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Vivre autour d'un feu : analyse ethnoarchéologique de campements Touaregs du Hoggar

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Academic year: 2022

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Vivre autour d'un feu : analyse ethnoarchéologique de campements Touaregs du Hoggar

GALLAY, Alain

Abstract

On définit une problématique d'analyse de la disposition spatiale des artefacts pouvant témoigner des activités se déroulant autour d'un feu. L'approche proposée est fondée sur l'analyse logiciste (J.-C. Gardin) des distinctions utilisées par L.-R. Binford dans son étude du campement esquimau de Mask Site où cet auteur introduit, à propos d'une critique du travail de J.-E. Yellen sur les camps Bochiman, la notion d'explication en ethnoarchéologie. Elle est illustrée par l'analyse de campements touareg du Hoggar où l'on étudie plus particulièrement la structure des relations entre activités de boire et de manger, artefacts et partition topographique. L'explication des régularités (A. Gallay) rencontrées peut être recherchée dans les notions de chaîne opératoire technique (A. Leroi-Gourhan) et de technique du corps (M. Mauss). On insiste, en conclusion, sur la nécessité d'approcher en ethnoarchéologie les mécanismes responsables des régularités observées et de travailler à l'avenir à la constitution d'une science de la culture matérielle qui puisse servir de référence dans [...]

GALLAY, Alain. Vivre autour d'un feu : analyse ethnoarchéologique de campements Touaregs du Hoggar. Bulletin du Centre genevois d'anthropologie , 1988, vol. 1, p. 35-59

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:97725

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(2)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU

ANALYSE ETHNOARCHÉOLOGIQUE DE CAMPEMENTS TOUAREGS DU HOGGAR

PAR

Alain GALLA Y

RÉSUMÉ

On définit une problématique d'analyse de la dis­

position spatiale des artefacts pouvant témoigner des activités se déroulant autour d'un feu. L'approche proposée est fondée sur l'analyse logiciste (J.-C. Gar­

din) des distinctions utilisées par L.-R. Binford dans son étude du campement esquimau de Mask Site où cet auteur introduit, à propos d'une critique du tra­

vail de J.-E. Yellen sur les camps Bochiman, la notion d'explication en ethnoarchéologie.

Elle est illustrée par l'analyse de campements toua­

reg du Hoggar où ron étudie plus particulièrement la structure des relations entre activités de boire et de manger, artefacts et partition topographique.

L'explication des régularités (A. Gallay) rencon­

trées peut être recherchée dans les notions de chaîne opératoire technique (A. Leroi-Gourhan) et de tech­

nique du corps (M. Mauss).

On insiste, en conclusion, sur la nécessité d'appro­

cher en ethnoarchéologie les mécanismes responsables des régularités observées et de travailler à l'avenir à la constitution d'une science de la culture matérielle qui puisse servir de référence dans l'interprétation des vestiges archéologiques.

SUMMARY

A problematic of analysis is defined by a space disposition of artefacts wishing to witness the activity of events revolving around a fire. The proposed approach is based on the logicist analysis (J.-C. Gar­

din) of the distinctions used by L.-R. Binford, in his study of the camp of the Eskimo «Mask Site», where the author introduced with regards to a critic of the work of J.-E. Yellen on the Bushmen camps, the notion of explaining ethnoarchaeology.

This notion is illustrated by the analysis of the Touareg of Hoggar camps which we study more particularly the structure of relations between activi­

ties of drinking and eating, artefacts and topographi­

cal partition. The explanation of encountered regula­

rities (A. Gallay) can be examined upon the notions of «technical chaine operation» (A. Leroi-Gourhan) and «body technical» (M. Mauss).

In conclusion, we particularly insist on the neces­

sity of approaching ethnoarchaeology the mecha­

nisms responsible of the regularity observed and to work in the future on the constitution of a science of material culture which can be used as reference in the interpretation of archaeological relies.

L'un des principaux pôles autour duquel s'organise en archéologie l'analyse spatiale des structures domes­

tiques est certainement le foyer ou, d'une manière plus générale, la structure de combustion. Nous vou­

drions ici préciser certains paramètres de cette analyse vue sous l'angle ethnoarchéologique. Cette recherche comportera deux volets distincts:

1. Nous reprendrons, dans un premier temps, le travail consacré par Binford (1978) au campement esquimau de Mask Site en Alaska pour tenter de dégager, à travers une analyse logiciste1 de la con­

struction, les principaux paramètres pris en compte dans ce type d'étude.

2. Nous illustrerons certains aspects de la démarche proposée à travers une série d'observations que nous avons pu réunir, en octobre 1986, sur des campe-

1. Le terme analyse logiciste a été introduit par J.-C. Gardin pour désigner l'approche qui tente de dégager les fondements logiques, souvent implicites, des constructions intellectuelles des sciences humaines (Gardin 1979; Gardin et al. 1987. Voir aussi Gallay 1986).

(3)

ments Touaregs du Hoggar, en tentant de dégager quelques régularités affectant la vie en groupe autour d'un feu, régularités susceptibles d'être identifiées au niveau archéologique.

1. Contexte de recherche et justification Travaux archéologiques

A. Leroi-Gourhan est sans conteste l'archéologue qui a poussé le plus loin l'analyse spatiale des vestiges abandonnés par l'homme préhistorique autour de foyers de campements. L'analyse de la cabane 1 de Pincevent (Leroi-Gourhan et Brézillon 1966), puis de la section 36 du même site (Leroi-Gourhan et Brézil­

lon 1972) constitue certainement le meilleur exemple d'une problématique de ce genre.

Deux autres travaux s'inscrivent dans la même optique, mais présentent un intérêt particulier car ils concernent tous les deux des sites brusquement aban­

donnés sans que leurs occupants aient eu le temps d'emporter leur équipement matériel.

Le premier est le niveau XI de la grotte de Gonvil­

lars (Haute-Saône, Pétrequin 1974). Abandonné par les Néolithiques à la suite de l'effondrement partiel de la voûte, vraisemblablement provoqué par la chaleur des foyers, le porche présentait trois foyers associés à des aires de repos. Une réserve commune de céréales subsistait encore au centre du dispositif. L'analyse des restes mobiliers (meules, céramique, silex, débris osseux, etc.) permet de restituer le fonctionnement des trois petites unités sociales qui ont occupé le porche avec une précision rarement atteinte en préhis­

toire.

