire qu'en m'appelant à ses côtés le ministre songeait d'abord à cela. Les fréquents contacts qu'autorisait depuis de longues années une amitié fidèle m'avaient en effet permis de lui faire partager ma conviction que la France avait, dans le domaine culturel, une partie décisive à jouer, et qu'il serait impardonnable de lui faire manquer le rendez-vous qu'elle avait là avec son destin.

Au ministère des Affaires culturelles, j'avais été frappé par l'originalité de l'expérience lancée par André Malraux et développée par ses successeurs en matière d'action culturelle, qu'il s'agisse de la défense et de l'illustration du patrimoine, de l'organisation des grandes expositions ou des formules nouvelles d'animation. L'idée de refaire de Paris un grand carrefour culturel mondial, qui animait Georges Pompidou, n'était pas un vain rêve : en accueillant les créateurs exilés, de Zao Wou K i à Arrabal, de Cortazar à Kundera, en ouvrant l'institution

(3)

278 LA RELANCE DES RELATIONS CULTURELLES

culturelle à des étrangers comme Rolf Liebermann, Georg Solti, Pontus Hulten ou Carolyn Carlson, en offrant des terrains d'expérience à Peter Brook, Merce Cunningham, Jorge Lavelli, la France était fidèle à une mission séculaire, en dépit des réactions chauvines de quelques nationalistes attardés. J'étais également attentif à l'intérêt suscité dans le monde entier, dès le lancement de l'entreprise, par le projet de ce qui devait devenir le Centre Pompidou : le concours international d'architecture voulu par le président de la République ne contribua pas peu à cet intérêt, que la suite n'a pas démenti. Et lorsqu'en juin 1972 se réunit à Helsinki la conférence européenne des ministres de la Culture organisée par l'Unesco, une brillante délégation fran- çaise que conduisait Jacques Duhamel n'eut pas de peine à faire prévaloir ses propositions en ce qui concernait la problématique du développement culturel. Je devais par la suite être témoin de la portée de ces idées, qui inspirèrent largement d'autres conférences organisées par l'Unesco sur le même modèle, dans d'autres régions du monde.

Au sein de l'équipe dirigeante de l'Unesco, de 1975 à 1978, il me fut donné de voir, de Paris mais dans une position d'extra- territorialité en quelque sorte, ce qu'était ou pouvait être l'influence culturelle de la France. Dans ce milieu privilégié de rencontres intellectuelles mondiales, et dont on dit un peu trop vite qu'il est submergé par la politique, la France jouit en effet d'une position exceptionnelle qu'a su faire fructifier une lignée de hauts fonctionnaires de haute valeur (que l'on songe à Pierre Auger, Jean Thomas, René Maheu pour ne parler que des anciens) et d'ambassadeurs ou membres du Conseil exécutif (de Julien Cain à François Valéry) sans parler de la dynamique commission nationale. La place de notre langue y est exception- nelle : tous ceux qui ont entendu s'exprimer le Brésilien Paolo Carneiro, l'Egyptien E l Wakil ou le Roumain Lipati savent ce que peut être le français universel. Dans bien des domaines, qu'il s'agisse des sciences humaines, des sciences de l'éducation, des droits de l'homme ou du développement culturel, les idées françaises ont une belle audience. Et le directeur général qui a succédé à René Maheu, le Sénégalais M'Bow est l'exemple vivant d'une influence culturelle française qui n'oblitère nullement une personnalité authentiquement africaine. Mais il serait trompeur de limiter ce témoignage aux satisfactions que peut donner à un

(4)

EXTERIEURES DE LA FRANCE 279 Français le spectacle de la réputation et de l'influence de son pays dans l'intelligentsia mondiale ; il peut y bénéficier aussi de salutaires leçons, notamment de la part des intellectuels des pays en voie de développement. J'avouerai que c'est là, et à travers le monde à l'occasion de fréquentes missions, que j'ai pris conscience d'un certain nombre de données nouvelles qui me paraissent maintenant évidentes, mais dont il faut bien dire que nos compatriotes commencent à peine à les soupçonner.

Et d'abord le fait que l'influence culturelle de la France n'est pas ou n'est plus une donnée de la nature, ou un bienfait de la Providence, mais une preuve à faire, une réalité à démon- trer, une création continue qui doit tenir compte de la compé- tition des cultures : non seulement le défi anglo-saxon mais l'action culturelle internationale de pays comme l'Allemagne, le Canada, l'Italie, le Japon, Israël, sans parler des pays socialistes.

