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Les modes de flexibilité dans les établissements français

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Academic year: 2021

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Afi n de s’ajuster aux bouleversements suscepti-bles d’affecter leurs débouchés, les entreprises ont recours à une large palette de modes de fl exibilité. En cas de variations de l’activité, le plus souvent elles embauchent des salariés à durée déterminée ou des intérimaires, utilisent les heures supplémen-taires ou complémensupplémen-taires ou encore demandent aux salariés d’être davantage polyvalents. La gestion des stocks, la variation de la durée d’utilisation des équipements et le recours à la sous-traitance sont également mobilisés comme modes de régulation du volume de production (BUNEL, 2004).

Plus récemment, l’annualisation du temps de travail et le recours au dispositif de modulation sont également utilisés à cet effet (1). Ces derniers modes d’aménagement du temps de travail sont principa-lement mis en œuvre par les entreprises passées à 35 heures. Ils leur offrent la possibilité de s’adapter aux fl uctuations de la demande en payant moins d’heures supplémentaires et en limitant le recours aux salariés en intérim ou à contrat à durée déter-minée.

Existe-t-il un arbitrage entre ces différents modes de fl exibilité en fonction de leur effi cacité relative ? Ou au contraire, les établissements utilisent-ils simultanément plusieurs d’entre eux et pour des raisons institutionnelles et culturelles, tiennent peu compte de leurs caractéristiques ? L’objectif de cet article est d’apporter un éclairage empirique à ces questions en s’appuyant sur l’enquête complémen-taire sur l’Activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre portant sur « les pratiques de fl exi-bilité ». Cette enquête, dite ACEMO Flexiexi-bilité, réalisée en juin 2000 par la Dares, fournit des infor-mations détaillées sur les déterminants des straté-gies en terme de fl exibilité de plus de 5 900 établis-sements pour faire face aux fl uctuations d’activité de court terme (pics et creux d’activité).

Cette enquête représentative et de grande taille permet de proposer une analyse « toutes choses égales par ailleurs » des stratégies des établisse-ments français pour s’adapter aux fl uctuations de la demande. Les principaux résultats obtenus sont les suivants.

L’utilisation des modes de fl exibilité par les

établissements français

Matthieu Bunel

(*)

Interrogés au deuxième trimestre 2000 sur leurs pratiques de fl exibilité, les employeurs déclarent

utiliser principalement les heures supplémentaires, les CDD et l’intérim pour faire face aux creux et

aux pics d’activité. Les établissements sont passés à 35 heures ont principalement utilisé le dispositif

de modulation. Ainsi, l’usage de la modulation, de la polyvalence et l’intensité d’utilisation permettent

de caractériser sept types de gestion de la main-d’œuvre fl exibles. En revanche, les résultats obtenus

ne confi rment pas les typologies habituellement proposées reposant sur fl exibilité interne/externe

et fl exibilité qualitative/quantitative dans lesquelles la nature des anticipations sur l’évolution de

la demande joue un rôle central. L’article rejette cette conception instrumentale de la gestion des

ressources humaines développée dans les modèles théoriques existants. Reste-t-il à inventer un modèle

théorique plus complexe sur ce type de choix susceptible de supporter les résultats obtenus ?

(*) Maître de conférences en sciences économiques, Université de technologie de Belfort Montbéliard, RECITS : Laboratoire recherche et études sur les choix industriels, technologiques et scientifi ques ; chercheur associé au Centre d’études de l’emploi ; matthieu.bunel@ utbm.fr.

L’auteur remercie les membres de la mission analyse économique de la Dares pour la mise à disposition des données. Les conseils de Stéphane Jugnot et Frédéric Lerais ont permis d’améliorer ce document. Il remercie également deux rapporteurs de la revue pour leurs suggestions. Une première version de cet article a fait l’objet de discussion lors du colloque T2M (Orléans 2004) et AFSE (Paris 2004). Les erreurs et omissions restent de la responsabilité de l’auteur. Cet article n’exprime pas le point de vue de la Dares.

(1) Notons que l’existence d’un dispositif de modulation du temps de travail (possibilité de mettre en œuvre des périodes de durée de travail collective hautes et basses) n’est pas synonyme de l’annualisation (utilisation de l’année comme période de référence pour le décompte des heures travaillées). Les entreprises peuvent annualiser le temps de travail de leurs salariés sans disposer d’un accord de modulation.

(2)

Sans surprise, les établissements mobilisent le plus fréquemment les modes de fl exibilité tradition-nels que sont les CDD, les intérimaires et les heures supplémentaires. En revanche, la typologie habi-tuellement proposée dans la littérature, opposant fl exibilité interne et externe et fl exibilité qualita-tive et quantitaqualita-tive ne permet pas de discriminer les établissements dans leurs pratiques de fl exibilité. L’analyse ascendante hiérarchique conduit à iden-tifi er 7 groupes d’établissements dont les compor-tements de fl exibilité se caractérisent par l’intensité et la fréquence d’utilisation des pratiques fl exibles, leur situation à l’égard des 35 heures et leur recours au dispositif de modulation/annualisation (2).

L’analyse économétrique mobilisant des modèles de choix discrets souligne l’infl uence signifi cative des caractéristiques de la main-d’œuvre, des parti-cularités des fl uctuations et de la situation à l’égard du dispositif de modulation du temps de travail sur le nombre de mode de fl exibilité utilisé.

Le papier est organisé comme suit. La première section présente les premiers résultats obtenus à l’aide de l’enquête ACEMO Flexibilité concernant les modes de fl exibilité utilisés par les établisse-ments en 1999. Une typologie issue de l’analyse ascendante hiérarchique est ensuite réalisée. Dans la section 2 une analyse « toutes choses égales par ailleurs » est proposée sur le nombre de modes de fl exibilité utilisé. La section 3 présente l’impact des 35 heures sur les stratégies de fl exibilité. La dernière section conclut.

L

es modes de fl exibilité utilisés

par les établissements en 1999

Théoriquement, le concept de fl exibilité regroupe un nombre de sens important. Pour les économistes, la fl exibilité est associée initialement à la notion d’évolution des coûts de production lors d’une variation de la demande (STIGLER, 1939). Des études

plus récentes défi nissent la fl exibilité comme la capacité à s’adapter aux changements dans un cadre d’information imparfaite ou d’incertitude. Dans ce dernier cas, les études sur la valeur d’option et l’irréversibilité d’un choix organisationnel portent sur le nombre d’alternatives dont l’agent disposera dans le futur s’il prend telle ou telle décision (voir pour une synthèse COHENDET, LLERENA, 1989 ; DIXIT,

PINDYCK, 1994 ; PASIN, TCHOKOGUÉ, 2001).

DŒRINGER et PIORE (1971) dans leur analyse du

caractère dual du marché du travail, soulignent que le choix d’un mode de gestion de la main-d’œuvre est déterminé par les caractéristiques sociales

(négo-ciation, qualifi cations, conventions au sein de l’éta-blissement), économiques (recherche d’effi cacité, amortissement des coûts de rotation de la main-d’œuvre, formation) et environnementales (varia-tion et prévisibilité de la demande) de l’entreprise.

Le marché du travail se caractérise par la coexis-tence de deux formes de gestion de l’emploi : un marché primaire qui offre des emplois stables et des garanties de carrière pour les salariés et un marché secondaire caractérisé par des emplois précaires sans évolution au sein de l’entreprise.

Empiriquement, cette typologie permet de diffé-rencier deux types de gestion de la main-d’œuvre, primaire et secondaire, entre les entreprises mais également au sein même des entreprises. L’existence d’un noyau dur de salariés stables et d’emplois périphériques (contrats à durée déterminée, stage et temps partiel) permet à l’entreprise de concilier l’investissement dans la formation et la motivation et l’adaptation face aux fl uctuations de la demande (BALLOT, 1996 ; LAZEAR 1998).

Depuis, d’autres typologies sont proposées pour décrire les stratégies de fl exibilité des entreprises (INSEE, 2000 et 2001 ; COUTROT, 2000). Elles

consistent notamment à croiser la notion de fl exi-bilité interne/externe et celle de fl exiexi-bilité quanti-tative/qualitative. La fl exibilité interne repose sur une réorganisation des ressources déjà disponibles dans l’entreprise tandis que la fl exibilité externe s’appuie sur des ressources extérieures. Les outils de fl exibilité quantitative consistent à faire varier le volume de l’effectif ou des heures travaillées (heures supplémentaires, annualisation du temps de travail, contrats à durée déterminée), alors que ceux de fl exibilité qualitative reposent sur une modifi -cation dans l’utilisation des ressources (polyva-lence, modifi cation de l’organisation interne de la production, externalisation d’une partie de l’acti-vité ou essaimage). Dans ce cadre, les deux types d’emplois, le noyau dur de salariés et les emplois du marché secondaire, supportent l’incertitude liée aux variations de la demande.