Le second exemple, publié par le même auteur (Pétrequin, Chaix, Pétrequin et Piningre 1985), concerne la grotte-refuge des Planches-près-Arbois (Jura) habitée à plusieurs reprises pendant le Bronze final. Vraisem­

blablement chassés par la force de leur refuge, les occupants de la grotte ont laissé derrière eux un campement (correspondant à l'horizon D2 de la stra­

tigraphie) dont il a été possible de proposer une interprétation fonctionnelle particulièrement détaillée.

Ce dernier comportait deux grands greniers à céréales collectifs, entourés de poteries. Tout autour, se trou­

vaient plusieurs foyers signalant des aires de campe­

ments. Un parc à bétail complétait le dispositif.

A travers ces diverses études, nous aimerions insis­

ter sur quelques points qui justifient, à notre avis, l'intérêt que l'on peut porter à l'analyse ethnoarchéo­

logique de campements actuels, en général, des cam-

pements touaregs présentés 1c1 même, en particulier.

Cette justification tient en quelques propositions.

Proposition 1. L'interprétation des vestiges archéolo­

giques implique toujours la référence à un contexte de référence extérieur. L'ethnoarchéologie doit permettre de maîtriser ce contexte.

Leroi-Gourhan termine sa recherche sur la section 36 de Pincevent par un constat quelque peu désabusé qui a, à notre avis, une signification profonde:

«Cette seconde étude de l'habitat des Magdaléniens de Pincevent se clôt sur un bilan dont on peut se demander s'il y a lieu d'être totalement satisfait. Tous les efforts ont été faits pour tirer parti des matériaux et des structures découverts mais tout a été fait aussi pour ne pas dépasser les témoins et ne pas verser dans la fiction préhistorique. Peut-être pourra-t-on nous accuser d'avoir laissé les hypothèses en sous-emploi et d'avoir mobilisé un appareil dispendieux en temps et en matériel pour aboutir à déclarer que les Magdalé­

niens chassaient le renne à la belle saison et vivaient dans des habitations plus ou moins rondes et suscep­

tibles d'accueillir une famille nucléaire.» (1972, p. 257).

Nous voyons en effet, dans cette remarque, le signe des limites rencontrées par l'archéologie descriptive.

Malgré tous les efforts déployés dans la collecte et la mise en forme des données de la fouille, l'interpréta­

tion, qui se coupe volontairement de toute référence extérieure, s'engage dans une impasse. Sortir de cette impasse signifie maîtriser les comparaisons ethno­

graphiques susceptibles d'être mobilisées au niveau de l'interprétation des vestiges archéologiques. Cette maîtrise ne peut être trouvée qu'au prix de la multi­

plication des recherches ethnoarchéologiques (Gallay 1986).

Proposition 2. Les situations archéologiques où la rapidité de l'abandon et la fraîcheur des vestiges rendent une étude spatiale particulièrement profitable sont relativement fréquentes.

Les expériences conduites à Gonvillars et à la grotte des Planches permettent de compléter ce pro­

pos. Elles montrent, en effet, que les cas où il est possible de découvrir des situations de brusque aban­

don sont plus fréquents qu'on ne le pense. Il n'est donc pas justifié de considérer l'approche ethnoar­

chéologique de campements actuels comme inutile, sous prétexte qu'on ne rencontre jamais, en archéo­

logie, des situations où la fraîcheur et l'abondance des vestiges permettent d'appliquer les modèles d'analyse construits à partir de l'observation de situations vivantes. Il y a certes des cas où les superpositions

(4)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU 37 dans les occupations et la dégradation affectent les

vestiges et rendent illusoire toute tentative de compré­

hension fonctionnelle de la disposition de ceux-ci.

Mais il existe également des cas où ce type de situa­

tion se rencontre, à condition que l'on soit préparé à les identifier. Une retombée supplémentaire des recherches ethnoarchéologiques pourrait être juste­

ment de sensibiliser l'archéologue à de telles identifi­

cations.

Proposition 3. L'ethnoarchéologue n'a pas à se sou­

cier, dans un premier temps, des biais que peut intro­

duire la dégradation et la disparition de certains vestiges après l'abandon par l'homme, car les modèles comportementaux étudiés peuvent s'appliquer à des artefacts plus ou moins résistants dans des conditions de conservation variables et souvent imprévisibles.

Une des limites de l'approche ethnoarchéologique se situe au niveau de la dégradation des vestiges.

Plusieurs catégories de vestiges relevés dans un contexte vivant risquent de disparaître à jamais et de ne jamais pouvoir être observés par l'archéologue.

Est-il utile, dans ce cas, d'étudier ce secteur de la réalité vivante? A ceci nous répondrons qu'il n'est pas toujours facile de savoir à priori quel type de vestige sera conservé ou détruit après abandon. D'autre part, les régularités transculturelles mises en évidence au niveau d'un artefact qui ne sera pas conservé peuvent, dans certaines circonstances, s'appliquer à un artefact comparable plus résistant aux atteintes du temps (un récipient de bois détruit dans un contexte «a», mais une poterie conservée dans un contexte «b»).

Ces deux remarques justifient à notre avis la pré­

sentation du présent exemple touareg, malgré le caractère extrêmement limité des vestiges abandonnés après la levée du camp. Nous avons d'abord besoin d'une éthologie générale de l'homme, en l'occurrence de l'homme vivant et travaillant autour d'un feu.

L'intégration des données concernant la conservation des vestiges (quels sont les artefacts laissés par l'homme sur place, quels sont les artefacts suscepti­

bles de résister aux atteintes du temps?) ne constitue qu'un deuxième volet de l'analyse.

Travaux ethnoarchéologiques

Les travaux ethnoarchéologiques que nous exami­

nerons maintenant permettent de compléter notre justification en avançant deux nouvelles proposis­

tions.

Proposition 4. La mise en évidence de régularités doit s'accompagner d'une recherche des mécanismes expli­

quant leur apparition.

Proposition 5. L'analyse logiciste des travaux ethnoar­

chéologiques et archéologiques permet d'isoler les paramètres descriptifs jugés pertinents. Elle est le fondement de toute approche ethnoarchéologique.

