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Etude sur le revenu et les investisssements des producteurs de café et de cacao en Côte d'Ivoire : rapport final. Mai 2008

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Agrisystems

Demande nº 2007/143835 – Version finale

Etude sur le revenu et les investissements

des producteurs de café et de cacao

en Côte d’Ivoire

Rapport final

Mai 2008

Préparé par:

Cardno Agrisystems Limited – Lead Member of Agrisystems Consortium

Consultants: François Ruf et Jean-Luc Agkpo

Projet financé par l’Union Européenne

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Européenne (Stabex 99/2).

Toutefois ce rapport, les opinions et les analyses qui y

sont formulées, ne sauraient engager la responsabilité

du Gouvernement de la Côte d'Ivoire ou de la

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Etude sur Le revenu et les investissements des

producteurs de café et de cacao en Côte d’Ivoire

Rapport final

Mai 2008

S

OMMAIRE

RESUME DE L’ETUDE ... 1 INTRODUCTION ... 7 1 APERÇU METHODOLOGIQUE ... 11 2 PRESENTATION DE L’ECHANTILLON ... 15

3 EVOLUTION DES PRIX ET DU POUVOR D’ACHAT DU CACAO : 1960-2008 ... 21

4 DYNAMIQUE DES PLANTATIONS EN COTE D’IVOIRE ET PREMIER APERÇU DU ROLE DES PRIX ... 27

4.1 Concept et acquis bibliographiques ... 27

4.2 Evolution en 2007 ... 29

4.3 Influence des prix au producteur ... 29

4.4 Le poids spécifique du prix relatif café/cacao ... 31

4.5 Conclusion partielle : les leçons du prix relatif ... 33

5 ANALYSE DES COUTS DE PRODUCTION ... 35

5.1 Approche par le rapport Abusan ... 35

5.1.1 La pertinence de l’indicateur abusan... 35

5.1.2 Les cas de partage en abugnon, à 50%, sur cacao ... 38

5.1.3 Les « adaptateurs » de coûts : « primes » et «charges» pour l’abusan ... 41

5.1.4 Estimation des coûts et des rentabilités ... 41

5.2 Approche par les budgets ... 44

5.2.1 Pour une exploitation « moyenne » ... 44

5.2.2 Approche géographique, par départements ... 45

5.2.3 Approche selon l’origine des planteurs : le dualisme autochtones/migrants . 48 5.2.4 Approche selon la dimension des exploitations et le niveau de revenus ... 49

5.3 Conclusion partielle... 50

6 LES APPUIS AUX PRODUCTEURS... 51

6.1 Le crédit ... 51

6.1.1 Le système bancaire ... 52

6.1.2 Les micro crédits (IMF)... 53

6.1.3 Les crédits de la profession... 53

6.1.4 Les crédits informels ... 54

6.1.5 Conclusion partielle ... 54

6.2 Les intrants... 55

6.2.1 Le matériel végétal ... 55

6.2.2 Les produits phytosanitaires... 56

6.2.3 Les engrais ... 60

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6.3 Le conseil agricole et le renforcement des capacités des producteurs... 62

6.3.1 Conseil agricole ... 62

6.3.2 Renforcement des capacités des producteurs ... 62

6.4 Les coopératives ... 63

6.5 Conclusion partielle... 63

7 LES VARIATIONS DE PRIX DU CAFE ET LEUR IMPACT SELON LES PLANTEURS ... 65

7.1 La chute du prix... 65

7.1.1 Approche bibliographique... 65

7.1.2 Les années 2000 en Côte d’Ivoire... 70

7.2 La remontée du prix du café ... 72

7.2.1 Un impact reconnu par la majorité des planteurs ... 72

7.2.2 Un impact récusé par une minorité de planteurs... 74

7.3 Retour aux faits : impact du prix sur les abandons de caféières... 74

7.4 En conclusion partielle ... 76

8 LES STRATEGIES DES PLANTEURS FACE AUX FLUCTUATIONS DES PRIX DU CACAO ... 79

8.1 Cas de la hausse des prix ... 79

8.2 Cas de la baisse des prix ... 82

8.3 L’indifférence d’une minorité de planteurs à une hausse ou une baisse des prix du cacao... 84

8.4 Conclusion partielle... 85

9 LE POINT DE VUE DES PLANTEURS SUR L’INSTABILITE DES PRIX ... 87

10 LA PLACE DU BINOME CACAO/CAFE DANS LES REVENUS ... 89

10.1 Cacao et pauvreté ... 89

10.2 La place encore prépondérante du binôme cacao/café ... 90

10.3 En corollaire, un impact encore limité du palmier et de l’hévéa ? ... 90

10.4 Une flexibilité réduite sur les cultures vivrières ... 91

10.5 Les « autres revenus »... 93

CONCLUSION... 97

RECOMMANDATIONS ... 99

BIBLIOGRAPHIE ... 101

Annexe

Annexe 1. Termes de référence Annexe 2. Zones Enquêtées

Annexe 3. Détails sur les structures d’âge des vergers

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RESUME DE L’ETUDE

La notion de prix rémunérateurs est au cœur de la problématique de la durabilité dans le secteur du café et du cacao. Les prix aux producteurs fluctuent fortement en relation avec le prix international et ne sont pas parfois suffisamment attrayants pour inciter les producteurs à planter et replanter des cacaoyers. Ne vont-ils pas trouver d’autres moyens pour maintenir leur exploitation et assurer des conditions de vie décentes à leurs familles?

De plus, le développement des cultures de café et de cacao en Côte d’Ivoire s'est fait au détriment de la forêt primaire qui est passée de 12 millions d'hectares en 1960 à moins de 2 millions aujourd'hui. Face à une baisse de la productivité liée à la perte de la rente forêt et au vieillissement des plantations, voire des changements climatiques, bien des plantations sont soit abandonnées soit reçoivent de moins en moins d’entretien. De nouveaux fronts pionniers sont créés (en particulier dans le sud-ouest avec un retour partiel vers l’Est), mais juste à quand ? Les conséquences écologiques sont inquiétantes. Malgré sa position de premier producteur mondial, la Côte d’Ivoire a un besoin urgent de politique publique en faveur des planteurs de café et cacao. Le pays risque de supporter un coût très élevé lié à la baisse de la productivité puis à l'abandon partiel de la culture de café et de cacao par des milliers de planteurs.

Face à ce contexte plein d’incertitudes pour l’avenir de la cacaoculture, le Ministère d’Agriculture a initié la présente réflexion sur le rôle des prix et des revenus dans les stratégies de consommation et d’investissement des producteurs.

L'objectif global est d'analyser la formation des revenus, la capacité d’épargne et les stratégies d’investissement des producteurs de café et de cacao et surtout l’influence des prix aux producteurs sur ces stratégies.

Cette étude s’appuie, outre la revue de la documentation existante, sur une enquête effectuée en 6 semaines auprès de 435 producteurs de café et de cacao. Ces planteurs sont répartis dans les principaux départements de la zone de production de café et de cacao de la Côte d’Ivoire.

Les principaux résultats et conclusions de l’étude sont présentés comme suit :

La chute du pouvoir d’achat des producteurs de cacao

L’étude montre clairement la baisse structurelle du pouvoir d’achat des producteurs de plus de 50% sur les vingt (20) dernières années. Certes, cette baisse importante du prix constant tarde à affecter la production qui continue d’augmenter depuis les années 90 et se maintient encore relativement bien dans les années 2000. L’explication réside en partie dans la capacité de l’agriculture familiale à s’adapter aux baisses de prix, notamment en continuant à planter, grâce à sa force de travail familial qui accepte d’être peu ou pas rémunérée. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, ce principe est renforcé par les migrations des populations depuis les zones de savane relativement plus pauvres.

La place du binôme cacao/café dans les revenus des ménages

L’approche des revenus des ménages permet de confirmer l’appauvrissement des planteurs dans des exploitations de cacao et café. On aurait pu imaginer qu’ils tentent d’échapper à la chute de leurs revenus cacao et café par un report des facteurs de production sur les cultures vivrières. C’est parfois le cas localement, sous certaines conditions de proximité d’Abidjan, parfois avec une spécialisation des exploitations. Certains producteurs peuvent

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délaisser le cacao et café pour se concentrer sur les vivriers, notamment le maraîchage. Mais sur l’ensemble des exploitations de cacao et café, la capacité des exploitations familiales à mettre des surplus vivriers de base (céréales, tubercules, banane) sur le marché s’est considérablement affaiblie avec la raréfaction des terres et l’augmentation de la taille des familles. Les autres revenus, tirés du commerce, de l’artisanat, des petits métiers, mais aussi des pensions des retraités venant s’installer au village, ainsi que les locations de terres, jouent un rôle plus important que les vivriers.