La nature des fl uctuations et les caractéristiques des modes de fl exibilité disponibles déterminent le choix des entreprises entre différents modes de fl exibilité (LARREY, 1998). La prévisibilité,

l’in-tensité et l’ampleur des fl uctuations constituent les variables déterminantes. En absence d’outils de fl exibilité, répondre à ces fl uctuations implique des coûts d’ajustement très importants. Les spéci-fi cités des modes de fl exibilité en termes de coûts d’instauration et de degré d’adaptabilité permettent de réduire ces coûts et vont infl uencer le choix des entreprises.

(2) Le principe de la modulation a été introduit en France par l’ordonnance du 16 janvier 1982 mais l’encadrement réglementaire de la modulation des horaires a largement évolué depuis, notamment avec les lois Aubry de juin 1998 et 19 janvier 2000.

(3)

Toutefois, les entreprises manquent souvent d’outils opérationnels de gestion de la fl exibilité. Cette situation explique le faible arbitrage pouvant exister entre ces modes de fl exibilité (MASSON,

PÉPIN, 2000 ; BUNEL, 2004). Ainsi, le recours à

l’un ou plusieurs de ces modes de fl exibilité s’ex-plique aussi bien par des raisons économiques que légales, institutionnelles et culturelles (REIX, 1989 ;

RAGHURAM et al., 2001 ; PETIT, 2003). L’enquête ACEMO Flexibilité

Les données utilisées dans cet article sont issues de l’enquête complémentaire sur l’Activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre portant spécifi quement sur « les pratiques de fl exibilité » utilisées par les établissements français de plus de 5 salariés au cours de l’année 1999 (cf. encadré 1). Globalement, les informations sur l’intensité d’uti-lisation des modes de fl exibilité sont de type quali-tatif et se déclinent en trois modalités : « utilisation à titre principal », « utilisation à titre occasionnel » ou « n’est jamais utilisé ».

Les analyses théoriques mettent en évidence que le concept de fl exibilité regroupe plusieurs sens. Globalement, il peut correspondre à la capacité : 1) à absorber ou s’adapter aux changements ; 2) à préserver ou à créer des options, i. e. le nombre d’al-ternatives dont l’individu disposera dans le futur ; 3) à raccourcir les temps de réponse à un choc (voir pour une synthèse COHENDET, LLERENA, 1989 ; PASIN,

TCHOKOGUÉ, 2001).

L’enquête ACEMO Flexibilité traite princi-palement de la fl exibilité de type 1, c’est-à-dire comment un établissement s’adapte à une varia-tion de court terme de son activité et quels sont les modes de gestion de la main-d’œuvre qu’il adopte pour réduire ses coûts d’ajustement.

Avant de commenter les résultats obtenus, notons que cette étude s’appuie sur les déclarations de chefs d’établissement concernant leurs pratiques de fl exibilité. Ces informations subjectives ne refl ètent donc pas toujours fi dèlement la réalité. En effet, les répondants peuvent percevoir de manière impré-cise leurs fl uctuations d’activité et se tromper sur la gestion de la main-d’œuvre effectivement mise en œuvre dans leur entreprise pour s’adapter à ces changements. En outre, les pratiques informelles ne sont pas toujours captées par ce type de question-naire.

CDD, intérim et heures supplémentaires sont les principaux modes

de fl exibilité utilisés

Les employeurs des établissements de plus de cinq salariés interrogés déclarent que l’utilisation des CDD, des intérimaires, des heures supplémen-taires, des CDI et de la polyvalence sont les pratiques les plus utilisées (voir graphique 1). En cas de pics d’activité, ils ont recours principalement ou occa-sionnellement à l’embauche de salariés en contrat à durée déterminée (73 %), à des intérimaires (67 %),

Encadré 1

Présentation de l’enquête ACEMO fl exibilité

L’enquête sur les pratiques de fl exibilité effectuée par la Dares en juin 2000 avec relance en septembre 2000 s’inscrit dans le cadre de l’enquête sur l’Activité et les conditions d’emploi et main-d’œuvre. Cette enquête dite ACEMO Flexibilité porte sur près de 6 000 établissements et étudie les modes de fl exibilité utilisés par les établis-sements pour faire face aux fl uctuations d’activité de court terme (pics et creux d’activité).

Cette enquête vise à exposer de manière globale les différentes formes de fl exibilité externe et interne et à d’appréhender leur logique d’utilisation ainsi que leur éventuelle combinaison en fonction des caractéristiques des fl uctuations d’activité. Cette enquête comporte une quinzaine de questions permettant de spécifi er :

– les caractéristiques et causes des fl uctuations de l’activité ;

– les stratégies adoptées par les entreprises pour faire face aux pics et aux creux d’activité ; – les motifs d’utilisation des contrats à durée déterminée et de l’intérim ;

– l’existence et la mise en œuvre d’un accord de modulation/annualisation ; – la situation à l’égard des 35 heures ;

– l’estimation de l’évolution du volume d’activité dans les deux années à venir.

La première partie du questionnaire concernant l’évolution de l’activité et des effectifs et le type de fl uctuations porte sur 5 936 entreprises représentant 11 millions de salariés. En revanche, la seconde partie du questionnaire concernant les caractéristiques et les causes des fl uctuations ainsi que les modes de fl exibilité utilisés ne portent que sur les entreprises ayant connu des fl uctuations de leur activité « très », « assez » ou « peu » importantes au cours de l’année 1999. Ce sous-échantillon se compose de 3 650 entreprises représentant plus 7,3 millions de salariés. L’analyse de la répartition taille/secteur de ces deux populations montre que ce sous-échantillon d’prises ayant connu des fl uctuations d’activité se caractérise par une proportion plus importante de grandes entre-prises appartenant davantage au secteur de l’automobile, des transports et l’éducation, de la santé et de l’action sociale et moins fréquemment à celui de l’énergie (voir pour plus de détails Bunel, 2004).

Le questionnaire comporte également des informations sur les pratiques de fl exibilité utilisées pour d’autres raisons que les pointes ou les creux d’activité. Toutefois, cet ensemble de questions est diffi cilement exploitable puisque moins de 6 % des entreprises interrogées ont répondu à cette partie du questionnaire.

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Graphique 1

Les modes de fl exibilité utilisés à titre principal et/ou occasionnel en cas de pics et de creux d’activité (en %)

* DUE : durée d’utilisation des équipements.

Lecture : Pour faire face aux pics d’activité, 29 % des établissements utilisent principalement les embauches de salariés en CDD et 73 % le font à titre principal ou occasionnel.

Source : Enquête ACEMO Flexibilité pondération effectif – DARES.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Autres Déstockage Échange de salariés entre employeurs

Décalage des dates de vacances Modulation et/ou annualisation Équipes ponctuelles Aug. de la DUE* et des horaires d’ouverture

Appel à la sous-traitance Recours à la polyvalence Augmentation des CDI Heures sup. et complémentaires Recours à l’intérim Embauches des CDD

À titre principal Principalement ou occasionnellement

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Passage de salariés à temps partiel Recours au chômage partiel

Accroissement des stocks Diminution des CDI Baisse DUE* et des horaires d’ouverture

Échange de salariés entre employeurs Décalage des dates de vacances

Mise en préretraites Rapatriement de la sous-traitance

Modulation et annualisation Envoi des salariés en formation Recours à la polyvalence Diminution intérim Baisse heures sup. et complémentaires

Non-renouvellement des CDD

À titre principal Principalement ou occasionnellement En cas de pics d’activité

En cas de creux d’activité

(5)

Graphique 2

Symétrie et asymétrie dans l’utilisation des modes de fl exibilité

Lecture : Parmi les entreprises qui déclarent utiliser principalement les CDI comme mode de fl exibilité, 9 % les mobilisent aussi bien en cas de pics ou de creux d’activité, 80 % uniquement en cas de pics et 11 % uniquement en cas de creux.

Source : Enquête ACEMO Flexibilité pondération effectif – DARES.

Modes de flexibilité utilisés à titre principal pour faire face ...

