• Aucun résultat trouvé

Management de la qualité dans l'enseignement supérieur public français : débat sur la mesure

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Management de la qualité dans l'enseignement supérieur public français : débat sur la mesure"

Copied!
15
0
0

Texte intégral

(1)

Management de la qualité dans l'enseignement supérieur public français : débat sur la mesure

Isabelle BOUCHARDY

*

* Maître de Conférences, IUT de Toulouse – Université Paul Sabatier, Toulouse, France, LERASS, isabelle.bouchardy@iut-tlse3.fr

Résumé : Les dispositifs de certification qualité mis en place dans les entreprises depuis plus de vingt ans en France ont foncièrement inspiré ceux à l'œuvre actuellement dans les services publics, et, désormais, à l'université. Issu d'une recherche en cours, ce travail essaie d'identifier plusieurs enjeux opérationnel relatifs à l'isomorphisme de processus appliqués à ce nouveau pan des services publics non

marchands, dans un contexte global de dérégulation étatique française, en accentuant les limites de la mesure comme outil d'aide à la décision pour les dirigeants universitaires.

Mots-clés : économie de la connaissance, performance, assurance qualité, standards

***

Management of the quality in the French public higher education:

debate on the measure

Abstract: The quality certification devices set up in business for over

twenty years in France have basically inspired those currently at work in

(2)

public services, now at university.

After a search in progress, this work tries to identify several operational issues relating to the isomorphism of processes applied to this new side of non-market services in a global context of deregulation French state,

emphasizing the limits of measure as a tool for decision support for university leaders.

Keywords: cognitive economy, quality assurance, standards

***

Au printemps 2000, le Conseil européen décide que l'Union doit devenir « à l'horizon 2010, l'économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde » ; huit ans après, Allianz et Lisbon Council en publient le palmarès : la Finlande prend la tête suivie de l'Irlande, la France, l'Autriche et l'Italie sont en fin de liste. Sur des critères tels que la croissance, le niveau d'éducation des salariés, la qualité des investissements, les finances publiques, la productivité des Finnois est jugée 6 fois meilleure que celle des Italiens, 2 fois celle des Français : le règne d'une mondialisation perceptible sur tous les pans d'une vie s'ouvre, aucun domaine n'en est plus exclus, en tous cas plus celui de l'éducation, spécialement sa partie enseignement supérieur (ES), cœur de notre recherche. Suite à ces objectifs, de nouveaux dispositifs centrés sur la qualité et empruntés aux certifications industrielles ont investi l'université française ; comme nous analysons ce management de la qualité depuis plus de dix ans, nous en proposons une lecture comparée. A partir d'une étude empirique sur plusieurs universités méridionales fédérées en PRES1 depuis le 21 mars 2007, nourrie d'observation participante débutée voici quatre ans, d'entretiens semi-directifs répartis sur l'ensemble des échelons du personnel BIATOSS2 et une partie des enseignants-chercheurs, d'une étude bibliographique interne et externe et apparentée aux principes de la grounded theory, ce travail emprunte essentiellement à la théorie des services et s'inspire également de celles de la régulation et de l'activité . Partant, nous proposons une structuration d'article en trois temps :

• un bilan succint des certifications en milieu productif marchand observées de notre posture de chercheur en laboratoire,

• un rappel de ce que le dispositif dit « Bologne/Sorbone » a impliqué en France dans le système éducatif et spécifiquement pour les établissements

d'enseignement supérieur (EES) ainsi qu'un état des lieux desdits établissements début 2009,

• une mise en débat des premiers impacts de mise en œuvre : mesure des indicateurs choisis et

1 Pôle régional de recherche et d'enseignement supérieur regroupant 16 établissements 2 ans plus tard.

2 Personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers & sociaux.

(3)

• stratégies décisionnelles consécutives.

Capitalisation d'expériences

On admettra aisément que dans le secteur marchand industriel ou serviciel, vu le nombre d'entreprises ou d'entités organisationnelles certifiées, y compris du domaine public (services hospitaliers, divisions de collectivités locales3…), la certification qualité a fait ses preuves, principalement grâce à la version 2000 des normes ISO4. Cette version comporte des changements significatifs par rapport aux précédentes (1994, 1987), avec un accent porté sur « l’approche processus, l’orientation client, le management des ressources humaines et l’amélioration continue ». Autre innovation marquante, elle vise à simplifier la lourdeur procédurière, souvent dénoncée naguère, avec le passage de trois à une seule norme contractuelle et la simplification des documents et procédures exigés. Enfin, un des objectifs de cette dernière version est de faciliter son application au secteur des services, secteur pour lequel les précédentes paraissaient peu adaptées.