Budgets et coûts de production

Une analyse des systèmes de production et des ressources financières des producteurs a été effectuée. Pour l’estimation des dépenses monétaires des producteurs, deux approches ont été retenues, d’une part celles ne retenant que les dépenses monétaires, d’autre part l’approche par le contrat de pseudo métayage, type Abusan/Abugnan.

Ces approches permettent de montrer que la composante financière du coût de production est relativement limitée. Certes, le travail familial reste le plus important mais tout se passe comme si cette main d’œuvre familiale était encore plus exploitée que la main d ‘oeuvre dite salariée ou payée selon un contrat abusan. Il en résulte un coût monétaire, relativement faible. Ce coût obtenu dans la présente étude n’est donc qu’une composante du coût de production car il ne prend pas en compte la valorisation du travail familial mais son faible niveau explique en partie la résistance des exploitations face d’une baisse structurelle du prix aux producteurs. On peut considérer que ce coût monétaire est proche d’un « coût de survie ». Pendant un certain temps (qui reste à défini et dépendamment alternatives économiques), les exploitations peuvent supporter une très faible rémunération de leur main d’œuvre familiale.

Le niveau des dépenses monétaires des producteurs oscille en moyenne entre 100 Fcfa/kg et 200 Fcfa/kg et 150 Fcfa/kg et 250 Fcfa/kg respectivement pour le café et le cacao.

Les variations de prix et l’impact sur les investissements dans les plantations

L’étude met en évidence la capacité des planteurs à maintenir des investissements dans les plantations en période de prix défavorable mais aussi leur propension à augmenter ces investissements lorsqu’ils disposent d’un revenu supplémentaire.

Le maintien des investissements en période de prix défavorable s’explique par deux grands mécanismes :

- d’une part, l’agriculture familiale peut résister avec son faible « coût de survie », la mobilisation du travail familial et le maintien d’une production alimentaire (céréales, tubercules, maraîchage) en attendant des jours meilleurs.

- d’autre part, une situation de prix encore plus défavorable pour une autre culture peut tempérer les impacts. C’est le cas du cacao qui bénéficie depuis longtemps d’une situation encore plus défavorable sur le café. C’est une des explications à la croissance du cacao dans un contexte de prix affaibli et incertain. Mais comme pour le café, cette situation est en pleine évolution pour le cacao. La préférence des planteurs s’oriente de plus en plus, vers l’hévéa, en raison de la rapide progression des cours et de la régularité des revenus au cours de l’année. La baisse ou la stagnation des prix du cacao va donc avoir un effet encore plus sensible sur l’investissement vers d’autres cultures pérennes, tel l’hévéa.

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Ajustements aux prix sur l’entretien des plantations... et des dépenses familiales

L’étude confirme que les producteurs sont très sensibles aux fluctuations des prix. Plus de 80% des producteurs interrogés affirment avoir ajusté soit la hausse ou la baisse les dépenses d’exploitation mais aussi des dépenses familiales face à une hausse ou une baisse des prix du cacao. Seulement 20% se déclarent « indifférents » aux fluctuations de prix dans leur comportement à cour terme.

Face à une hausse des prix, les planteurs réagissent prioritairement par une amélioration des conditions de vie du ménage à travers une augmentation des dépenses du ménage et des dépenses sociales. Au plan directement productif, l’utilisation des produits phytosanitaires est fortement corrélée au prix et au revenu. Dans tous les compartiments de leur vie, les planteurs sont donc très sensibles aux fluctuations des prix du cacao.

Symétriquement, en cas de baisse, l’ajustement au prix se fait d’abord par la réduction du train de vie, par une compression des dépenses du ménage, donc par un affaiblissement de la qualité de l’alimentation, de la nutrition, de l’habilement, de la scolarisation.

Il y a donc bien « ajustement » et « résistance » des exploitations familiales, en parie sur les taux de récolte, d’entretien et sur les intrants au détriment malheureusement de la qualité de vie des familles, de leur alimentation, de leur santé et de la scolarisation des enfants. La rémunération des femmes baisse très significativement.

En cas de baisse prolongée, et en cas d’alternative économique, la baisse d’entretien et de traitements des plantations peut aller jusqu’à l’abandon au moins provisoire des parcelles. Depuis les années 80 (avec une accélération dans les années 2000), c’est ce qui se produit sur les caféières : abandon des caféières et report du travail sur les cacaoyères.

Toutefois, à partir des années 2000, ce modèle pourrait fort bien se reproduire, cette fois aux dépens aussi bien du cacaoyer que du caféier et au profit du palmier, et encore plus de l’hévéa, en plein boum dans le pays.

Ajustement de la consommation d’intrants et des investissements aux variations des prix

L’étude confirme et contribue à montrer que les planteurs réajustent très leur niveau de consommation d’intrants face aux changements de prix du cacao ou du café. Les temps de réponse aux hausses de prix sont logiquement un peu plus longs pour l’engrais et pour la création de nouvelle plantation. Dans un contexte de revenu très faible, s'il faut faire un arbitrage entre un produit anti-miride et l’engrais, le choix porte logiquement sur le premier intrant. Au moment où les cours mondiaux de l’engrais augmentent rapidement, c’est d’ailleurs bien un des dangers pour la cacaoculture ivoirienne, un danger auquel les pouvoirs publics devraient porter la plus grande attention.

Par ailleurs, compte tenu de la baisse relative des ressources en terre et probablement en travail, on peut faire l’hypothèse d’un rôle croissant des intrants dans la production de cacao. Le processus a d’ailleurs déjà commencé avec l’adoption de l’engrais. On peut en effet souligner la formidable innovation sur l’engrais et considérer que ces taux d’adoption d’intrants restent presque élevés compte tenu des services déficients et des prix du cacao très faibles depuis 1999 (à l’exception de 2002 et 2003).

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Accès au crédit

Multiples et variés, les besoins des producteurs en crédit se sont accrus face à la paupérisation grandissante dans les zones rurales. Il s’agit de besoins en financements pour créer de nouvelles plantations mais également pour couvrir des dépenses sociales dans l’urgence. Malheureusement, mis à part des crédits informels aux taux d’intérêt prohibitifs, les enfermant dans une spirale de récession, les producteurs de café et cacao n’ont accès à aucune source de crédit leur permettant de satisfaire ces besoins. Les différentes formes de crédit formel existantes sont inadaptées à la situation actuelle de l’agriculture et à celle de la filière café et cacao en particulier.

Appui à l’épargne

En amont du crédit, la capacité d’épargne des producteurs susceptible de soutenir leurs investissements est quasiment annihilée par la précarité dans laquelle vivent la majorité des producteurs, sans oublier les fluctuations incessantes des prix. Les opportunités du système bancaire se sont un peu élargies ces dernières années, ce qui constitue un progrès potentiel, mais encore très peu utilisés par les planteurs de cacao et café, faute de capacité d’épargne. Sauf pour quelques très gros producteurs et quelques nouveaux ayant des charges de famille encore très réduites, le cacao ne permet plus d’épargner.

L’étude met en évidence la capacité des producteurs à épargner une faible partie de leurs revenus en période de conjoncture favorable des prix. Toutefois, cette épargne, encore très faible, est très vite éprouvée par les fluctuations des prix et ne peut intervenir comme régulateur des revenus des producteurs.

Conseil agricole et utilisation du matériel végétal sélectionné

Le taux dérisoire d’utilisation de matériel végétal sélectionné sur le cacao est un indicateur de l’effondrement de la vulgarisation au service des producteurs de cacao. Le verger caféier et cacaoyer de la Côte d’Ivoire est caractérisé par une faible utilisation de matériel végétal sélectionné. L’étude de 2006 sur le peuplement végétal, par les mêmes auteurs, avait déjà montré que seulement 17% des planteurs utilisaient du matériel sélectionné pour les créations de parcelles de cacao, dont l’essentiel dans le passé, avant les années 90. Le matériel sélectionné provient soit des services de vulgarisation (ex SATMACI et ANADER) soit du CNRA.

