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Lutte chimique contre la pourriture blanche de l'oignon (Sclerotium cepivorum)
CORBAZ, Roger, DORSAZ, Léonord
Abstract
Le manque d'efficacité des dicarboximides dans la lutte contre la pourriture blanche de l'oignon est confirmé. Il n'est pas dû à la présence de souches de Sclerotium cepivorum résistantes aux fongicides, bien que de telles souches apparaissent régulièrement in vitro.
Dans ce cas, la résistance est d'environ 1000x supérieure à celle de la souche originale.
Parmi les fongicides inhibiteurs de la synthèse des stérols, le triadiméfon et le cyproconazole se sont révélés les plus intéressants dans des essais en couche et en plein champ.
CORBAZ, Roger, DORSAZ, Léonord. Lutte chimique contre la pourriture blanche de l'oignon (Sclerotium cepivorum) . Revue suisse de viticulture, arboriculture, horticulture , 1992, vol. 24, no. 3, p. 147-149
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:125039
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Station fédérale de recherches agronomiques de Changins
Directeur: Alexandre Vez
Lutte chimique contre la pourriture blanche de l'oignon (Sclerotium cepivorum)
R. CORBAZ et L. DORSAZ 1, Station fédérale de recherches agronomiques de Changins, CH-1260 Nyon
Résumé
Le manque d'efficacité des dicar- boximides dans la lutte contre la pourriture blanche de l'oignon est confirmé. Il n'est pas dû à la pré- sence de souches de Sc/erotium cepivorum résistantes aux fongi- cides, bien que de telles souches apparaissent régulièrement in vitro. Dans ce cas, la résistance est d'environ î 000 x supérieure à celle de la souche originale.
Parmi les fongicides inhibiteurs de la synthèse des stérols, le tria- diméfon et le cyproconazole se sont révélés les plus intéressants dans des essais en couche et en plein chamf:J.
Introduction
Dans certaines régions, en particulier la plaine du Rhône vaudoise et valaisanne et le Seeland, les cultures d'oignons ou de bulbilles subissent des pertes impor- tantes dues à la pourriture blanche.
L'agent, Sclerotium cepivorum, vit dans la terre; il a la particularité de ne pas développer de spores. Par contre, il forme en grande quantité de petits sclérotes noirs (fig. 1), ronds, de 0,5- 0,7 mm de diamètre, susceptibles de persister 20 ans dans le sol. Il suffit de
1 Service phytosanitaire cantonal, CH-1950 Châteauneuf-Sion.
Revue suisse Vitic, Arboric. Hortic Vol 24 (3): 147·149, 1992
Fig. 1. Sclérotes de Sclerotium cepivorum en culture pure sur milieu artificiel (Potato dex- trose agar).
3 sclérotes/kg de terre pour déclencher une forte attaque; les sclérotes ne ger- ment qu'en présence de racines d'Al- lium, les exsudats, modifiés par la mi- croflore du sol en sulphides et thiols d'alkyl et d'alkenyl volatils, levant la dormance (COLEY-SMITH, 1987).
Fongicides examinés
La lutte chimique vise à détruire le my~
célium ou à l'inhiber dès la germina- tion des sclérotes. Au début, on a pro- cédé surtout à l'enrobage des se- mences, par exemple avec du calomel
DÉPARTEMENT DE 'BOTANIQUE ET DE BIOLOGIE VÉGÉTALE
BIBLIOTHÈQUE 3, place de l'Université
CH-1211 GENÈVE 4
en poudre. Les résultats dans un terrain contaminé ne pouvaient être que limi- tés.
Puis vinrent les essais de traitements en plein champ, d'abord avec le PCNB (LOCKE, 1963), puis les dicarboximides
(UTKHEDE et RAHE, 1979). Après une période de bons résultats avec la vin- clozoline et l'iprodione, on a dû constater dans plusieurs pays une perte d'efficacité notable (tabl. 1, 2 et 3).
ENTWISTLE (1986) attribua cette modi- fication à une dégradation accélérée des dicarboximides par une microflore tellurique adaptée. Dans le tableau 1, on constate les bons résultats obtenus 147
Tableau 1. Lutte chimique contre la pourriture blanche de l'oignon. Comparaison de divers fongicides.
Fongicides
% bulbes atteints Concentration
Matière active Produit commercial du produit
Triadiméfon Bayleton WP 25 0,1 % 1, 1
Difénoconazole Score 0,05 % 32,5
Thirame + vinclozoline Silbos DF 0,25 % 38,2
Vinclozoline Ronilan 3x 0,1 % 51,4
Vinclozoline Ronilan 4x 0,1 % 56,2
Myclozoline 0,1 % 2,8
Témoin sans fongicide 55,3
Essai conduit à Dorénaz, sur parcelle naturellement contaminée; semis de printemps, variété Presto; 3 applications, sauf Ronilan 4x; 5 répétitions; contrôle sur 5 x 200 bulbes.