Modulation et annualisation Recours/diminution du recours à l’intérim Recours à la polyvalence Embauches/nou-renouvellement des CDD Augmentation/diminution de la DUE Recours/réduction aux heures sup. et complémentaires Déstockage/stockage Augmentation/diminution des CDI

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Modulation et annualisation Recours/réduction aux heures supplémentaires et complémentaires Recours/diminution du recours à l’intérim Embauches/nou-renouvellement des CDD Recours à la polyvalence Augmentation/diminution de la DUE Déstockage/stockage Augmentation/diminution des CDI

… uniquement aux creux d'activité … aux creux et aux pics d'activité … uniquement aux pics d'activité

… uniquement aux creux d'activité … aux creux et aux pics d'activité … uniquement aux pics d'activité

Modes de flexibilité utilisés à titre principal et/ou occasionnel pour faire face ...

(6)

aux heures supplémentaires ou complémentaires (3) (62 %) et au recours à la polyvalence (48 %). Toutefois, cette dernière pratique est rarement utilisée à titre principal (11 %). Inversement, la modulation/annualisation du temps de travail est utilisée dans 27 % des cas mais rarement de manière occasionnelle (10 %). Enfi n, les échanges de salariés entre employeurs et le déstockage sont des pratiques qui restent marginales.

En cas de creux d’activité, les établissements ne renouvellent pas leurs salariés en CDD (45 %), font moins appel aux intérimaires (42 %) et aux heures supplémentaires et complémentaires (44 %).

Le recours à la polyvalence (26 %) et l’envoi de salariés en formation (24 %) sont également utilisés surtout de manière occasionnelle. En revanche, le passage de salariés à temps partiel (5 %) ou le recours au chômage partiel (6 %) sont faiblement utilisés.

Symétrie et asymétrie de l’utilisation des modes de fl exibilité

D’après les déclarations des chefs d’entreprise, le recours aux modes de fl exibilité à la hausse et à la baisse est plutôt asymétrique. C’est notamment le cas pour le recours aux contrats à durée indéter-minée (CDI), le stockage/déstockage et la variation de la durée d’utilisation des équipements (DUE) ou de la durée d’ouverture (cf. graphique 2). Seuls 10 % des établissements qui déclarent utiliser prin-cipalement ou occasionnellement les CDI utilisent ce mode de fl exibilité pour faire face aussi bien aux pics qu’aux creux d’activité. Alors que 82 % d’entre eux utilisent exclusivement cet outil en cas de pics d’activité. Ces pourcentages sont respectivement de 6 % et 66 % pour le recours au stockage/déstockage et de 33 % et 28 % pour la variation de la DUE.

En revanche, le dispositif de modulation/annua-lisation est le dispositif dont l’utimodulation/annua-lisation est la plus symétrique à la hausse et à la baisse. Près de 72 % des établissements qui utilisent ce dispositif, le font aussi bien pour faire face aux creux et aux pics d’activité. Notons que ce pourcentage est de plus de 56 % pour les contrats à durée déterminée et l’in-térim. Ainsi, le recours à ces deux modes de fl exibi-lité est plutôt symétrique.

Comment expliquer ces différences ? On constate que les modes de fl exibilité les plus asymétriques sont également ceux dont les coûts d’ajustement sont les plus élevés. Se défaire d’un salarié en CDI implique des coûts de licenciement importants. De même modifi er régulièrement la durée d’utilisation

des équipements (DUE) génère des coûts de réor-ganisation des équipes de production et de gestion des plannings. En revanche, ne pas reconduire le contrat d’un salarié en intérim ou en CDD n’est pas très coûteux. Ainsi, il apparaît que les entreprises utilisent simultanément plusieurs modes de fl exi-bilité mais pas tous de manière symétrique. En cas de pic d’activité, elles vont par exemple embaucher simultanément des salariés en CDD et en CDI. Puis lors du retournement de l’activité, elles ne réduisent que le recours aux salariés en CDD et conservent ceux en CDI mais elles vont limiter une partie des heures supplémentaires réalisées structurellement. Cette stratégie permet à l’entreprise de minimiser globalement ses coûts d’ajustement. L’analyse à composantes multiples et la classifi cation ascen-dante hiérarchique proposées dans le point suivant permettent de préciser le lien entre ces différentes formes de fl exibilité.

Typologie des stratégies de fl exibilité

La classifi cation ascendante hiérarchique (CAH) peut être utilisée pour dégager une typologie de groupes d’entreprises qui représente correctement la diversité des stratégies des entreprises (4). Les résultats obtenus à l’aide de cette méthode souli-gnent que la typologie standard distinguant fl exibi-lité interne/externe et fl exibiexibi-lité qualitative/quanti-tative ne semble pas être validée par les données. Les entreprises se singularisent davantage dans leur stratégie de fl exibilité par le nombre de modes de fl exibilité utilisé (cf. tableau 1).

Dans un premier temps, en s’appuyant sur la typo-logie standard distinguant fl exibilité interne/externe et fl exibilité qualitative/quantitative, les variables « actives » de la CAH retenues portent sur la nature des pratiques fl exibles utilisées à titre principal ou occasionnel (recours aux CDD, aux heures supplé-mentaires, à l’intérim, à la modulation/annualisation du temps de travail, à la polyvalence, aux CDI et à la gestion des stocks).

Les caractéristiques supplémentaires de la CAH portent sur la taille et le secteur d’activité ; l’am-pleur, la saisonnalité et la prévisibilité des fl uc-tuations d’activité ; la composition de la main-d’œuvre ; le salaire moyen et la situation à l’égard des 35 heures.

Cette première étape fournit des résultats peu satisfaisants. Aucun regroupement ne permet d’iden-tifi er de manière robuste des stratégies de fl exibi-lité corrélées aux caractéristiques structurelles de l’entreprise (taille, secteur, main-d’œuvre) ou aux

(3) Les heures complémentaires correspondent pour les salariés à temps partiel aux heures réalisées au-delà de la durée spécifi ée dans leur contrat de travail.

(4) Cette méthode délimite les classes d’entreprises les plus homogènes au regard d’un critère de distance. Le critère du χ2 s’applique au tableau disjonctif complet, formé des indicatrices correspondant aux stratégies de fl exibilité adoptées par les 3 650 établissements de l’échantillon qui connaissent des fl uctuations d’activité. La méthode de Ward qui est retenue revient à regrouper à chaque étape (« nœud ») les classes qui minimisent l’inertie intraclasse (SAPORTA, 1990).

(7)

Tableau 1

Description des classes d’établissements à l’aide de la classifi cation ascendante hiérarchique

Classes Caractéristiques actives Caractéristiques supplémentaires

Classe 1 : (22 %) Non fl exibles

• aucune pratique de fl exibilité, • pas de recours aux CDI, • pas d’heures supplémentaires, • pas d’intérim,

• pas de CDD, • pas de polyvalence, • pas de modulation.

• établissements de petite taille,

• main-d’œuvre ouvrière (plus de 50 %) et pas secteur indus-triel,

• salaire horaire moyen faible,

• fl uctuations d’activité de faible ampleur, • fl uctuations non saisonnières et imprévisibles, • pas de RTT.

Classe 2 : (18 %) Mono-fl exibles

• peu de pratiques fl exibles, • pas d’intérim,

• CDD utilisé de manière intense, • utilisation CDI,

• pas de polyvalence, • pas de modulation.

• établissements de petite taille ou de très grande taille, • main-d’œuvre pas ouvrière,

• fl uctuations saisonnières,

• fl uctuations d’activité de faible ampleur, • salaire horaire moyen faible,

• pas RTT.

Classe 3 : (15 %) Peu-fl exibles

• peu de pratiques fl exibles, • pas d’intérim,

• utilisation très intense des heures supplémen-taires (HS),

• pas de polyvalence, • pas de modulation.

• établissements de très grande taille, • main-d’œuvre ouvrière et secteur industriel, • salaire horaire moyen plutôt faible,

• fl uctuations peu saisonnières et peu prévisibles, • fl uctuations non liées aux variations de part de marché, • RTT.

Classe 4 : (10 %) Classiques

• utilisation moyenne de l’intérim, • utilisation moyenne des HS, • pas de polyvalence.

• établissements de grande taille, • salaire horaire moyen très élevé, • main-d’œuvre non ouvrière, • fl uctuations prévisibles, • RTT.

Classe 5 : (11 %) Moduleurs non-polyvalents

• utilisation intense de l’intérim,

• nombre de pratiques fl exibles très important, • utilisation intense des HS,

• pas de polyvalence, • modulation.

• établissements plutôt de grande taille,

• secteur industriel et main-d’œuvre très ouvrière, • salaire horaire moyen plutôt élevé,

• fl uctuations de forte ampleur,

• fl uctuations saisonnières et prévisibles, • RTT.