Les nouvelles orientations de la norme ISO s’inscrivent dans la lignée d’un certain nombre de travaux qui postulent une logique de valorisation des compétences et de coopération (Zarifian, 1996), une modification des formes de contrôle (Bernoux, 1998), ainsi que le développement d’une régulation conjointe liée à une plus grande autonomie des acteurs (Reynaud, 1991 ; De Terssac, 1992)5. Situés dans ce courant théorique, les principaux changements analysés induits par ces normes qualité dans les entreprises sont de trois ordres : des coopérations fortement communicantes, une organisation apprenante et un équilibre cybernétique entre participation des acteurs à la décision et contrôle renforcés.

Eclairés aussi par l'étude de dispositifs de type ISO 9000 et 9004, nous nous sommes intéressés à une certification propre à la filière aéronautique6 (AS/EN79100), constituée par 200 donneurs d’ordre, 4000 sous-traitants, avec un

3 Cf. par exemple Bouchardy I., Simbille J., rapport d'étude LERASS « C, 1ère ville certifiée du grand sud », juillet 2006.

4 International standard organization ; la seule susceptible de donner lieu à une certification de l’entreprise par un organisme tiers.

5 Notons cependant que ce postulat suscite le débat, comme celui entre J.P. Durand (2000) pour lequel il ne s’agit que d’accroître la subordination du salarié vis-à-vis de son employeur et P. Zarifian ( 2000) qui y voit, au contraire, les signes d’un dépassement du taylorisme.

6 Cette industrie concerne la région Midi-Pyrénées à hauteur de 22% de ses effectifs français.

7 Standard européen du modèle de système qualité dans l'aéronautique et le spatial équivalent au AS9100 américain et au JISQ9100 japonais.

(4)

chiffre d’affaires supérieur à 25 millions d’€ dont les ¾ sont réalisés à l’exportation.

Les donneurs d’ordre se segmentent en trois catégories : les systémiers (aéronefs, lanceurs, missiles…), les motoristes en charge de la propulsion et les équipementiers fournisseurs d’électronique ainsi que tous les autres prestataires de services (logiciel, maintenance, stockage, distribution …). La responsabilité de ces donneurs d’ordre couvre les personnes transportées et celles survolées ; aussi, la maîtrise de toute la chaîne de production est impérative, même si dans le passé récent elle a pu être partiellement déléguée aux sous-traitants de 1er rang. Reconnue par les autorités américaines, ce qui permet aux équipementiers français agréés de pénétrer ce marché confidentiel, elle a pour centre la référence métier et pour principe l’assurance qualité plutôt que la qualité managériale ; l’enjeu pour les sous- traitants est donc de répondre aux exigences communes des donneurs d’ordre européens, arguer des lettres de spécification obtenues pour maîtriser les processus- métiers et grâce à l’amélioration continue, de garantir une sûreté de fonctionnement infaillible. Exhaustive, elle englobe des modules de conception, production, maintenance, stockage, guide FAI, archivages de documents… mais exige aussi que les cinq chapitres de l’ISO2000 soient davantage renseignés8, en particulier sur la fiabilité des délais, la traçabilité et la sécurité.

Nous pouvons identifier un tripode d'invariants à toutes les certifications AFAQ- AFNOR observés (au total une cinquantaine) dans notre région, depuis sept ans :

• ils aboutissent à un scoring semblable à celui des balanced scorecards (Kaplan et Norton, 1996), susceptible d'être exploité en benchmarking interne ou externe;

• les processus additionnent trois types de diagrammes : chaîne de valeur, événementiels (logigramme par exemple) et de rattachement de fonction. Les macro-processus sont des domaines d’activité qui enchaînent les tâches élémentaires aux ressources nécessaires ; on en distingue trois catégories que sont les macro-processus de production, ceux de support et ceux de

management.

• la finalité de cette découpe en processus est de donner à chaque intervenant la vision globale de l’amont et de l’aval de sa contribution mais aussi de mieux évaluer et visualiser les coûts, les temps, les cœurs de métier, la polyvalence (compétences, rôle, fonctions), afin de les intercroiser davantage (revue de processus qui les harmonise et les segmente). Chaque processus a un objectif spécifique (la maîtrise des non conformités peut faire l’objet d’un processus formation) et un responsable attitré (nommé gardien, pilote, propriétaire…).

Notre analyse confirme ces deux derniers points, car les diplômés « qualité » sondés, même s’ils affirment majoritairement à 75% qu’il n’y a pas de véritable

8 Pour mémoire : système de management /management des ressources/réalisation du produit/mesure de l’analyse/amélioration continue.

(5)

changement lié à une démarche processuelle dans leur entreprise, pointent six domaines modifiés quelle que soit la démarche choisie :

• des variations dans les rôles,

• la redéfinition des services ou départements,

• la transformation des modes managériaux,

• le développement de la communication,

• l’interpénétration du client aux interfaces internes,

• de nouvelles compétences à l’œuvre.

