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Hommes et dieux dans les peintures du palais de Mari

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Submitted on 9 Dec 2020

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Hommes et dieux dans les peintures du palais de Mari

Béatrice Muller

To cite this version:

Béatrice Muller. Hommes et dieux dans les peintures du palais de Mari. Orient-Express, Notes et Nouvelles d’Archéologie Orientale, 2002, 2002 (3), p.82-88. �hal-03048790�

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Hommes et dieux dans les peintures du palais de Mari

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Les premiers fragments de peinture murale du Grand Palais Royal de Mari (dit de Zimri-Lim, en réalité construit sous les Shakka1111akku au XXIe s.), furent mis au jour par André Parrot en 1935. Depuis, une dizaine d'auteurs ont écrit sur ces peintures une somme scientifique de près de 550 pages. Parmi les plus marquants je citerai, outre les publications de Parrot, l'étude de Marie-Thérèse Barrelet sur le panneau de l'investiture (Studio Mariana 1950) ainsi que celles d'Anton Moortgat. décisives, sur la chronologie relative des peintures : voilü pour les années 50-60. Depuis les annécs 80. il fout relever l'a nalyse de Dominique Parayrc dcs peintures (mutes de la cour 106, et deux articles de Jean Margueron . respectivement sur la chronologie cl la composition de la peinture de

l'Investiture1• J'ai moi-même travaillé d'une part sur le décor non figuratif, d'autre part sur une restitution des fragments tombés dans les salles 219 et 2202.

A la suite de tout cela, reste-t-il du nouveau à dire sur le sujet ? Certes, je serai obligée de revenir sur des éléments connus, mais ce sera pour tenter de donner de ces peintures la vision d'ensemble qui manque encore. En effet. il faut réunir les données archéologiques et les réflexions architecturales de ces 15 derni�res années, menées par Jean Margueron, pour remettre à leur place, non seulement dans les compositions qu'ils animent, mais aussi par rapport à l'espace construit, la centaine de personnages que ce palais nous a livrés ou_ permis de restituer. En outre la restauration en 1990 au CEPMR de Soissons (sous la direction de Mme Alix Barbet, à la demande de Mme Annie Caubel), de 89 fragments provenant de la cour l 06, laissés dans l'état où Parrot les avait apportés au Louvre en 1936\ a donné l'impulsion à un premier test de restitution, inédit, que

je vais vous présenter.

Dans un premier temps, je dégagerai les caractéristiques de chacune de ces compositions peintes dans l'optique qui nous occupe ici. Dans un second temps, je tenterai de voir les récurrences et les particularités de l'une à l'autre, autrement dit la fréquence, l'organisation et l'éclairage que s'apportent mutuellement ce que j'appellerai (comme au théâtre), les personnages principaux, les personnages secondaires et les figurants. /. La figure anthropomorhe dans chacune des grandes compositions

Rappelons d'abord la situation des ensembles peints dans le palais•

- mur Ouest de la salle 132 (chapelle d'Ishtar) ; -mur Sud (essentiellement) de la cour 106; -(Maison des Femmes);

- fragments tombés dans les magasins 2 l 9 et 220, provenant d'une grande salle à l'étage (Maison du Roi).

1 ° La salle 132

Commençons par la composition de la salle 132, la plus ancienne d'après les indices iconographiques et architecturaux. Sur les 5 registres restitués sur une largeur de 3,36 m et une hauteur évaluable à 3 m, trois, de format miniature, sont très lacunaires. Deux registres hauts de 65 cm chacun présentent une scène d'offrande à une divinité, facilement reconnaissable : Ishtar (en haut) et Sin (en bas). Des divinités secondaires (déesses protectrices, Martu précédé de sa parèdre Ashratu ou d'une déesse protectrice du Roi, taureau androcéphale et griffon ailés) encadrent la scène ou entouref"!t la figure royale qui, à mon sens, ne peut pas être absente du registre supérieur et pourrait bien être la figure lacunaire replacée au milieu et vue par Parrot comme une femme\ Trois autres figures lacunaires, masculines

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Fig. I : Co11r d11 l'"/111ier /06, re.ftitution .1-d1é111atiq11e provisoire des peinwres c/1111111r mériclio11al (a111,·e111re: porte 106-64) 1

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cette fois (hommes ou dieux ? on devine une harpe et une corde, peut-être celle d'un arc), viennent compléter œ registre.