Les deux études ethnoarchéologiques que nous mentionnerons maintenant, celle de Y ellen (1977) et la critique qu'en a fait Binford (1978), nous permet­

tront de dégager les principaux paramètres d'une approche ethnoarchéologique et de poser brièvement la question des relations liant les régularités descripti­

ves aux lois explicatives.

L'étude de Yellen porte sur seize camps bochimans, dont quinze sont connus quant à leur durée et au nombre de leurs occupants. L'auteur démontre qu'il est possible de retrouver, à travers l'analyse des vesti­

ges laissés au sol, la durée d'occupation du camp et le nombre d'occupants.

Les variables retenues sont (fig. 1):

0I(G)2. Les divers vestiges abandonnés en surface du sol.

OX(L). Les diverses surfaces occupées par les vesti­

ges, soit de l'extérieur vers l'intérieur du camp.

ALS: limite absolue de dispersion LMS: limite des vestiges principaux

LNAT: limite de la zone nucléaire: total (tangente externe au cercle des huttes)

LNAS: limite de la zone nucléaire: débris dispersés.

Limite des vestiges de la zone nucléaire, sans tenir compte des huttes

LS: aires secondaires de vestiges groupés autour des foyers (LS:NA), dans les zones LMS et ALS (LS:SA) à l'ombre des arbres ou au soleil

LNA: aire nucléaire limitée (matériel associé à une hutte).

Pour chaque ensemble est notée la surface (exprimée à travers le diamètre maximum) et la richesse en matériel (sur la base d'un indice intégrant le nombre de vestiges et la diversité de ces derniers).

OX(T). Durée de l'occupation calculée en jours OX(F). Dimension sociale signalée par le nombre d'individus.

2. Les distinctions OI/OX ont été proposées par J.-C. Gardin dans «Une archéologie théorique» (1979) et s'utilisent dans le cadre des constructions typologiques (voir aussi Gallay 1986, p. 208).

OI: ordres intrinsèques fondés sur les caractéristiques intrinsè­

ques des artefacts (OI/G, caractéristiques géométriques ou de forme; OI/P, caractéristiques physiques, matière, couleur. etc;

OI/S, caractéristiques sémiologiques).

OX: ordres extrinsèques fondés sur les caractéristiques extrinsè­

ques des artefacts (OX/L. caractéristiques de lieu, localisation de l'artefact; OX/T, caractéristique de temps, date de l'artefact, etc.;

OX/F, caractéristique de fonction, soit tout ce qui n'est ni L ni T).

(5)

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2 ::, .0

;

Fig. 1. Bochimans !Kung. Structuration de l'espace d'un campement de quatre huttes. Distinctions retenues par Yellen (1977) pour étudier la répartition spatiale des vestiges.

Fig. 2. Distinctions retenues par Binford (1978) pour étudier la structuration spatiale du camp esquimau de Mask Site (Alaska). Schéma construit à partir de l'analyse logiciste du travail de cet auteur.

r---,

déterminisme

déterminisme naturel techno-economique déterminisme ethologique A'

environnement naturel

temps C OX(T)

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STRUCTURES ARCHEOLOGIQUES or--- --- --- ---

i g :

l ves�iges Ol(P/G) < ::, 1 surfaces . OX(L)

� 1 1

�L---J

(6)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU 39 L'intégration de ces quatre variables fournit des

équations prédictives permettant de retrouver la durée d'occupation d'un camp, soit OX(T) et le nombre d'occupants, soit OX(F).

Yellen aboutit à la conclusion que la surface du cercle interne (LNA T) reflète de façon prioritaire les dimensions démographiques du groupe, alors que la surface du cercle externe (ALS) est caractéristique de la durée d'occupation du site. Les corrélations éta­

blies sur la base de la richesse en vestiges des zones ne sont, par contre, pas significatives.

L'étude que Binford consacre au camp esquimau de Mask Site, où les chasseurs stationnent pour guet­

ter le gibier, notamment le renne, sert à cet auteur de base pour une critique radicale de l'approche de Yellen. Binford constate, en effet, que les équations prédictives de ce dernier donnent des résultats incom­

patibles avec les données de son site. Pour cet auteur, l'erreur vient du fait que Yellen s'est contenté de présenter des corrélations non expliquées et a, de ce fait, surestimé la portée générale de son modèle.

Binford pose donc clairement le problème des rela­

tions liant les régularités mises en évidence par l'eth­

noarchéologue (les équations prédictives de Yellen) et les lois ou les mécanismes permettant d'expliquer ces régularités (l'infrastructure techno-économique, selon Binford, différente chez les Bochimans et les Esqui­

maux). Il s'agit d'un problème parfaitement connu en science, où l'on sait que la corrélation obtenue entre deux variables A et B n'implique en aucune façon que A soit la cause de B. Seule l'identification des méca­

nismes justifiant la corrélation permet d'avancer une explication au sens scientifique du terme.

L'article de Binford a donc pour nous un double intérêt. Il permet de poser clairement la question de l'explication en ethnoarchéologie et soulève donc la question de l'existence de lois fondant les régularités observées. Il nous servira, d'autre part, de base pour préciser les paramètres d'une étude ethnoarchéolo­

gique d'un campement.

2. Problématique pour une recherche

L'article de Binford porte sur un cas spécifique et limité; il permet néanmoins de dégager les principaux paramètres composant l'analyse des structures spatia­

les d'un campement. Les distinctions proposées ci­

dessous et leur articulation logique n'apparaissent pas toujours clairement chez Binford. Il est donc utile de tenter d'expliciter les composantes de ce travail (fig. 2).

Trois niveaux apparaissent.

1. Le camp peut être considéré comme un système ouvert, où interagissent:

- Les activités présentes dans l'enceinte du camp (B) - La durée pendant laquelle le camp est occupé (C) - Le nombre d'occupants du site (D)

- Les artefacts présents, que ces derniers soient liés ou non aux activités du camp (E)

- Les diverses zones (surfaces) où se déroulent les activités observées (F).

Il y a donc lieu de distinguer ces composantes des relations fonctionnelles pouvant s'établir entre ces dernières.

