A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
J ACQUES L ABEYRIE
Factorisation de Ritt pour les polynômes exponentiels formels
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 5
esérie, tome 4, n
o3-4 (1982), p. 281-289
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FACTORISATION DE RITT POUR LES POLYNOMES EXPONENTIELS FORMELS
Jacques Labeyrie (1)
Annales Faculté des Sciences Toulouse Vol
IV,1982, P 281
à 289(1 J
CentreOcéanologique
deBretagne,
B.P.337,
29273 Brest Cédex - France.Résumé : Le théorème de factorisation démontré en 1928 par
J.F.
Ritt pour les sommes expo- nentiellesdans ([ ,
est icigénéralisé
auxpolynômes exponentiels
formels dans un corps de carac-téristique
zéro. Soit exp X la série formelleL Xn
etF(X)
=L aQ(X) exp(ÀQ X)
avecn=0 n~
Q=1
aQ(X) E K[X].
AlorsF(X)
est ditsimple
si leQ-espace
vectorielengendré
par lesXi
est de dimen-m n
sion 1. On montre que
F(X)
se factorise sous la formefi Fi(X) TT G.(X)
où lesFi
sont sim-i =1
j = 1
ples
et lesGj
irréductibles. Deplus
cette factorisation estunique
si pour tous i ~i’,
leQ-espace
vectoriel
engendré
par lesi de
F~
’ et lesÀj~ ~
de n’est pas de dimension 1. °(Les
résultatssont en fait démontrés en
plusieurs variables).
L’anneau despolynômes exponentiels
est alorsun anneau de Gauss non factoriel.
Summary :
The Ritt factorization theoremproved
in 1928 forexponential
sums in C is now gene- ralized toexponential polynomials
in anyalgebraically
closed field K of characteristic zero. Letexp X be the formal series
L 1
andF(X)
=L aQ(X) exp(ÀQ X)
withaQ(X)
EK[X] .
Thenn=0 n~ Q=1 1
F(X)
is said to besimple
if the-linear
spacegenerated by
theAi
has dimension 1. We prove thenm n
F has a factorization in the form
fi F.(X) JY G.(X)
with the F.simple
and the G. irreduc- tible. Such a factorization isunique provited
theQ-linear
spacegenerated by
the03BBl,i of F.
and theXQ’ i~
of is not of dimension1,
whenever i ~ i’.(Actually
results areproved
in severalvariables).
.The
ring
of theexponential polynomials
is then a Gaussring
but not a factorizationring.
282
INTRODUCTION
Rappelons qu’un polynôme exponentiel complexe
est ditsimple
si leQ-espace
engen- dré par sesfréquences
est de dimension 1. Le théorème établipar J.F.
Ritt[2]
en1927,
permet de factoriser toutpolynôme exponentiel complexe
en un nombre fini de facteurssimples
et de fac-teurs irréductibles. Nous proposons ici une
généralisation
de ce théorème à l’anneauEm
despoly-
nômes
exponentiels
formels deKm,
valable dans tout corps K decaractéristique
nulle. Nous utili-sons pour cela une nouvelle démonstration
qui
évite tout usage de la structured’espace
dedimension 2 sur IR de C. Il en résulte que
Em
est un anneau de Gauss non noethérien.1. - GENERALITES
Soit
K[[Y]] l’algèbre
des séries formelles à coefficients dansK,
on noteraSoient
Dans l’anneau des
polynômes K[X~,...,Xm] ,
on noteraon a alors
Dans
l’algèbre K[[X1,...,Xm]]
des séries formelles à mindéterminées,
onappelle polynôme expo-
nentiel formel de.
Km
une série entière formelle à m indéterminée de la formeai E Km, ai
J V i ~j, ai(X)
est un élément non nul deK[X].
Lesai
sontappelés
lesfréquences
de
f(X),
et lespolynômes a~(X)
les coefficients def(X).
L’ensemble
Em
despolynômes exponentiels
formels deKm
est clairement une sous-algèbre
del’algèbre
Les inversibles de
Em
sont de la forme Àexp( a,X >)
où À E K* et a EKm.
Un élément
f(X)
deEm
à coefficients dans K est ditsimple
si lesfréquences
def(X) engendrent
unQ-espace
de dimension 1. Deux élémentssimples
deEm
tels que leursfréquences
engendrent
unQ-espace
de dimension deux sont dits incommensurables.’
REMARQUE
1. Si le corps K estalgébriguement clos,
on voitqu’un
élémentsimple
deEm
n’estjamais
irréductible dansEn
effet,
soitP(Y)
EK[Y]
et pour tout h EIN*,
soitPh (Y)
= AlorsP(exp( a,X >))
=>)).