Les détails de la restitution devront un jour, à l'aide des relevés originaux, être revus. D'autre part la remaque tl'Ursula Scidl sur l'inversion du sens des scènes, ici, par rapport ü l'usage courant qui veut que les personnages soient vus plutôt sur leur côté droit, irait dans le sens de la rcprotlUt:tion d'une scène symétrique, à l'instar de la stèle d'Ur Nammu. ce qui douhlerait la longueur de la composition et la rapprocherait de la longueur totale de la salle, qui est de 10,50 m. En tout cas, c'est l'isolement du roi qui frappe, seule figure humaine au milieu des représentations divines sous toutes leurs formes, masculine, féminine, zoomorphe ou même symbolique (rayons ondulés du soleil comme dans la cour 106). 2° La peinture tic !'Investiture

Retrouvé en place à droite de la porte !06-64 , ce panneau de 2,50 m x 1.75 m, placé à 35 cm au-dessus du sol, est de composition très savante au regard des frises à organisation paratactique qui sont le lot commun. Les volets latéraux sont occupés par des figures divines protectrices, sous forme de déesses et sous forme d'animaux fantastiques (taureau androcéphale, griffon, sphinx). Là encore, la figure royale qui reçoit l'investiture des mains d'Ishtar est entourée de divinités secondaires (déesses lamassu, Nishubur fidèle acolyte d'Ishtar, déesses au vase jaillissant).

Nous verrons dans un instant, à propos des peintures hautes de la cour 106, la signification de la taille des personnages les uns par rapport aux autres. Dans une telle logique, ce seraient le palmier et l'arbre co�posite les personnages principaux. Mais ici les principes de composition sont autres : comme l'a démontré J. Margueron'', c'est Ishtar le centre, en outre c'est le seul élément «plein» d'une symétrie construite sur un axe «vide» ; pour l'observateur qui arriverait de la porte Nord de la cour, Ishtar est rendue visible par un artifice de dessin relevant de œlui, bien connu, de la rotation, qui représente un objet par ses deux profils opposés, ici disjoints et rejetés latéralement : c'est ainsi que se trouvent écartés, de façon à ne plus être un obstacle à la vision de l'ohservateur, le palmier, puis la statue de la déesse au vase jaillissant effectivement retrouvée sur le podium de la salle 64. Le lieu de l'investiture royale est alors la salle du trône 65.

Si le surnaturel ici - en partie sous forme fantasmagorique -est tout aussi présent que dans la salle 132, i I n'y est pas aussi ahstrait ni éthéré puisqu'il est ancré dans une réalité concrète précise que les Anciens savaient sans doute reconnaître d'emblée . . 1° La salit.: 220'

C'est ainsi qu'a dé dénommée par Jean Margueron la

grande salle à l'étage qui s'élevait au-dessus de quatre magasins et dont le mur Sud était orné sur toute sa longueur ( 14, 70 m) d'une composition retrouvée en fragments et que j'ai restituée en fonction des gisements qui avaient été soigneusement notés. A. Parrot y avait relevé fort justement l'absence de représentation divine, ainsi qu'une différenciation marquée des types ethniques et des modules des personnages. Ceux-ci ont été bien étalonnés à l'exemple d� ce qu'avait proposé Dominique Parayre pour la cour l 06, et s'échelonnent de 1,IO m environ (module 2) à 45 cm (module 6). On y trouve trois fragments de femmes (malgré la couleur rouge de la peau, le turban du n° 48-49 ne laisse pas de

doute, par comparaison avec, par exemple, un relief de plâtre recueilli dans la salle 143 du palais7).