2. Les stratégies de rejet, ou modes de dépôts (G), générant les dispositions spatiales observées. Binford distingue des modes de dépôt primaires: laisser tomber (dropping), jeter (tossing), déposer (resting), disposer (positioning), évacuer (dumping), mais évoque égale­

ment la possibilité de déplacements secondaires inter­

venant lorsque l'on balaie certains déchets vers l'exté­

rieur ou que l'on recherche un objet perdu. Certains artefacts sortent enfin du système lorsqu'on les emporte.

3. La structure spatiale après abandon. Le troi­

sième niveau est constitué par les structures visibles en surface du sol après abandon du site. Il s'agit d'un système plus simple, figé dans le temps (pour les besoins de l'analyse) ne comprenant que deux compo­

santes: les artefacts (H, vestiges) et les surfaces occu­

pées par ces derniers (I). Binford analyse les relations liant ces composantes. Les références mentionnées sont celles de son article.

B-C. Activités-temps

Durée relative des diverses activités observées dans le camp en heures/homme (tabl. 2).

B-E. Activités-artefacts

Inventaire des objets utilisés dans les diverses activités et fréquence de leur emploi (tabl. 3).

B-F. Activités-zones

Répartition globale des activités dans les diverses zones du site (tabl. 7).

B-D. Activités-nombre de personnes

Changement du type d'activité en relation avec le nombre de personnes présentes dans le camp.

C-F. Temps-zones

Durée relative des diverses activités se déroulant autour des foyers en homme/heure, (tabl. 6). Durée

(7)

DISPOSITIF TYPE FEU SA

3m VENT

DISPOSITIF TYPE REPAS

SA

3m

VENT

Fig. 3. Camps touaregs du Hoggar. Structuration de l'espace et délimitiation des zones d'activité.

des diverses activités conduites dans les diverses zones (tabl. 7).

D-E. Occupants-artefacts

On distingue les objets d'utilisation interne collective et les objets individuels moins souvent employés.

C-E Temps-artefacts

La relation temps-artefact porte sur la fréquence d'uti­

lisation des divers artefacts (tabl. 3).

E-F. Artefact-zones

Disposition des objets dans les diverses zones d'acti­

vité, publiées sous forme de plans de répartition (fig.

13, 14, 15 et 17).

F-D. Zones-nombre de personnes

Relation entre le nombre de personnes présentes autour d'un foyer et les dimensions des zones occu­

pées.

Binford établit ensuite des relations entre la struc­

ture du camp abandonné et la structure des activités observées à travers les modifications entraînées par les modes de dépôt (G).

H-( B, C, D, E, F). Vestiges-activités du camp

Comparaison entre les vestiges abandonnés et les artefacts utilisés, évaluation de l'impact des modes de dépôt (G, tabl. 4 et 5).

I-(B, C, D, E, F). Zones-activités du camp

Comparaison entre les zones de répartition des vesti­

ges et la structure des activités du camp. On oppose les rejets liés de façon pertinente aux diverses zones d'activité et les rejets globaux périphériques où se confondent plusieurs activités.

Aux données structurelles précédentes s'ajoutent enfin des considérations sur l'origine des activités observées dans le camp. La compréhension de cet

«environnement» est, en effet, un élément important de l'explication des régularités décrites.

On peut distinguer:

- L'environnement naturel

Il n'y a pas lieu de s'arrêter sur cette banalité, sinon pour insister sur l'importance de certains facteurs très précis, par exemple la direction du vent qui influence directement la position des foyers.

- La structure techno-économique

Binford remarque à ce propos que la fonction du site dépend de son intégration dans un système écono­

mique de type logistique 3, où la spécificité des emplacements occupés par l'homme est très grande (campements, affûts, sites de boucherie, haltes de chasse, etc.), contrairement au cas décrit par Yellen.

Pourtant, la nature des activités observée dans tel ou tel site est largement conditionnée par des facteurs différents de ceux qui justifient l'occupation primaire du camp.

- Les habitudes ethologiques

Les habitudes de confort et, d'une manière générale, les techniques du corps propres au groupe condition-

3. Selon Binford (1982), un système économique logistique est une stratégie d'exploitation du milieu naturel reposant sur la combinaison de plusieurs types de sites étroitement spécialisés (camps de base, haltes de chasse, affûts, sites de boucherie) et interdépendants. Ce type d'organisation ne se rencontre pas chez

les collecteurs comme les Bochimans.

(8)

ZONE 1 FOYER

Jerrlca

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EAU

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®

1 ACTIVITES séparées groupées

VIVRE AUTOUR D'UN FEU

ZONE 2 BRAISES

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ZONE 3: CERCLE INTERNE

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troisième verre

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41

Fig. 4. Camps touaregs du Hoggar. Chaîne opératoire C2, préparation et consommation du thé.

Flèches continues épaisses: emploi thé, sucre et (éventuel­

lement) feuilles de menthe.

Flèches continues minces: transvasement de l'eau ou du thé.

Flèches discontinues horizontales ou obliques: déplace­

ment des artefacts.

Flèches discontinues verticales: maintien d'un artefact à un emplacement. B: bouilloire. TA: théière A, TB: théière B.

Fig. 5. Relations surfaces-artefacts-activités, retenues dans la présente étude.

(9)

type feu boire cafetière théière bouilloire verres tasses sachets panier jerrican bois

manger marmite grille à feu tasses cuvette sac à provisions jerrican bois

foyers 1 A 2A

cercle du feu 3A 4

zones externes 5A 6

5A 6

• • Q .

Fig. 6. Camps touaregs du Hoggar. Configurations de type feu. Synthèse des informations recueillies, distinction entre activités de boire et de manger.

nent largement la structuration des activités. Parmi ces dernières, il convient de signaler la nécessité de réduire l'ennui causé par une longue attente (il s'agit d'un camp où l'on surveille la venue du gibier) et de s'adonner à diverses activités dans des conditions acceptables, sans être gêné par la fumée ou par des personnes vaquant à d'autres occupations.

3. Campements touaregs au Hoggar

La présentation de quelques campements du Hog­

gar n'englobera pas tous les paramètres retenus par l'analyse du travail de Binford, mais quelques aspects de cette démarche seulement.