Plus synthétiquement, nous les rassemblons selon les trois rubriques analysées dans le tableau suivant autour d'un profil organisationnel plus coopératif/coopératif, apprenant et régulé.

Domaine capitalisable Repères

nouvelle coopération .conception globale et systémique du management ; .interaction formalisée (entre processus, services, fonctions) .dynamique de l’interopérabilité (rationalité, optimisation du fonctionnement) ;

.communication transverse matérialisée entre acteurs, écoute attentive du client (modèle de coproduction, de servuction) pour le satisfaire ;

organisation apprenante .services de GRH9 impliqués sous 3 formes : entretiens d’évaluation généralisés et mieux articulés aux attentes des pilotes de processus, évaluation de la formation, redéfinition des postes et missions (grille des compétences requises pour répondre aux exigences présentes et futures + définition claire en termes de responsabilité et d’autorité) ;

.favoriser les retours et l'apprentissage pour chaque alea ou événement indésirable lors des revues (acquisition, transmission) autour de la cartographie des processus10, des indicateurs, des clients, des revues de direction ou de contrats et de l'amélioration continue, orientés automatisation et polyvalence

.arbitrage des interfaces conflictuelles, recherche de solutions partagées (pluri-métiers), reconnaissance mutuelle de savoir-faire

;

.rôle-clé du pilote de processus, hiérarchie transversale plus que verticale inspirée du management participatif ou DPPO11 (Drucker, 1970)

.objectif majeur de l'amélioration continue : mesure du résultat (amélioration des interfaces, cœur de métier densifié plus que lien direct avec la qualité ;

.amélioration des compétences, apprentissage organisationnel sur

9 Gestion des ressources humaines.

10 Définie par une « chaîne de traitement d’activités avec des interfaces entre postes et départements pouvant être mesurés, mais également une chaîne de responsabilités impliquant des acteurs et des compétences divers » (Weill, 2001).

11 Direction participative par objectifs.

(6)

un nombre restreint d'acteurs et surtout les pilotes de processus dont le budget augmente (cadres, membres des groupes de travail)

;

.début timide de business intelligence mais transversal à toutes les fonctions (commerciaux, comptables, logisticiens etc.) ; régulation conjointe .construction plus collective de la décision, capacité d’initiative,

autonomie : nombre d'intervenants, centres d'intérêt déplacés grâce à la cartographie des processus qui donne un pouvoir de parole (décrire et écrire), à l’écoute client prospective (pertinence du changement à partir des informations recueillies) ;

.recherche de gain de productivité par la montée en puissance des services dits de soutien désormais outillés de mesures crédibles (administratifs, comptables, financiers), déplaçant le tropisme habituel sur la ligne de production stricto sensu ;

.contrôle densifié et permanent sur les résultats d'activité car nouvelles marges de liberté accordées aux opérateurs : une systématisation des supports (fiches de conformité, les tableaux de bord, guidelines et autres indicateurs de traçabilité), un encouragement à l’action corrective par autocontrôle et l'extension du reporting au-delà des services financiers (chacun est comptable de ses propres performances), une responsabilité distribuée vers l’encadrement opérationnel (innovation par la méthode telle le CRM12), l’extension des audits internes ; mais reparcellisation des tâches, diluant la vision globale ;

.focalisation sur le client par l’anticipation des besoins, la prévention des risques et aléas, la prospective et le co- développement ;

Tableau 1 Principaux apports des certifications ISO 9000 et AS/EN9100

Assurance qualité dans une université en transition

La perspective universitaire est autre puisque les démarches qualité y sont très récentes : aussi, nous resituons leur genèse pour en détailler ensuite leurs outils ; une esquisse des premiers impacts et les questionnements connexes clôtureront nos propos.

Le nouvel ordre éducatif mondial « décrété » pour l'Europe, mâtiné de libéralisme économique, précise les contours d'une éducation elle aussi globalisée :

« facteur de production conditionnant la productivité, la capacité d'attirer des capitaux, la compétitivité et l'emploi ». Cette évolution se matérialise dans une

12 Customer relationship management.

(7)

chaîne commerciale, annuellement repérable lors de salons internationaux (le premier a eu lieu à Vancouver) : commerce de produits éducatifs, circulation des étudiants (outputs formés), création d'antennes filialisées à l'étranger… Supportée par l'OMC13 (avec l'accord général sur le commerce des services signé par 130 pays à Marrakech en 1994 et entré en vigueur le 1er janvier suivant), cette réforme est à visée pragmatique : institution publique sociale nationale parmi d'autres, l'université doit faciliter l'accès à la connaissance, la certification des savoirs et compétences censés maximiser les chances d'accéder à des emplois (et revenus) valorisants ; en conséquence, « enseigner ne serait plus participer à une noble mission d'intérêt général mais fournir un service exportable ».