Les thèmes en sont, ici, apparemment, exclusivement profanes et focalisés sur la personne royale dans se:; exploits ou les résultats de ceux-ci : chasse au lion, triomphe sur l'ennemi, réception de tributaires ; la signification de certains ensembles reste obscure : défilé précédé de deux musiciens dont il sera à nouveau question ci-après, soldat et haut personnage ('?) sur fond de muraille. Le roi fait partie du module maximal, mais il n'est pas le seul : dans Je défilé présumé de tributaires, servi_teurs à vêtement simple (module 3-4) côtoient des personnages plus importants (module 2, aussi grands que le Roi) richement vêtus de drapés festonnés. 4° Les peintures effondrées de la cour 106" (fig. l et 2) Le problème de l'extension des peintures - sur tous les murs de la cour ou seulement sur le mur Sud avec un retour limité à l'Est et à l'Ouest - a été définitivement réglé par la découverte, au cours de la campagne de 1982, de 4 bases en pierres régulièrement espacées, distantes de 4,50 m du mur Sud : on tenait ainsi la preuve d'un auvent, indispensable pour protéger une peinture murale qui, bien que posée sur enduit de juss, n'est en aucun cas de la fresque et ne résiste pas à l'eau ; cette fragilité a été constatée indubitablement lors de la restauration à Soissons. Ainsi l'extension du décor sur les murs Est et Ouest se limite à 5 m. (au cours de la même campagne a été découverte la base en pierre du palmier artificiel attesté par les textes, au centre de la cour9).

Dans les restitutions inédites que je vais vous proposer maintenant, je n'ai pour le moment pas pris en compte tous les fragments, mais seulement les éléments significatifs (visages, bras, pieds), auxquels pourront, dans un second temps, se raccrocher les éléments de vêtements et autres. Je n'ai suivi que partiellement les propositions de D. Parayre, qu'elle n'avait pas tenté de réaliser g·raphiquement.

La scène sacrificielle B est le plus important des ensembles. Rien ne s'oppose à ce que la Scène sacrificielle K lui fasse suite (fig. 1, à droite). Le Roi, de

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module 1 (grandeur nature, 1,70 m) est suivi de deux registres superposés d'ordonnateurs (de module 4 ). La rcs1i1u1io11 que \'<iici couvre J m de long cl, avec la honlllll' aqual iquc. 2.15 111 de haut, auxquels il faut na-1 ure l k na-1na-1na-1c na-1na-1 l .i_jnutcr une bordure décorative supl:ricurc : l'l:loik ll.1111111éc 2X. de 2X cm de diamètre, pourr;1i1 l'll l'aire panic cl 011 allcint ainsi 2,50 m de haul. Un ecna in no111hrc de fragments a été recueilli pré1:isémc11t :1 l'emplacement de la porte 106-64 - de même qm: n·ux de la salle I J2 au-dessus d'une porte ohstnu.:e. l'our ma pan je ne vois pas d'ohstacle à un cmplaccmcnl ainsi «haut perché», même pour des scènes de rorma1 miniature. allcstées dans 1.1 salle 132 même cl dans k monde minoen, en Crète et à Théra. Ainsi un défilé sacrificiel de module 5 (50 à 60 cm de haull pourrait <on a des éléments qui vont en sens opposé J se répéter symétriquement par rapport au motif héraldique des rnpridés de part et d'autre de l'arbre de vie (un peu chétif. ü revoir) placé au milieu du linteau de la ponc. A quoi peuvent appartenir les bras levés du n° J4. de module 1. sinon ù une déesse lama ? Tandis que l'important personnage masculin de module 2 inaugure une sçènc sur fond de paroi de brique où l'on distingue une éd1ancrure, probahlement un créneau. Du cfüé Est. très peu a subsisté et je ne m'y attarde pas maintenant. Le schéma que je propose situe les peint ures au-dessus du linteau des portes latérales 106-55 et 106-1 16. c'est-ù-dire ü 3,50 m de haut, à la fois pour des raisons archéologiques (les murs étaient conservés jusqu'ù 2.50 m dans cette zone avec l'enduit" de j11s.1· en place. par conséquent les fragments étaient tomhés de plus haut1") el pour des raisons esthétiques (je vois mal les compositions figurées coupées par les bandeaux rouges entourant les portes). La composition tient, i;ommc on vient de le voir, sur 2,50 m de haut, ce qui place l'auvent il 6 m du sol. J'ai évalué à 5 m la longueur des zones protégées sur les murs latéraux, et les fragments du mur Ouest paraissent, au moins provisoirement. entrer dans œ cadre (fig. 2).