Classe 6 : (12 %) Multifl exibles

• nombre de pratiques fl exibles important, • utilisation du CDI,

• utilisation moyenne des HS, • utilisation moyenne des CDD.

• établissements de taille moyenne, • salaire horaire moyen très élevé,

• fl uctuations liées aux variations de parts de marché, • fl uctuations saisonnières d’ampleur moyenne, • RTT.

Classe 7 : (11 %) Moduleurs-poly-valents

• nombre de pratiques fl exibles très important, • pas de HS,

• utilisation intense de l’intérim, • polyvalence,

• modulation.

• établissements de grande taille,

• main-d’œuvre ouvrière et secteur industriel, • salaire horaire moyen plutôt élevé, • fl uctuations de forte ampleur, • fl uctuations prévisibles,

• fl uctuations liées aux variations de parts de marché, • RTT.

(8)

caractéristiques de la demande (ampleur, saisonna-lité, prévisibilité et causes des fl uctuations). D’après les résultats obtenus, l’ampleur, la saisonnalité et la prévisibilité des fl uctuations d’activité n’expliquent pas, comme le supposent certains modèles théori-ques, l’arbitrage entre fl exibilité interne et externe.

Les regroupements obtenus permettent d’iden-tifi er uniquement des entreprises fortement utili-satrices de modes de fl exibilité et des entreprises qui mobilisent peu ou pas ces modes de fl exibi-lité. D’après ces estimations, il semble exister une complémentarité et une simultanéité de l’utilisation des pratiques fl exibles mais peu de substitution.

Dans un second temps, les variables actives portent sur le nombre de pratiques fl exibles utili-sées simultanément par les entreprises et sur l’in-tensité d’utilisation de ces pratiques. À nouveau, les résultats obtenus ne permettent pas d’identifi er des groupes d’entreprises utilisateurs de fl exibilité interne/externe ou de fl exibilité qualitative/quanti-tative. Seule l’intensité d’utilisation détermine les catégories d’entreprises.

Ainsi, à l’exception du recours aux CDD et aux intérimaires, les effets de substitution entre modes de fl exibilité sont marginaux. La classifi cation ascendante hiérarchique (CAH) permet fi nalement d’identifi er 7 groupes d’établissements : les « Non fl exibles », les « Mono-fl exibles », les « Peu-fl exi-bles », les « Classiques », les « Multifl exiexi-bles », les « Moduleurs non polyvalents » et les « Moduleurs polyvalents ».

Dans cette analyse descriptive, les caractéris-tiques des fl uctuations d’activité, la taille et l’ap-partenance sectorielle de l’entreprise expliquent simultanément la probabilité de recourir aux diffé-rents modes de fl exibilité, notamment aux heures supplémentaires, à l’intérim et aux contrats à durée déterminée ainsi que la probabilité d’être passé à 35 heures et de relever d’un accord de modulation du temps de travail.

Les établissements « Non-fl exibles » et « Mono-fl exibles » représentent 40 % de l’échantillon. Ils sont de petites tailles et subissent des fl uctuations d’ac-tivité de faible ampleur. Très peu d’entre eux sont passés à 35 heures. Enfi n, ils relèvent très rarement d’un dispositif de modulation du temps de travail.

Les « Moduleurs polyvalents » et les « Moduleurs non polyvalents » qui représentent plus de 20 % de l’échantillon sont des établissements plutôt de grande taille, appartenant au secteur industriel et dont plus de 50 % de la main-d’œuvre sont des ouvriers.

Le salaire horaire moyen est plutôt élevé. Ces établissements font face à des fl uctuations de forte ampleur, saisonnières et prévisibles. Ces deux caté-gories d’établissement sont passées nettement plus souvent que les autres aux 35 heures. Jusqu’en

1998, peu d’entreprises relevaient d’un dispositif de modulation du temps de travail. Les lois Robien et Aubry ont relancé la diffusion de ce dispositif en proposant aux salariés une contrepartie à cette fl exi-bilisation des horaires de travail : une baisse impor-tante de leur durée de travail. Ce point est davantage développé dans la section 3 de l’article.

Les « Multifl exibles », représentent 12 % de l’échantillon. Ces établissements utilisent un grand nombre de modes de fl exibilité internes et externes mais pas la modulation du temps de travail. Ce dispositif est sans doute mal adapté à ces établis-sements dont les fl uctuations ne se caractérisent ni par une forte saisonnalité ni par une forte prévisibi-lité. Ces établissements passés plus fréquemment à 35 heures utilisent largement les heures supplémen-taires et les CDD.

Enfi n, les 26 % d’établissements restants se répartissent parmi les « Peu-fl exibles » et les « Classiques ». Ils sont confrontés à des fl uctuations peu ou pas saisonnières et peu ou pas prévisibles et utilisent principalement les heures supplémentaires. Ces établissements de grande taille, voire de très grande taille sont passés plus souvent à 35 heures. Pour ces entreprises, ce choix ne résulte pas d’une stratégie de fl exibilité mais d’une nécessité d’être en conformité à l’égard de la baisse de la durée légale du travail.

A

nalyse du nombre de modes

de fl exibilité utilisé

La classifi cation ascendante hiérarchique (CAH) précédente suggère que les entreprises se distinguent non pas en fonction d’un arbitrage entre fl exibilité interne et externe mais davantage par le nombre de modes de fl exibilité utilisé. C’est pourquoi pour compléter ces résultats, une analyse toutes choses

égales par ailleurs reposant sur des modèles

écono-métriques de choix discrets est proposée dans cette section. Ces modélisations permettent d’identifi er tout d’abord l’impact des caractéristiques de l’éta-blissement sur le nombre de modes de fl exibilité utilisé. Puis, l’impact du passage à 35 heures et de la situation à l’égard de la modulation/annualisation, qui jouent un rôle central dans la CAH, est étudié (cf. encadré 2).

Parmi ces modes de fl exibilité utilisés à titre prin-cipal, on inclut les CDD, les heures supplémentaires ou l’intérim mais également la variation des stocks ou de la durée d’ouverture, la polyvalence, l’instau-ration de la sous-traitance. Les modes de fl exibilité plus marginaux (mise en préretraite, décalage des dates des vacances, échanges de salariés ou envoi de salariés en formation), ne sont introduits que dans l’analyse des modes de fl exibilité utilisés à titre principal ou occasionnel.

(9)

Encadré 2

Méthodologie d’estimation

L’analyse économétrique proposée permet d’identifi er toutes choses égales par ailleurs les déterminants de l’ampleur des modes de fl exibilité utilisés. Deux modélisations sur données qualitatives sont successivement propo-sées. Elles reposent sur des hypothèses différentes (THOMAS, 2000). Le modèle Logit polytomique ne tient pas

compte du caractère ordonné du nombre de modes de fl exibilité utilisé. Il repose sur l’hypothèse d’indépendance aux alternatives non pertinentes. Le modèle Probit ordonné permet de compléter ce premier modèle.

Modèle 1 : LOGIT polytomique

Le modèle Logit polytomique (ou multivarié) est une extension du modèle Logit (bivarié) standard utilisé pour traiter des choix discrets. Il permet d’analyser la décision d’une entreprise faisant face à un nombre de choix importants. Soit Uij la situation de l’entreprise affectant le choix j pour j = 1,..., J. La situation de l’agent est déter-miné par des caractéristiques observables (secteur d’activité, taille...) notées Xi et par des caractéristiques inob-servables (ambiance dans l’entreprise, type de management, relation entre la direction et les salariés) notées εij.

On a :

Uij = βXi +εij

L’individu est supposé sélectionner le choix organisationnel j qui lui procure le niveau d’utilité le plus élevé. Ainsi la probabilité de choisir j s’écrit :

Pi (j) = Pr ( Uij≥ Uik, ∀k = 1, ..., ji, k ≠ j) Si le terme d’erreur suit une loi de type 1, cette probabilité s’écrit :

Pi (j) = j = 0, ..., 5

Ce modèle repose sur l’hypothèse d’indépendance aux alternatives non pertinentes. L’arbitrage entre deux types de choix est supposé ne pas être infl uencé par les autres choix disponibles. D’après l’expression (1), le ratio

entre deux probabilités P (j) et P (k) ne dépend que des variables explicatives associées à ces deux choix. Il n’est pas infl uencé par la présence ou les caractéristiques des autres choix.