Mais l'Unesco est aussi un bon terrain d'observation des nouvelles sensibilités culturelles : la revendication d'identité culturelle n'est pas seulement un slogan politique ; elle est une exigence intérieure. Une sorte d'illusion d'optique nous fait croire que quelqu'un qui maîtrise notre langue est, de ce fait même, un intellectuel français ; nous avons l'assimilation facile, et même l'appropriation, sans savoir que nous risquons davantage d'humi- lier que de séduire en procédant de la sorte : qu'ils soient tuni- siens ou libanais, ivoiriens ou haïtiens, ces francophones voient dans notre langue un moyen d'accéder à la communication universelle et non pas une allégeance culturelle ; si notre langue leur donne vocation à une connaissance familière de notre culture, il n'en résulte pas qu'ils soient culturellement naturalisés français ; au contraire, ils voient dans cette possession le moyen de s'approprier mieux leur propre culture. Et que l'on me permette de dire qu'il y a peut-être dans ce type humain d'intel- lectuel maîtrisant pleinement une grande culture comme la nôtre et redécouvrant sa propre culture un profil supérieur, annoncia- teur d'un nouvel humanisme auprès duquel celui que nous avons hérité et que nous habitons paresseusement risque d'apparaître bientôt comme provincial et décadent, à moins qu'à l'image des fondateurs du xvie siècle nous ne retrouvions les voies de l'uni- versel, c'est-à-dire du dialogue des cultures.

C'est le troisième enseignement que je tire de ce séjour à l'Unesco : le dialogue des cultures est désormais l'un des terrains

(5)

280 LA RELANCE DES RELATIONS CULTURELLES

majeurs des relations internationales. Notre européocentrisme nous fait juger les cultures à travers une grille hiérarchique dont, comme par hasard, nous occupons le sommet d'où nous jugeons, non sans condescendance, les autres cultures. Ce n'est pas être démagogique que d'admettre deux vérités simples : la première est celle de l'égale dignité des cultures ; comme représentation du monde, comme ensemble de valeurs, comme réponse de l'homme à son destin de malheur et de mort, la culture humiliée des Indiens de l'Amérique centrale mérite autant de respect que la nôtre. La seconde est qu'il ne doit plus y avoir de culture dominante et que toutes les cultures ont quelque chose à échanger dans un rapport de compréhension mutuelle, sans qu'aucune ait tout à donner ou à recevoir.

Dans un domaine plus limité mais plus concret, celui du Centre international de recherche, de création et d'animation installé à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, j'ai pu aussi expérimenter les réalités nouvelles du rayonnement culturel de la France, d'une façon qui n'est pas sans rapport avec les ensei- gnements de l'Unesco. L'échange culturel international ne peut plus se satisfaire d'un cosmopolitisme désincarné et mondain, selon le modèle, d'ailleurs trahi, du xvme siècle et que symbolise assez biervjjne « jet society » qui ne mérite pas mieux que cette appellation hâtive et snob. C'est par l'enracinement, par l'appro- fondissement de son identité que l'on peut aujourd'hui accéder le mieux à l'échange et à l'universel. En allant à la recherche des constantes de l'identité culturelle du Midi languedocien, en retrouvant, sur le plan laïc de la culture, l'itinéraire qui fut, sur le plan spirituel, celui des moines, l'équipe de la chartreuse découvre naturellement sa vocation internationale ; en accueillant des créateurs et des publics venus du monde entier, en situant ses thèmes de recherche — l'olivier et le châtaignier, les paysages du vent, la transhumance, les usages et les images de l'eau — dans une perspective méditerranéenne, en faisant revivre et vibrer à nouveau sous les couleurs, les sons et la poésie les vieilles pierres de la chartreuse, le C.I.R.C.A. se fait lieu de confron- tation et d'échange, à la fois profondément enraciné dans une réalité locale et ouvert sur un monde sans limites.

JACQUES R I G A U D (A suivre)

Références

Documents relatifs

du traducteur, c’est aussi dans cette perspective qu’un bon nombre de spécialistes dont Paul Ricœur préconisent ,à juste titre, une dimension éthique à cette profession .Avec

Si Ferguson G. dans Diglossia recense les situations dans lesquelles la variété H est utilisée et celle où la variété L est employée dans la so- ciété diglossique, Gumperz

Poursuivons la lecture de l’analyse du démo- graphe Henri Leridon publiée dans le der- nier numéro 1 du bulletin mensuel de l’Institut national français d’études démographiques

¾ Accompagner la relance rapide des activités par un premier volet « court terme » du Plan de programmation de l’emploi et des compétences, portant en particulier sur les

Des inégalités présentent par ailleurs un caractère cumulatif qui rend leur correction très difficile au seul niveau des collectivités concernées : des quartiers

Il faudra des luttes politiques et sociales de très grande ampleur, en espérant que le passage par la guerre (qui seule a permis de sortir le capitalisme de sa

Le quiproquo se poursuit ensuite, dans la mesure où l’érosion différentielle de roches plus ou moins résistantes, dans les périodes les plus récentes, n’est pas

At primary – and sometimes secondary – school, almost all of us will have learned that there are old mountains, with round summits that have been eroded away over time (such as