En effet. deux rragments de module I appartiennent prohahlcment au même personnage : le Roi, épée au côté, 1cnan1 par ks cheveux un ou plusieurs individus suppliants. mode d'expression plus égyptisant ou néo­

assyrien11 que paléohabylonien de la victoire; à côté gît

un individu livide aux yeux fermés, au-dessus duquel on peut placer un registre guerrier (soldat casqué 55, de module 4).

Derrière, sur les 3 m près de l'angle avec le mur Sud, des personnages de module 2 et 3 suggèrent une rencontre de dignitaires ou de prêtres parés de bijoux ; une scène similaire en miniature pourrait se répéter au­ dessus.

Comme dans la salle 220', c'est la ligure royale qui est prédomim1111e. non pas seule cette fois, mais à l'égal

d'une unique figure divine retrouvée. li semblerait que le défilé sacrificiel du mur Sud se prolonge à l'Ouest par une rencontre cérémonielle. L'ensemble s'étendrait alors sur au moins 6 111 de long. A vcc son dos tourné au

monde religieux. il elle seule la figure royale triomphante forme une rupture brutale et il peut paraître étrange que la composition se termine d e façon centrifuge comme si, au lieu de se refom1er sur ellc­ même, elle s'ouvrnit, hors de la protectioJ de l'auvent, vers le monde hostile de la réalité extérieure : ou plutôt, :'1 l'instar de la déesse la111a protectrice de la porte 106-64, l'image du Roi vainqueur protège de celui-ci le monde sacré.

Il. les rliles, leur di.l'tri/Jution et leur .1·i�11Îfication 1 ° Personnages principaux : le Roi el les dieux a) Le Roi

Que le Roi soit présent dans les quatre compositions considérées n'a rien d'étonnant : nous sommes dans sa demeure. Qu'il le soit différemment selon le contexte n'a rien d'étonnant non plus : serviteur exclusif des

dieux, il l'est dans la chapelle d'Ishtar 132 ; exal_té dans

les actions profanes du pouvoir, il se montre dans la salle de réception de ses appartements privés 220' : ce sont deux aspects antithétiques et complémentaires de sa fonction.

Dans la cour du palmier 106, cour du bloc officiel où se déroulaient peut-être de grandes réceptions, le Roi est montré comme un intermédiaire entre les hommes et les dieux : sur la peinture de !'Investiture, en touchant les insignes du pouvoir, il touche Ishtar et, sur les scènes hautes, il est investi en quelque sorte du rôle de prêtre. Mais outre que dans la première l' immersion divine, même dans un cadre humanisé, est totale, ce qui n'est pas le cas dans les secondes, le mode de composition et les modules révèlent encore d'autres différences. Dans le panneau de !'Investiture, le Roi est forcément second par rapport à Ishtar qui est le centre, et même s'il est d'une tai lie équivalente, i I lui est soumis. Dans les scènes hautes au contraire on pressent que c'est le Roi qui mène le jeu, même si c'est pour les divinités -reléguées sous forme de symboles ou d'une lama l1 laquelle, comme on vient de le voir, il aurait tendance à s'identifier. Et quel orgueil émane du geste décidé du bras ! Quelle puissance, de la musculature de la jambe -même si le détail de la restitution est à revoir ! N'est-ce pas là une expression de la <<splendeur divine», selon le terme d'Eléna Cassin, et Irene Winter ne souligne-t-elle pas que la vitalité fait partie de la beauté, selon

l'esthétique des anciens Mésopotamiens12 '!

b) Les dieux

Omniprésents eux aussi, comme si le Roi partageait sa

demeure avec eux, il n'y a que dans ses appartements

privés que les dieux n'entrent pas. Plus encore dans la salle 132 où il est en quelque sorte noyé au milieu des

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dieux, que sur la peinlure de l'investiture, le roi est entouré par les <lieux comme par une protection rapprm.:hée. muhipliée et aux formes diverses. Sur les composilions haulcs <le la cour 106, leur présence se fait discrèlc : tout au plus la déesse lama de la porte 106-64 signifïe+cllc que l'on frand1i1 un seuil du sacré.

