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Une place pour le BNP dans la stratification du risque cardiovasculaire chez le malade hypertendu ?

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B. Waeber

F. Feihl

introduction

La stratification du risque cardiovasculaire fait partie inté­

grante aujourd’hui de la prise en charge des malades hyper­

tendus.1 Une grande fraction des malades présentent, en plus d’une pression artérielle anormalement élevée, un ou plu­

sieurs facteurs de risque cardiovasculaire, ce qui peut aug­

menter considérablement leur propension à développer une complication cardiovasculaire ou rénale.2 Pendant longtemps seuls ont été pris en compte dans l’évaluation du risque car­

diovasculaire global les facteurs de risque «classiques» comme l’hypercholestérolémie, le diabète et le tabagisme. Actuellement, est recherchée également la présence éventuelle d’une atteinte touchant précocement les or­

ganes cibles de l’hypertension. Une telle atteinte peut se manifester par exemple au niveau du cœur par une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Bien qu’asymp­

tomatique, cette anomalie de la structure du cœur peut être considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant.3

L’examen recommandé de routine à la recherche d’une atteinte cardiaque chez le malade hypertendu est l’électrocardiogramme (ECG).4 Il a l’avantage de permettre la mise en évidence des troubles de conduction, des arythmies car­

diaques ou de signes d’ischémie myocardique, révélant éventuellement le besoin d’investigations supplémentaires et le recours à une thérapeutique préféren­

tielle. Un autre atout de l’ECG est de permettre la détection de l’HVG. L’existence de signes électrocardiographiques d’HVG est associée à un risque accru de com­

plications telles que l’angine de poitrine, l’infarctus du myocarde, l’insuffisance cardiaque et la mort subite.5 L’échocardiographie a une sensibilité nettement meilleure que l’ECG pour détecter l’HVG. La prévalence de l’HVG chez le malade hypertendu est comprise, avec cette méthode, entre 10 et 30% selon les séries.6 L’échocardiographie demeure cependant un examen optionnel dans le bilan du malade hypertendu, n’étant pas aisément accessible partout et demeurant d’un coût non négligeable. Par ailleurs, la qualité de cet examen dépend grandement de l’expertise de la personne qui l’effectue.7

Au cours des dernières années, un intérêt croissant s’est porté sur l’utilité de biomarqueurs dans l’évaluation et la prise en charge des affections cardiovascu­

laires. C’est le cas notamment du brain natriuretic peptide (BNP). Le dosage de ce peptide, ou de son fragment inactif NT­proBNP, dans le sang sert de plus en plus souvent à évaluer la sévérité de l’insuffisance cardiaque ainsi qu’à guider son trai­

tement.8,9 Qu’en est­il chez le malade hypertendu ? Le présent travail a pour but de répondre à cette question.

Usefulness of BNP measurement for stra- tifying cardiovascular risk in hypertensive patients

The production of brain natriuretic peptide (BNP) by ventricular cardiomyocytes is increa­

sed in patients with left ventricular hypertro­

phy (LVH). Increased plasma levels of BNP or of the inactive fragment NP­proBNP are asso­

ciated with an increased cardiovascular risk.

The measurement of plasma concentrations of these peptides may be useful for strati­

fying the cardiovascular risk of hypertensive patients, particularly if there is no electrocar­

diographic evidence for LVH.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1748-50

La production du brain natriuretic peptide (BNP) par les car- diomyocytes ventriculaires est stimulée en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Une élévation de son taux sanguin ou de celui du fragment inactif NP-proBNP est associée à un risque cardiovasculaire accru. Le dosage de ces peptides peut être utile pour stratifier le risque cardiovasculaire du malade hypertendu, surtout en l’absence de signes électrocardiogra- phiques d’HVG.

Une place pour le BNP dans

la stratification du risque cardiovas- culaire chez le malade hypertendu ?

mise au point

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14 septembre 2011 Prs Bernard Waeber et

François Feihl

Division de physiopathologie clinique CHUV, MP 14

1011 Lausanne

Bernard.Waeber@chuv.ch

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brain natriureticpeptide

Le BNP fait partie de la famille des peptides natriuré­

tiques.10 Il a été identifié pour la première fois dans des extraits de cerveau du porc, d’où son nom. Il est également présent dans le cerveau humain mais se trouve en quantité beaucoup plus grande dans les ventricules du cœur, parti­

culièrement le gauche. Le stimulus principal de la syn­

thèse et de la sécrétion de ce peptide est l’augmentation du stress pariétal, par surcharge de pression et/ou de vo­

lume. D’autres facteurs peuvent être impliqués, notamment l’ischémie du myocarde.