Les éléments
qui
sont à la foissimples
et irréductibles seront caractérisésau §
4.2. - DIVISIBILITE DANS
Em
ETFREQUENCES
Pour établir le théorème de
Ritt,
onappliquera
laproposition
1qui
va suivre.On dira
qu’un
élément deEm
est de la forme(
s’il s’écritet si le
-espace Wf engendré
par admet une basewl,...,wq
danslaquelle chaque ai
atoutes ses composantes rationnelles non
négatives. Enfin,
on noteraEm
le sous-ensemble des éléments deEm
dont l’une au moins desfréquences
est nulle.PROPOSITION 1. Soit
f(X)
un élément deEm de
la forme( ~ )
soitg(X)
EEm.
Alors il existeune base de telle .’
si
f(X) se
factorise sous la formeg(X) . h(X)
oÙ h Eles
composantes dans cette base dechaque fréguence de g(X)
soient rationnelles > o.Preuve. Soit
f(X)
EEm
de la forme( ~ ).
Soitg(X)
EEm ,
Soit
h(X)
EEm
tel que l’on aitf(X)
=h(X) . g(X),
et écrivonsSi on
note 0 U’
o u t, l’ensemble desvaleurs f3j
+o j
r, ok Q,
alorson voit que pour tout i = o,...,n
et que
a) Supposons qu’il
existe un certain notéwo, n’appartenant
pas àWf.
Grâce authéorème de la base
incomplète
on peut trouver une basedu
Q-espace
Uengendré
par l’ensemble desfréquences
def(X), g(X)
eth(X).
On note > l’ordrelexicographique
dans U relatif à la basew 0’’’.’ w s.
Soit {3 (resp 7)
leplus grand
des éléments~io,...,~ir (resp 70,...,7Q)
pour l’ordre > . Onpose 8
=~i
+ y, et on voit que :Ainsi 6 est une
fréquence
def(x) qui
a unecomposante
non nulle surwo,
d’où lacontradiction. Par su ite on a U =
W f.
b) Supposons
quepour j = j jo l’élément 03B2j
J admette unecomposante négative
sur labase
wi ,...,w il
existe donc unepermutation
a du groupesymétrique 03A3q
telleque 03B2jo
soitnéga-
tif pour
l’ordre lexicographique
dansWf
relatif à la base),...,wo(q) (noté >).
"
Soit 13’ (resp ~’)
leplus petit
des éléments~io,...,~ir (resp 70,...,7~)
pour l’ordre >.On pose 6’ =
~i’
+l’
et on voit que,Ainsi 8’ est une
fréquence
def(x) qui
a une composantenégative
sur d’où lacontradiction.
3. - THEOREME DE FACTORISATION DE RITT
On se propose de démontrer dans
Km
le théorème de Ritt.THEOREME 1. Tout élément de
Em
se factorise defaçon unique,
à un facteur inversibleprès,
sous la forme
où les
fi(X)
sont des éléments deEm simples,
deux à deuxincommensurables,
et lesgi(X)
sontdes éléments de
Em irréductibles,
non associés à un élémentsimple.
On aura
besoin,
toutd’abord,
de laproposition
suivante : :PROPOSITION 2. Soit V un espace vectoriel sur K. Pour tout v E
V,
soittv
la translation de V: x ~ x + v. Soit S une partie finie de V.
Alors il existe v E S et une base ~ du
(Q-espace
Wengendré
par tels quechaque
élémentde
1~v ~)
ait dans la base ~ toutes ses composantes rationnellespositives.
La démonstration de la
propriété
2 est immédiate àpartir
des deux lemmesqui
sui-vent.
LEMME 1. Soit T une
partie
finie de .Pour
qu’il
existe une baseo
del
danslaquelle chaque
élément de T ait toutes sescoordonnées
positives
il suffitgu’il
existe une base ~ 1 de danslaquelle
tous les éléments de T aient leurn-uplet
de coordonnéespositif
pour l’ordrelexicographique.
Preuve. Soit A =
‘.C
une matrice carrée
régulière
à coefficients rationnelspositifs.
Soienttl,...,tQ
des rationnels.On note A’ la matrice carrée
On montre
qu’il
existe alors des rationnels tous non nuls tels que la basede l,
pour
laquelle
la matrice dechangement
de base de à~ ~
est la matriceA’,
satisfasse la condition du lemme.L E M M E 2 Soit T une
partie
finie deQ É
S’il existe une base o del
danslaquelle
les éléments de T ont leurs coordonnéespositives,
alors il existe une base W du sous-espace Wengendré
par Tdans
laquelle
les éléments de T ont leurs coordonnéespositives.
Preuve. Soit
o
=...,eg )
et soient...,wg
les fonctions coordonnées associées à la baseo,
alors on voit que pour tout a ~ T on a :
Soit W* le dual de W et soit
’Pi E
W* défini comme la restriction de~.