2° Personnages secondaires

Dignilaircs de pays soumis (en 220'), hauts personnages (mur oucs1 de 106). ordonnateurs du défilé sacrificiel, leur proximilé spaliale par rapport au Roi et leur module légèrement inférieur leur donne un rôle important. Leur lypc physique et leur costume devaient certainement avoir une signilication précise : les ordonnateurs de la

Scène sacrificielle B. ,1vcc leur polos et leur type

sémite, diffèrent fon de ceux de la scène A, de type pllllÎ>l «damitc» - comme nous allons le voir avec les figurants. De même, pureté du profil et lourds colliers confèrcnl une indéniahlc noblesse aux dignitaires, peut­ être religieux. du mur Ouesl. En revanche ni le panneau de l'lnvesliture. ni l;i salle 132 ne laissent de place aux élémenls anecdotiques cl aux personnages secondaires.

3° Figura111s

Un peu par comnwdilé (il faudrail nuancer dans les scènes miniatures). j'appelle ainsi les personnages de module inférieur aux personnages secondaires, qui soit ont un rülc explicatif. comme les cueilleurs de dattes qui grimpent au palmier de l'investiture, soit constituent la foule anonyme des défilés. Ainsi le guerrier à la mentonnière de la salle 132, qui n'était sûrement pas lout seul Cl qui trouve son répondant dans la statuaire de Mari : ainsi tous ces personnages indéterminés de la salle 220' qui onl perdu leur visage. Mais ils savent aussi être fortement individualisés, comme l'ânier de la salle 220''' au 1ype négroïde, cheveux courts plaqués et peau cuivrée. qui n'est pas sans rappeler le serviteur du roi maçon sur la stèle d'Ur-Nammu. Ou bien le joueur de claquoir cl son acolyte frappant dans ses mains" qu'Agnès Spyckct classcr.iil dans le type élamite, aux m:îchoircs carrées et surtoul «aux cheveux rabattus il plat sur le visage pour former une sorte de visière'-'», dt1nt une 1êtc funéraire de Suse en terre crue hien l"t11111uc est une bonne illustration. Enfin le fameux pasonnage au honnel rayé'" incarne l'idéal du type Sl:mitc comme la 1ê1c de Sargon ou de Bismaya par exemple.

Il/. lco11"gn111'1ic ,·t rl,ro,wlogie : peut-011 do1111er 1111 1w111 a11.r rois rc•pr,;se11té.1· ?

J\11 premier ahord. on pourrai! croire que celle question rckw de celle du vérilahlc ponrait. sur laquelle les avis sont p:1r1a�1.:s. cl que _je n'ai pas eu le tcmrs d'évoquer dans k cadr1.· de celle communication. Si l'on suit Irene Winh.:r. c'est précisément l'idéalisation (c'cst-i1-<lirc le u,111rai1T du porlrait). qui signifie l'identification royale. C'1.·s1 donc sur d'.1ulrcs crilèrcs qu'il faudra !enter de

nommer le Roi, si l'on peut.

Ali Abu Assaf, s'appuyant sur la datation Ur III sur laquelle il n'y a pas lieu de revenir, de la composition de la salle 132, propose l e rapprochement avec une empreinte de sceau du Shakkanak Puzur Eshtar pour identifier le souverain en train d'opérer fumigation et libation.

L'interrègne naguère dit «assyrien» du roi de Haute Mésopotamie Samsi-Addu ( 1782-1776), par l'intermédiaire de son fils Yasmah-Addu, ne fait plus guère de doute non plus quant à l a datation des peintures de la salle 220' et des peintures hautes de la cour 106. Reste la peinture de l'investiture : a-t-elle été réalisée avant ou après ? Les arguments stylistiques d'Anton Moortgat, qui vont dans le sens d'une datation basse, se trouvent m i s en défaut par l'argument

technique de J. Margueron17 selon lequel, en raison de

la nature de son support (simple enduit de terre), celle peinture aurait été réservée, conservée, alors que partoul

ailleurs la réfection de Samsi Addu avait mis•du plâtre ;

ce panneau remonterait alors plutôt à lahdun-Lim ("!-178?). A la suite de l'observation de cette sorte de

surenchère opérée par Samsi-Addu sur la figure royale, ses dimensions et son rôle, il paraît en effet plus plausible que le panneau de l'investiture ait précédé les écrasantes peintures hautes : en effet qui réaliserait une œuvre plus modeste que celle de son prédécesseur ? Allons plus loin encore en suivant JCM : le panneau n'a pu être posé qu'après la réfection qui, à la suite du doublement du mur Ouest, a rétréci les deux portes 106-64 et 106-112 ; de ce fait, le palmier s'est trouvé légèrement décentré et peut-être a-t-il été supprimé pourquoi alors ne pas suggérer que le panneau de l'investiture avait été fait entre autres pour rappeler ce palmier - ce qui lui rendrait un rôle de personnage principal conforme à ses dimensions ?

