Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 11 mai 2011 1049 introduction
Selon la définition, l’incontinence uri
naire correspond à une perte involon
taire d’urine, objectivement démon
trable, à l’origine d’un problème social ou d’hygiène. Bien que sa prévalence soit élevée dans la population âgée des deux sexes, c’est un problème que les patients évoquent rarement spontanément au cabi
net. Le praticien est par ailleurs relativement démuni, en moyens et en temps, face à ce type de plaintes et la tentation est grande soit de banaliser le phénomène chez des pa
tients souvent polymorbides et polymédi
qués, chez qui les possibilités d’interventions sont a priori faibles, soit de référer rapide
ment au spécialiste en urologie ou gynéco
logie en prenant le risque d’une approche centrée uniquement sur le problème urolo
gique ou urogynécologique.
problématique
Comme pour l’adulte, il est important de faire préciser à la personne âgée les circons
tances de survenue des pertes urinaires et les définitions des différents types d’incon
tinence restent bien entendu vala bles (ta
bleau 1).
Néanmoins des problèmes autres, prin
cipalement des troubles cognitifs ou des troubles de la mobilité, peuvent respective
ment rendre l’anamnèse peu contributive ou la biaiser. Dans ce deuxième cas, les fuites d’urines correspondent à un délai d’attente trop long pour atteindre les toilettes plutôt qu’à une incontinence de type urge véritable.
L’incontinence par regorgement, quelle qu’en soit l’origine, neurogène ou mécani
que, est également fréquente en gériatrie et peut se présenter sous forme de mic
tions impérieuses ou de fuites au lever, dif
ficiles à distinguer d’une incontinence mixte, par exem ple.
prise encharge
La prise en charge d’une personne âgée présentant une incontinence devrait com
prendre, en première intention, la recher
che et le traitement d’une infection urinaire.
En l’absence d’infection ou d’amélioration des symptômes après antibiothérapie, il con
vient de bien objectiver les plaintes en fai
sant réaliser au patient un calendrier mic
tionnel d’au moins trois jours où il notera les mictions normales, les épisodes d’inconti
nence avec le volume estimé des pertes et les circonstances de survenue, les quanti
tés de liquides ingérées.
La lecture du calendrier permet souvent de confirmer la première impression clini que ou de suspecter une incontinence par re
gorgement. Dans la plupart des cas, on peut à ce stade discuter de mesures de correc
tion (hydratation, passages aux toilettes) avec le patient et instaurer un traitement. C’est le moment également de prescrire une écho
graphie des voies urinaires en précisant au radiologue «vessie vide» et «après miction»
en cas de doute.
Un examen clinique soigneux du périnée et du plancher pelvien aura été réalisé dès la première consultation et on aura prévu de référer au spécialiste les patients présen
tant des anomalies (innervation, prolapsus, hypertrophie prostatique).
A noter que les patients présentant une incontinence urinaire d’emblée compliquée (tableau 2), ou dont l’évaluation initiale a ré
vélé un résidu postmictionnel augmenté, sont d’emblée adressés au spécialiste pour des investigations complémentaires.
conclusion
Il n’existe pas à l’heure actuelle de guide
line validé pour la prise en charge des pa
tients âgés incontinents.
Le recours à des examens complémen
taires simples et non invasifs est la règle mais le recours systématique à des examens spécialisés est plus controversé. D’une part, la prévalence de l’incontinence est telle qu’on
Incontinence urinaire
de la personne âgée, quelles investigations et quelle prise en charge ?
M.-C. Jacques
Dr Marie-Claire Jacques Service de médecine interne et réhabilitation
Département de médecine interne, réhabilitation et gériatrie HUG, Hôpital des Trois-Chêne 1226 Thônex
marie-claire.jacques@hcuge.ch
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1049-50
Normal Incontinence Incontinence d’effort de type urge
Nombre de mictions 5-6 fois Très augmenté Normale ou légèrement augmentée diurnes
Nombre de mictions 0-1 fois Augmenté Normale nocturnes
Sensation de vessie vide Présente Absente Présente après miction
Faux besoins/ Absents Présents Absents
impériosités
Chronologie des pertes Retardées par Simultanées
urinaires rapport à l’effort
Position au moment Indifférente Position debout ou lors d’une
de la perte urinaire hyperpression abdominale
Interrelation avec l’effort Pas systématique Systématique Tableau 1. International continence society 2001
• Douleurs
• Hématurie
• Infections urinaires récidivantes
• Dysurie
• Irradiation pelvienne
• Chirurgie pelvienne
• Suspicion de fistule
Tableau 2. Incontinence urinaire compliquée
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ne peut proposer ce type d’examens à cha
que patient et, d’autre part, une partie des patients n’est de toute façon pas éligible pour un traitement (chirurgical ou autre).
Le diagnostic présomptif ne se voit pas toujours confirmé, notamment sur le plan uro dynamique, et la prise en charge de cer
taines pathologies vésicales (rétention, re
flux vésicourétéral) peut être retardée, sans compter que certains traitements, en parti
culier les traitements anticholinergiques, peuvent se révéler délétères si prescrits à mauvais escient.
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Implications pratiques
La prévalence de l’incontinence urinaire est élevée et elle devrait faire l’objet d’un dépis- tage systématique au cabinet. La compréhension du phénomène et la collaboration du pa- tient sont primordiales mais représentent souvent un facteur limitant
L’évaluation initiale doit permettre de classifier l’incontinence et de préciser le contexte de survenue
Un traitement d’épreuve ou symptomatique est possible après exclusion d’une inconti- nence par regorgement et en l’absence de troubles de la statique pelvienne ou d’autres anomalies
Certaines conditions imposent d’emblée le recours à des examens complémentaires E
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