Modèle 2 : PROBIT ordonné

Le caractère ordonné du nombre de pratiques fl exibles utilisées peut également être pris en compte à l’aide du modèle Probit ordonné. Il permet en outre de tenir compte de l’interdépendance pouvant exister entre chaque choix. L’hypothèse d’indépendance aux alternatives non pertinentes

Soit NP* une variable latente non-observée qui refl ète la situation de l’agent selon le nombre de pratiques fl exibles mobilisées. On a :

NPi* =βXi + vi

On observe uniquement le nombre de pratiques fl exibles réellement utilisées (NPj avec j le nombre de cas retenu, j = 0... 4. On pose : NP0 = 1 si −∞ < NP* < a1 NP0=0 sinon NP1 = 1 si a1 < NP* < a2 NP1=0 sinon NP2 = 1 si a2 < NP* < a3 NP2=0 sinon NP3 = 1 si a3 < NP* < a4 NP3=0 sinon NP4 = 1 si a4 < NP* <−∞ NP4=0 sinon

Les paramètres a1 à a4 sont inconnus. On estime alors simultanément les coeffi cients β et aj à l’aide de la

méthode du maximum de vraisemblance (Thomas, 2000). exp β(Xi)

(10)

Trois types de variables explicatives sont intro-duits pour déterminer le nombre de modes de fl exibilité utilisé par les établissements : les carac-téristiques de la demande (ampleur et prévisibilité des fl uctuations), les caractéristiques de la main-d’œuvre (part des cadres et des salariés à temps partiel dans l’effectif total, évolution du salaire et des effectifs), la nature de l’établissement (taille et secteur d’activité). Présentons l’impact de chacun de ces types de variables.

La nature de l’établissement

L’analyse des statistiques descriptives révèle l’existence de différences importantes concernant le nombre de modes fl exibilité mobilisé pour faire face aux fl uctuations d’activité selon la taille et le secteur d’activité. Les grands établissements ont tendance à utiliser davantage de modes de fl exibi-lité à titre principal ou occasionnel que les autres. Si globalement, 17 % des établissements n’utilisent aucun mode de fl exibilité à titre principal, ils sont 8 % dans ce cas pour celles de plus de 500 salariés contre 38 % pour celles de moins de 20 salariés.

En outre, face aux variations d’activité, plus d’un établissement de plus de 500 salariés sur deux mobilise successivement ou simultanément au moins dix modes de fl exibilité différents. Alors qu’une entreprise sur cinq de moins de 50 salariés utilise au plus un seul mode de fl exibilité. Notons toutefois que dans les petits établissements, les pratiques fl exibles sont sans doute plus informelles.

Les grands établissements privilégient certaines pratiques fl exibles pour faire face aux fl uctuations d’activité aussi bien à titre principal qu’occasion-nellement. C’est notamment le cas pour les CDD, l’intérim et la modulation. Le recours aux CDD est de 81 % pour les établissements de plus de 20 salariés contre 59 % pour les autres.

De même, les salariés intérimaires sont plus rarement contactés par les établissements de moins de 20 salariés (34 % contre 72 % pour les autres). Enfi n, la modulation/annualisation est mise en place près de trois fois plus souvent par les établissements de plus de 100 salariés que par ceux de moins de 20 salariés (30 % contre 12 %).

Les pratiques moins courantes de fl exibilité sont utilisées très majoritairement par les établissements de grande taille (plus 500 salariés). Le recours au chômage partiel est ainsi utilisé par 7 % d’entre eux contre 2 % pour les établissements de moins de 20 salariés. Ces chiffres sont respectivement de 19 % et 4 % pour l’échange de salariés entre employeurs, de 30 % et 10 % pour l’envoi de salariés en formation, de 44 % et 12 % pour la mise en place d’équipes ponctuelles, de 25 % et 1 % pour la mise en prére-traite.

L’analyse sectorielle révèle que les établissements du secteur industriel et la construction mobilisent

dans plus de 50 % des cas au moins trois pratiques fl exibles à titre principal et plus de 55 % d’entre elles utilisent à titre principal ou occasionnel plus de 8 pratiques fl exibles (ces pourcentages sont même de 60 % et 59 % dans l’industrie automobile).

Un recours très fréquent aux intérimaires, à la poly-valence, à la variation des stocks et à la modulation explique ces différences. Dans ces deux secteurs, un établissement sur deux utilise des salariés en intérim contre moins d’un sur cinq dans les autres secteurs. Ils recourent à la polyvalence et à la variation des stocks à titre principal dans respectivement 21 % et 7 % contre 8 % et 0 % dans les autres secteurs. Enfi n, 29 % d’entre eux utilisent la modulation pour faire face aux fl uctuations d’activité contre 13 % pour les autres secteurs.

L’infl uence de la nature de l’établissement sur le nombre de pratiques fl exibles est confi rmée par l’analyse « toutes choses égales par ailleurs ». Les coeffi cients associés aux établissements de grande taille ou appartenant au secteur industriel sont signifi catifs et affectent positivement le nombre de pratiques fl exibles utilisé aussi bien à titre principal qu’occasionnellement (cf. tableaux 2 et 3).

Les caractéristiques de la main-d’œuvre

En s’appuyant sur l’enquête « Réponse »portant sur l’année 1997, COUTROT (2000) met en évidence

que les caractéristiques de la main-d’œuvre affec-tent signifi cativement les pratiques fl exibles des entreprises notamment leur recours aux CDD et aux intérimaires. Une forte proportion de cadres et de professions intermédiaires dans l’entreprise affecte négativement le recours aux contrats temporaires. De même, une hausse de leurs effectifs affecte signi-fi cativement l’utilisation de ces types d’emploi. En revanche, selon cette étude, la présence de représen-tants des salariés n’est pas signifi cative.

Les résultats obtenus à l’aide de l’enquête ACEMO Flexibilité confi rment et complètent l’ana-lyse de COUTROT (2000). Dans les établissements

dont l’effectif est composé de plus de 10 % de cadres, le nombre de pratiques fl exibles utilisées est sensiblement plus faible. Le capital humain spéci-fi que associé à cette main-d’œuvre qualispéci-fi ée peut expliquer cette situation. Ces salariés sont moins substituables à des travailleurs extérieurs à l’éta-blissement. C’est pourquoi une forte proportion de cadres affecte négativement la probabilité de recourir aux emplois temporaires (cf. tableau A1 en annexe). Par ailleurs, la majoration salariale versée aux salariés qui effectuent des heures supplémen-taires est proportionnelle à la rémunération de base des salariés. Le fi nancement des heures supplémen-taires est donc plus coûteux pour les cadres dont la rémunération est en moyenne plus élevée. De plus, cette catégorie de salariés dont la « logique de

(11)

Tableau 2

Probit ordonné et Logit multinomial du nombre de modes de fl exibilité utilisés à titre principal

Probit ordonné

Logit multinomial (réf. 0) 1 2 3 et plus Caractéristiques des fl uctuations

Fluctuations d’activité peu importantes (fl uc3) -0,415 (0,038***) -0,597 (0,093***) -0,740 (0,126***) -1,192 (0,112***) Fluctuations d’activité non prévisibles (fl uprev3) -0,036

(0,042) -0,125 (0,098) -0,063 (0,137) -0,122 (0,119) Fluctuations d’activité largement saisonnières (fl usais1) 0,293

(0,045***) 0,409 (0,116***) 0,659 (0,152***) 0,854 (0,135***) Fluctuations liées à une variation de la demande (causes1) 0,003

(0,043) -0,011 (0,104) 0,066 (0,145) 0,009 (0,127) Fluctuations liées à une variation des parts de marché (causes2) 0,208

(0,042***) 0,427 (0,111***) 0,631 (0,145***) 0,620 (0,130***) Caractéristiques de la main-d’œuvre % de cadres (tcad) -0,543 (0,129***) -0,197 (0,308***) -0,993 (0,492**) -1,715 (0,428***) Part des salariés à temps partiel dans l’effectif total (txtp) -0,691

(0,300***) -2,009 (0,871***) -1,934 (0,973*) -1,823 (0,940*) Part au carré des salariés à temps partiel dans l’effectif total (txtp2) 0,762

(0,374**) 2,187 (0,871) 2,276 (1,162***) 1,641 (1,251) Salaire moyen dans l’entreprise (wage) 0,177

(0,055***) 0,0351 (0,130) 0,302 (0,190) 0,529 (0,171***) Évolution de l’effectif salarié à la hausse ces trois dernières années

(veff1) 0,282 (0,038***) 0,825 (0,091****) 0,960 (0,128***) 0,817 (0,111***) Nature de l’établissement

Secteur industrie et énergie (secteur1) 0,344 (0,052***) -0,225 (0,128*) 0,520 (0,182***) 0,861 (0,158***) Secteur de la construction (secteur2) 0,235

(0,075***) 0,049 (0,181) 0,558 (0,262***) 0,697 (0,230***) Secteur commerce et réparation (secteur3) -0,078

(0,055) -0,434 (0,126***) -0,041 (0,196) -0,222 (0,181)

Secteur des transports (secteur4) 0,091

(0,081) -0,001 (0,215) 0,375 (0,290) 0,365 (0,264)

Secteur des services (secteur5) Ref. Ref. Ref. Ref.