Conclusion

Le palais de Mari s'étend sur 2,5 ha (plus de 300 salles et cours au rez-de-chaussée) ; la superficie peinte

couvre 85 m2 au moins, 150 m2 si on douhlc l'étendue

de la composi1ion de la salle 132 et si on ajoule une

évaluation pour la salle 34 .. C'est énorme au regard de la

quantité de peinture murale conservée au Proche­ Orient ; surtout c'est le seul exemple - en dehors de Çatal Hüyük et du Ier millénaire - où des ensembles plus ou moins cohérents puissent êlre replacés dans leur cadre. C'est pourquoi celle iconographie mérite d'être éludiéc au même titre que les bas-reliefs néo-assyriens, par rapport auxquels elle se présente d'ailleurs comme précurseur : Agnès Spycket l'a vu il propos de l'usage de la couleur bleue, je l'ai signalé 11 propos des thèmes it la gloire du roi dans la salle 220' ; plus encore. cc qui ressort des pcin1urcs hautes de la cour 106. ç'esl que. ù l'époque de Samsi-Addu, même dans une scène

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religieuse comme la Scène sacrificielle, le roi se pose, à

l'instar-de Naram-Sin. comme l'égal des dieux ; il ne le

fait pas, ici. en se parant des attributs divins, mais en les rendant abstraits ou secondaires et surtout en rendant sa propre figure icrasantc. parce qu'elle n'est dépassée par aucune autre. Mais un pas reste encore à franchir avant que la figure divine ne revête complètement l'anonymat des taureaux and rocéphales ailés et des génies bénisseurs el avant que le service religieux du Roi ne se

réduise, comme dans le palais NO de, Nimrud, à la

vénération de l'arbre sacré, répétée, il est vrai, dans la salle du trône, mais sur des panneaux très réduits au regard de l'ensemble.

Béatrice MULLER 17, rue du Chateau d'eau, 75010 Paris Mission archéologique de Mari CNRS - UMR Urmed

Université de Versailles - S1-Quentin-en-Yvelines

Ce bref article correspond à la communication prononcée lors

du 2e Congrès International sur ('Archéologie du Proche­

Orient ancien (21CAANE) à Copenhague (22-26 mai 2000),

développée le 11 janvier 2001 dans le cadre des Rencontres

«Archéologie el Hiswire du Proche-Orient» organisées par

MM. P. de Mirbschedji el J.-P. Thalmann à l'Institut d'Art et

d'Archéologie ii Paris. Il convient de le considérer, du moins en ce qui concerne la proposition de restitution des fragments de la cour 106, comme une mise en place provisoire qui doit encore être affinée et complétée par la prise en compte de la

totalité des fragments ; c'est pourquoi le croquis présenté ici

est très sommaire el l'appareil de notes minimal.

I MARGUERON 1990 et 19<J2.

2 Cf. les articles que j'ai écrits sous les noms de PIERRE 1984

et 1987 et PIERRE-MULLER 1990 dans M.A.R.I. 3, 5 et 6. On s'y

référera pour les rétërences bibliographiques antérieures à

1990, que je ne répète pas ici pour des raisons éditoriales. J Cf. M liLLER-PIERRE 1993, pp. 355-358.

4 Cf. PARROT MAM 11-2, 1958. La dénomination des grands

secteurs se rétère 11 MARGllER0N, 1982.

5 Je réserve pour une publication ultérieure la discussion sur le personnage noir chevelu vu de face.

(, MARGUERON 1992.