L'étude d'un système quelque peu complexe n'est jamais chose simple si l'on veut dépasser le cadre

type repas boire bouilloire cafetière théière verres

sachets panier jerrican bois

manger marmite grille à feu cuvette jerrican

bois

foyers 1 8 28 38

cercle du repas

3C 4

zones externes

5A 58 6

Fig. 7. Camps touaregs du Hoggar. Configuration de type repas. Synthèse des informations recueillies, distinction entre activités de boire et de manger.

d'une approche impressionniste; elle nécessite des investissements intellectuels souvent considérables aux­

quels les praticiens des sciences humaines ne semblent pas toujours préparés.

La limitation que nous apportons à notre propos se justifie en fait sur deux plans:

Le premier découle des considérations précédentes;

chaque fonction liant deux domaines du système doit être d'abord étudiée pour elle-même avec le plus grand soin.

Le second est totalement contingent, il trouve son origine dans le caractère limité des observations que nous avons pu récolter.

Nous nous contenterons donc d'étudier ici une structure de relation B-E-F (activités, artefacts, surfa­

ces), sans nous préoccuper directement de ses prolon­

gements au niveau archéologique. Nous tenterons, par contre, de préciser dans quelle direction il conviendrait de rechercher les mécanismes permettant d'expliquer la structure dégagée.

(10)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU 43 3.1. Documentation de base

L'information que nous présentons a été récoltée à l'occasion d'un voyage touristique au Hoggar, effectué en voiture du 17 au 26 octobre 1986. Chaque matin, à la halte de midi et le soir, les chauffeurs touaregs de nos véhicules organisaient un petit cam­

pement en plein air autour d'un feu commun; ils y préparaient leur repas et y buvaient le thé tradition­

nel.

Frappé par la cohérence du «rituel» présidant à l'organisation de ces campements, dont le caractère stéréotypé contrastait fortement avec les comporte­

ments erratiques des voyageurs européens confrontés à un environnement nettement inhabituel pour eux, nous avons pensé qu'il pouvait être utile de dégager les régularités caractérisant ces installations temporai­

res.

Le tableau 1 résume les données du corpus sur lequel est fondée cette étude. Chaque observation comporte un plan schématique du campement, avec positions des hommes et des artefacts, établi sur la base de croquis de terrain et de photographies. Les personnages figurés permettent d'établir des plans dont l'échelle approximative est respectée, pour autant qu'on ne se livre pas à des mesures de distance précises. Deux états successifs d'un même camp établi à quelques heures de distance sont considérés comme deux observations distinctes.

On dispose ainsi de onze établissements successifs occupés par les mêmes individus, soit cinq campe­

ments du soir, trois campements du matin et trois campements du milieu de la journée. Quatre établisse­

ments ont fait l'objet de relevés successifs, ce qui porte à seize cas le corpus des observations disponi­

bles (fig. 10 à 15).

3.2. Les variables Le découpage spatial

Les plans peuvent se regrouper en deux catégories distinctes.

1. Un premier ensemble (feu) montre les hommes regroupés en cercle autour d'un foyer, souvent double, comportant une zone de combustion principale et une zone de braises. Cette disposition est adoptée lors de la préparation des repas, lorsqu'on consomme du thé ou qu'on se repose. Le cercle s'ouvre en fer à cheval lorsque le vent souffle et qu'il devient peu commode de se placer dans la direction où la fumée s'échappe.

2. La deuxième disposition (repas) est adoptée au moment des repas, servis dans un plat commun. Les

hommes se disposent en cercle serré autour du plat, de façon à pouvoir atteindre la nourriture avec la main. Le cercle ainsi constitué jouxte immédiatement le foyer, où la nourriture est préparée à l'opposé du sens d'évacuation de la fumée.

Le découpage spatial de ces deux dispositions s'opère comme suit (fig. 3):

Disposition de type feu

l a. Foyer principal, fréquemment associé à de grosse bûches.

2a. Foyer secondaire, formé de braises extraites du foyer principal. Ce foyer est tangent au foyer princi­

pal.

3a. Cercle interne entourant les deux foyers à l'inté­

rieur du cercle des hommes.

4. Cercle des hommes dont la surface permet l'ins­

tallation de couvertures ou de petits matelas de cam­

ping. Limite interne fixée au niveau des pieds, cercle externe à 1 m de distance de la limite précédente.

Sa. Cercle extérieur situé immédiatement en arrière du cercle des hommes. La limite extérieure de cette zone a été fixée arbitrairement à 3 m de rayon à partir du centre du foyer principal.

6. Cercle éloigné, au-delà de 3 m.

Lorsque le cercle s'ouvre en fer à cheval, la prolon­

gation du cercle occupé par les hommes permet de fermer les limites des divers cercles concentriques et de prolonger ainsi les zones définies à partir de la disposition des hommes.

Disposition de type repas

La structure concentrique précédente se dédouble.

Le premier dispositif est constitué par la zone foyère temporairement abandonnée:

1 b. Foyer principal.

2b. Foyer secondaire de braises.

3b. Cercle interne entourant les deux foyers. Limite externe fixée à I m du rayon.

Sb. Cercle extérieur. Limite externe fixée à 1.60 m.

Le second dispositif regroupe les hommes réunis en cercle pour consommer leur repas.

3c. Cercle interne, délimité par les hommes et comprenant, en son centre, le plat communautaire.

4. Cercle des hommes. Limite interne fixée au niveau des pieds, cercle externe à I m de distance de la limite précédente.

Sa. Cercle extérieur, situé immédiatement en arrière du cercle des hommes. Limite extérieure fixée arbi-

(11)

trairement à 3 m de rayon à partir du centre du cercle.

6. Cercle éloigné, englobant l'ensemble des zones situées autour de 5a et 5b, sans limite externe.

Les artefacts

La totalité des ustensiles utilisés est d'origine euro­

péenne, mais ces derniers remplissent des fonctio�s qui étaient déjà présentes lorsque les cadres de subs1�­

tance traditionnels étaient moins altérés par la pre­

sence européenne. Nous tenterons, dans la mesure du possible, de proposer des équivalences reliant ces objets aux ustensiles plus traditionnellement touaregs, tels qu'ils ont été décrits notamment par Gast (1968).

Le tableau 2 donne la liste de ces objets, accompa­

gnée d'une rapide description. On peut suggérer, pour ces derniers, quelques équivalences traditionnelles.