Depuis 40 ans, en France, les mutations de l'université sont le miroir de toutes les questions de société ; aujourd'hui à la fois sommée de justifier ses dépenses, ses procédés de fabrication, son management, elle est à la croisée des chemins de l'autonomie, du clientélisme et de la professionnalisation : ambivalente, affrontée à des missions antagonistes, elle doit produire des savoirs dans une optique d'efficacité et de valorisation marchande des formations et de la recherche.

L'ambitieux défi lancé est orienté sur une auto-évaluation multicritère, davantage d’intégration et de performance, pour que le système français y gagne en qualité et se hisse parmi les meilleurs au monde : diminution des coûts, spécialités d’excellence, nouveaux labels, polyvalence et mobilité des personnels. Il est cependant à noter que les filières d'excellence française échappent à l'université (grandes écoles, d'ingénieurs notamment, essentiellement parisiennes).

Traversée à la fois par des réformes nationales (système budgétaire de la LOLF14 depuis 2001) et aussi par des mutations circonscrites à ses domaines de compétences (évaluation par l'AERES, LRU15, plan Campus, projets d'établissement, université numérique, modification du statuts des enseignants- chercheurs…), l'université doit prouver sa performance à travers plusieurs systèmes normés : en milieu massifié, devant un public exigeant (étudiant-citoyen), adossée à de nouveaux partenaires, avec des filières harmonisées et restructurées (LMD16), jonglant entre sélection/répartition et arbitrant entre professionnalisation/démocratisation, elle doit aussi répondre de masse critique, de pédagogie innovante et protéiforme, de suprématie nationale et internationale. La mesure de l'excellence scientifique s'appuie sur des classements célèbres et âprement

13 Organisation mondiale du commerce.

14 Loi organique relative aux lois de finance.

15 Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, loi sur les libertés &

responsabilités des universités du 10/08/2007.

16 Licence, master, doctorat.

(8)

commentés (Shanghai, Times Higher Education17, Student Financing of Under- and Post-graduate Education18, CWTS19 de Leiden …) : selon les critères choisis et exclusivement orientés vers la recherche, les mêmes établissements ou équipes et laboratoires sont hiérarchisés différemment (la 1ère française est respectivement Paris 6, 42ème ou l'ENS, 28ème). En outre, ces comparaisons internationales sont sujettes à caution : les études de la Banque Mondiale soulignent les aléas de corréler statistiquement la performance universitaire et la progression du PIB par habitant.

Donc, en l'absence de lien avéré entre l'espérance de vie scolaire et le pourcentage de PIB consacré à l'éducation, ce n'est pas le montant des dépenses qui importe mais la manière de l'allouer ; partant, le principe des économies d'échelle trouve des limites : on ne peut simplement augmenter la tailles des promotions et baisser les salaires des enseignants pour prétendre être performants.

La stratégie européenne de Lisbonne (2000)20 appuie ses ambitions

« d'économie de la connaissance la plus compétitive, la plus dynamique du monde, capable de croissance éco-durable accompagnée sur une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et sur une plus grande cohésion sociale »21. Elle définit une

« chaîne éducative » harmonisée fondée sur les TIC, la mobilité des étudiants, la qualité des enseignants. Entre une aide à la décision et un schéma d'organisation, les indicateurs offrent une palette large d'usages et la question de leur utilité mérite d'être contextualisée à la situation universitaire française présente, car elle renvoie à des notions non marchantes ; mais, la cohérence des décisions prises et la crédibilité estimée de l'information recueillie sont parfaitement transposables au contexte que nous étudions : quelle est en effet la valeur (économique, sociale) ou le degré de confiance accordés à ces benchmarks ? qui s'empare et comment de ces signaux ? quels ajustements (mutuels, séquentiels) dominent ? Consécutive à l'introduction de la concurrence entre offreurs éducatifs, cette qualité est de plus en plus tournée vers l'employabilité : elle se distribue en 13 objectifs tendus vers « l'amélioration de la qualité, l'efficacité, la facilitation de l'accès de tous aux systèmes d'éducation et de formation dans l'UE, de plus en plus ouverts au monde extérieur »22.

L'AERES justifie le choix de la norme ISO pour toutes les universités car elle est

« universelle, pratiquée et reconnue par le monde socio-économique qui recrute

17 www.timeshighereducation.co.uk

18 National Center for Education Statistics, US department of Education, 2006.

19 www.cwts.nl/cwts/LeidenRankingWebSite

20 Relayée par les sommets de Prague en 2001, Barcelone en 2002, Berlin en 2003, Bergen en 2005, Louvain en 2009.

21 http://ec.europa/education/policies, http://ue.eu.int/newsroom 22 www.enqa.eu/files, Helsinki, 2007.