7 PARROT. 19.59. n° 18. fig. 26-c p. 30 et pp. 31-32 : cf. aussi

moule n° 8. p. 38 et fig. 31.

i; Cf. nussi PARAYRE 1982 et PIERRE(= MULLER) 1984. <J Cf. J. MARGUERON. «Du nouveau sur la cour du palmier»,

M.A.R.I . .5. 1987. pp. 463-482.

Hl Cf. PARROT MAM 11-1.1958. pl. XXIV-1.

11 Cf. tl.:tail tl'unc peinture de Til Barsip, PARROT, Assur, 1%9,IÏ!!.115cl 11(1.

11 W1N.;ER Irene J .. «Aesthetics in Ancient Mesopotamian

An». in: SASS0N Jack M. (éd.). 1995: C1vilizations of 1he

A11cfr111 Nc"r l:·ust. New York. Charles Scribnerr's Sons, p.

2573.

13 Fragment n° 18, cf. MULLER 1990, pl. XXIX p. 555.

14 Fragments n° 36-37, cf. MULLER 1990, pl. XXVI p. 552.

15 SPYCKET A .• 1981 : la statuaire du Proche-Orien/ ancim.

Leyde et Cologne, Brill, p. 31 O.

16 Fragment n° M. 4587, reproduit entre autres sur la

couverture de M.A.R.I. 6.

17 MARGUERON 1990.

Bibliographie

(à partir de 1990; pour les références antérieures. cf. MULLER 1987)

MARGUERON J., 1990 : «La peinture de l'investiture et

l'histoire de la cour 106», in: TUNCA ô. (éd.) : De La

Babylonie à la Syrie, en pll6sant par Mari. Mélanges offerts à

Monsieur 1.-R. Kupper à l'occasion de son 70e anniversaire.

Liège.

MARGUERON J., 1992: «La peinture de l'investiture : rythme,

mesures et composition», in : HROUDA B .• KROLL S., SPAN0S

P. Z. (éds.) : Von Uruk nach Tuttu/. Eine Festschrift far Eva

Strommenger, Studien und Aufsiitzc von Kollegen und

Freunden. München, Wien, Profil Verlag.

MULLER B .• 1987: «Décor peint à Mari et au Proche Orient. Il

: Chronologie, contexte, significations», M.A.R.I. 5, pp.

551-575 (sous le nom de PIERRE B.).

MULLER B., 1990: «l:Jne grande peinture des appartements

royaux du palais de Mari (salles 219-220)»", M.A.R.I. 6, pp.

433-452 (sous le nom de PIERRE-MULLER B.).

MULLER B., 1993: «Des peintures fragmentaires de la cour 106 du palais de Mari restaurées pour le musée du Louvre»,

M.A.R.I. 1, pp. 355-358 (sous le nom de MULLER-PIERRE B.). Sur quelques cours des palais néo-assyriens

Le palais de Salmanazar III n'a pas été entièrement fouillé. Il n'y a pas eu le temps, car les dimensions de l'ensemble sont déjà impressionnantes (350 x 250 m, soit une surface au sol d'env. 8 hectares). En outre, vu les énormes dimensions de la ville entière (300 hectares), une fouille' minutieuse du seul palais de Salmanazar III avait semblé peu fructueuse (M.

MALLOWAN, Nimrud and lts Remains, London, 1966,

p.375 ). Ainsi, le plan de l'édifice conserve des incertitudes, inévitables par rapport aux impératifs de connaissance globale du site.

Quelques suggestions peuvent dès lors être formulées, en se basant d'un côté sur des restes architecturaux et de

l'autre sur les comparaisons avec les palais du Ile mill.,

avec lesquels les palais du fr mill. av. J.-C. partagent

une même planimétrie, au moins pour la partie officielle (L. BATTINI, «Quelques notes sur l'architecture palatiale

mésopotamienne du Ile et Ier mill.: l'ensemble de

réception», à paraître dans les Actes du 3ICAANE, Paris).

Figure

Fig.  I : Co11r d11 l'&#34;/111ier /06,  re.ftitution .1-d1é111atiq11e provisoire des peinwres c/1111111r mériclio11al (a111,·e111re: porte 106-64) 1
Fig.  2  : Cour du  Pa/min  106,  l'l'Stiwtion. schématique provisoire des peintures ,lu mur occidc11wl ( tiu-des.rns de la porte I 06-55)

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