En 2007, la présente étude confirme le piètre résultat pour le cacao : selon les déclarations des planteurs, 12% seulement des parcelles ont été plantées avec du matériel sélectionné et 79% du tout venant. Le reste est d’origine « incertaine».

Le prix du cacao n’est pas la seule variable en cause. Plusieurs raisons sont avancées par les producteurs pour justifier la sous utilisation de matériel végétal sélectionné dont trois principales qui sont :

- le manque de moyens pour l’acquérir, cette raison est évoquée par 30% des non adoptants. En effet, pour ceux-ci, le coût d’acquisition des cabosses sélectionnées, qui est aujourd’hui de 25 000 FCFA/ha (50 cabosses), est encore élevé. Aussi, se tournent t-ils vers le tout venant qu’ils obtiennent généralement gratuitement.

- le manque d’information sur la disponibilité et les dispositions à prendre pour se procurer le matériel végétal : 26% des producteurs non adoptants.

- enfin, 13% des producteurs évoquent l’absence d’une structure spécialisée qui centraliserait les fonctions de promotion et de fourniture du matériel. Les producteurs ont été habitués à un encadrement de proximité du type SATMACI et ne parviennent pas à s’adapter au nouveau contexte.

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L’incontournable stabilisation des revenus

L’étude met en relief le fort désir de stabilisation des prix exprimé par les producteurs. En effet, près de 80% des producteurs interrogés affirment préférer un prix stabilisé à des prix fluctuants. 18% préfèrent la situation d’un prix minimum garanti et la possibilité de pouvoir profiter au cours de l’année des hausses de prix éventuelles.

Le système de vente spot actuel basé sur un simple enregistrement des ventes a montré ses limites quant à la sécurisation des prix aux producteurs notamment face à une conjoncture défavorable des prix sur le marché. En effet, le risque de prix est entièrement supporté par les producteurs et les fluctuations des cours sur les marchés mondiaux sont directement répercutées sur les producteurs. Les prix offerts aux producteurs sont des prix résiduels c'est à dire payés aux producteurs après que tous les acteurs situés en aval se soient rétribués.

Il serait possible de mettre en place des mécanismes permettant de garantir un revenu minimum aux producteurs comme ils le souhaitent massivement. Le levier serait évidemment de jouer sur une taxation plus souple et adaptée au prix. Elle aurait un prix à court terme mais elle serait politiquement payante et il y va de l’avenir du pays.

La place du binôme cacao/café dans les revenus des ménages

L’approche des revenus des ménages permet de confirmer l’appauvrissement des planteurs dans des exploitations de cacao et café. On aurait pu imaginer qu’ils tentent d’échapper à la chute de leurs revenus cacao et café par un report des facteurs de production sur les cultures vivrières. C’est parfois le cas localement, sous certaines conditions de proximité d’Abidjan, souvent grâce aux femmes, parfois avec une spécialisation des exploitations. Certains producteurs peuvent délaisser le cacao et café pour se concentrer sur les vivriers, notamment le maraîchage.

Mais ce n’est pas la règle générale. sur l’ensemble des exploitations de cacao et café, la capacité des exploitations familiales à mettre des surplus vivriers de base (céréales, tubercules, banane) sur le marché s’est considérablement affaiblie avec la raréfaction des terres et l’augmentation de la taille des familles. A l’exception possible du maraîchage, et sauf à abandonner le cacao et le café, la réponse par les vivriers à une chute des prix du cacao et café est désormais faible.

Les autres revenus, tirés du commerce, de l’artisanat, des petits métiers, mais aussi des pensions des retraités venant s’installer au village, ainsi que les locations de terres, jouent un rôle plus important que les vivriers. Ils reflètent en partie l’effort des planteurs de cacao et café pour maintenir des revenus.

Conclusions et recommandations principales

Depuis presque 20 ans, à travers la chute des prix et la quasi absence des services rendus aux planteurs, l’appauvrissement structurel des planteurs de cacao est continu et drastique. Quant au café, à l’exception de régions où on ne peut pas cultiver le cacao, on ne peut pratiquement plus trouver de planteurs de café. Jusque dans les années 2000, la chute du café a contribué à maintenir le cacao.

Mais dans un contexte de raréfaction des ressources en forêt, en terre, en travail et également en capital, du moins chez les paysans, cet appauvrissement est potentiellement grave de conséquences pour :

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- l’alimentation, la santé et l’éducation de la population, et donc pour la nouvelle génération dans ce pays

- et pour l’avenir de la cacaoculture dans le pays.

On assiste à une perte de confiance des planteurs dans « leur cacao ».

Les cultures de « diversification » comme le palmier et surtout l’hévéa vont donc prendre une part de plus en plus importante des ressources en terre, travail et capital. Leur succès prévisible (le boum du caoutchouc attendu et déjà en cours de réalisation), est certainement une bonne chose pour la Côte d’Ivoire, mais les politiques publiques devraient se pencher attentivement sur le prix à payer en termes de production et de revenus du cacao pour la Côte d’Ivoire. Sans une hausse rapide du prix au producteur, la Côte d’Ivoire peut probablement s’attendre à un déclin de sa production, ce qui aura certainement un impact favorable sur le cours mondial mais les pays concurrents en profiteront plus que la Côte d’Ivoire.

La recommandation la plus importante d’une étude sur le rôle des prix et des revenus tourne logiquement autour du prix au producteur. Une hausse du prix au producteur est un élément incontournable de regain de la confiance et de l’espérance des planteurs dans le cacao. Cette recommandation peut paraître simpliste mais elle est profonde, émergeant de ce diagnostic sévère de la perte de confiance des planteurs dans le cacao, au moment où ils découvrent de nouvelles alternatives comme l’hévéa. En février, lors de la présentation du rapport provisoire, il avait été recommandé de ne plus laisser le prix redescendre en dessous du seuil de 500 F/kg atteint à cette période (notamment en relation avec ce besoin de stabilité des prix exprimé par la majorité des planteurs). Après une baisse sévère en début de petite traite, le prix se rapproche aujourd’hui de ce seuil, ce qui va dans la bonne direction.

Conjoncturellement, depuis février, le cours mondial a gagné 300 US $ par tonne, probablement en relation partielle avec une anticipation de déclin de production en Côte d’Ivoire. Même avec un Euro et donc un Franc CFA fort, cette évolution devrait favoriser une hausse de prix au producteur.

Structurellement, l’Etat pourrait sans doute revoir sa politique de taxation. Avec un doublement des prix de l’engrais, lequel va devenir de plus en plus incontournable, le seuil de regain de confiance dans le cacao va rapidement approcher un minimum de 600 à 700 F/kg.

Parallèlement à cette hausse du prix au producteur, toutes les actions et services susceptibles d’y contribuer seront également très importants, du conseil technique au crédit, en passant surtout par un effort sur la réhabilitation de pistes, dont l’état pèse parfois lourdement sur les prix payés aux producteurs.

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INTRODUCTION

1980 : « Le cacao, c’est l’argent »

Dans les années 1980, cette brève affirmation, nous l’avons entendu des milliers de fois, de la part de planteurs enthousiastes. Elle résume et illustre l’immense rôle économique et social du cacao en Côte d’Ivoire. Pour des centaines de milliers de familles, le cacao devient la voie d’accès quasi exclusive au marché international. En retour, le cacao finance l’école, les maisons au village, les projets.

1990 : «Dîtes au Président que l’on va retourner en savane faire du coton»

En 1988/89, la caisse de stabilisation ne peut jouer son rôle de stabilisation. N’ayant pas épargné, elle ne peut rien contre la chute du cours mondial, rien restituer aux planteurs, rien assurer de son rôle théorique d’épargne et de régulation. La tentative de rétention du cacao par la Côte d’Ivoire échoue. Le prix au producteur s’écroule. La production marque le pas. Les revenus des planteurs établis de longue date chutent de 60% : c’est la « malédiction cacaoyère » (Ruf 1991). Les migrants Baoulé, les grands vainqueurs de la course à la terre des années 70 et 80, sont désespérés. Ils n’appliqueront jamais leur menace de « retour en savane ». Les revenus du coton restent encore bien inférieurs à ceux du cacao. Petit à petit, un mélange de résignation et d’optimisme renaît. En 1994, le pays connaît une autre rupture, celle de la dévaluation de 50% du Fcfa, qui est généralement considérée comme un succès. De fait, elle semble jouer un rôle dans la croissance de la production nationale, mais l’effet sur les revenus des planteurs de cacao a été peu ou pas étudié.