Effectif de l’entreprise [10-20 [salariés (taille1) -0,694 (0,061***) -1,075 (0,155***) -1,517 (0,221***) -2,023 (0,196***) Effectif de l’entreprise [20-50 [salariés (taille2) -0,554

(0,060***) -0,891 (0,157***) -1,012 (0,209***) -1,689 (0,189***) Effectif de l’entreprise [50-500 [salariés (taille3) -0,183

(0,050***) -0,520 (0,143***) -0,361 (0,180***) -0,641 (0,155***) Effectif de l’entreprise [500 et plus [salariés (taille4) Ref. Ref. Ref. Ref.

Paramètres (voir encadré 2)

a1 -0,649 (0,142***) - - -a2 0,600 (0,143***) - - -a3 0,991 (0,143***) - - -Constante - 1,281 (0,349***) -1,070 (0,500**) -0,389 (0,437)

Nb. obs. 3 650 pseudo-R2 = 0,100 et 0,094 Wald test = 867,4*** et 692,5***

Sources : Enquête ACEMO Flexibilité (estimation réalisée à l’aide du logiciel STATA7.) *** signifi catif au seuil de 1 %, ** de 5 % et * de 10 %.

Lecture :

Le modèle PROBIT ordonné permet de vérifi er l’impact de variables explicatives sur la probabilité d’opter pour un nombre important de modes de fl exibilité. Cette méthodologie d’estimation est proche de celles des moindres carrés ordinaires mais permet de tenir compte du caractère discret de la variable étudiée. Par exemple, -0,415 correspond au coeffi cient associé au fait d’être un établissement faisant face à des fl uctuations d’activité peu importantes.

Le modèle LOGIT multinomial permet d’étudier l’impact des variables explicatives sur la probabilité d’opter pour un nombre donné de modes de fl exi-bilité. La situation de référence est de recourir à aucun mode de fl exibilité pour faire face aux fl uctuations d’activité de court terme.

(12)

Tableau 3

Probit ordonné et Logit multinomial du nombre de modes de fl exibilité utilisés à titre principal et/ou occasionnel

Probit ordonné

Logit multinomial (réf. [0,2])

[3,5] [6,8] [9,11] 12 et plus Caractéristiques des fl uctuations

Fluctuations d’activité peu importantes (fl uc3) -0,271 (-0,037***) -0,302 (0,106***) -0,447 (0,110***) -0,672 (0,126***) -0,881 (0,131***) Fluctuations d’activité ne sont pas prévisibles (fl uprev3) -0,070

(-0,040) -0,223 (0,112**) -0,332 (0,121***) -0,091 (0,137) -0,332 (0,142***) Fluctuations d’activité largement saisonnières (fl usais1) 0,038

(0,044) 0,218 (0,130*) 0,246 (0,136***) 0,397 (0,154***) 0,396 (0,159***) Cause des fl uctuations liées à une variation de la demande

(causes1) 0,042 (0,042) -0,016 (0,120) -0,004 (0,128) 0,071 (0,145) 0,052 (0,151) Cause des fl uctuations liées à une variation des parts de marché

(causes2) 0,175 (0,041***) 0,354 (0,128***) 0,468 (0,134***) 0,665 (0,146***) 0,483 (0,150***) Caractéristiques de la main-d’œuvre % de cadres (tcad) -0,487 (0,132***) -0,937 (0,364***) -0,813 (0,375**) -1,398 (0,454***) -3,238 (0,496***) Part des salariés à temps partiel dans l’effectif total (txtp) 0,054

(0,104) 0,086 (0,261) 0,393 (0,298) -0,046 (0,359) -2,129 (0,435***) Salaire moyen dans l’entreprise (wage) 0,256

(0,055***) 0,433 (0,149***) 0,497 (0,156***) 0,695 (0,186***) -0,807 (0,205***) Évolution de l’effectif salarié à la hausse ces trois dernières

années (veff1) 0,159 (0,036***) 0,460 (0,103***) 0,617 (0,109***) 0,607 (0,125***) 0,530 (0,128***) Nature de l’établissement

Secteur industrie et énergie (secteur1) 0,509 (0,051***) 0,343 (0,143***) 0,758 (0,155***) 0,990 (0,175***) 1,703 (0,194***) Secteur de la construction (secteur2) 0,494

(0,072***) 0,600 (0,206***) 0,938 (0,224***) 0,998 (0,261***) 1,847 (0,270***) Secteur commerce et réparation (secteur3) 0,080

(0,054) 0,024 (0,140) 0,137 (0,157) 0,122 (0,192) 0,362 (0,222) Secteur des transports (secteur4) 0,198

(0,081***) 0,264 (0,244) 0,578 (0,257***) 0,429 (0,302) 0,762 (0,329**)

Secteur des services (secteur5) Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

Effectif de l’entreprise [10-20 [salariés (taille1) -0,929 (0,061***) -1,027 (0,186***) -1,700 (0,194***) -2,135 (0,229***) -3,238 (0,271***) Effectif de l’entreprise [20-50 [salariés (taille2) -0,678

(0,059***) -0,579 (0,189***) -1,343 (0,196***) -1,567 (0,220***) -2,129 (0,229***) Effectif de l’entreprise [50-500 [salariés (taille3) -0,244

(0,049***) -0,287 (0,180) -0,540 (0,179***) -0,627 (0,192***) -0,807 (0,188***) Effectif de l’entreprise [500 et plus [salariés (taille4) Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

Paramètres (cf. encadré 2) a1 -0,661 (0,142***) - - - -a2 0,249 (0,141***) - - - -a3 0,942 (0,142***) - - - -a4 1 493 (0,143***) - - - -Constante - -0,051 (0,200) -0,273 (0,400) -1,141 (0,480***) -1,490 (0,525***)

Nb. obs. 3 650 pseudo-R2 = 0,073 et 0,079 Wald test = 823,7*** et 684,7***

Sources : Enquête ACEMO Flexibilité (estimation réalisée à l’aide du logiciel STATA7). *** signifi catif au seuil de 1 %, ** de 5 % et * de 10 %.

Lecture :

Le modèle PROBIT ordonné permet de vérifi er l’impact de variables explicatives sur la probabilité d’opter pour un nombre important de modes de fl exi-bilité. Cette méthodologie d’estimation est proche de celles des moindres carrés ordinaires mais permet de tenir compte du caractère discret de la variable étudiée. Par exemple, -0,271 correspond au coeffi cient associé au fait d’être un établissement faisant face à des fl uctuations d’activité peu importantes. Le modèle LOGIT multinomial permet d’étudier l’impact des variables explicatives sur la probabilité d’opter pour un nombre donné de modes de fl exibilité. La situation de référence est de recourir à deux modes et moins de fl exibilité pour faire face aux fl uctuations d’activité de court terme.

Ainsi, les établissements dont les salariés à temps partiel occupent une part importante dans l’effectif total font signifi cativement moins appel aux autres modes de fl exibilité. Le calcul des effets marginaux associés aux variables txtp et txtp2 souligne que, plus la part des salariés à temps partiel est forte, plus la probabilité de recourir à aucun mode de fl exibilité est importante.

Enfi n, les établissements les plus dynamiques, i. e. pour lesquels l’effectif salarié a été en hausse au cours des trois dernières années, ont davantage recours aux modes de fl exibilité. L’effet sur la probabilité de recourir fréquemment aux modes de fl exibilité bien que signifi catif est de faible ampleur (7 %).

(13)

niveau de déclaration des heures supplémentaires (IRIBARNE, 1989).

L’analyse toutes choses égales par ailleurs confi rme ce résultat. Elle souligne qu’une forte proportion de cadres affecte négativement et signi-fi cativement l’utilisation de pratiques fl exibles. Elle réduit de 12 % en moyenne la probabilité d’utiliser trois modes de fl exibilité et plus.

Le recours aux salariés à temps partiel constitue un outil de fl exibilité du temps de travail qui permet d’adapter le temps de travail aux fl uctuations d’ac-tivité.