Fig. 2. Formation d'un secteur résistant à la vinclozoline (à gauche) qui s'étend dans les zones primitives d'inhibition (milieu); à droite, souche résistante, non inhibée par les 3 concentrations de vinclozoline.
par la myclozoline (fanùlle ùes ùü:ar- boximides), mais dont on connaît la longue persistance dans le sol.
de la fanùlle des carboximides n'est pas due à la présence de souches résis- tantes, mais à une dégradation accélé- rée des fongicides par la mkroflore du sol.
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Selon des tests in vitro sur gélose consistant à mesurer les zones d'inhibi- tion du mycélium autour d'une rondel- le de papier buvard, trempée dans une solution aqueuse du fongicide, les fon- gicides marquant encore une activité à la concentration de 0,01 % de matière active sont le prochloraz, le difénoco- nazole et le cyproconazole. Ces fongi- cides ont été incorporés dans un nouvel essai en couches contaminées avec cette fois un semis d'automne. Les oi- gnons à hiverner (var. Top Keeper) souffrent davantage de la pourriture blanche, car le pathogène profite de deux périodes qui lui sont favorables:
en automne (novembre) et au prin- temps (mars-avril). Les dégâts furent particulièrement importants, puisque, dès le mois de juin, les parcelles té- moins étaient totalement détruites par Sclerotium cepivorum (tabl. 3). Dans ces conditions, deux fongicides seule- ment ont permis une récolte, à savoir le triadiméfon et le cyproconazole (fig. 4). Dans les parcelles traitées avec ce dernier, les oignons étaient plus pe- tits, mais parfaitement sains, alors qu'avec le premier nommé, les oignons étaient plus gros, mais certains présen- taient un début d'attaque. Le cyproco- nazole a la réputation d'avoir une per- sistance plus faible dans le sol et, de ce fait, peut être susceptible de recevoir plus facilement une autorisation d'em- ploi.
Pour l'instant, aucun des deux produits n'est officiellement autorisé en Suisse contre la pourriture blanche.
6.-6. Sol 8 • - • RR(rac)
~'--. •
100~
75 5025 Lors de tests en laboratoire, on a pu ob-
server à maintes reprises que, dans un premier temps, la croissance de Sclero- tium cepivorum est arrêtée par une concentration de 1 ou 10 ppm de vin- clozoline en milieu gélosé (Potato Dex- trose Agar). Si l'on attend 2 à 3 se- maines, on voit sureir 1111 secteur qui croît rapidement et envahit toute la sur- face libre (fig. 2). Des repiquages suc- cessifs sur des milieux contenant
10 ppm de vinclozoline ont révélé une grande stabilité de la résistance. Il s'agit d'une mutation mycélienne avec un degré de tolérance à la vinclozoline 1000 x supérieur à celui de la souche sauvage dont elle est issue (fig. 3). A noter que cette souche RR a gardé son pouvoir infectieux. Le second auteur isola une cinquantaine de souches de Sclerotium cepivorum à partir de bul- billes ou d'échantillons de terre en pro- venance de la vallée du Rhône et du Seeland, deux régions à forte produc- tion d'Allium. Aucun de ces isolats ne s'est montré résistant aux dicarboxi- mides. Dans ces circonstances, il y a tout lieu de croire que la perte d'effica- cité quasi totale (tabl. 2) des fongicides
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01AO PtO
0 0
0.100 1.000 10.000 100.000 1000.000
CONCENTRATION ppm
Fig. 3. Croissance après 7 jours de souches de Sclerotium cepivorum en présence de diverses concentrations de vinclozoline (exprimée en % de la croissance sur milieu sans fongicide).
F3: souche sauvage de référence. Sc1 et Sol8: isolats de la plaine du Rhône. RR: mutant de F3 résistant à la vinclozolîne.
Tableau 2. Lutte chimique contre Sclerotium cepivorum. Comparaison de 3 fongi- cides; essai en couche artificiellement contaminée (1 sclérote/cm2), 2 répétitions.
