Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 mars 2014 723
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Histoire de chasse
Ὁκόσοισιν ἐν τῇσιν ἀῤῥωστίῃσιν οἱ ὀφθαλμοὶ κατὰ προαίρεσιν
δακρύουσιν, ἀγαθόν· ὁκόσοισι δὲ ἄνευ προαιρέσιος, κακόν.
Je vais vous raconter une vraie histoire, au- thentiquement de chasse, avec mon chien qui en est le héros au-delà de la tombe. Pour ceux qui l’ignorent en effet, Palès, mon labra- dor chocolat, coureur de foulques, a renoncé à vivre fin novembre 2013 après quatorze ans et demi de fidélité indéfectible. Sa place dans un fauteuil est maintenant occupée par un coussin à son image, mémorial sur lequel personne n’oserait s’asseoir, même pas mon rédacteur en chef, qui pourtant s’était assis sur le chien de son vivant, après un bon repas.
Les histoires de chasse ont mauvaise presse en médecine. Ce sont des anecdotes qui souffrent des lumières de l’évidence, du
vécu face au certain, du local au pied du gé- néral. Les aphorismes d’Hippocrate étaient pourtant des leçons tirées des histoires de chasse du médecin. Mais qui donc, aujour- d’hui, fait encore des aphorismes alors que des guide-ânes nous tiennent en laisse ?
Madame Mbala aimait beaucoup Palès, qui le lui rendait bien lors de ses visites, en mani- festant son contentement de la voir. Je ne comprenais pas toujours le français mâtiné de yoruba de ma patiente, mais avec Palès la communication n’avait pas besoin du langage.
La patiente s’inquiétait de la santé du chien :
«Et comment le chien, ça va ? Elle… com- ment t’appelle… les yeux pas voir ?» avait-elle dit quand la cataracte de Palès devenait évi- dente. Et moi j’aimais tant cette sollicitude pour mon ombre canine.
Madame Mbala a fait un accident vascu- laire en novembre et n’a pas appris la mort du chien. Les rapports des confrères étaient alar mants : hémiplégie en récupération mais apha sie globale : elle ne comprenait rien et ne parlait guère que de rares mots yoruba, sa langue maternelle. Et encore personne n’était vraiment certain que ce fût du yoruba, car avec sa famille elle parlait d’ordinaire le fon et ils ne comprenaient plus ce qu’elle disait.
Plus aucun traitement n’était possible. Les rééducateurs ne voulaient pas qu’elle rentre à domicile et prônaient le placement. Mais
grâce au fils, à la fratrie et au CMS, elle put rentrer à domicile sans parler.
Lors de sa première consultation, elle ar- bore un grand sourire, marchant avec une canne. Poignée de main chaleureuse. Les émotions sont là. Elle s’assied, son fils à ses côtés qui m’explique la vie au quotidien à la
maison : elle commence à s’habiller dans l’or- dre et à retrouver à quoi sert un peigne, une brosse à dents. Pendant les explications du fils, elle regarde le fauteuil vide de Palès et, le pointant du doigt, émet un son interrogatif plus qu’un mot. Je lui explique alors la mort du chien et une larme mouille ses yeux.
Et voici la traduction du 83e aphorisme d’Hippocrate : «dans les maladies quand on pleure avec motif c’est bon ; quand on pleure sans motif c’est mauvais».
Depuis la larme de la chaise vide, on re- trouve un certain optimisme thérapeutique : Madame Mbala a commencé la logopédie.
carte blanche
Dr Daniel Widmer Médecine générale FMH Médecine psychosomatique et psychosociale ASMPP 2, avenue Juste Olivier 1006 Lausanne
drwidmer@belgo-suisse.com
D.R.
de Louis XIV auraient pu imaginer, qu’à un traitement en plein essor en… 2014.
L’asticothérapie
Ce spécialiste cite encore l’utilisation de larves de mouche verte (Lucilia sericata) dans le traitement adjuvant de plaies chroniques surinfectées. On retrouve des traces de cette thérapeutique en médecine militaire dans les écrits d’Ambroise Paré ou du Baron Lar
rey. L’industrialisation du procédé a débuté dans les années 1930 par les laboratoires Le
derle, sous l’impulsion des travaux du Dr
W. Baer. Les premiers essais cliniques con
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