Les éventuelles heures complémentaires réalisées par ces salariés et l’instauration de contrats à temps partiel annualisés permettent d’accroître d’autant plus la fl exibilité horaire (ULRICH, 2003). Une part

importante de ces salariés dans l’effectif total risque alors de modifi er l’utilisation des autres modes de fl exibilité.

Toutefois, les entreprises industrielles fortement utilisatrices de modes de fl exibilité utilisent relative-ment peu les salariés à temps partiel. En outre, plus des deux tiers des salariés à temps partiel sont des femmes. Or, elles sont sous-représentées dans l’in-dustrie. L’analyse toutes choses égales par ailleurs permet de tenir compte de ces effets de structure (cf.

tableaux 2 et 3).

Les caractéristiques de la demande

Les établissements confrontés à des fl uctuations d’activité importantes recourent à un nombre rela-tivement plus élevé de modes de fl exibilité. Près des deux tiers de ces établissements mobilisent au moins trois modes de fl exibilité à titre principal. Ce rapport est de un tiers pour les autres.

Plus les fl uctuations sont saisonnières et prévisi-bles, plus les établissements recourent à des modes de gestion fl exible pour s’adapter aux variations de la demande. Plus de 40 % des établissements qui font face à des fl uctuations saisonnières et/ou prévi-sibles mobilisent au moins trois modes de fl exibilité à titre principal contre 30 % pour les autres.

L’analyse économétrique confi rme le rôle discri-minant de ces variables (cf. tableaux 2 et 3). Toutefois, seule l’ampleur et la saisonnalité des fl tuations sont signifi catives, la prévisibilité des fl uc-tuations ne l’étant pas. Le calcul des effets margi-naux souligne que les établissements qui font face à des fl uctuations très importantes ont une probabilité 11 % supérieure aux autres d’utiliser au moins trois pratiques fl exibles à titre principal. Ce pourcentage

est de 6 % pour ceux qui connaissent des fl uctua-tions largement saisonnières.

Ainsi, comme pour la classifi cation ascendante hiérarchique, les variables caractérisant la demande de l’établissement ne permettent pas de différencier les pratiques internes et externes de fl exibilité mais infl uencent positivement l’intensité d’utilisation de ces pratiques.

L’infl uence des 35 heures

La période étudiée se caractérise par la diffu-sion dans l’économie de la réduction du temps de travail (5). Or, le passage à 35 heures souvent associé à la mise en œuvre effective d’un dispositif de modulation/annualisation du temps de travail introduit de nouvelles possibilités dans l’aménage-ment du temps de travail (ASKENAZY, 2003). Cette

section présente les effets de ces deux changements organisationnels sur le recours aux autres modes de fl exibilité.

La modulation et l’annualisation fortement utilisées

Les établissements qui ont signé des accords de réduction du temps de travail (loi Robien et Aubry 1 ou sans bénéfi cier des aides incitatives) ont, pour la majorité d’entre eux, simultanément réduit la durée hebdomadaire du travail de leurs salariés et modifi é leur organisation. La mise en œuvre du dispositif de modulation/annualisation du temps de travail constitue le changement organisationnel le plus caractéristique de ces établissements (BUNEL,

2003).

Ce dispositif repose sur la signature d’un accord de branche ou d’entreprise spécifi ant une durée hebdomadaire du travail plafond et une durée plancher, ainsi qu’un délai de prévenance minimum. Dans ce cadre négocié, l’employeur peut faire varier l’horaire collectif autour de la durée de réfé-rence (le plus souvent la durée légale du travail) sur une partie ou sur l’ensemble de l’année. Cette plus grande fl exibilité permet aux entreprises de moins payer d’heures supplémentaires et/ou de moins faire appel à des salariés en intérim ou à contrat à durée déterminée en cas de pics d’activité. En outre, pour les entreprises qui doivent faire face à des chutes de leur activité, elle offre la possibilité d’éviter l’instauration d’une procédure de chômage partiel coûteuse.

Dans l’enquête ACEMO Flexibilité, plus de 30 % des établissements à 35 heures déclarent relever d’un accord de modulation/annualisation contre

(5) Les lois Robien de juin 1996 et Aubry de juin 1998 proposent des incitations fi nancières aux entreprises qui réduisent de 10 % le temps de travail de leurs salariés et qui s’engagent à créer 10 % et 6 % de nouveaux emplois. En outre, en juin 1998, le gouvernement s’est engagé à modifi er la législation sur la durée légale du travail de 39 heures à 35 heures en janvier 2000 pour les entreprises de 20 salariés et plus et en janvier 2002 pour les autres. Toutefois pour ces dernières, le régime transitoire de paiement des heures supplémen-taires a été prolongé jusqu’en janvier 2004 permettant de rester à 39 heures pour celles qui le souhaitaient.

(14)

12 % pour ceux restés à 39 heures (6). Cet accord est mis en œuvre de manière effective par 28 % des établissements à 35 heures contre 5 % pour les autres (cf. tableau 4).

Lorsqu’il s’agit de faire face aux creux et aux pics d’activité, 24 % des établissements à 35 heures utilisent principalement ce mode de gestion des horaires et 36 % à titre principal ou occasionnel contre respectivement 8 % et 13 % pour ceux restés à 39 heures (7).

Pour les établissements à 39 heures, l’existence et l’utilisation effective d’un accord de modulation/ annualisation du temps de travail sont fortement infl uencées par la taille et le secteur d’activité. La très grande majorité de ces établissements sont de 50 salariés et plus et appartiennent au secteur indus-triel. En revanche, pour ceux à 35 heures, ces deux dimensions affectent peu le recours à la modulation (cf. tableau 4).

Faible impact sur les autres modes de fl exibilité

Le fait d’être un établissement à 35 heures et/ou de relever d’un dispositif de modulation du temps de travail affecte négativement la probabilité d’utiliser à titre principal ou occasionnel les heures supplé-mentaires, les salariés intérimaires ou les CDD. En revanche, ces changements organisationnels caractérisent davantage les établissements qui ont recours à la polyvalence (cf. tableau A2 en annexe). Toutefois, ces changements organisationnels se concentrent dans les établissements de grande taille appartenant au secteur industriel. L’analyse écono-métrique permet d’estimer l’effet propre de ces changements.

À l’instar de la section 2, la variable étudiée correspond au nombre de modes de fl exibilité mobilisés pour faire face aux fl uctuations d’acti-vité de court terme. Le tableau 5 présente les effets marginaux associés à la situation des établissements à l’égard des 35 heures (RTT) et du dispositif de modulation (Modul) sur cette variable.

Le fait d’être passé à 35 heures infl uence peu ou pas le nombre de modes de fl exibilité utilisés à titre principal. Les coeffi cients associés à la variable RTT ne sont pas signifi catifs. Plusieurs études monogra-phiques soulignent que les entreprises rencontrent des diffi cultés organisationnelles et culturelles à programmer précisément les périodes hautes et basses du dispositif de modulation (MASSON, PÉPIN,

2000 ; ALIS, SAULQUIN, 2001). Toutefois, ces

entre-prises ont tendance à mobiliser un peu moins de modes de fl exibilité à titre principal ou occasionnel. Être à 35 heures réduit la probabilité de recourir à 6 et plus modes de fl exibilité de 1 % à 2 %.

Relever d’un accord de modulation/annualisation du temps de travail affecte davantage le nombre de modes de fl exibilité utilisé. Ces établissements se concentrent parmi ceux qui utilisent une somme importante de modes de fl exibilité aussi bien à titre principal qu’à titre principal et/ou occasionnel.

Relever d’un accord de modulation du temps de travail accroît la probabilité de recourir à trois modes de fl exibilité et plus de 21 % et de 11 % la probabilité de recourir à plus de douze modes de fl exibilité à titre principal ou occasionnel.

L’introduction des variables croisant le fait d’être à 35 heures ou non et de relever d’un accord de modulation ou non permet de compléter l’analyse sur les déterminants du nombre de modes de fl

exi-(6) ULRICH (2002) obtient les mêmes proportions à l’aide de l’enquête Acémo annuelle.

(7) Cependant, l’existence d’un dispositif de modulation du temps de travail et l’annualisation ne sont pas des synonymes, la seconde pouvant exister sans la première. Le questionnaire de l’enquête ACEMO ne permet pas de contrôler totalement les confusions éven-tuelles des répondants entre ces deux situations.