(9)

leurs diplômés » ; ce système qualité définit 8 domaines23 d'objectifs, dont nous précisons les modalités.

.

Objectifs Mise en oeuvre

1. politique et procédures pour le

MQ (management de la qualité) contrat d'OM24 piloté par la direction de l'établissement manuel qualité

cartographie des processus et de leurs interactions

notes d'organisation, fiche de description de poste, procédures formelles

audits internes, actions correctives et préventives, revue de direction annuelle

2. approbation, examen et révision périodique des programmes et diplômes

conseils de perfectionnement, fiches RNCP25, révision périodique de programme

semestrialisation

offre de formation, syllabus, websites

3. évaluation des étudiants règles validées dans le dossier d'habilitation, présentées oralement et remises dans le livret d'accueil

finalités et complémentarités des enseignements et UE validées par le comité pédagogique

évaluation académique par les enseignants et professionnels et conjointe (ancien étudiant, enseignant, professionnel)

4. MQ du corps enseignant site internet pour les enseignants (fiches, boîte à outils), portfolio pédagogique

formation pédagogique des nouveaux entrants, accompagnement des chargés de mission

conférences pédagogiques bonus qualité formation

questionnaire d'évaluation sur la pédagogie de l'enseignant 5. outils pédagogiques et soutien

étudiant

politique documentaire (bibliothèque, intranet)

commissions intégrant des étudiants (perfectionnement, organisation des études)

mise en œuvre d'un ENT

accompagnement du parcours professionnel sur mesure + coaching sur demande

tutorat pour ceux en difficulté soutien financier

6. systèmes d'information enquête annuelle sur 1er emploi étudiants

instauration du SISEP et de la DSI (communication, sondage, gestion des anomalies)

conseil de perfectionnement

objectifs quantifiés du processus pédagogique

processus d'amélioration continue (indicateurs, revue annuelle, audit interne, certification, actions correctives…)

23 Selon présentation AERES au PRES UT, le 19/01/2009.

24 Objectifs/moyens.

25 Répertoire national des certifications professionnelles.

(10)

7. information au public voies classiques : CIO, salons régionaux, avec publication des certifications, bouche à oreille entre anciens et futurs étudiants (lieu d'origine), réseau d'entreprises partenaires (stages, emplois, enquêtes), visites, intervention de professionnels et organismes consulaires

voies électroniques : websites des universités référencés sur moteurs de recherche

voie spécifique à la qualité : présence dans les ouvrages spécialisés, les éditions AFAQ/AFNOR

8. qualité de la recherche, qualité en recherche

définition formalisée d'une politique scientifique et d'organisation de la recherche

3 niveaux de pilotage (CA, CR, CO26) processus recherche

gestion et suivi des contrats pilotage de l'amélioration continue suivi des actions correctives et préventives

interaction identifiée et maîtrisée avec les autres processus valorisation mutualisée au sein du PRES

Tableau 2 Le SMQ27 universitaire ISO9001 défini par l'AERES

On peut y lire en lien direct avec les certifications qualité, des enjeux identiques : en effet, les diverses étapes de l'assurance qualité y figurent (bonnes pratiques, suivi, maîtrise, analyse, corrections, vérifications-audits) incitant les managers d'établissement à un auto-contrôle poussé28. La mise en visibilité des parcours de formation, l'accompagnement à la réussite des étudiants, la capitalisation des retours d'expérience ressemblent fort à une orientation client (intégration de ses attentes) et à une l'approche processuelle29, telles que la version 2000 des normes ISO les définit ; des investissements lourds sur les plans interne et externe, de conséquentes modifications dans la GRH30 (postes et compétences), des changements de méthode adossés à de nouveaux SI reconfigurent l'organisation universitaire. Ces démarches qualité s'appuient sur des référentiels qui évaluent le contenu, les acteurs et les débouchés des formations dispensées ; on peut les circonscrire à 5 domaines à combiner avec 6 catégories suivantes de parties prenantes, dont l'entrée par l'étudiant en est la principale : le rôle de l’expertise, les apprentissages, la transmission, la démocratisation et la marchandisation des savoirs, les finalités de l’enseignement supérieur et le statut des enseignants.

26 Conseil d'administration, de la recherche et comité opérationnel.

27 Système de management de la qualité.

28 Validé par l'AERES.

29 Bouchardy et alii « ISO9000 version 2000 : quels changements organisationnels ? » actes du CNRIUT Tarbes, 15/16 mai 2003.