Le BNP a des propriétés diurétiques et natriurétiques, induit une vasodilatation périphérique, diminue la sécré­

tion de rénine et d’aldostérone et exerce un effet inhibiteur sur l’activité du système nerveux sympathique (figure 1).

Le BNP est stocké dans des granules des cardiomyocytes ventriculaires. Il est synthétisé sous forme d’une pré hor­

mone (proBNP) comportant 108 acides aminés et est clivé lors de sa libération dans la circulation en une forme active de 32 acides aminés (fragment C­terminal) et une forme inactive de 76 acides aminés (NT­proBNP). Le BNP actif exerce ses effets en stimulant un récepteur, dit de type A (NPR­A), entraînant ainsi au niveau intracellulaire la pro­

duction de cGMP, et est purgé du plasma par liaison à un récepteur de clairance (NPR­C) et protéolyse par une en­

dopeptidase neutre. Le NT­proBNP est éliminé principale­

ment par voie rénale. La demi­vie des formes active et inactive du BNP est respectivement de 20 et 120 minutes, d’où des taux sanguins nettement plus élevés pour le NT­

proBNP, quand bien même les deux formes de BNP sont produites dans des proportions équimolaires. Il existe une libération continue des deux peptides, qui peuvent être mesurés avec précision dans le plasma.

dosage dubnp pourdiagnostiquer l

hvg chezle maladehypertendu

L’expression du gène codant pour le BNP est stimulée précocement lors du développement de l’HVG, comme

démontré chez le rat spontanément hypertendu.11 Chez l’homme, les taux sanguins de BNP augmentent avec le vo­

lume et la masse du ventricule gauche12 et sont élevés en présence d’HVG, constituant alors un bon marqueur d’une dysfonction ventriculaire sous­jacente, qu’elle soit diasto­

lique ou systolique.13,14

Il était dès lors tentant d’étudier l’utilité du dosage du BNP comme examen simple permettant la détection de l’HVG.15 Cette hypothèse a été testée dans une cohorte de l’étude de Framingham comportant un grand nombre de sujets, normo­ ou hypertendus (n = 3177 sujets). Les résul­

tats se sont avérés décevants, le dosage de BNP ayant per­

mis d’identifier seulement un tiers des participants connus pour avoir une augmentation de la masse ventriculaire gauche à l’échocardiographie.16 Une autre étude a porté uniquement sur des malades hypertendus ayant ou non une HVG à l’échocardiographie (n = 320). La sensibilité et la spécificité du dosage du BNP comme examen permet­

tant le diagnostic de l’HVG ont été chez ces malades de respectivement 73 et 72%.17

Il pourrait y avoir avantage à mesurer les taux sanguins de NT­proBNP plutôt que ceux du BNP, étant donné la plus longue demi­vie du premier. Le dosage de NT­proBNP a été effectué chez 93 malades hypertendus, et la présence d’HVG recherchée chez eux par électrocardiographie et échocardiographie.18 Sur la base de leurs observations, les auteurs ont proposé une nouvelle stratégie de la stratifica­

tion du risque dans l’hypertension artérielle : «Chez les femmes, le NT­proBNP isolé ou l’association à l’électrocar­

diogramme pourraient constituer une approche suffisante pour confirmer ou exclure le diagnostic d’HVG. Chez les hommes, l’échographie ne serait nécessaire qu’en l’ab­

sence d’HVG électrique avec un NT­proBNP négatif».