2000 : «L’argent ne suffit plus».

2008 : «En 2002, avec une tonne, on avait 800.000 F. Actuellement une tonne fait 400.000F : voilà la différence »

De 2000 à 2008, malgré le soubresaut du cours mondial et du prix en producteur en 2002/03, c’est surtout cette complainte sur l’insuffisance du prix et de revenus qui ressort des discours des planteurs.

Au plan de la production nationale de cacao, elle ne cesse de croître dans les années 90, passant du record de 800.000 tonnes atteint en 1988/89 un nouveau record de 1.400.000 tonnes en 1999/00. En 2003/04, en tenant compte des exportations « informelles » de cacao via le Ghana et le Togo, les planteurs de Côte d’Ivoire ont peut-être même franchit le seuil de 1.500.000 tonnes. Depuis, la production semble osciller autour de 1.300.000 tonnes, maintenant la Côte d’Ivoire au rang de premier producteur mondial, avec une production encore deux fois supérieure à celle du Ghana.

Ainsi, sur la période allant de 1989 à 2007, face aux plaintes des planteurs sur leurs prix et leurs revenus, la tendance dominante de la production est une forte croissance suivie d’une stabilisation relative.

Même pour une culture pérenne qui connaît nécessairement un décalage entre les changements de prix et les effets sur production, du fait des années d’attente avant la plantation et l’entrée en production, cette évolution parait relativement éloignée des théories économiques de base. Les planteurs de Côte d’Ivoire seraient-ils si peu sensibles aux prix ? Au-delà de la crise de 1988/89, l’appauvrissement des planteurs de cacao est-il bien une réalité ? Seraient-ils sans réponse face à leur appauvrissement ?

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Quels sont les impacts d’une baisse mais aussi d’une hausse des prix et des revenus des planteurs de café et cacao sur leur niveau et choix d’investissement ?

Si le prix baisse, quels ajustements font les planteurs ? Sur quels postes diminuent-ils leurs dépenses ? Quel est l’arbitrage des planteurs entre consommation et investissement ? La variable « production » restant difficile à maîtriser par les planteurs et a fortiori par les pouvoirs publics, (production notamment sujette à des aléas climatiques d’une année sur l’autre, travail de recherche et vulgarisation jouant plus sur le long terme), le prix au producteur reste la variable la plus efficace sur laquelle les pouvoirs publics peuvent jouer pour augmenter les revenus des planteurs. De fait, la majorité des économistes pensent que le prix, en particulier le prix anticipé par les planteurs à un moment donné, est bien la variable la plus déterminante sur la décision d’investir.

Ainsi en terme de politique économique, les questions centrales deviennent : Pour la Côte d’Ivoire, quelles sont les conséquences de plusieurs années de bas prix du café et du cacao ? Dans les années 50/60, les experts étaient convaincus de la faible réponse au prix, ce qui avait contribué à la création des caisses de stabilisation dans les pays africains producteurs de cacao et café. Qu’en est-il en 2008 ? Les politiques publiques peuvent-elle se permettre de continuer à taxer lourdement la filière cacao ? Quelle serait l’efficacité économique et sociale d’une augmentation du prix du cacao ou du café au producteur à partir de 2008 ?

A notre connaissance, la littérature économique abonde d’études sur l’impact des prix dans les années 70 et 80, (SEDES 1983, Ruf 1981, Ruf et Stessels 1986, Colin 1987, 1990). On bénéficie également de données au début des années 90 (Hanak Freud et al, 2000, Léonard et Vimard 2005). Quelques études intégrant la variable prix sont encore réalisées entre 1999 et 2002 (Aguilar et al, 2003, Ruf 2001, 2004). Mais peu de collecte de données de terrain s’effectue depuis 2003. Les effets de l’effondrement du prix du café depuis 2000 et la rapide retombée du prix du cacao après l’intermède de 2002/03 restent donc peu analysés dans la littérature économique. Ils sont approchés dans une étude réalisée par les mêmes consultants en 2006, déjà pour le compte de l’Union Européenne, mais le sujet principal portait non pas sur les prix mais sur une stratégie d’amélioration du peuplement végétal (Ruf et Agkpo 2007).

Après un bref aperçu de la méthodologie, ce rapport traite ce sujet à travers différents chapitres

- La présentation de l’échantillon : elle permet de rappeler la structure de base des exploitations de cacao et café en Côte d’Ivoire, construites par la rencontre entre autochtones et migrants et d’introduire quelques questions spécifiques telles que les performances économiques selon les types d’exploitations ou la place des cultures vivrières dans les systèmes à base de cacaoyers et caféiers (section 2)

- L’évolution des prix et des revenus du cacao : face aux interrogations sur les prix et sur les revenus, l’enquête sur les stratégies des producteurs ne peut s’analyser sans un point préalable sur l’évolution des prix et du pouvoir d’achat des planteurs, au cœur du sujet traité : on va vérifier la véritable cassure en 1989, confirmant la complainte des planteurs et donnant un premier signal d’alerte (section 3)

- La dynamique des créations de plantation en Côte d’Ivoire : le premier apport de l’enquête est d’évaluer la structure d’âge des plantations, et donc un premier aperçu de l’impact des prix et des revenus sur les investissements dans les plantations, pas seulement de cacaoyers et caféiers, mais aussi de palmiers et hévéas. Les

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tendances donnent un second signal d’alerte pour l’avenir du cacao en Côte d’Ivoire (section 4)

- L’analyse des coûts de production : les approches du coût de production, et de la notion de « seuil de survie », contribuent à expliquer pourquoi la production de cacao a pu continuer à croître dans les années 90, malgré la chute des prix et des revenus (section 5)

- Les appuis aux producteurs : épargne, crédit, intrants, conseils, manquent terriblement aux planteurs de cacao, et ce manque constitue un autre signal d’alerte (section 6)

- L’impact de la chute du prix du café, et de la légère reprise, du point de vue des planteurs, leurs réponses se focalisant sur les ajustements sur les dépenses familiales, et des les charges d’exploitation (travail, intrants) (section 7)

- La démarche équivalente pour le cacao (section 8). Ces approches sur le café et le cacao confirment à la fois le déclin du café, les risques sur le cacao, et l’appauvrissement des planteurs de cacao et café.

- Toujours du point de vue des planteurs, le point est fait sur l’impact de l’instabilité intra et interannuelle des prix (section 9)

- Un peu en consolidation des autres approches, la dernière partie du rapport aborde les revenus des ménages : au-delà des revenus cacao et café, comment les ménages réorganisent leurs sources de revenus après plusieurs années de baisse des revenus café/cacao ? (section 10)

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1 APERÇU METHODOLOGIQUE

Une démarche classique a été suivie pour la réalisation de l’étude : - revue de la documentation existante ;

- conception d’un questionnaire et réalisation d’enquêtes de terrain ;

- mise en évidence et analyse des appuis apportés par les pouvoirs publics ou la profession aux producteurs ;

- estimation des dépenses monétaires engagées par les producteurs ;

- analyse des stratégies d’ajustement des producteurs face aux variations des prix.

Revue documentaire

La revue documentaire a été faite en interaction avec les études de terrain et ne fait pas l’objet d’un chapitre spécifique. Chaque section intègre les références aux documents utilise sur le sujet, occasionnellement sous forme d’encadrés, tel l’encadré 1, donné ici en exemple.

Encadré 1 : Principaux apports de l’étude BCC (septembre 2002)

Cette étude a été commanditée par la Bourse du Café et du Cacao de Côte d’Ivoire et réalisée par le CIRES en septembre 2002.

L’objectif de l’étude était d’évaluer un revenu minimum aux producteurs de café et de cacao en Côte d’Ivoire. Le champ de l’étude s’est limité aux 22 premiers départements cumulant plus de 80% de la population des producteurs de Côte d’Ivoire. L’enquête a été effectuée sur 9 régions administratives (Moyen Comoé, Agneby et Lagunes, Sud-Bandama, Bas-Sassandra, Haut-Sassandra, Fromager, Marahoué, Moyen Cavally, 18 Montagnes).

La méthode statistique de l’Analyse en Composante Principale (ACP) utilisée pour les analyses a été appliquée aux données collectées sur une population de 1200 paysans statistiquement représentatifs et répartis dans 120 villages des départements visités.