30 Gestion des ressources humaines.

(11)

Les projets de service ou d'établissement ont institué des processus qualité, de mesure de satisfaction, grâce à des indicateurs de démarche et de résultat, mais sur le terrain, les agents continuent à devoir interpréter les consignes pour rendre possible le fonctionnement opérationnel. Cette tension entre la conformité aux normes et l’expression de demandes externes contraint le dirigeant à justifier l’équilibre durable et satisfaisant qu’il choisit, afin de combiner les exigences des catégories de parties prenantes, ce qui ne facilite pas les transitions entre SI31 et options choisies. La qualité ouvre les frontières d'un ensemble « transnational »32, en incitant les EES33 à développer des coopérations et programmes d'échange avec l'étranger (plusieurs filialisations concrétisées à ce jour). Cette fertilisation croisée doit augmenter « le stock de capital humain hautement qualifié » de pays plutôt sous-dotés ; elle propose de prendre comme « point de référence qualité » les universités les plus performantes et exhorte de fait à l'apprentissage inter- établissement. Afin de limiter les dérives possibles (renforcement inégalitaire économique ou élitiste, fuite des cerveaux, absence d'inculturation…), la régulation par la norme (certification, accréditation) s'avère un garde-fou idoine : elle

« favorise l'excellence, améliore la transparence, rend compte et aide les parties prenantes à décider de façon éclairée ». Comme dans l'industrie, des organismes indépendants seront choisis avec, toutefois, la délicate mission de calibrer les acquis d'un diplômé.

Nous pouvons alors poser deux types d'interrogations sur la capacité desdits critères à étalonner la valeur ajoutée par un EES et sur les incidences en matière géo- politique des décisions à venir :

• éclatement du service public universel selon certains, miné par ses acteurs internes dépositaires et pourfendeurs de la réputation, choix stratégiques de CA universitaires vers la mutualisation (Strasbourg), la spécialisation recherche (Toulouse, Clermont), la concentration sur certaines propédeutiques (FOAD34 à Bordeaux) ;

• réaménagement profond du territoire selon d'autres, en particulier par des relocalisations liées à la création et au transfert de savoirs dans un système comparatif régionalisé : nouvelles missions, pression financière, stratégies partenariales inédites (chaire, fondation, consortium du savoir…).

Le discours sur la performance semble rhabiller cette compétition ancienne restée jusqu'ici larvée mais devenue ostensible, car issue d'une différenciation croissante de l'offre de formation. En effet, comme pour tous les autres services publics français depuis 2001, la performance de l'université s'apprécie sur les

31 Système d'information.

32 www.oecd.org, documents 2007.

33 Etablissement d'enseignement supérieur.

34 Formation à distance.

(12)

résultats produits par rapport aux objectifs préalablement assignés. Armé d'une nouvelle architecture budgétaire reposant sur un triptyque somme toute assez classique dans le secteur marchand (transparence des informations budgétaires, clarté des stratégies financières publiques, responsabilisation des gestionnaires par un contrôle a posteriori), notre ES conjugue économies, recentrages, gouvernance de proximité, partenariats et maillage territorial de l’offre de formation, dans la nouvelle enceinte européenne, où s’échelonnent les formats LMD, encourageant la mobilité des étudiants et des enseignants. Est-il maintenant possible de concilier le temps long de l'éducation au temps court de l'efficacité économique ? Plutôt appréhendée telle un construit socio-fonctionnel et situé, la notion de performance oblige à détailler input, output et outcome en nous focalisant sur la mesure du processus de fabrication d'un étudiant-diplômé-insérable (Bouchardy I. & Darréon J.L., 2005), et en acceptant que, malgré des certifications normées irréfragables, les résultats puissent demeurer insatisfaisants.

Mesures et instruments en débat

En interrogeant la lisibilité qu'offre, aux parlementaires et citoyens, un tel contexte d'autonomie, de positivisme gestionnaire, de crise identitaire, de subsidiarité régionale, de transversalité européenne et de pôles mondiaux de compétitivité réelle et ardue, on peut constater que du côté des usagers (étudiant- diplômé) des limites au LMD en mécontentent plusieurs35 (Espagne, Grèce, France) : ils lui reprochent d'une part, de ne pas conduire à l'emploi ou de déboucher sur des salaires très insuffisants36 et d'en faire une génération au niveau de vie inférieur à celui de ses parents, et d'autre part de pervertir la mission universitaire, par le mercantilisme et la privatisation (marché vs société), principalement dans les filières de SHS37. Hypothèque de l'avenir, augmentation des droits d'inscription, sur-diplômation sans finalité sociale… sont des arguments qui mettent à mal les finalités de progrès, d'équité, d'efficacité commandant la stratégie de Lisbonne38.