Les marmites, cafetières, théières, bouilloires et tas­

ses métalliques de fabrication européenne font partie, depuis le début du vingtième siècle, de l'équipement courant des Touaregs. Les tasses métalliques rempla­

cent les akous, vases à boire en bois, à lèvre amincie, non noircis au feu. Les cuvettes remplacent les tarlat, plats à manger en bois, noircis au feu, ou les tamenast de cuivre étamé, uniques ustensiles à tout faire du méhariste en voyage. Les sacs à provision trouvent leurs équivalents dans les tasoufra de peau, à ouver­

ture large et suspension verticale. Le jerrican fait office d' outre ordinaire en peau de chèvre, poils tour­

nés vers l'extérieur, guerba des arabes, abaior ou tabaiok des Touaregs4

Le regroupement des divers artefacts, en vue de l'analyse de leur insertion spatiale, peut s'opérer de trois manières distinctes :

1 . On peut opérer un premier classement reposant sur les «matériaux traités». On opposera alors les récipients contenant et traitant des liquides aqueu:

(eau, thé, sauces) aux récipients contenant la nourn­

ture sèche ou humidifiée. Resteront en dehors de cette partition le combustible et la grille à feu.

2. Il peut être utile de répartir les mêmes artefacts en classes basées sur leur encombrement relatif. Une tripartition en objets faiblement, moyennement et fortement encombrants paraît suffisante.

3. On distinguera enfin les artefacts pouvant aller sur le feu, des artefacts ne pouvant entrer en contact avec des flammes ou des braises, soit un rapport au feu positif ou négatif.

Le tableau 3 permet de situer les divers artefacts enregistrés par rapport à ces trois partitions.

Les activités

Les activités observées dans les campements s'orga­

nisent autour de deux pôles principaux, boire le thé et se désaltérer, préparer à manger et prendre ses repas.

Le feu est également un lieu de réunion où l'on discute le soir en se reposant. Il est exceptionnel, par contre, en cette saison relativement clémente, que l'on reste autour du feu pour dormir. La situation est différente en hiver, lorsque l'on a besoin de la chaleur du foyer pendant toute la nuit (Gast 1 968, p. 328).

La cérémonie du thé a déjà fait l'objet de descrip­

tions détaillées (Gast 1 968, p. 1 90), nous n'y revien­

drons ici que succinctement. La préparation et la consommation du thé nécessitent, outre les verres, trois récipients tels qu'une bouilloire, pour faire chauffer l'eau, et deux théières, placées alternative­

ment sur la zone de braises. Le schéma de la figure 4 résume les opérations permettant de préparer les trois tournées traditionnelles de boisson.

Les repas consommés sont essentiellement composés d'une galette de céréales (tagella), réduite en miettes et arrosée d'une sauce. La pâte, à base de farine de blé dur, est pétrie sur place dans une cuvette. La consistance jugée suffisante, on l'aplatit en galette de 25 cm de diamètre sur 3 à 4 cm d'épaisseur. Cette dernière est placée dans une cuvette creusée dans le sable et recouverte des braises du foyer 2. La galette, une fois cuite, est nettoyée par raclage, puis lavée.

Elle est émiettée dans une cuvette et recouverte de la sauce préparée pendant ce temps. La sauce, cuite dans la marmite sur le foyer principal 1 , est composée essentiellement d'oignons et de tomates sèches, aux­

quels peuvent s'ajouter quelques morceaux de viande et des épices diverses.

Le repas est pris en commun autour de la cuvette.

On se sert de ses mains ou de cuillers pour manger.

3.3. Les relations entre variables

Les différentes variables évoquées peuvent être reliées de diverses manières entre elles selon les re­

groupements opérés au sein des trois composantes retenues dans cette étude, organisation des surfaces, artefacts, activités.

4. Cette équivalence illustre parfaitement le fait qu'une étude ethnoarchéologique n'a pas à se préoccuper, dans un premier temps, de la probabilité de conservation d"un artefact. Dans le cas présent, un objet de peau peu susceptible d'être conservé est remplacé par un objet métallique beaucoup plus résistant à la dégradation physico-chimique. Il en va de même des récipients métalliques remplaçant les récipients de bois.

(12)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU 45 -Organisation des surfaces. On peut distinguer les

dispositifs feu et repas ou les regrouper.

-Artefacts. On peut considérer les artefacts isolé­

ment ou les regrouper selon les matériaux traités, l'encombrement ou le rapport au feu.

-Activités. On peut considérer les activités séparé­

ment ou les regrouper en boire et manger.

La figure 5 résume les liaisons que nous avons privilégiées dans cette étude et situe les tableaux de données où s'expriment ces dernières.

Répartition spatiale des activités (relations surfa­

ces-activités)

Il n'y a pas lieu de distinguer ici les dispositifs en fonction de leur situation dans la journée: campe­

ments du soir, du matin ou du milieu de la journée.

Ils sont, en effet, fondamentalement les mêmes et remplissent des fonctions strictement équivalentes.

Dispositif de type feu ( tableau 4). Les hommes se réunissent autour du feu pour discuter, boire le thé et préparer le repas. Ils se disposent en cercle autour des deux foyers, de façon à pouvoir contrôler ces derniers sans se déplacer en utilisant un court bâton et profiter de la sensation agréable de chaleur (le soir et le matin) en fonction de la température ambiante. Ces contraintes primaires déterminent la structuration de l'ensemble de l'organisation spatiale du campement.

Les foyers (la et 2a) sont utilisés pour les activités de cuisson. Le foyer principal (la), alimenté de gros­

ses bûches, sert à cuire la sauce du repas. Le foyer de braises adjacent (2a) est utilisé pour cuire la galette de céréales enfouie sous les cendres et faire bouillir l'eau pour le thé. Le cercle interne (3a) est l'espace où l'on prépare le thé et où l'on transvase les liquides. On s'asseoit en tailleur au niveau de la zone 4, soit à même le sable, soit sur une couverture ou un petit matelas disposé près du feu. On peut également s'y coucher sur le côté, face aux feux. Il arrive parfois (camps lb et 4) que deux hommes se tournent face à face pour émietter la galette de céréales dans la cuvette qui servira de plat commun. C'est également au niveau du cercle 4 que l'on tient à disposition les contenants de volume moyen d'où l'on tire les ingré­

dients nécessaires à la préparation du thé. Le cercle 5a sert, quant à lui, au stockage des provisions, on y dépose également ses sandales avant de s'asseoir.