Cette méthode a permis d’identifier les systèmes de production représentatifs du pays en se référant aux variables d’intensification. Ces variables, au nombre de huit, s’appuient sur les variables d’intensification notamment sur la quantité de main d’œuvre, la quantité de produits agro pharmaceutiques, le matériel végétal et l’équipement de l’exploitation. A partir de ces variables, l’Analyse en Composante Principale (ACP¨) a permis d’identifier quatre systèmes de production pour le cacao et cinq pour le café. Le système traditionnel de production caractérisé par une utilisation intensive de la main d’œuvre familiale, une faible utilisation des produits agro pharmaceutiques et un faible niveau d’équipement est le plus dominant aussi bien au niveau national que dans les différentes régions administratives. Ce qui a conduit à des coûts relativement faibles pour ce système. En s’appuyant sur la notion du revenu minimum qui permet aux paysans de faire face à leurs charges d’exploitation, on trouve pour le cacao un revenu oscillant de 88551 FCFA à 127 150 FCFA en fonction de l’intensification du système de production. Le revenu minimum national s’établit à 105 473 FCFA.

Quant au café, le revenu minimum de ce produit se situe dans la tranche de 113 000 F CFA à 153 000 F CFA. Au niveau national, il est de 135 649 F CFA. La différence de revenu entre les deux produits provient essentiellement des temps de travaux plus importants pour la production du café. Le prix, principal instrument de la mise en place du revenu minimum, est dans la tranche de 156 à 210 F CFA/kg pour le café et de 198 F CFA/kg à 376 FCFA/ kg pour le cacao. Au niveau national, l’étude préconise au moins un prix de 189 F CFA/ kg pour le café et 266 F CFA pour le cacao. Ce prix moyen au niveau national n’encourage pas l’intensification et défavorise certaines régions qui en général, ne sont pas des zones ayant un climat favorable pour cette culture.

Ces résultats signifient qu’il est difficile de mettre en place un revenu unique pour le café et pour le cacao au niveau national dans la mesure où les régions font face à des réalités économiques (immigrations, projets de développement), écologiques (qualité du sol) et climatiques (niveau de pluviométrie) différentes.

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Les missions d’enquêtes de terrain

Après deux phases tests successives des questionnaires d'enquête, à Agboville et Daloa, la phase d'enquête nationale s'est déroulée sur une période d’un mois de novembre à décembre 2007.

Outre la caractérisation de l'exploitation et de l'exploitant, le questionnaire a porté sur les investissements réalisés au cours de ces dernières années par les producteurs (produits phytosanitaires, engrais, fongicides, matériel végétal, création de nouvelles parcelles, etc.), une évaluation sommaire des dépenses du ménage et l'impact des changements des prix du café et du cacao sur leurs revenus et leur emploi.

Le cacao et le café sont significativement présents dans 13 régions administratives (Sud Comoé, Moyen Comoé, Agneby, Lagunes, pharmaceutiques, Bas-Sassandra, Haut-Sassandra, Fromager, Marahoué, Moyen Cavally, 18 Montagnes, Lacs, N’Zi Comoé) et 24 départements.

Compte tenu des contraintes de budget et de temps, les consultants ont retenu 8 régions administratives, 12 départements villages de la zone de production du café et du cacao, et ont rencontré 435 exploitations.

Les critères d’échantillonnage n’ont retenu que les exploitations familiales et les enquêteurs n’ont pu toucher que des chefs d’exploitation présents au village. Par conséquent, l’étude n’intègre pas les planteurs « absentéistes », vivant en ville.

Par ailleurs, le sujet de l’étude a logiquement conduit à privilégier les exploitations de cacao et café. En d’autres termes, les exploitations familiales spécialisées dans l’hévéa et/ou le palmier n’ont pas été retenues, même si la spécialisation vers l’hévéa s’est réalisée par abandon ou abattage des cacaoyers ou caféiers. Par ce choix, nous sous-estimons quelque peu le poids de ces deux cultures pérennes dans le paysage de la Côte d’Ivoire, et dans les revenus du milieu rural, mais nous restons plus proches de la réalité des planteurs de cacao et café. De même, les exploitations qui ont pu se spécialiser sur les cultures vivrières comme le manioc ou le maraîchage, n’ayant pas ou plus de cultures pérennes, ne font pas partie de l’échantillon.

La proportion d’exploitations de migrants a été inévitablement minorée. Aucune enquête à seul passage, du moins réalisée dans un temps limité, ne peut vraiment y échapper. Les « campements », souvent de gros villages, où vivent ne majorité de migrants, ainsi que les pistes dégradées, limitent le nombre d’enquêtes réalisables avec les « allochtones » et les « allogènes ». Par ailleurs, un certain sentiment d’inquiétude ou de prudence freine l’acceptation des enquêtes parmi les allogènes. Enfin, on peut évoquer une stratégie occasionnelle des autochtones à limiter l’accès des enquêteurs vers les campements de migrants.

Les enquêtes se sont déroulées avec la forte participation de l’ONG « Agriculture et Cycle de Vie ». La mission d’enquête a par ailleurs bénéficié du concours très appréciable des Directions régionales et départementales du Ministère de l'Agriculture des zones visitées.

Diagnostic des appuis apportés aux producteurs par les pouvoirs publics et la profession

Il s’est agit dans cette partie de mettre en évidence et analyser les appuis aux producteurs fournis aussi bien par les pouvoirs publics que par la profession. L’objectif était de décrire l’environnement institutionnel et socioéconomique des producteurs de café et de cacao.

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Les appuis identifiés dans l’étude ont concerné l’accès au crédit, l’accès au matériel végétal sélectionné, l’utilisation des intrants (produits phytosanitaires, engrais, fongicides), le conseil agricole et le renforcement des capacités des producteurs.

Estimation des charges d’exploitation pour la production de café et cacao

Deux approches sont utilisées pour estimer le niveau des dépenses monétaires engagées dans la production du café et du cacao.

La première approche ou méthode Abugnon/Abusan : les contrats entre le propriétaire de l’exploitation et le manœuvre dits contrat de métayage et les taux de partage des récoltes qui y sont associés nous donnent une hypothèse de travail. Ils pourraient s’avérer de bons indicateurs des coûts de production. Si le propriétaire de la plantation concède la moitié de sa récolte au lieu du tiers, le coût de production monte significativement.

La deuxième ou approche par les budgets a consisté à analyser les coûts monétaires, l’argent effectivement dépensé, affecté au binôme cacao/café. Le travail familial n’est donc pas comptabilisé.

Analyse des stratégies des producteurs face aux variations des prix

Il s’est agit d’analyser la façon dont les producteurs ajustent l’utilisation de leur revenu, lorsque celui-ci varie, en distinguant notamment les dépenses relatives à l’investissement productif, l’achat de biens durables, la consommation courante, l’épargne, l’éducation ou encore les dépenses sociales. Dans ces stratégies, le rôle déterminant du niveau des prix, du revenu et de l’épargne des producteurs a été mis en évidence.

L’enquête étant ponctuelle, rétroactive sur seulement 2 à 3 ans, période pendant laquelle les prix du cacao sont restés bas, aucune quantification mathématique (tels des calculs d’élasticité prix) n'a été tentée.

Néanmoins l’analyse qualitative des réactions des planteurs aux chutes et hausses de prix permet d’évaluer ce qui se passe en terme de revenus et de production, en termes de décisions d’investissement ou désinvestissement des planteurs, si le prix du cacao stagne ou descend. Symétriquement, l’étude permet d’appréhender ce le pays peut espérer pour l’avenir de sa cacaoculture si le prix au producteur remonte rapidement.

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2 PRESENTATION DE L’ECHANTILLON

Conformément aux termes de référence (Annexe 1), le rapport d’étude repose donc principalement sur une enquête réalisée en novembre 2007, sur un échantillon de 435 exploitations, réparties sur 12 départements, eux-mêmes répartis sur 8 régions et environ 70 villages (Annexe 2).

Pour une partie des analyses, 4 exploitations ont été éliminées pour cause d’incohérences trop marquées, d’où un échantillon global de 431 exploitations (tableau No 2.1 et 2.2). Dans chaque département, 30 à 40 exploitations ont été enquêtées, d’où une fourchette de 33 à 38 exploitations dans les régions où nous avons retenu un seul département et 66 à 78 exploitations dans les régions avec 2 départements étudiés

L’origine des planteurs

La classification en trois groupes, «autochtones », « allochtones » (définis comme des migrants d’origine du centre et Nord de la Côte d’Ivoire), et les « allogènes » (venus en principe des pays limitrophes) est certes discutable. Il ne s’agit pas ici de rentrer dans un débat sur la nationalité mais simplement de caractériser les statuts des planteurs.