àW ;
alors ilexiste une
permutation
o du groupesymétrique LQ
et une base ,~ _(fl,...,fq)
de W dont lesfonctions coordonnées sont les formes * .
(] ),...,~po(q)
Par suite
chaque
élément de T a dans la base .~ de W toutes sescomposantes
ration- nellespositives.
Preuve du Théorème 1. Tout d’abord on va mettre en évidence un
problème polynômial équivalent
au
problème
de la factorisation d’un élément deEm.
Soit V =
Km,
soitf(X)
un élément de et soit S lesystème
desfréquences
def(X).
Si on
applique
laproposition 2,
il est alors clair quef(X)
admet un associé de la forme( ~ ).
On
peut
donc se ramener au cas oùf(X)
est de la forme(,~ ).
On note
W f
leQ-espace engendré
parS,
et on note une base deW f dans
la-quelle chaque fréquence
def(X)
a toutes sescomposantes
nonnégatives
que l’on supposera entiè-res
(quitte
àremplacer wi
par un de sesmultiples
rationnels que l’on note encorewi).
On pose
Yi
=exp( wi’x »
1 i q, et par suitef(X)
s’identifie à un élémentQ(Y],...,Yq)
deK[X] [Y 1 ,...,Y q] .
Supposons
maintenant quef(X)
se factorise dansE~
sous la formealors
d’après
laproposition
1 on voit que les composantes desfréquences
dechaque fi(X)
dans labase
wi ,...,w q
sont rationnelles nonnégatives ;
parconséquent
on peut trouver des entierspositifs
ti ~..~t
et des élémentstels que l’on ait :
Réciproquement,
si pour des entierspositifs tl,...,tq
il existe unedécomposition
deOù pour tout
i =1,...,Q
on aQ;(Y~...,Y )
CK[X] [Y~...,Y ],
il est alors clair quef(X)
se factorisedans
E~
sous la formefi ,...,fp ,
où pour tout i= 1 ,...,C
on aOn est donc ramené au
problème suivant, qui
est purementalgébrique
Etant donnéun
polynôme
que l’on peut supposerirréductible,
pourquels
entierspositifs tl,...,t
le
polynôme Q(Y1 t1
pas irréductible ?On résoud ce
problème
en raisonnant sur despolynômes primaires
ensuivant,
dans sesgrandes lignes,
la méthode de Ritt[2] (une
démonstration détaillée est donnée dans[1 ]).
4. - APPLICATIONS
Rappelons qu’un
anneau commutatif A estappelé
anneau de Gauss si toutcouple
d’éléments de A admet un PGCD.
THEOREME 2. L ’anneau
Em
est un anneau de Gauss non factoriel et non noetherien.Preuve. Le théorème 1 permet de montrer que
Em
est un anneau de Gauss. Pour voir queEm
n’estpas factoriel il suffit de considérer :
Par ailleurs on peut maintenant caractériser les éléments
simples
irréductibles.THEOREME 3. Un élément
simple P(exp
a,x>)
est irréductible si et seulement siPh (Y)
estirréductible dans
K[Y]
pour tout h E IN*.Preuve.
Supposons
d’abordqu’il
existe h E IN* tel quePh
ne soit pas irréductible :a
Ph(Y)
=R(Y)T(Y)
oùR,
T EK[Y]
1 K. Alors l’élémentg(X)
=R(exp -, X >)
est un diviseurh
propre de f dans
Em. Réciproquement
supposons quef(X)
=g(X) Q(X)
ou g, Q sont non inversi- bles dansEm.
Alorsd’après
laproposition 1,
lesfréquences
de g et Qappartiennent
àaQ+
et ona a
peut donc écrire
Q(X)
sous la formeR(exp -, X >)
etg(X)
sous la formeT(exp -, X >)
oùR, TE K[Y]
1 K et on voit que =R(Y) T Y)
n’est pas irréductible.~
COROLLAIRE. Soit A un anneau factoriel de
caractéristique
nulle etqui
n’est pas un corps. Soit K le corps des fractions de A. Alors l’anneauEm
contient des élémentssimples
irréductibles.Preuve. On considère
P(Y)
= + q EA[Y]
où q est un élémentpremier
deA ;
alorsd’après
le critère d’Eisenstein on sait que
Ph(Y)
est irréductible dansK[Y]
pour tout h E IN* et on voit donc que pour tout a EKm,
l’élémentP(exp a,X >)
deEm
estsimple
et irréductibled’après
le théorème 3.
289
REFERENCES
[1] J.
LABEYRIE.«Polynômes exponentiels ultramétriques».
Thèse de 3èmecycle,
Université de Bordeaux I
(1981).
[2] J.F.
RITT. «A factorizationtheory
for functions03A31 ~ 1 ~ n ai exp(03B1i z)».
Trans.Amer. Math. Soc. 29