Enfin, le bois de chauffage est stocké à la périphérie du camp en zone 6.

Dispositif de type repas ( tableau 5). Lors du repas

en commun, les foyers sont provisoirement abandon­

nés, tout en restant en fonction, et le cercle des hommes se reconstitue à proximité immédiate autour du plat contenant la galette émiettée et arrosée de sauce. L'homme situé le plus près du foyer conserve constamment, par contre, le contrôle de ce dernier où il peut continuer à faire bouillir de l'eau ou maintenir la sauce à la chaleur.

Le tableau 5 permet de constater quelques change­

ments dans la structure spatiale des activités. La zone entourant immédiatement les foyers (zone 3b) devient une zone d'entreposage où ne se déroule plus aucune activité. Le cercle interne 3c devient l'espace social et le lieu du repas commun où il est également possible de préparer le thé. Les changements affectant les zones 5 et 6 subissent, par contre, peu de change­

ments.

Insertion des artefacts dans les activités (relations artefacts-activités)

Le tableau 2 permet de se faire une idée de la fonction des divers artefacts. Il n'y a pas lieu d'appor­

ter de plus amples commentaires à cette liste. Il est en revanche important d'opérer un certain regroupement et de saisir l'insertion de ces derniers dans les activités principales que nous avons distinguées: boire de l'eau, préparer et boire le thé, préparer et consommer la nourriture du repas. Le tableau 6 permet de constater une excellente ségrégation dans le regroupement fonc­

tionnel des artefacts. Mis à part le bois et les réserves d'eau Gerrican), la préparation et la consommation de la nourriture d'une part, la préparation et la consom­

mation du thé d'autre part, sont en relation avec des artefacts distincts.

Insertion spatiale des artefacts (relation artefacts­

surfaces)

Ces relations méritent, aux yeux des archéologues, une attention particulière qui justifie une approche basée sur divers types de concordances. On examinera donc successivement l'insertion des artefacts indivi­

duels dans les diverses zones, en distinguant les dispo­

sitifs de type feu (tabl. 7) et de type repas (tabl. 8) et en opérant leur regroupement (tal;,l. 9). Puis l'on examinera cette même relation, en regroupant les artefacts par classes selon le matériau traité, l'encom­

brement et le rapport au feu (tabl. 10) sans, toutefois, tenir compte de la distinction des deux dispositifs spatiaux.

(13)

Dispositif de type feu. Le tableau 7 fait le point de la répartition des artefacts selon les diverses zones retenues. Les valeurs ont été diagonalisées pour faire mieux ressortir la structuration générale des données.

Il est ainsi possible de distinguer quatre classes princi­

pales.

1. Les marmites et la grille à feu sont directement en relation avec le foyer principal (zone la). Ces deux artefacts sont, par contre, entreposés à la périphérie lorsqu'ils ne sont pas utilisés (zone 5a, éventuellement zone 6).

2. Les théières, les bouilloires, les verres et les tasses métalliques se rencontrent le plus fréquemment au niveau du cercle interne (zone 3a).

3. Les cuvettes, les sachets à thé et à sucre et le panier d'où ils sont tirés sont le plus souvent déposés au niveau du cercle des hommes.

4. Les sacs à provisions, le jerrican d'eau et les réserves de bois sont stockés à la périphérie (zones 5a et 6), mais peuvent empiéter sur le cercle des hommes (zone 4). En revanche, on ne rencontre jamais ces artefacts à l'intérieur du cercle des hommes.

Dispositif de type repas. Le tableau 8 fait le point de la répartition des artefacts selon les diverses zones retenues. Les regroupements font apparaître les com­

portements suivants.

1. Les marmites et les bouilloires sont placées sur la zone de braises (2b ), afin de maintenir le contenu au chaud ou de préparer l'eau à bouillir.

2. Les cafetières et la grille à feu sont entreposées en zone 3b, près des foyers.

3. Les théières et les verres sont utilisés dans le cercle interne 3c pour boire le thé.

4. Les cuvettes sont associées au repas et se trou­

vent, soit au centre du cercle des hommes (zone 3c), soit près de ce dernier (zone 4), tandis que les sachets à thé et à sucre et le panier conservent leur place en zone 4.

5. Le jerrican et les provisions de bois restent stockés à la périphérie, en zone 5a.

Structure d'ensemble. Le tableau 9 cumule les don­

nées des tableaux 7 et 8 et permet de définir le comportement spatial de chaque artefact.

Marmites. Les marmites sont utilisées soit sur le foyer principal (zone 1 ), où elles sont alors calées par trois pierres ou posées sur la grille à feu, soit déposées directement sur les braises du foyer secondaire (zone 2). Elles sont placées au niveau du cercle interne, lorsqu'elles sont intégrées dans le cycle de la consom­

mation de la nourriture, ou elles sont déposées à la périphérie (zones 5 ou 6) lorsqu'elles ne servent pas.

Grille à feu. La grille à feu est conçue pour le foyer principal, mais son usage est loin d'être systématique;

en effet, les marmites peuvent être calées par de simples pierres ou être posées directement sur les braises dans les zones de foyers non occupées par de grosses bûches. On rencontre ainsi fréquemment la grille en bordure du foyer (en zone 3), ou reléguée à la périphérie du camp, en zone 5.

Cafetières. La cafetière permet de faire bouillir l'eau sur le foyer secondaire (zone 2).

Théières et bouilloires. Ces deux ustensiles ont des distributions quasi identiques, marquant bien leur utilisation conjointe dans la préparation du thé.

L'ébullition du liquide est obtenue sur le foyer secon­

daire (zone 2), plus rarement en déposant le conte­

nant à la périphérie du foyer principal (zone 1 ). Le thé se prépare, par contre, au niveau du cercle interne (zone 3), l'un des hommes étant responsable de cette tâche.

Verres et tasses métalliques. Ces contenants sont utilisés au niveau du cercle interne (zone 3), mais parfois déposés à proximité immédiate des consom­

mateurs, en zone 4.