Manifestement, d’autres études sont encore nécessaires pour clarifier la performance du dosage du BNP/NT­proBNP dans l’approche diagnostique de l’HVG chez le malade hyper tendu.

dosage dubnp pourprédirelerisque cardiovasculairechez lemaladehyper

-

tendu

Dans la population générale (n = 2656), le dosage du NT­

proBNP a permis de prédire le risque cardiovasculaire aussi bien que la mesure du quotient albumine/créatinine dans les urines, ceci pendant un suivi de 9,4 années. En compa­

raison, chez les mêmes sujets, le dosage de la protéine C réactive (CRP) ultrasensible était dénué de valeur prédic­

tive significative.19 Ces données méritent d’être relevées puisque le taux sanguin de la CRP ultrasensible est consi­

déré aujourd’hui comme un marqueur du processus inflam­

matoire au niveau de la paroi artérielle et un paramètre re­

flétant de manière fiable le risque cardiovasculaire.20 Qu’en est­il chez le malade hypertendu ? Le NT­proBNP et la CRP ultrasensible ont été mesurés chez 945 malades hypertendus inclus dans l’étude LIFE.21 Pour rappel, ces malades avaient tous des signes électrocardiographiques d’HVG lors de leur recrutement et ont été traités pendant un suivi de 55 mois par un antagoniste de l’angiotensine II ou un b­bloquant, en association dans la plupart des cas à Figure 1. Une surcharge du volume et/ou de pression

augmente le stress pariétal de la paroi ventriculaire et stimule la synthèse de proBNP et la sécrétion de brain natriuretic peptide (BNP) et de NT-proBNP par les cardiomyocytes

Stress pariétal q ProBNP q

BNP q (actif)

Diurèse, natriurèse q Vasodilatation

Sécrétion de rénine et d’aldostérone Q Activité du système sympathique Q

NT-proBNP q (inactif)

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un diurétique thiazidique. Dans cette étude, le NT­proBNP avait un pouvoir prédictif significatif par rapport à un cri­

tère de jugement comportant le décès d’origine cardiovas­

culaire, l’infarctus du myocarde (fatal ou non) et l’accident vasculaire cérébral (fatal ou non), ceci au contraire de la CRP ultrasensible.

Une étude très récente réalisée chez 684 malades hyper­

tendus suivis en moyenne pendant 5,7 années a confirmé la valeur prédictive du NT­proBNP sur le plan de la morta­

lité.22 Cette valeur prédictive était meilleure que celle ob­

tenue par le diagnostic électrocardiographique de l’HVG.

Elle persistait même en l’absence de signes électrocardio­

graphiques d’HVG, suggérant que le dosage du NT­proBNP pourrait être utile pour stratifier le risque cardiovasculaire chez tous les malades hypertendus, qu’ils soient suspects ou non d’avoir une atteinte structurelle de leur cœur.

conclusions

L’HVG est une complication précoce de l’hypertension artérielle et représente un facteur de risque cardiovascu­

laire indépendant. Sa mise en évidence chez un malade hypertendu rend nécessaire un contrôle optimal de la pres­

sion artérielle, avec un régime thérapeutique comprenant si possible un bloqueur du système rénine­angiotensine.

L’électrocardiogramme se fait de routine dans le bilan du malade hypertendu, mais sa sensibilité en ce qui concerne le diagnostic de l’HVG est relativement faible. L’échocar­

diographie est à cet égard nettement meilleure, mais ne

peut pas être effectuée systématiquement chez tous les malades hypertendus. Le dosage sanguin du BNP ou du NT­proBNP représente une alternative attractive. La pro­

duction de ces peptides par les cardiomyocytes ventricu­

laires est augmentée en présence d’HVG. Il n’y a cepen­

dant pas d’évidence aujourd’hui que ce dosage ait sa place dans la stratification du risque cardiovasculaire chez tout malade hypertendu. Il paraît néanmoins d’ores et déjà utile chez les malades dont l’hypertension est difficile à traiter, en l’absence de signes électrocardiographiques d’HVG et de symptômes évoquant une dysfonction cardiaque. L’écho­

cardiographie demeure cependant l’examen de choix pour préciser les modifications structurelles et fonctionnelles du myocarde.

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* à lire

** à lire absolument

Bibliographie

Implications pratiques

Les taux sanguins de brain natriuretic peptide (BNP) et NT- proBNP sont augmentés chez le malade hypertendu en pré- sence d’une hypertrophie ventriculaire gauche

Le dosage du BNP ou du NT-proBNP peut être utile pour stratifier le risque cardiovasculaire chez le malade hypertendu Le recours au dosage du BNP ou du NT-proBNP paraît particulièrement judicieux chez les malades avec hyperten- sion sévère n’ayant pas de signes d’hypertrophie ventricu- laire gau che à l’électrocardiogramme, surtout en cas de dif- ficulté d’accès à un examen échocardiographique

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