La littérature économique démontre que cette histoire de l’économie de plantation, caractérisée par la rencontre entre autochtones et migrants, se retrouve encore dans la caractérisation économique des exploitations. Nous le vérifierons encore dans cette étude. Comme évoqué dans l’aperçu méthodologique, la proportion d’exploitations autochtones a été inévitablement majorée. C’est le lot de toute enquête à seul passage. En effet, à la fois pour des raisons de distance de nombreux campements, de pistes dégradées, mais aussi du fait de la stratégie occasionnelle des autochtones à limiter l’accès des enquêteurs vers les campements de migrants, il est souvent difficile de garder une parfaite représentativité des planteurs de cacao et café (Tableau 2.1).

Tableau No 2.1. Répartition des planteurs enquêtés selon leur région de résidence et leur origine

"Autochtones" "Allochtones" "Allogènes" Total %

Moyen Comoe 24 9 4 37 9% Sud Comoe 32 1 5 38 9% Agneby 58 4 4 66 15% Haut-Sassandra 30 29 19 78 18% Sud bandama 21 13 34 8% Cavaly 44 16 16 76 18% Fromager 19 7 7 33 8% Bas Sassandra 29 20 20 69 16% Ensemble 257 99 75 431 60% 23% 17% 100% 100%

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

De ses cultures pérennes, cette population de 431 exploitations génère des revenus qui ne suivent pas une parfaite courbe de Gauss. Plus de la moitié se concentre dans une classe de petits revenus, inférieurs à 600.000 Fcfa annuels (classe 0 à 6 sur la figure 2.1).

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Fig. 2.1

Distribution des revenus des cultures pérennes

-5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 Classes de revenus N om br e d 'e x pl oi ta ti on s

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

A partir de cette distribution, nous avons établi 3 classes de revenus de cultures pérennes, formés bien sur par les revenus de café et de cacao mais aussi ceux de régimes (ou huile) de palme et le caoutchouc, voire plus exceptionnellement de colatiers, fruitiers, etc.

Tableau No 2.2. Répartition des planteurs enquêtés selon leur niveau de revenus de cultures pérennes (toute culture pérenne confondue)

Classes de revenus d'exploitations Effectif Pourcentage

1 0 à 600.000 F 238 55%

2 600.000 à 1.600.000 F 132 31%

3 > 1.600.000 F 61 14%

Ensemble 431 100%

Sources : enquête consultants, Nov. 2007 Les grandes caractéristiques des exploitations

La distribution de la production de cacao et café confirme quelques résultats connus et en révèle d’autres moins établis par la littérature. Une rapide présentation permet d’introduire simultanément les résultats de l’enquête et ses limites (tableaux No 2.3 à 2.5).

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Tableau No 2.3. Production de cacao et café par exploitation, selon les régions

Régions Production par exploitation

cacao (kg) café (kg) Moyen Comoe 3 052 681 Sud Comoe 1 081 849 Agneby 1 450 360 Haut Sassandra 1 322 811 Sud Bandama 1 218 199 Cavaly 1 753 1 448 Fromager 2 068 498 Bas Sassandra 2 261 268 Moyenne 1 748 669

Sources : enquête consultants, Nov. 2007 Tableau No 2.4. Production de cacao et café par exploitation, selon l’origine du planteur Origine du planteur Production par exploitation cacao (kg) café (kg) "autochtones" 1 537 526

"allochtones" 2 122 605

"allogènes" 1 975 1 254 Moyenne 1 748 669

Sources : enquête consultants, Nov. 2007 Tableau No 2.5. Production de cacao et café par exploitation, selon le niveau de revenu tiré des cultures pérennes Classes de revenus Production par exploitation (Fcfa) cacao (kg) café (kg) 0-600.000 625 265

600.000-1600.000 2 004 633

> 1.600.000 5 459 2 280 Moyenne 1 748 669

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

Cacao

En ce qui concerne le cacao, on retrouve sans surprise le Moyen Comoe et le Bas Sassandra comme des régions où se sont développées des unités de production de cacao supérieures à la moyenne nationale. A l’opposé, le Sud Comoe, sous l’emprise d’une diversification déjà bien avancée, en particulier vers le palmier, est logiquement une des régions avec les plus petites unités de production de cacao.

Toujours sans surprise, on retrouve des chiffres bien connus de production de cacao plus élevée chez les migrants que chez les autochtones. Les allogènes progressent mais ce n’est pas nouveau (Ruf 1988, 1996, Chauveau 1995, 2000).

Enfin, le cacao semble encore la base des « grandes exploitations », celles générant plus de 1.600.000 Fcfa annuels de leurs cultures pérennes. Elles concentrent de gros tonnages.

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Café

Géographiquement, la production se délocalise. Autrefois abondante à l’Est et au centre du pays, se déplaçant ensuite vers le Sud Bandama puis le Bas Sassandra. Au cours des années 1990 et 2000, la production de café devient secondaire ou marginale dans ces départements. On retrouve désormais le café dans le Haut-Sassandra, principalement à Vavoua, où le stock de caféiers vieillissant mais encore important, probablement du fait d’une écologie moins favorable, à la limite des zones de savane. De façon plus innovante, on le trouve aussi à Duekoué, sous forme de plantations plus jeunes, probablement sous l’influence de la remontée du prix du café à la fin des années 90 (voir section 2) et du projet café financé par la BAD dans les années 90, localisé dans le grand ouest. Combien de temps les planteurs les garderont-ils?

D’après les données de l’étude, le café se concentre parmi les exploitations les plus « riches », y compris chez les allogènes, notamment à Guiglo. Compte tenu de la pénibilité du travail sur café (voir section 2), une première explication réside peut-être dans la plus grande disponibilité en main d’œuvre de certaines grandes exploitations, notamment chez les allogènes.

Une explication complémentaire résiderait dans une « efficacité » un peu plus grande des exploitations les plus « riches » et des planteurs d’origine allogène avec des rendements un peu plus élevés que la moyenne (tableaux No 2.6 et 2.7). (Dans le cas du cacao, on retrouverait cette « efficacité » un peu supérieure selon le gradient de revenus de cultures pérennes, beaucoup moins selon l’origine du planteur).

Tableau No 2.6

Classes de revenus Rendement Rendement

(Fcfa) café (kg/ha) cacao (kg/ha)

0-600.000 397 313

600.000-1600.000 519 487

> 1.600.000 642 613

Moyenne 489 417

Sources : enquête consultants, Nov. 2007 Tableau No 2.7

Origine du planteur Rendement Rendement

café (kg/ha) cacao (kg/ha)

"autochtones" 470 391

"allochtones" 467 462

"allogènes" 571 442

Moyenne 489 417

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

Restons néanmoins prudent sur l’interprétation de cette « efficacité ». En économie de plantation, « efficacité » rime souvent avec « récemment planté ». Le cycle de vie de plantation reste un déterminant essentiel des rendements. De fait, pour continuer avec le cas du café, les départements où l’on trouve les meilleurs rendements, Divo et Duekoué, sont aussi ceux des moyennes d’âge des caféiers les plus favorables (tableau No 2.8).

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Tableau No 2.8

Rendement Age moyen

café (kg/ha) caféiers

Abengourou 426 25 Aboisso 315 18 Adzopé 409 20 Agboville 535 20 Daloa 541 27 Divo 890 15 Duékué 599 13 Gagnoa 498 18 Guiglo 474 17 San Pedro 313 22 Soubré 424 19 Vavoua 578 26 Ensemble 489 20

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

Certes, l’âge des vergers n’explique pas tout. A Vavoua, certaines zones sont trop limites pour y cultiver le cacao, et les planteurs ont alors l’obligation de maintenir leurs caféiers.1 A Divo, de façon plus intéressante, en cohérence avec l’étude sur le peuplement végétal, on peut probablement voir un effet de voisinage positif de la station CNRA de Divo. Cette station dispose d’un très bon matériel végétal caféier, qui contribue à ramener quelques planteurs vers le café.