La voix des prestataires fait entendre d'autres inquiétudes, notamment sur les axes politiques choisis au sein du PRES, certains présidents dénonçant les dérives de compétition, de course à la réputation, de palmarès de tout ordre, renforcées par les systèmes qualité, d'autres s'en félicitant ; la pluri-tutelle39 qui s'exerce sur de

35 Cf. Courrier International n°946-947 du 31/12/2007 « la génération précaire se rebelle »,

« Bologne cristallise toutes les angoisses ».

36 700 € en moyenne en Grèce.

37 Sciences humaines & sociales, appelées aussi humanités.

38 Communiqué de la conférence des ministres européens de l'ES, Bergen, 20 mai 2005.

39 Nationales et locales.

(13)

nombreux laboratoires ne facilite en outre ni la clarté, ni l'indiscutabilité des résultats. Au-delà du principe sous-jacent à ces politiques du besoin de savoir pour pouvoir, l'attractivité des établissements en situation concurrentielle nationale et européenne est bien au cœur du débat : tous les ressorts stratégiques de la différenciation chère à Ansoff y figurent (nouveaux services, nouveau marché, recentrage sur les compétences-clés). Il semble donc que 3 types de questions restent en suspens :

• La dichotomie entre évaluation et classement mérite d'être accentuée ; en effet, l'évaluation garantit la mesure de conformité des mécanismes mis en place et alerte sur les éventuels écarts afin qu'ils soient annihilés. Les palmarès, cités en

§ 2 s'appuient sur la visibilité des publications scientifiques, la bibliométrie disciplinaire40, les carrières d'anciens diplômés… bref, sur des critères disparates qui tous, traduisent à leur manière et de façon chiffrée, l'excellence ; or, l'histoire des organisations a illustré le factice et l'illusoire que peuvent générer de "bonnes pratiques" prises comme un modèle d'excellence à une période, pour voir quelques années plus tard complètement disparaître les entreprises dans lesquelles elles avaient pris corps (Peter & Waterman, 1983, 1985). Il est alors naturel que l'objectivité censée être portée par le quantitatif conduit à la loi des grands nombres (fusion, fédération, masse critique rehaussée) puisque nous sommes du côté du ranking ; qu'est ce qui pourrait mieux traduire les différences d'insertion dans le tissu local, d'intégration d'étudiants étrangers francophones ou pas, quitte à sortir de l'uniformité d'esprit et non plus de fait des diplômes LMD sans retomber, comme ces 10 dernières années dans une débauche d'offres41 ? quel « plus haut degré de » importe vraiment à l'étudiant, l'enseignant, l'université, ses financeurs ? qui doit trancher et dans quelles conditions.

• La notion de qualité du service public français d'ES varie selon l'appréciation des parties prenantes : coproducteurs, financeurs, évaluateurs ; certains se focalisent sur la qualité intrinsèque des formations et de la recherche, d'autres accordent plus d'importance aux conditions de leur production. Les coûts entrent en jeu et la complexité des mécanismes universitaires est sérieuse, dans un contexte d'autonomie où les présidences s'accordent à rendre des comptes, mais pas toujours aux mêmes interlocuteurs (tutelle, nation, partenaires).

Choisir la qualité comme système managérial, c'est simplifier, clarifier, établir de la confiance pour fidéliser ; or la cartographie distinctive de l'offre en est opaque et les attentes des partenaires et usagers éloignées (résultat probant ou écart-type national, culture et citoyenneté ou emploi lucratif), même si le nouveau processus se défend d'être algorithmique.

L'usage est en aussi bien interne qu'externe mais les crédibilités doivent être congruentes ; or, nous rejoignons ici les lignes de force synthétisées dans nos

40 Mesure des pairs.

41 E.g., plus de 150 masters dans le PRES.

(14)

travaux précédents : la mise en œuvre, à travers l’approche processus, d’une gestion des interactions pour une meilleure coordination et implication de tous dans l’organisation ;la recherche d’une toujours plus grande rationalisation du fonctionnement grâce aux indicateurs et l’implication des acteurs ; un client omniprésent bien qu’on le pousse à la distance42 ! Il s’agit d’améliorer la coordination de l’ensemble de l’organisation pour une meilleure intégration de toutes les activités qui concourent directement et indirectement à la création de valeur. Est-ce suffisant pour engendrer une nouvelle dynamique

organisationnelle qualifiante, plus transversale, supposant de nouveaux comportements des salariés et mobilisant de nouvelles compétences ? Les résultats obtenus en GRH prouvent qu'il s’agit toujours de mieux évaluer les retours sur investissement de la formation des salariés ainsi que leur meilleure adéquation au poste. Les compétences restent traitées comme des attributs individuels (notamment en termes de nouveaux comportements attendus) qu’il faut gérer le plus rationnellement possible. Les responsables et décideurs (Chevallet & Rocher, 2003) s’accordent au moins sur quatre progrès des démarches qualité : fluidité des processus, réaménagement des postes de travail, fiabilisation des interfaces clients/fournisseurs et nouvelles stratégies de communication interne et externe. Empreinte de logique compétitive

mondialiste, la certification doit être un « interrupteur » entre la qualité interne (pilotage) et la qualité usager (satisfaction). La standardisation administrative et productive43 qui en découle renvoie au recentrage sur le support logistique (Mintzberg, 1982) et à la une déconcentration opérationnelle déjà repérable dans les balanced scorecards44.