Cuvettes. Les cuvettes se rencontrent au niveau du cercle des hommes (zone 4) lors de la préparation des repas, puis au centre de celui-ci (zone 3) lors du repas proprement dit.

Panier et sachets à thé et à sucre. Lors de la préparation du thé, l'homme chargé de cette opéra­

tion garde à proximité immédiate (en zone 4) les sachets contenant les ingrédients nécessaires et le panier da,ns lequel ils sont rangés. Entre ces opéra­

tions, ce ·panier est déposé au niveau du cercle exté­

rieur, derrière l'homme (zone 5).

Sacs à provisions et jerrican d'eau. Ces artefacts de stockage sont disposés en zone 5, en arrière du cercle des hommes (zone 4), mais peuvent parfois empiéter sur cette zone.

Bois. Le bois est stocké à la périphérie, en zone 5 ou 6, où il ne gêne pas les allées et venues. La récolte du bois mort aux environs du camp et la constitution d'une réserve de combustible précède toujours l'instal­

lation du camp.

Les contraintes expliquant les répartitions sus­

mentionnées peuvent être approchées en regroupant les artefacts selon des caractéristiques déterminées (tabl. 10). Ces caractéristiques sont listées dans le tableau 3.

Répartition selon le matériau traité. Les récipients contenant de la nourriture sèche ou humidifiée se situent essentiellement en zone 4, à proximité immé­

diate des hommes (68.0% des cas). Ils peuvent égale­

ment être stockés dans la périphérie immédiate en

(14)

VIVRE AUTOUR D'UN FEU 47 zone 5 (18.0% des cas). Ils entrent également dans le

cycle de la consommation de la nourriture en zone 3 (14.0% des cas). En revanche, on ne les trouve jamais sur les foyers ou très à l'extérieur du campement (zone 6).

Les récipients en relation avec le cycle de l'eau se rencontrent partout. Ils culminent pourtant au niveau du cercle interne (50.5% des cas) en relation avec la préparation du thé.

Le combustible est stocké à la périphérie du camp, soit en zone 5 (62.5% des cas), soit en zone 6 (31.3%

des cas). N'est pas pris en compte ici le bois brûlant dans le foyer principal.

La grille à feu, liée au foyer principal, se rencontre en zone 3 et en zone 5. On évite, par contre, de la déposer dans la zone où l'on s'asseoit.

Répartition selon l'encombrement. Les artefacts de fort encombrement sont placés à la périphérie immé­

diate du cercle des hommes en zone 5 (65.6% des cas), mais sont exclus du centre du campement. Les objets moyennement encombrants se rencontrent par­

tout, mais culminent en zone 4 (50.8% des cas). Les objets faiblement encombrants sont liés au cercle interne (62.8% des cas en zone 3), mais ne se rencon­

trent pas en zone 6.

Répartition selon la relation au feu. Les artefacts liés au feu se rencontrent dans toutes les zones, mais culminent en zone 3 (40.9% des cas). Ceux qui ne sont pas liés au feu sont naturellement exclus des foyers (zone I et 2) et culminent en zone 4 (51.3% des cas), alors que l'autre catégorie est pratiquement exclue de cette zone (seulement 5.4% des cas).

3.4. Quelques régularités

Les figures 6 et 7 rendent compte des structures dégagées du niveau général des relations activités­

artefacts-surfaces. La présentation des tableaux repose sur l'articulation des principales techniques de con­

sommations présentes dans les campements observés.

Nous y avons distingué, sur la base des tableaux 7 et 8, trois degrés dans la relation artefacts-surface:

Grands cercles: zones les plus fréquemment occu­

pées par l'artefact

Cercles moyens: zones occupées à plus d'une repnse

Points: zones occupées à une seule reprise.

Les zones hachurées signalent les zones les plus nettement inoccupées.

Boire ( eau, thé). La préparation et la consomma-

tion des liquides prend deux formes distinctes assez fortement contrastées. L'absorption d'eau pure est une opération individuelle ne répondant pas à une forme stéréotypée. Au contraire, la cérémonie du thé est une activité sociale fortement stéréotypée.

Absorption d'eau pure. Elle met en jeu les réserves d'eau et les tasses métalliques. Les réserves d'eau restent toujours à l'extérieur du cercle des hommes en zone 5, mais peuvent déborder sur ce dernier. Les tasses sont surtout utilisées dans le cercle interne.

Les observations disponibles ne concernent que les dispositions de type feu, mais il est probable que cette restriction soit due au caractère limité de l'échan­

tillon.

Préparation et consommation du thé. Cette opéra­

tion a été décrite précédemment. On boit le thé pendant que le repas se prépare ( disposition type feu) et après avoir mangé (disposition type repas). Les différences que l'on observe entre les deux dispositifs ne parfl.issent guère significatives. La bouilloire se déplace entre les foyers et les zones immédiatement adjacentes (3a et 3b). On soulignera qu'elle n'apparaît pas en zone 3c au moment des repas. Sa liaison avec les foyers est donc très forte. La cafetière semble remplir approximativement la même fonction. Les théières sont le plus souvent posées devant l'homme à qui revient la préparation du thé (zones 3a et 3c).

Lorsqu'on les place sur les foyers, c'est de préférence sur la zone de braises (zones 2a et 2b ), sans exclure, toutefois, la bordure du foyer principal (zone l a).

L'utilisation des verres est étroitement liée à l'espace des cercles internes (zones 3a et 3c).

La manipulation des denrées impliquées dans la préparation du thé se situe en zone 4. Il est donc nécessaire que les provisions soient au plus près de cette zone, tout en ne gênant pas les mouvements:

Paniers et sachets se retrouvent donc en zone 4, ou immédiatement en arrière de l'homme, en zones 5a ou 5b, alors que le jerrican contenant l'eau, relativement encombrant, est placé en zone 5a.

Les réserves de bois restent, quant à elles, à l'exté­

rieur.

Manger (galette, sauce) . La préparation de la nourriture comprend deux opérations distinctes: le pétrissage de la pâte suivi de la cuisson de la galette de céréales et la préparation de la sauce. Ces dernières se placent dans une configuration spatiale de type feu.

En revanche, le repas proprement dit est lié à la configuration repas.

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