Tableau 4

Existence et mise en œuvre effective de la modulation, par taille, secteur et situation à l’égard des 35 heures

Taille Secteur d’activité Moins de 50 salariés 50 salariés et plus Industrie et transport Services A 35 heures A 39 heures T otal A 35 heures A 39 heures T otal A 35 heures A 39 heures T otal A 35 heures A 39 heures T otal Accord de modulation/annualisation 31 % 3,5 % 13 % 31 % 19 % 27 % 36 % 22 % 27 % 27 % 4 % 17 % Mise en œuvre effective de l’accord

de modulation 28 % 2,5 % 11 % 29 % 6,5 % 23 % 33 % 7 % 22 % 25 % 3 % 15 %

(15)

bilité. Ce sont les établissements passés à 35 heures et relevant d’un accord de modulation du temps de travail qui recourent le plus à titre principal à un nombre important de modes de fl exibilité. Toutefois, la variable modulation est nettement plus discrimi-nante que la variable RTT.

Ainsi, le passage à 35 heures a permis de relancer la diffusion du dispositif de modulation du temps de travail. En obtenant une baisse importante de leur temps de travail effectif, les salariés ont plus souvent accepté l’introduction de variations dans leurs horaires de travail. Pour ces établissements qui correspondent aux classes « moduleurs poly-valentes » et « moduleurs non polypoly-valentes » de la classifi cation ascendante hiérarchique (CAH), la réduction du temps de travail a été un vecteur d’aug-mentation de fl exibilité horaire tout en maintenant le recours aux anciennes pratiques de fl exibilité. Pour les autres établissements passés à 35 heures, l’effet sur la nature et l’intensité des modes de fl exibilité utilisés est limité.

* * *

Cette étude sur les stratégies de fl exibilité adoptées par les établissements pour faire face aux fl uctua-tions de la demande de court terme montrent qu’ils utilisent simultanément et successivement un grand nombre de modes de fl exibilité mais pas toujours de manière symétrique. La palette de modes de fl exi-bilité utilisée dépend de la taille, du secteur et des caractéristiques des fl uctuations.

En outre, il n’existe pas d’arbitrage entre modes de fl exibilité interne et externe fondé sur leur effi -cacité relative et fonction de l’environnement et de la nature de l’établissement. Cette conception instrumentale de la gestion des ressources humaines développée dans les modèles théoriques existants est donc rejetée. Faut-il pour autant en conclure à l’absence d’arbitrage entre modes de fl exibilité et à un tâtonnement assez frustre des entreprises dans la gestion de leur fl exibilité ? Ou reste-t-il à inventer un modèle théorique plus complexe sur ce type de choix susceptible de supporter les résultats obtenus ? D’autres analyses devront être réalisées pour compléter ce débat.

Par ailleurs, la réduction du temps de travail a permis de diffuser dans les établissements déjà fortement utilisateurs de modes de fl exibilité le dispositif de modulation du temps de travail. Pour les autres établissements passés à 35 heures, il ne semble pas exister de changements organisationnels de grande ampleur.

Tableau 5

Effets marginaux de l’Impact de la situation des entreprises à l’égard des 35 heures et du dispositif de modulation/annualisation sur le nombre de modes de fl exibilité utilisés

RTT Modulation Avec RTT avec modulation Avec RTT sans modulation Sans RTT avec modulation (1) (2) (1) (2) (1) (2) (1) (2) (1) (2)

Nombre de modes de fl exibilité utilisés à titre principal

0 -0,009 -0,023 -0,159*** -0,147*** -0,157*** -0,148*** -0,008 -0,026 -0,145*** -0,147***

1 -0,003 0,027 -0,099*** -0,123*** -0,116*** -0,123*** -0,002 -0,036 -0,114*** -0,108***

2 0,003 -0,006 0,042*** 0,037*** 0,039*** 0,023*** 0,002 0,003 0,035*** 0,041***

3 et plus 0,008 0,003 0,215*** 0,232*** 0,234*** 0,248*** 0,007 0,008 0,224*** 0,214***

Nombre de modes de fl exibilité utilisés à titre principal ou occasionnel

[1,2] 0,028*** 0,008*** -0,100*** -0,091*** -0,079*** -0,063*** 0,030*** 0,001*** -0,092*** -0,116***

[3,5] 0,017*** 0,066*** -0,088*** -0,106*** -0,069*** -0,068*** 0,018*** 0,083*** -0,089*** -0,056***

[6,8] -0,008*** -0,024*** 0,014*** 0,001*** 0,012*** -0,013*** -0,009*** -0,027*** 0,008* 0,015***

[9,11] -0,015*** -0,027*** 0,059*** 0,076*** 0,047*** 0,044*** -0,016*** -0,021*** 0,055*** 0,089***

12 et plus -0,022*** -0,022*** 0,115*** 0,121*** 0,089*** 0,100*** -0,023*** -0,034*** 0,118*** 0,097*** Source : Enquête ACEMO Flexibilité 1999 (estimation réalisée à l’aide du logiciel STATA7).

*** signifi catif au seuil de 1 %, ** de 5 % et * de 1 %.

Les autres variables explicatives retenues dans ce modèle sont identiques à celles utilisées jusque-là. Catégorie de référence : sans RTT et sans modulation.

(16)

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(17)

Annexes

Statistiques descriptives

Tableau A1

Modes de fl exibilité utilisés selon la structure de la main-d’œuvre

CDD Intérim Heures sup. Polyvalence Total

Utilisation à titre principal

% de salariés à temps partiel – aucun – moins de 5 % – de 5 % à moins de 16 % – 6 % et plus 20 % 24 % 47 % 56 % 33 % 47 % 25 % 14 % 18 % 27 % 15 % 17 % 12 % 18 % 10 % 8 % 14 % 33 % 27 % 26 % % d’ouvriers – aucun – moins de 20 % – de 20 % à moins de 50 % – de 50 % et plus 39 % 50 % 52 % 24 % 22 % 18 % 18 % 46 % 18 % 20 % 12 % 25 % 11 % 7 % 7 % 18 % 17 % 19 % 22 % 42 % % de cadres – moins de 10 % – de 10 % et plus 39 % 37 % 34 % 26 % 21 % 18 % 14 % 10 % 55 % 45 % Total1 38 % 31 % 20 % 12 % 100 %

Utilisation à titre principal ou occasionnel

% de salariés à temps partiel – aucun – moins de 5 % – de 5 % à moins de 16 % – 16 % et plus 57 % 72 % 82 % 86 % 60 % 82 % 76 % 52 % 48 % 66 % 69 % 74 % 41 % 57 % 41 % 53 % 14 % 33 % 27 % 26 % % d’ouvriers – aucun – moins de 20 % – de 20 % à moins de 50 % – de 50 % et plus 80 % 87 % 87 % 65 % 65 % 74 % 62 % 72 % 50 % 73 % 78 % 64 % 51 % 42 % 50 % 52 % 17 % 19 % 22 % 42 % % de cadres – moins de 10 % – de 10 % et plus 73 % 81 % 63 % 76 % 68 % 64 % 53 % 46 % 55 % 45 % Total1 77 % 69 % 66 % 50 % 100 %

(1) Ces pourcentages diffèrent légèrement de ceux présentés dans le graphique 1 car ils reposent sur l’échantillon de l’enquête Acémo fl exibilité apparié aux enquêtes trimestrielles (encadré 1).

(18)

Tableau A2

Modes de fl exibilité utilisés selon la situation à l’égard des 35 heures et de la modulation/annualisation

CDD Intérim Heures sup. Polyvalence Total Utilisation à titre principal

À 39 heures À 35 heures (1)

Ne dispose pas d’un accord de modulation Disposant d’un accord de modulation (2) Mise en œuvre effective de la modulation (3) 35 heures et modulation (1) et (2)

35 heures et modulation effective (1) + (3)

34 % 40 % 34 % 46 % 40 % 40 % 41 % 28 % 32 % 28 % 36 % 41 % 40 % 40 % 19 % 21 % 19 % 22 % 26 % 26 % 27 % 12 % 13 % 10 % 18 % 20 % 21 % 21 % 36 % 64 % 71 % 29 % 24 % 23 % 22 % Total 37 % 31 % 20 % 13 % 100 %

Utilisation à titre principal ou occasionnel À 39 heures

À 35 heures (1)

Ne dispose pas d’un accord de modulation Disposant d’un accord de modulation (2) Mise en œuvre effective de la modulation (3) 35 heures et modulation (1) et (2)

35 heures et modulation effective (1) + (3)

68 % 80 % 74 % 80 % 78 % 78 % 79 % 63 % 72 % 64 % 81 % 80 % 79 % 80 % 63 % 68 % 64 % 70 % 67 % 67 % 68 % 43 % 53 % 50 % 50 % 56 % 55 % 55 % 36 % 64 % 71 % 29 % 24 % 23 % 22 % Total 76 % 69 % 66 % 50 % 100 %

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