• l'immédiateté et le court-termisme de l'efficience ne portent pas d'espérance, malgré la volonté prospective annoncée, de sorte que la qualité peut devenir un alibi pour hypertrophier les savoir-faire techniques au détriment des

compétences sociales et masquer la limite atteinte de la compression des coûts : chantage aux délocalisations ou relocalisations au sens de la dialectique schizophrénique de Giddens (1990), métiers devenus subitement obsolètes, mimétisme partenarial, qui privilégie encore ce que l’on fabrique et comment, à part quelques désespérés (Brighelli, 2005) ? ne produit-on pas un nouvel avatar taylorien où les pressions du temps (délais), de la perfection (certification du produit ou service), du client, de la hiérarchie reconfigurée selon les processus- clés et celle du résultat collectif sur lequel sera indexée la partie variable accrue de la rémunération ? sur ces points, un travail personnel d'habilitation à diriger des recherches en cours tentera d'apporter des réponses.

42 Incitation forte aux TICE pour la téléformation initiale et continue.

43 Similaire aux ERP (enterprise resource planning).

44 Op. cit.

(15)

Bibliographie

ANSOFF H.I., 1965, Corporate Strategy, New York, Mac Graw Hill.

BERNOUX P., 1998, « Contrainte et domination sans autonomie ni acteurs ? », Sociologie du travail n°3.

BOUCHARDY I., DARRÉON J.L., 2005, « Quality of the French higher education : are European universities going towards efficiency ? », 8th TV conference Quality in Services - higher education, health care, local government, Palermo, September 8/9 2005, CDROM.

BRIGHELLI J.P., 2005, La fabrique du crétin, Paris, J.C. Gawsewitch.

CHEVALLET R., ROCHER O., 2003 (eds.), Agir sur la conduite des e-projets, ANACT, Lyon.

DURAND J.P., 2000, « Les enjeux de la logique compétence », Gérer et comprendre, décembre.

GIDDENS A., 1990, The Consequences of Modernity, Stanford, Stanford University Press.

KAPLAN R.S., NORTON D.P., 1996, The Balanced Scorecard – translating strategy into action, Hardcover.

MINTZBERG H., 1982, Structure et dynamique des organisations, Editions d’Organisation.

PETER T. & WATERMAN R., 1983, Le prix de l’excellence, Paris, InterEdition.

PETER T. & WATERMAN R., 1985, La passion de l’excellence, Paris, InterEdition.

REYNAUD J.D., 1991, « Pour une sociologie de la régulation sociale », Sociologie et sociétés, vol. XXIII, n° 2.

TERSSAC G. de, 1992, Autonomie dans le travail, Paris, PUF.

WEILL M., 2001, Le management de la qualité, Paris, La découverte.

ZARIFIAN P., 1996, Travail et communication, Paris, PUF.

ZARIFIAN P., 2000, « Sur la question de la compétence, réponse à Jean-Pierre Durand », Gérer et comprendre, décembre.

Références

Documents relatifs

• Aidez les élèves à se préparer pour les réunions, les conversations avec les professeurs ou pour d’autres situations dans lesquelles ils devront participer à la planification

[r]

Licence Economie et gestion, IAE Nantes IPAG BS, PGE, Campus de Nice EM Normandie, PGE, Campus d’Oxford CPGE ECS Lycée Clémenceau, Nantes. DUT

La  massification  de  l'éducation  s'accompagne  d'une  tendance  à  la baisse  des  coûts  de  formation  unitaires  au  moment  où  il  s'agit précisément 

 Août 2006, pages 12 et 13 Une crise d'intégration des jeunes de milieux populaires Retour sur la grande révolte des banlieues françaises Neuf mois après les troubles qui,

Dans un contexte de mutations du supérieur et de transfert des budgets de l’État aux universités dans le cadre de la L.R.U., les logiques comptables et financières entrent

Pour les diplômes propres ou diplômes de grand établissement, dont une partie confère le grade de licence ou de master 47 , ce sont le conseil d’administration de la Fondation

Dans ces conditions, il ne faut pas s ’ étonner de la faible appétence des dirigeants et cadres d ’ entreprise pour la production de recherche en sciences de gestion. Loin de nous