A. Semis de printemps, variété Superba, 1 application stade 2 feuilles Fongicides
% oignons atteints Concentration
Matière active Produit commercial produit commercial
Triadiméfon Bayleton WP 25 0,1 % 5,7
Vinclozoline Ronilan 0,2% 33,3
Difénoconazole Score 0,1 % 25,1
Témoin 35,6
B. Semis d'automne, variété Top Keeper, 2 applications, la première en automne, la seconde au printemps
Fongicides Rendement en %
du témoin' Matière active Produit commercial Concentration (poids des oignons
produit commercial sains)
Triadiméfon Bayleton WP 25 0,2% 95,3
Vinclozoline Ronilan
Difénoconazole Score
Témoin1 (sans fongicide) Témoin2 (sans Sclerotium)
Conclusions
La lutte chimique par le traitement des semis sera bientôt capable de donner à nouveau de bons résultats, grâce à cer- tains fongicides de la famille des inhi- biteurs de la synthèse des stérols. Dans nos essais, le triadiméfon et le cyproco- nazole sont sortis en tête; toutefois, leur homologation officielle n'est pas réalisée.
Dans la pratique, il faut compter avec un, voire deux traitements, sur les
0,2% 13,2
0,2% 47,1
- 6,7
-
100semis de printemps: le premier devant être effectué au stade 2 feuilles, tandis que, pour les oignons à hiverner, 2 ou 3 applications sont nécessaires; soit la première en automne, une deuxième et éventuellement une troisième au prin- temps.
Remerciements
Nos sincères remerciements vont à V. DucROT pour son aide technique.
Tableau 3. Comparaison de divers fongicides contre la pourriture blanche de l'oignon (Sclerotium cepivorum). Essai en couche; variété Top Keeper; oignons à hiverner. Semis: 1.10.1990; 2 traitements: mi-novembre 1990 et le 21 .3.1991.
Produils examinés: matière active Produit commercial et concentration
A Triadiméfon Bayleton WP 25: 0,2 %
B Vinclozoline Ronilan: 0,2 %
c
Difénoconazole Score: 0,1 %D Penconazole Topas Vino: 0, 1 %
E Prochloraz Sportak: 0, 1 %
F Tébuconazole Folicur: 0, 1 %
G Cyproconazole Alto: 0,1 %
H Flutriafole Impact: 0,1 %
T Témoin sans fongicide
Progression de la pourriture blanche• Rendement en kg
Dates 15.4.91 29.4 15.5 24.6 21.8
A 2,2 1,7 2,0 2,5 3,010
B 4,0 4,5 5,0 5 0
c
2,2 3,2 3,5 5 0D 3,2 4 4,5 5 0
E 2,5 2,5 3,5 5 0
F 3,0 3,2 4,0 5 0
G 2,5 2,2 2,7 3,2 2,830
H 4,5 4,5 5,0 5 0
T 4,0 4,2 5,0 5 0
• 1: pas d'infection; 3: infection moyenne; 5: détruit par la maladie.
Fig. 4. Parcelles contaminées, en couche, traitées avec A
=
triadiméfon, B=
vinclo-zoline, C = difénoconazole.
Bibliographie
CoLEY-SMtTH J. R., 1987. Alternate methods for controlling white rot disease of Allium, pp. 161-177. In: Innovative Approaches to Plant Disease Control. Ed. 1. Chet; J. Wiley
& Sons, Londres, 372 p.
ENTWISTLE A. R., 1986. The chemical control of AWR at the NVRS, 1983-1986. ln: Proc. 3 Int. Workshop on AWR, Wellesbourne U.K.
(S3), ll-13.
LOCKE S. B., 1963. An improved laboratory assay for testing effectiveness of soil chemi- cals in preventing white rot of onion. Plant Disease Rept. 49 (6), 546-549.
UTKHEDE R. S. and RAHE J. E., 1979. Evaluation of chemical fongicides for control of anion white rog. Pestic. Sc. 10, 414-418.
Zusammenfassung
Chemlsche Bekiimpfung der Zwie- belweissfiiule (Sclerotlum cepivo- rum)
Die Unwirksamkeit der Dicarboximi- den gegen der Zwiebelweissfàule wurde bestiitigt. Sie war nicht durch gegen Fungiziden resistente Sclerotium cepi- vorum Stamme verursacht, obschon solche Stamme in vitro regelmiissig auftraten. Dann war die Fungizidresi- stenz etwa 1000 x hoher ais diejenige des wilden Stammes.
Unter den Sterolbiosynthese hemmen- den Fungiziden erwiesen sich triadime- fon und cyproconazol ais die interes- santesten in Saatbeet- und Feldver- suche.
Summary
Chemlcal control of Allium white rot (Sclerotium cepivorum) The inefficacy of the dicarboximide fongicides to contrai Allium white rot was confirmed. Poor control was not due to strains of Sclerotium cepivorum resistant to dicarboximides, although such strains were easily obtained in vitro. In this case, the resistance factor was about 1000.
Triadimefon and cyproconazole were the most promising DMI fongicides tested in seedbed and field trials.
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