Une comparaison des profils de rendement sur café et cacao ouvre une hypothèse intéressante. Avec le cacao, on pourrait avoir un seuil de rupture dans la distribution des rendements. Pour la majorité des exploitations enquêtées, il parait difficile de maintenir le cap au-dessus de 500 kg/ha. Le profil semble plus progressif dans le cas du café. (Fig.2.2 et 2.3).

Une explication possible est la plus grande dépendance du cacao vis-à-vis des intrants. Le prix du cacao offert au planteur aurait donc un effet de seuil sur la consommation d’intrants et donc sur leurs rendements.

La place des vivriers dans les exploitations de cacao et café

Malgré la saturation foncière en cours, la majorité des exploitations de cacao et café sont aussi productrices de vivriers. C’est une des forces de l’agriculture familiale en Côte d’Ivoire. Tous les travaux de recherche des années 70 et 80 montrent que les cultures vivrières font partie intégrale du système de plantation de café et de cacao, avec des défrichements de forêt renouvelés, permettant d’associer ces cultures vivrières aux jeunes plants de cacao : plutôt le riz chez les autochtones de l’ouest, plutôt le maïs chez les migrants venus du nord du pays et des pays voisins, plutôt le bananier plantain, l’igname, et le taro ou macabo, piments, pour les planteurs du groupe Akan, notamment les migrants Baoulé. (ORSTOM 1977, Lena 1979, Chaléard 1979, Gastellu 1980, Ruf 1979, et bien d’autres).

Cette association est structurelle, et quasi-indépendante du prix du cacao et du café, voire indépendante des prix des vivriers. En phase de saturation foncière et dégradation du milieu naturel, les évolutions sont variées, avec des changements de cultures. Par exemple, dès le début des années 80, J.F. Foucher montre que les planteurs Baoulé ayant migré dans les années 50 dans la région d’Aboisso s’adaptent à la réduction des temps de jachère en passant de l’igname au manioc (Foucher 1983). Dans l’ensemble, malgré la saturation

1

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foncière, la production vivrière resterait assez dynamique en Côte d’Ivoire, répondant à l’appel du marché, liés à l’accroissement démographique dans les villes (Chaléard 1996, 1997).

On reviendra sur cette analyse, notamment à travers le poids des revenus vivriers dans les budgets des exploitations et des ménages (section 10) : dans une perspective d’ajustement à la chute des prix du café et du cacao, nous verrons si les exploitations de café et de cacao peuvent compenser les faibles rendements en cacao et café et leurs baisses de revenus par un redéploiement sur les vivriers.

Fig.2.2

Distribution des exploitations selon

leur rendement en café

0 5 10 15 20 25 30 35 40 0-10 0 100-20 0 200-30 0 300-40 0 400-50 0 500-60 0 600-70 0 700-80 0 800-90 0 9 00-100 0 10 00-110 0 11 00-120 0 12 00-130 0 13 00-140 0 14 00-150 0 15 00-160 0 16 00-170 0 17 00-180 0 18 00-190 0 19 00-200 0

classes de rendement (kg/ha)

N o m b re d' e x ploit a ti ons

Sources : enquête consultants, Nov. 2007

Fig.2.3

Distribution des exploitations selon

leur rendement en cacao

0 10 20 30 40 50 60 70 0-10 0 10 0-20 0 20 0-30 0 30 0-40 0 40 0-50 0 50 0-60 0 60 0-70 0 70 0-80 0 80 0-90 0 900 -100 0 1 000 -110 0 1 100 -120 0 1 200 -130 0 1 300 -140 0 1 400 -150 0 1 500 -160 0 1 600 -170 0 1 700 -180 0 1 800 -190 0 1 900 -200 0

classes de rendement (kg/ha)

N om br e d' e x ploi ta tions

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3 EVOLUTION DES PRIX ET DU POUVOR D’ACHAT DU CACAO : 1960-2008

Au plan mondial, la baisse structurelle du cours mondial depuis le pic de 1977, mais aussi l’écart croissant entre le prix du cacao et celui de la tablette de chocolat dans les pays développés, au moins dans les années 2000, est un premier facteur d’appauvrissement (Dorin 2003). Au plan des politiques nationales, les économistes de Clermont-Ferrand soulignent l’impact de la libéralisation de la filière sur l’appauvrissement des planteurs et leur réduction des dépenses, notamment de scolarité (Araujo-Bonjean et al, 2001).

Encadré 3.1. Echecs de marché et pauvreté : l’exemple de la filière cacao en Côte d’Ivoire, (Aurojo Bonjean et al, 2001, résumé).

Deux ans après la libéralisation, la question posée ici est de savoir si le désengagement de l’Etat ivoirien de la filière cacao a conduit à une amélioration du bien-être des planteurs…Une conséquence importante de la libéralisation est d’avoir entraîné la quasi disparition de toute transaction en différé, sur le marché international, et entre planteurs et opérateurs commerciaux. Il en résulte une plus grande vulnérabilité des paysans. Du fait de leur faible capacité d’épargne et en l’absence de mécanismes d’assurance et d’un système de crédit développé, les ménages ont été contraints de réduire leurs dépenses….

D’autres chercheurs montrent qu’un peu plus tôt, la dévaluation de 1994, appauvrit les planteurs (Oswald 1997). Mais le premier grand déterminant de la paupérisation des planteurs de cacao remonte à 1988 (Ruf 1991). Il convient de reprendre l’environnement de prix des planteurs de Côte d’Ivoire dans la longue durée, au moins depuis l’indépendance. De 1960 a 1988, la politique cacao de la Côte d’Ivoire s’exprime par un prix courant en augmentation régulière, insufflant une grande confiance des planteurs dans la culture. Le prix est stable sur une campagne, garanti dans tout le pays, et pendant ces « 30 glorieuses », tout se passe comme s’il ne pouvait jamais baisser. Les trois dernières années de cette époque, 1986 à 1988, au seuil de 400 Fcfa/kg, restent gravées dans les mémoires des planteurs.

Toute cette époque de stabilité des prix et des revenus a donc joué un rôle considérable dans la croissance de la production.

D’une part, tous les investissements réalisés dans les plantations au cours de la décennie 1980 apportent leurs meilleurs fruits au cours de la décennie 90. C’est la première explication à la montée de la production dans les années 90.

D’autre part, une telle confiance dans le cacao construite en 30 ans ne peut pas être anéantie en quelques années, même par l’amplitude du choc de 1988/89. C’est la seconde explication à la poursuite de la croissance de l’offre : en se fondant sur l’expérience du passé, les planteurs anticipent une amélioration.

En 1988/89, vient donc cette chute historique du prix, de plus de 50%. Ensuite, les planteurs de Côte d’Ivoire connaissent quatre années terribles, jusqu’en 1993. Puis une reprise du cours mondial et la dévaluation du Franc Cfa permet de remonter le prix en francs courants, payé au producteur. Cette remontée est progressive, jusqu’au pic de 1998, qui dépasse pour la première fois le seuil psychologique de 400 F/kg. Une certaine joie revient dans les campements, et se traduit par une croissance de la consommation des pesticides et le début du décollage de l’engrais, au moins dans la région de Soubré (Ruf 1998, 1999). En 2002/03, période traversée par la crise politique, la hausse du prix courant, précisément liée à la crise, faisant dépasser le seuil de 700 F/kg aide à maintenir le moral des planteurs déstabilisés par les évènements, et les aide notamment à tripler leurs achats d’engrais, et ce en dépit de toutes les incertitudes sociales du moment.

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Cette brève description de l‘évolution des prix courants et de leurs premiers effets sur les pratiques des planteurs rappelle donc l’importance du prix sur leurs décisions de production. Elle fait apparaître aussi que le « prix courant », dans une économie à inflation contenue, influence fortement les décisions de production. Contrairement à ce que croient de nombreux économistes ne raisonnant qu’en termes de « prix constants », le prix courant reste donc une des variables clefs pour expliquer l’évolution de la production.

Le prix courant reste une variable pertinente, en partie parce que les indices d’inflation nationaux, servant à évaluer le coût du panier de la ménagère, sont établis dans les villes, pour des modes de consommation urbains. Or les modes de vie dans les campagnes, même s’ils se rapprochent progressivement des modes de vie urbains (par exemple avec le développement des installations d’eau et d’électricité) restent encore spécifiques. C’est une troisième explication à la croissance de la production dans un contexte de prix constants en déclin.

En même temps, au-delà d’un certain seuil d’inflation, le prix constant devient le seul référentiel possible, y compris pour les producteurs. La notion de prix constant, définissant le pouvoir d’achat d’un kilogramme de cacao sur la longue période, reste bien sur un indicateur fondamental du revenu et du bien être des planteurs. En Côte d’Ivoire, la dévaluation brutale, de 50%, en 1994, ne peut être appréhendée qu’en combinant les analyses d’impact du prix courant et du prix constant.

Même si le déflateur utilisé s’adresse plutôt au mode de vie du consommateur urbain, et précisément à cause de ce mode de calcul, un déclin éventuel du prix constant représente un appauvrissement du monde rural dans l’absolu, mais aussi en valeur relative en regard de la population urbaine.

De fait, dans l’analyse du secteur cacao en Côte d’Ivoire, le prix constant est bien une variable clef pour démontrer la cassure historique de 1988/89. Exprimés en Francs Cfa de 1994, l‘année de la dévaluation, les prix aux producteurs sont presque en symétrie, en miroir, de part et d’autre de 1988/89. Avant cette date, le prix moyen du kilogramme tourne autour de 600 Fcfa 1994. Après, il est à peine à 300 F (Fig. 3.1 et 3.2).

Fig.3.1

Prix du cacao au producteur en Côte d'Ivoire

1960 à 2007

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 Années (60 = 1960/61) Fc fa/kg

Prix courant Prix constant 1994

Cassure en 1988 / 89

Dévaluation en 1994

Sources : 1960 a 1999 : données Freud et al, 2000. 1997 à 2007 : Suivi des prix et calage des séries par les auteurs

(27)

La complainte des planteurs de cacao sur leur appauvrissement est indéniablement confirmée. Elle est même dépassée par la réalité d’une cassure profonde et très grave. Cette cassure s’explique à la fois par l’évolution du cours mondial, mais aussi par un degré de taxation qui est resté élevé en valeur absolue, et donc d’autant plus fort en valeur relative par rapport au cours mondial et au prix au producteur.

La comparaison avec le pays voisin, le Ghana, est aussi riche d’enseignements. Dans ce pays, le cycle de politique de prix est décalé. Pour reprendre une expression de Bateman, au cours des années 70, la politique cacaoyère de ce pays était sur le point de tuer la filière cacao de l’ancien premier producteur mondial (Bateman, 1990). Les campagnes du Ghana avaient alors atteint un niveau de misère épouvantable, qui ont contribué à déclencher des émigrations massives hors du Ghana. Mais une politique de prix plus favorable, réduisant progressivement le niveau de taxation, reprends depuis 1985 (Fig. 3.3).

Au Ghana, le cacao joue à nouveau en faveur de la réduction de la pauvreté (Bresinger et al, 2007). En Côte d’Ivoire, ce n’est plus le cas.

La comparaison entre les deux pays est très illustrative du décalage des politiques cacaoyères chez les deux voisins. Et même si le prix joue sur la production en interaction avec d’autres facteurs, écologiques et sociaux (Ruf 2007, 2008), il est difficile de ne pas conclure à un impact direct de ces politiques cacaoyères sur l’évolution des revenus des planteurs, et sur les productions nationales (Fig. 3.4)

En d’autres termes, à ce stade, avant même de commencer l’analyse des résultats d’enquête, il est déjà permis de poser la question de l’avenir du cacao en Côte d’Ivoire. Tout en rappelant que les prix n’agissent pas seuls, si rien ne change dans les politiques cacaoyères des deux pays, le premier producteur mondial de cacao devrait perdre rapidement des parts de marché au profit du second. La question de la remontée du Ghana à la place de premier producteur mondial n’est plus complètement évacuable.

Dans la mesure où la notion de revenu (à l’échelle du pays et du producteur) prime sur celle de production et de part de marché, rien ne dit à l’avance qu’une baisse de la production de cacao en Côte d’Ivoire soit nécessairement négative pour le pays, qui a de toute façon besoin de diversifier ses revenus. A ce stade, on peut faire l’hypothèse qu’une partie des ressources mobilisées sur le secteur cacao est réemployée dans d’autres secteurs au moins aussi rémunérateurs pour le pays et les producteurs. L’enquête va contribuer à faire le point sur cette hypothèse.

Mais à ce stade, les autorités de la Côte d’Ivoire peuvent déjà mesurer le paradoxe et l’ampleur de l’enjeu : même premier producteur mondial, même avec une production encore deux fois supérieure à celle du voisin au cours de ces dernières années, et malgré toutes les explications trouvées à la croissance des années 90, le secteur cacao de la Côte d’Ivoire se fragilise. Sans modification de la politique cacaoyère, la fragilisation risque de s’amplifier.

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Fig. 3.2

Prix du cacao au producteur en Côte d'Ivoire 1960 à 2007 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 Années Fcf a 19 94 / kg

Prix constant 1994 Polynomial (Prix constant 1994)

Cassure en 1988/89

Sources : idem que 3.1, adapté.

Fig. 3.3

Prix du cacao au producteur au Ghana 1960 à 2007 0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 60 63 66 69 72 75 78 81 84 87 90 93 96 99 02 05 Années C e d is 199 4 / kg

Prix constant 1994 Polynomial (Prix constant 1994)

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Fig. 3.4

Productions nationales de cacao

en Côte d'Ivoire et au Ghana

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 60 63 66 69 72 75 78 81 84 87 90 93 96 99 02 05 08 Années M il lie rs d e t o n n e s

Côte d'Ivoire Ghana

Polynomial (Côte d'Ivoire) Polynomial (Ghana)

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4 DYNAMIQUE DES PLANTATIONS EN COTE D’IVOIRE ET PREMIER APERÇU DU ROLE DES PRIX

4.1 Concept et acquis bibliographiques

Quel est le stock d’arbres et quel est son âge ? C’est la question fondamentale que se pose tout grand opérateur d’une filière de production végétale dont la plante est un arbre. La structure d’âge des arbres constitue la caractéristique fondamentale de toute économie de plantation. C’est la variable la plus déterminante du potentiel et du devenir de la production. Dans le secteur cacao, les « compteurs de cabosse », travaillant sur des échantillons représentatifs de stocks d’arbres, constituent ainsi de véritables petites entreprises au service des géants du secteur. Aucun opérateur majeur ne peut se permettre d’avoir moins d’informations que son concurrent sur l’évolution de la production à échéance de la prochaine campagne. Cette information de base contribue à déterminer la politique d’approvisionnement de chaque entreprise.

C’est aussi la variable la plus significative des décisions du producteur dans son environnement, notamment celui des fluctuations de prix.

Comme beaucoup de variables en agriculture familiale, la donnée « age des arbres » est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Une plantation n’est pas toujours homogène. Ainsi au fil des années 2000, la replantation de jeunes cacaoyers sous vieux cacaoyers vient compliquer le concept de « plantation ». Autre exemple, la plantation sur jachère dégradée entraînant de fortes mortalités, les producteurs ont souvent besoin de 3 à 4 ans pour compléter un hectare de plantation. La « date de plantation » devient là aussi complexe. Dernier exemple, celui de la régénération : lorsqu’un pied-mère laisse la place à un nouveau gourmand, de façon spontanée ou provoquée, «l’âge de la plantation » devient là encore sujet à débat et à interprétation. Enfin et surtout, dans une enquête à un seul passage, sans visite des plantations, les estimations sont forcément approximatives.

Probablement du fait de ces incertitudes, probablement du fait de leur coût relativement élevé pour prétendre à une certaine représentativité, la littérature économique offre peu d’informations sur les stocks d’arbres et les structures d’âge des vergers. Quelques études dans les années 90 signalent néanmoins un nouveau mouvement de replantations cacaoyères et donc d’un relatif rajeunissement des plantations de cacao, notamment à l’Est du pays (Ruf 1998, Aguilar et al, 2003, Haidara 2001, Ruf et Konan 2001).

Ce mouvement a été nettement confirmé dans les années 2000 par l’étude sur le peuplement végétal, laquelle annonce aussi un boum de l’hévéaculture (Fig.4.1). Cette enquête réalisée au 1er trimestre 2006 ayant porté sur un échantillon plus important, de l’ordre de 1100 exploitations, elle peut en même temps servir de cadrage pour la présente étude, s’appuyant sur une enquête auprès de 435 exploitations, en novembre 2007.

Avec toute la prudence requise dans l’analyse de données collectées en un seul passage, quelles informations attendre de cette étude réalisée en novembre 2007 ?

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